Le deal à ne pas rater :
Google Pixel 7 5G – Smartphone 6,3″ OLED FHD+ 8 Go + 128 Go
316 €
Voir le deal

Partagez
 

 [Coupe des Nations - 2016] - Agilité

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

✞ Æther de la Mort ✞
◈ Parchemins usagés : 5272
◈ YinYanisé(e) le : 02/02/2012
Jun Taiji
Sam 08 Oct 2016, 21:11


Coupe des Nations 2016
Épreuve : Agilité


Comment avait-elle débuté son existence si ce n'était telle une moins que rien, sans titre et sans fortune ? Elle ignorait, jadis, être l'héritière d'une lignée prestigieuse. Sa mère le lui avait caché. Pour quelle raison ? Sans doute y en avait-il plusieurs. Elle avait finis par les comprendre mais, au final, est-ce que cela avait une quelconque importance aujourd'hui ? La vérité c'est que ce qu'elle avait gagné, ce qu'elle avait obtenu, elle ne l'avait jamais dû aux autres, elle ne l'avait jamais dû à sa naissance, mais bien à ce qu'elle avait su accomplir. Au commencement, elle était seule. Aucun domestique ne venait courber l'échine devant sa personne et elle vivait modestement, dans une petite maison du quartier résidentielle. Le temps avait passé, tellement que cette demeure était, à présent, au fond de l'océan, engloutie à jamais par les eaux. Elle avait su évoluer en ce monde par d'habiles manœuvres. Il ne suffit pas d'avoir une tête bien faite pour savoir tirer son épingle d'un jeu que beaucoup sous-estiment. Non, il faut bien plus que cela, une vivacité d'esprit, la capacité de s'adapter rapidement, d'agir avec adresse et précision. Celle qui était encore pour un temps incertain la Déesse de la Justice et de la Vie réfléchissait à cela, debout sur un balcon, à fixer le Monde. Elle trouvait que trop d'êtres insignifiants partaient du postulat qu'ils seraient un jour quelqu'un, brûlaient les étapes et oubliaient cet élément essentiel. N'importe quel homme pouvait être fort, il se devait avant tout d'être agile. Comment éviter une flèche qui s'abattrait sur lui ou déjouer un complot sans cette capacité à aller vite, à voir avant ses ennemis ? Réfléchir bien mais lentement était d'aucune utilité. Certes, plus que d'être dénué de cette capacité, mais tout de même. Quant à elle, avait-elle entrevu cette finalité, la victoire du Créateur sur ceux qui avaient gardé ce Monde jusqu'ici ? Personne ne le saurait. Elle sourit à la nuit, réfléchissant à une épreuve qui ferait en sorte de faire comprendre des valeurs essentielles à ceux qui la passeraient ; du moins, elle l'espérait pour eux.

Aussi, de sa puissance qui se tarirait bientôt, elle créa des possibles, organisa des scènes qui serviraient à l'épreuve qu'elle devait présider. L'intrigue serait à la fois simple et complexe, comme un rouage dans lequel pourrait s'enliser un candidat peu habile. Chacun des champions deviendraient le domestique d'une figure influente, un personnage inexistant mais dont la réalité ne ferait aucun doute durant l'épreuve. À son service en tant que majordome et conseiller, il devrait mener d'une main de maître tout le personnel d'une grande demeure. Œuvrant dans l'intérêt de son maître, l'épreuve se diviserait en deux nœuds bien distincts. L'une des intrigues serait tournée vers l'agilité à commander les autres domestiques tout en effectuant des tâches demandant une minutie particulière. L'autre le serait vers un champs plus sombre, semé de complots politiques et financiers et pouvant causer la perte du maître. Le seconder dans ses décisions, entrevoir les possibles avec une finesse et une rapidité sans faille, être capable de s'attirer des soutiens, tout ceci serait essentiel.

La jeune femme sourit lorsque le jour fut venu. Elle n'avait aucune envie de se retrouver face aux candidats et leur donna simplement rendez-vous dans l'Antre des Damnées, un piège magique les attendant afin de les plonger dans un monde chimérique. Elle avait commencé ainsi, en observant le Monde tourner, en écoutant les puissants discuter, en essayant d'élaborer mille stratégies et à comprendre les tenants et les aboutissants de chaque événement important. Au début, elle n'était rien. Elle était par la suite devenue Impératrice de la Nuit, Esprit de la Mort et Æther de la Justice et de la Vie. Peu importe d'où les êtres venaient, ce qui importait était de savoir tirer partie des situations se présentant à eux. Il fallait savoir construire un chemin menant à la destination à laquelle on voulait arriver. Ne s'était-elle pas trompée de sentier, elle-même ? Elle rit brièvement, songeant à l'avenir. Ce qui était le plus amusant c'est qu'elle avait bien trop vécu pour craindre encore quoi ou qui que ce soit. Elle admettait la supériorité d'un être, elle admettait pouvoir mourir, elle admettait pouvoir perdre, mais elle ne pouvait plus avoir peur d'affronter son Destin. La chose était bien dommage pour tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin car, peu importe la finalité, elle avait bien l'intention de faire ce qui lui plairait à l'avenir.

Consignes


Bonsoir ^^

Alors alors ^^ Cette épreuve est donc l'épreuve d'agilité. Concrètement, vous êtes le majordome (donc vous vous occupez de gérer le personnel d'une maison) et le conseiller/proche d'un homme influent ou d'une femme influente. Vous devez axer cette épreuve sur votre agilité, même si vos autres spécialités pourront également vous servir. Que cela soit pour faire des tâches dans la maison (vous pouvez aider les autres domestiques, les régir, montrer d'autres talents qu'aurait votre personnage et faisant appel à son agilité) ou pour conseiller votre "maître", l'agilité devra être prédominante. Je vous laisse assez libre sur ce que vous ferez. Sachez simplement qu'il y a pas mal de complots autour de la personne pour qui vous travaillez. C'est donc à vous d'être assez habile pour savoir les déjouer ou simplement les connaître et l'en informer. Vous pouvez user de vos talents à cette fin ^^ Montrez les capacités physiques et mentales de votre personnage en agilité dans la vie de la maison et/ou à l'extérieur de celle-ci s'il est envoyé dans une mission particulière. Cela peut être une scène de la vie de tous les jours, plusieurs scènes séparées dans le temps etc.

Vous êtes évalués sur :
→ La qualité de votre rp (orthographe, conjugaison, syntaxe etc)
→ Le respect de vos points de spécialité
→ Le respect de l'épreuve
→ L'originalité de vos écrits

Votre message devra faire 720 mots minimum et 1800 mots maximum. Vous avez jusqu'au jeudi 08 Décembre 2016, 23h59 pour poster (heure française). Vous n'avez aucune idée que Sympan a gagné.

Participants


Younes (Orines) - Oïlossë (Béluas) - Perséphone (Génies) - Pearl (Déchus) - Ethen (Humains) - Miles (Orishas) - Jingle (Elfes) - Layne (Alfars) - Louise (Élémentals) - Reddas (Vampires) - Neah (Anges) - Tomoe (Magiciens) - Brady (Réprouvés) - Jil (Démons) - Rose-Alysse (Faes).  

Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34795-jun-taiji#679068
Invité
Invité

avatar
Mar 22 Nov 2016, 00:34

La main de l'Orine passa sur son front. Cela faisait des années que Younes travaillait à Bouton d'Or et, pourtant, la chaleur qui venait brûler sa peau lui était toujours insupportable. L'homme planta sa faucille au sol d'un geste habitué puis se redressa pour contempler le ciel. À ses côtés, un Réprouvé sourit d'un air moqueur, imitant « l'étranger » avec un mouvement possédant bien plus de force et de vigueur. La terre ne pouvait résister à une telle puissance et la lame se planta dans l'asphalte comme dans du beurre.

- « On aura beau dire, boire avec nous ne t'enlèvera jamais ce côté femmelette qui te caractérise si bien. ».

Les boutades étaient fréquentes mais, quand bien même le ton aurait-il froissé n'importe qui, le Réprouvé avait une affection réelle pour ce gars venu de Maëlith et qui avait su braver le racisme ambiant pour s'intégrer là où bien d'autres auraient, depuis longtemps, abandonné.

- « Si t'étais une femme, j'aurai pu répondre à ton énigme. Mais si tu deviens mon Orine, ça va jaser à la taverne. T'façon, je ne sais même pas si on peut. Et puis, je préfère de loin une bonne paire de... ».

Il s'arrêta net lorsqu'il aperçut une douce et élégante silhouette non loin.

- « Ben ça... ».

Younes qui, en réalité, allait répondre quelque chose à son camarade un peu trop bavard, se redressa un peu plus, changeant la direction de son regard pour l'orienter vers la jeune femme qui souriait d'un air bienveillant. La différence de carrure entre les deux hommes était claire. L'un était grand et musclé, l'autre plus petit et menu. Bien entendu, Younes commençait à avoir quelques muscles mais ce n'était rien en comparaison des Réprouvés qui s'entraînaient dès leur plus jeune âge. Sa peau avait aussi foncé considérablement depuis qu'il vivait dans le village et travaillait aux champs. Loin était le jeune homme frêle et blanc qui était arrivé à Bouton d'Or un beau matin. Son peuple lui-même aurait sans doute peiné à le reconnaître comme tel. Pourtant, cette apparition délicate ne regardait pas la silhouette virile de son semblable. Elle le regardait lui. C'est à ce moment précis qu'il comprit que sa candidature avait été acceptée.

Une fois sur le lieu du rendez-vous, tout changea rapidement. L'esprit de Younes s'en retrouva embrouillé et perdu dans une symphonie de vaisselles, de nappes brodées et de sourires discrets pimentés de regards en coin. Si, au début, le maléfice rendit son estomac sensible, l'Orine fut bien vite plongé dans l'univers magique, habillé d'un costume trois pièces parfumé d'une pointe de verveine. Debout devant le portrait d'un homme portant un monocle, il fut un instant déboussolé par les yeux de ce dernier avant de se rappeler qu'il avait bien des choses à faire. Mener une maison n'était pas de tout repos, surtout en ce jour des plus importants. Ses vêtements le serrèrent légèrement au début, comme s'il n'avait jamais été habitué à porter ce genre de tenue, mais, bien vite, il retrouva une certaine aise.

- « N'oubliez pas le thé, Mathilde. » dit-il à une jeune femme, qui passait à ses côtés, comme s'il s'agissait d'une manie chez lui de vouloir absolument que tout soit parfait.

Il avait une mission particulière, donnée par son maître. Celui-ci recevait des invités et, tout en servant ces derniers durant le temps de la réunion, il devait essayer de deviner lesquels étaient des traîtres. Il n'était pas le plus habile des serviteurs mais, justement, il était rare qu'il soit remarqué et il pourrait sans doute déceler quelques éléments déterminants. Comment était-il parvenu à devenir majordome ? Ça, il n'en avait aucune idée. Sans doute la chance lui avait-elle souri. Néanmoins, il possédait une alliée de choix parmi le personnel de la maison, une femme qui réparait ses maladresses lorsqu'il en commettait et qui le soutenait.

Dans la pièce où la réunion se déroulait, il attendait, droit comme un i, à côté de la porte. Chaque fois que l'un des convives avait soif, il s'avançait afin d'aider les autres domestiques dans leur tâche. Parfois, lorsqu'il se disait des choses importantes ou déstabilisantes, sa main tremblait mais, fort heureusement, il réussissait plutôt bien à cacher ses faiblesses. Personne ne faisait jamais attention aux serviteurs, surtout en pleine conversation d'affaires. Cependant, il avait beau se concentrer, il n'arrivait en aucune manière à déceler quoi que ce soit chez les invités qui auraient pu trahir leurs vices. Ils parlaient tous d'un ton sérieux et leurs yeux jamais ne se détournaient de leur interlocuteur. Pourtant, il était certain que deux d'entre eux, au moins, faisaient du commerce avec un autre marchand influent et qu'ils vendaient des informations sur son maître. Le souci c'est que Younes n'arrivait pas à savoir qui. Sans doute y avait-il des signes évidents qu'il n'arrivait pas à déceler, trop lent ou bien plus focalisé sur d'autres éléments peu pertinents. Il réfléchissait à une manière de faire qui ne nécessiterait pas de froisser qui que ce soit par des questions trop franches. Cela lui prit le temps de la rencontre pour trouver, enfin, une idée qui pourrait mettre son maître sur la piste de ceux qui profitaient de la confiance qu'il leur accordait. Le majordome dut courir tout en évitant ses semblables, percutant une ou deux épaules dans son parcours sans pouvoir les éviter. La demeure était un véritable labyrinthe et le nombre de domestiques dépassait largement celui de ceux qui se faisaient servir. Il s'arrêta une seule fois afin d'ordonner à un garçon apprenti de retenir les invités dans les jardins.

Arrivé dans la serre, il trouva le jardinier et lui expliqua brièvement son plan. Celui-ci, d'une main de maître, lui apporta plusieurs pots dans lesquels reposait une plante. Puisque Younes aurait difficilement pu tout porter seul, il demanda son aide à son interlocuteur et arriva devant les convives après quelques centaines de mètres. Un sourire courtois apparut sur ses lèvres et d'un geste qu'il voulait précis et habile, il tendit à chacun des hommes et femmes d'affaires, une plante.

- « Mon maître aime beaucoup la nature et aimerait vous offrir ce présent avant que vous ne partiez. Il s'agit d'une fleur qui porte chance et qui représente la confiance mutuelle qui vous lie. ».

Plus tard, dans l'ombre d'un grand bureau ovale, Younes entra par la porte entrouverte. Son maître était là, fixant d'un œil expert les tableaux aux visages hideux et sournois qui le regardaient à leur tour. Il avait toujours aimé l'art, bien que ses goûts soient très particuliers.

- « Que signifie cette mascarade ? » demanda-t-il d'une voix posée et glaciale.

- « J'y ai longuement réfléchi et je pense que vos collègues sont bien trop intelligents pour que je puisse détecter quoi que ce soit sur le moment. Cependant, le soin qu'ils apporteront à la fleur que vous leur avez offert en dira beaucoup sur leurs réelles intentions, selon moi. Lorsque l'on tient à une personne et qu'elle nous fait l'honneur d'un présent, la moindre des choses est de faire attention à ce dernier. Il vous suffira de vous rendre chez chacun d'eux et de localiser la fleur pour en savoir plus en toute discrétion. ».

- « C'est assez habile. » concéda le maître.

En réalité, ce n'était pas exactement ce qu'il avait imaginé, aimant gagner du temps et attendant de son majordome qu'il soit capable de reconnaître en un coup d’œil les mouvements suspects. Cela dit, l'approche était bien amenée et, surtout, ne pouvait éveiller le moindre soupçon. D'ici quelques lunes, l'enquête pourrait continuer.

- « Il m'a été rapporté que vous aviez cassé une tasse... » fit-il, mine de rien, comme pour rappeler à son serviteur qu'il avait encore bien des progrès à faire malgré sa petite victoire.

1297 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 23 Nov 2016, 22:29


Depuis combien de temps avait-on prévu de le placer à la charge d’un autre individu ? D’ailleurs, depuis quand occupait-il la profession de majordome ? Toutes les réponses auxquelles il avait le droit ne faisaient que brouiller le codage de ce rébus. Pourtant, il était persuadé d’en avoir toujours été ainsi, soutenant qu’il avait simplement négligé quelques détails anecdotiques. Sa mission devait s’imposer sur tout le reste. Il n’avait pas les moyens pour être aussi contemplatif et désintéressé de la cause qui était sienne. La seule chose dont il se remémorait à peu près, c’est qu’il avait dû quitter son ancien maitre au profit d’un autre. On l’avait embauché par gage de confiance, notamment grâce à l’excellent travail qu’il avait accompli jusqu’à maintenant. Cet homme qu’il devait assister — voire qu’il devait protéger comme on le lui avait enseigné — effleurait les étoiles en raison de son charisme. Sa carrière était celle d’un distingué conseiller qui s’affairait lui-même pour un puissant diplomate reconnu aux quatre coins des continents. Brady ignorait les tenants et aboutissants qui avaient favorisé son nom par préférence à celui d’un autre. Il doutait d’en avoir les épaules malgré la large charpente qui les composait. Physiquement, il avait davantage les atouts d’un athlète pour qui l’on parierait une gracieuse somme. En ce qui concernait ses autres disciplines, il était relativement gauche. Fort heureusement, la fois où il avait fini par plonger accidentellement la première maison qu’il avait servie dans les flammes était loin derrière lui. Depuis, il avait fait d’énormes progrès dans la gestion des crises les plus courantes. Et puis contrairement à ce que sa corpulence laissait augurer, il pouvait — à l’instar des petits gabarits — être extrêmement consciencieux dans ses manœuvres.

Quoi qu’il en soit, c’est la toute première fois qu’il se revigorait dans cette chambre, obtenu par les bons soins de son supérieur. Il l’avait rencontré la veille, ce dernier étant plus que convivial et chaleureux à son égard. Il lui avait tout expliqué au sujet des nombreuses obligations qu’il aurait à faire face, la plus exigeante d’entre elles étant certainement la formation de complots qui ne cessaient de hanter ce personnage. Plus qu’un rôle de majordome à l’altruisme exemplaire, il devait aussi participer à la sauvegarde de son héritage. C’est sous cette allégeance que le Réprouvé commença fièrement son travail. En premier lieu embusqué de son costume de scène, il répondit à son appel en se rendant derrière le bar afin de préparer différents cocktails pour le meeting qui allait avoir lieu d’ici la prochaine heure. Branlant dans ses préliminaires (haha), il fit tare de sa médiocrité en renversant une demi-douzaine de verres et en cassant pas moins de trois bouteilles. Il dut bien s’y reprendre une dizaine de fois avant d’échoir à un résultat plus ou moins approprié. Il était à des décennies de tenir la dragée haute aux meilleurs apprêts qu’on avait probablement pondus à cette même place. Brady émit un soupir d’exaspération en pensant à ce demi-échec, mais son optimisme reprit bien vite le dessus. Il avait fait de son mieux, c’était toujours mieux que rien, c’est pourquoi il s’arma du plateau en argent reposant sur le bar pour y arranger ses diverses mixtures. S’il croyait un instant avoir fait le plus dur, c’était sans compter sur le trajet qu’il devait percer pour accéder à la grande salle. Assimilable au parcours du combattant le plus impraticable de tous les temps, le blondinet déchanta très vite en oscillant sans cesse au travers de chaque passage un peu périlleux qu’il empruntait. Si maintenir l’horizontalité du plateau et marcher n’avait rien de très éprouvant, c’est davantage le mauvais pli des carpettes ainsi que les quelques autres obstacles qui l’encombrèrent. Même s’il grelottait comme un oisillon dans la neige, il limita les dégâts au possible. Bon, il est vrai qu’il perdit une bonne quinzaine de minutes à cause de son orientation déplorable. S’égarer dans la salle de bains ou encore la réserve de nourriture lui causa quelques représailles peu hospitalières. Ce n’est certainement pas la marque sur sa joue qui dirait le contraire. Il ne s’était pas encore familiarisé avec le manoir, d’où sa perfectibilité.

Néanmoins, il ne relâcha pas ses efforts pour autant et atteignit le lieu de la réunion — presque — dans les délais. « Désolé pour mon retard, maître. Je ne vous cache pas avoir eu un peu de mal. Je… je ferais de mon mieux pour la suite. » « Ne t’en fais pas, mon garçon. J’ai toute foi en tes capacités latentes, et puis c’est l’intention qui compte. » « Merci beaucoup. » À cause de la gentillesse de son hébergeur, il se sentait encore plus confus d’avoir commis ces bavures. Pour se rattraper, il s’encouragea de deux bonnes gifles, bien déterminé à progresser dès maintenant. En revanche, ce fut bien plus facile à dire qu’à faire puisque tout ce qu’il entreprit se répéta par les mêmes irrégularités. En voulant astiquer ses précieux trophées, il en dissocia une partie. En aspirant à rendre son bureau irréprochable, il balafra un tapis tout en écorchant un vieux tableau ancestral. Même lorsque il suffisait de simplement disposer les bouteilles de vin par une disposition très précise, il s’emmêla les pinceaux au point d’en faire un assortiment sans queue ni tête. L’une d’entre elles dut même partir pour le cimetière des alcools regrettés. Loin de lister chacune de ses fautes, la pire d’entre elles restait sans doute celle où il avait malencontreusement fait tomber — par la fenêtre — les affaires de l’un des prestigieux invités, celle-ci ayant fini sa course dans une boue marécageuse. Si son maître venait à l’apprendre, il se ferait très sûrement réprimander. Peu importe, à quel point il respirait la sympathie, cela impliquait directement une autre individualité. Brady fit alors tout son nécessaire pour être le plus circonspect possible en réinstaurant la valise ainsi que les papiers en lieu sûr. Lors de sa réorganisation, il put nettement distinguer la terminaison d’une phrase qui réclamait l’homicide de son maître. Dans son malheur, il était tombé sur la piste tangible que l’un de ses invités en voulait vraiment à sa vie. En revanche, il n’avait aucun moyen de savoir à qui appartenait cette malle et donc cette lettre. Pour le bien de son employeur, il devait garder cela secret et hasarder de découvrir par lui-même son identité. Lorsqu’il en aurait la conviction et seulement à ce moment-là, il pourrait ensuite lui en faire part. Fort de sa compassion, il se creusa les méninges durant de très longs moments pour savoir de quelle façon il y parviendrait. Sans succès.

Pour ne pas changer, ce n’est qu’après avoir chaviré un flacon de parfum que le déclic se fit comme un appel du destin. Brady n’était pas serein quant à son calcul, mais il devait néanmoins tenter le tout pour le tout, quitte à se faire rapidement cramer. S’emparant de plusieurs fioles, il partit en mission « PSHIT-PSHIT » pour asperger quatre morceaux de vélins qu’il avait préalablement déchirés à partir d’un seul. Puisqu’il ne pouvait aucunement deviner la nature du propriétaire, même lui était conscient qu’il était ridicule de poser la question directement, c’est pourquoi il imprégna chacun d’entre eux d’un arôme différent après avoir rédigé une simple ligne : « Je sais la vérité. Rendez-vous à l’entrée de la serre lorsque la lune sera pleine. Prenez ce mot avec vous, il est crucial. Hircum 2.0. » La curiosité étant un défaut presque impossible à refouler, le coupable ferait à coup sûr son apparition. Il accrocha ensuite les messages sur chaque malle, puis attendit la tombée de la nuit avant d’avertir son maitre de sa récolte inopinée. « Allons donc, pourquoi tenais-tu tant à me parler ? Tu me sembles troublé. » Quelques gouttes suèrent sur son front. L’aveu était embarrassant. « L’un de vos convives à manifestement dans l’idée de vous tuer prochainement. Je n’ai pas pu mettre la main sur son identité à cause d’une gaffe, mais… je l’ai appâté comme j’ai pu. Je leur ai tous fait parvenir une lettre. Elles sont toutes identiques hormis l’odeur du parfum. De plus, j’ai eu recours au nom de son dossier confidentiel pour l’attirer davantage. Peu importe qu’ils se présentent tous ou non, le coupable sera probablement armé pour me réduire au silence. C’est également pour ça que je leur ai donné rendez-vous aussi loin de la demeure, dans un lieu où il pourrait facilement asphyxier mes cris. Je sais que ma méthode est sujette aux moqueries, mais c’est tout ce que j’ai pu faire. » Son interlocuteur ne put contenir un rire en effet, mais un rire qui exprimait l’estime et non l’hilarité. Il se tut en bichonnant sa large moustache. « Au contraire, c’est plutôt inventif, je trouve. Tu t’es même beaucoup cassé la tête pour pas grand-chose, si tu veux mon humble avis. Je suis plus que satisfait de ton travail, mon garçon. Grâce à toi, mes mercenaires vont pouvoir prendre la relève. » Voir l’homme aussi heureux le comblait de bonheur. Il avait été maladroit du début à la fin, et s’il est vrai qu’il se méprisait la plupart du temps pour ça, elle pouvait parfois lui rendre service, au grand dam de ceux qui la côtoyaient de près.


1500 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 23 Nov 2016, 23:19


La salle de bal débordée. Faiblement éclairée, inondé par cette sorte de magie provenant des masques. Les invités dans leurs plus beaux costumes, robes et parures, dévoilez sans honte ni vergogne, leurs richesses indécentes. C'était un vrai concours d'or et de beauté qui colorée la pièce aux tons sombres, avec cette délicate exagération. Sous sa voix calme et brutale, les lourds rideaux furent tirés en arrière, laissant voir les immenses fenêtres et les jardins. Les fontaines crachant leurs eaux, le reflet de leurs cascades illuminant les fleurs du jardin. Comme de petites lumières étendues, telle une galaxie d'or, venant finalement se fondre dans la lueur scintillante du lac. Jamais auparavant Ethen n'avait vu une telle chose, mystifié par la grandeur de cette soirée.

La mascarade était un bal traditionnel dans cette maison, quelque chose à laquelle l'humaine ne pouvait échapper dans son épreuve. Jusqu'ici elle s'en était bien sorti. Elle avait su gérer les domestiques et s'attirer la sympathie de sa maitresse. Sous ses ordres elle avait dirigé les préparatifs du bal et gardé un oeil sur chaque chose pour que tout reste en place. Habillez de son costume noir, élégant, mais surtout discret, cacher derrière un masque simple, elle suivait sa maitresse comme une ombre. Ce tenant derrière elle, légèrement en retrait, assez pour être présente, sans qu'on la remarque. Droite et stoïque, les mains tenues derrière le dos dans une position fière et humble. Sa maitresse était encore à l'entrée, saluant ses invités, penchant de temps en temps la tête sur le côté. C'était discret et, délicat comme geste, assez pour donner à Ethen le signal pour lui demander son aide sur le nom de la personne approchant. L'humaine glisser alors au creux de son oreille un mot ou deux et, s'en suivait des salutations extravagantes comme si sa maitresse avait toujours connu ces personnes alors qu'il n'y avait pas une seconde elle ignorée encore leurs noms. Noms qu'Ethen avait pris du temps à apprendre. Elle avait gardé la liste des invités dans ses mains durant toute la semaine, se répétant leurs noms tout en courant à travers la grande maison pour organiser et diriger. Épuisant, mais satisfaisant à l'aérien sourire que lui offrait sa maitresse dans sa gratitude silencieuse. Les épaules tendues en arrière, le menton dressé dans une spectaculaire démonstration d'arrogance, Ethen ressentaient toute la fierté de servir et, de servir bien. Quand elle avait commencé son épreuve, elle avait détesté ça et puis, plus elle si était attelé, plus les paroles de son père raisonnait en elle comme une vérité inépuisable. « Servir les autres demandent de la dignité et de l'intelligence. Mais n'oublie pas : ce ne sont que des gens d'argent et de pouvoir. Et bien que nous les servions, nous ne sommes pas leurs serviteurs. Ce que nous faisons, Ethen, ne définit pas ce que nous sommes. Ce qui nous définit, c'est notre capacité à nous relever après être tombée. Ce qui te définit, s'est cette force que tu portes en toi et, que tu ne dois à personne d'autre. Si tu n'en retires ni honneur ni dignité, alors pars et ne te retourne pas. Tu ne regretteras rien de plus que de servir quelqu'un qui ne te mérite pas. Qui ignore qui tu es. Aveugle devant tas grandeur et ne te considère pas comme son égale. Servir ce n'est pas se soumettre. Ne l'oublie jamais, Ethen. » Elle comprenait maintenant le poids de ses paroles.

Plus que tout, cette vision lui avait permis de rapidement prendre ses marques dans la maison et, gagner des points auprès des domestiques. Elle leur parlait avec respect, ne se mettait jamais en position de domination. Elle parlait d'une voix calme, appuyée, mais toujours dans le respect de l'autre. Elle était attentive à eux, sans être influencé par ses sentiments. Chacun de ses ordres était clair, elle ne connaissait pas l'hésitation, mais accepté les faiblesses de chacun et si adaptées. Devant son autorité naturelle, personne ne c'était rebellé, car chacun apprécier sa générosité, cacher derrière se visage fermer et concentré. Ethen avait un coeur noble. Elle était juste et chaque domestique savait reconnaître et apprécier cette qualité. C'était ainsi qu'elle cacher habilement sa bienveillance sous sa froideur et la distance. Alors une fois le soutien et l'obéissance des domestiques de la maison acquit, il avait fallu passer la confiance de sa maitresse. « Ethen ? » Sortant de sa rêverie qui n'avait duré qu'une seconde, l'humaine se retrouva noyée dans le regard de sa maitresse. Sous son masque d'or, elle lui souriait, amuser. « Ma compagnie vous ennui-t-elle à ce point ? » Plonger dans l'inconfort de s'être fait surprendre, Ethen ce sentis chavirer vers l'embarras. « Non, Madame. » Semblant lire son malaise, la femme échappa un petit rire et posa sa main sur son bras, s'approchant d'elle plus que de raison. « Ne soyez pas embarrassée, vous devait être épuisé. » L'humaine ne sut répondre. Oui, c’était le cas, elle était au bord du malaise, mais elle ne pouvait se plaindre. Ça n’était pas sa place. Il sembla que sa maitresse voulut lui dire autre chose, mais elle fut coupée par l’arrivée d’un homme. Puant d'une richesse sale et abondante. L’ignorant, il fit s’éloigner à son bras la Dame. Par-dessus son épaule, Ethen la vit gagné la piste de danse. Ses yeux ne quittèrent jamais la femme tournoyant de bras en bras au centre de la salle de bal. La fête battait son plein. Les robes bruissant aux sons des musiques. La frivolité s’installant alors que les serveuses, en blouse blanche, gantelets jusqu’aux coudes, offraient sur leurs plateaux des constellations bouillonnantes. D’un œil avisé, Ethen surveillé si le chignon de chacune restait en place, et si aucune ne rencontrer aucun problème. Car il était également de son devoir de s’assurer que chacun soit en sécurité sous sa surveillance. S’il leurs arriver quoi que ce soit, cela serait de sa responsabilité. Il était presque trop pour elle à sonder. Elle pouvait se sentir flottée à la dérive dans la mer des corps et des têtes rejetées en arrière, dans un mouvement inlassable, dont elle, avaient besoin de s’échapper. Besoin de rejoindre la terre, avant qu’elle ne se retrouve avalée. « Ce sont les masques. » Lincoln, un garde à l’entrée du jardin, lui expliqua, penché sur elle. Elle le regarda ajuster sa cravate. « La moitié de ces gens se détestent les uns les autres, et l’autre moitié, de façon inappropriée, dort avec les conjoints de chacun. Les masques accentuent cela. » « Cela et les rivières d’alcool. » « Et cela, oui. » Ethen esquissa un sourire que lui rendit le garde. « Après tout si on appelle ça une mascarade, ça n’est pas pour rien. » Lincoln regarda derrière elle, et elle eut le réflexe de ce retourné. « Vous devriez surveilliez nôtre Maitresse, Madame. »

Courant vers le labyrinthe du jardin, Ethen vit passer sa maitresse, savant encore à peine comment marcher, accompagner d’une femme et de deux hommes. Elle ne l’avait quitté des yeux que cinq minutes, et cela avait suffi. Sans dire adieu à Lincoln, elle descendit les grandes marches de pierres et suivit le groupe dans les hauts buissons. Noyer dans les gloussements et les paroles incompréhensibles, Ethen se mit à courir. Par appréhension, elle sortit son couteau, cacher sous ses vêtements. Tournant au dernier virage, elle gagna le centre du jeu et entra dans le cercle. Elle y trouva sa maitresse presque allongée sur le banc de pierre, sous la statue de ses ancêtres. Les deux hommes la tenant, bien qu’elle ne fut pas en état de se débattre, la femme sur elle. Ethen ne sut si c’était sa place. Si elle devait s’inquiéter ou quitter. Peut-être cela plaisait-il à sa maitresse. Pourtant sa maitresse était ivre et ne semblait même plu savoir où elle était, ou même avec qui, et ce fut une raison suffisante pour que l’humaine s’avance. « Ethen ! » Ce fut la seule à l’apercevoir, semblant invisible pour les autres jusqu’ici. La voix aiguë et les gloussements idiots étaient si loin de ce qu’était sa maitresse d’ordinaire, qu’Ethen comprit qu’être là était la bonne décision. Trois paires d’yeux se tournèrent vers elle. Mauvais et confus d’avoir était surpris dans leurs jeux malsains. Le silence dura. On entendait que les gémissements étouffer de la Dame ivre et la musique lointaine. Les trois bourgeois attendant que la domestique quitte, comme elle étais supposé faire, mais Ethen n’obéissait cas une seule personne. « Ethen ! Ethen, viens t’amuser av… » Elle fut coupée d'un geste délicat sur sa bouche, mais un geste de trop qui sembla éveiller la conscience de sa maitresse. Elle commença mollement à se débattre. « Lâchez-moi… J… » Ses paroles étaient difficiles, abstraites, et Ethen n’attendait pas de comprendre. Elle connaissait sa place et plus encore son rôle. Dresser fièrement, menaçante, elle s’avança, son couteau à la main, sifflant entre ses dents. « Elle vous demande de la lâcher. » Il n’y avait aucun doute sur la nature de sa colère, froide et sombre. On lui ria au nez. Ethen sentit sa mâchoire craquée alors qu’elle se tendait. La femme s’approcha, son visage ne laissant voir que son sourire mauvais. « Ce genre de chose ne regarde pas les gens de ton espèce. » L’humaine ne fut pas offusquée par la pauvre insulte. Sa maitresse était en danger. Elle attendit que la femme soit plus proche encore, pour l’attraper d’un geste vif. Tout fut rapide, trop rapide pour eux, juste assez pour elle. Elle glissa son couteau sous la gorge de la femme qui ne s’était certainement pas attendue à ce qu’une vulgaire servante agisse d’une telle façon. Froidement, Ethen menaça calmement. « Quittez sur-le-champ, avant que je ne vous égorge. » Les deux hommes s’enfuirent comme des lâches, bientôt suivis par la femme qui leur hurla après. L’humaine entendit sa maitresse gémir et elle vin rapidement s’agenouiller auprès d’elle. La pauvre femme était tombée dans un sommeil imbibé d’alcool. Ethen la prit dans ses bras et regagna la maison. Elle prit soin de passer par les escaliers de service et d’éviter tout regard non désiré en chemin vers sa chambre. Désireuse de garder intacte l’image de sa maitresse. Respectueusement, elle la déshabilla et la vêtit de ses habits de nuit, puis la coucha, avec un verre d’eau et de quoi combattre son réveil difficile sur la table. Ethen congédia les invités, puis les domestiques, le nettoyage de la maison pouvait attendre demain. Elle monta à nouveau à l’étage et finit sa nuit devant la porte de sa maitresse, consciente de son état et de ses besoins. C’est ainsi que les choses prirent fin.


1800 mots

Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Lun 28 Nov 2016, 18:21


[Coupe des Nations - 2016] - Agilité 647463Persphone

La Coupe des Nations - Perséphone

« Je pense qu'il faudrait que vous alliez ranger la cuisine avant l'arrivée de notre maître. ». Les mots que j'avais prononcé étaient faibles et la réponse que j'attendais ne vint pas. Je me sentis soudain comme au pied d'un mur insurmontable. Dans mon esprit, cela faisait des années que j'étais majordome dans cette propriété et, pourtant, c'était la première fois que je remarquais le peu d'intérêt que me portaient les autres domestiques. Avais-je été aveugle à ce point tout ce temps ou était-ce dû à une toute autre chose ? Je n'aurai su le dire, ni même y réfléchir bien longtemps. Penser me donnait mal à la tête et les maigres forces que je possédais en temps normal n'étaient pas assez nombreuses pour oxygéner mon cerveau et mon corps dans un même temps. Je me sentis vaciller lentement, comme si mes jambes étaient prêtes à plier sous mon propre poids. « Je... Je voudrais une chaise, s'il vous plaît... ». Personne ne me répondit, les domestiques discutant entre eux tout en s'éloignant. J'avais l'impression de vivre un cauchemar et qu'il me suffirait de me pincer pour en sortir. Je dus me débrouiller seule, me rapprochant du mur difficilement, mes articulations raidies. Fort heureusement, un fauteuil se trouvait non loin et je pus y reprendre mon souffle. Qu'avais-je donc fait de travers ? Était-ce une malédiction qui s'abattait sur moi ? Même en faisant des efforts, je n'arrivais pas à tenir un raisonnement cohérent. J'oubliais des choses aussi vite qu'elles m'étaient venues à l'esprit. Que faisais-je ici déjà ?

Soudain, sans crier gare, je me mis à pleurer, totalement dépassée par la situation. Je me sentais faible et inutile, je me sentais perdue. Ma tenue était celle des domestiques de cette maison, ça, je ne l'avais pas oublier. Je sortis machinalement un petit carnet que je sentais peser dans ma veste. Il y avait des notes dans ce dernier, des phrases calligraphiées maladroitement. Mes yeux bleus parcoururent les lignes, déchiffrant difficilement le contenu. Il s'agissait d'une fiole de potion qu'il me fallait prendre, que je « ne devais surtout pas oublier » d'après les points d'exclamation et le soulignement accentué. Je trouvai la fiole dans ma veste et la bus, me sentant tout de suite un peu mieux. Mes membres, qui étaient jusqu'ici aussi durs que des baguettes, se détendirent un peu, mes forces revinrent progressivement, quoi que toujours peu nombreuses, et je me rappelai enfin de mon rôle dans cette demeure. Mon regard suivit de nouveaux les mots afin d'en comprendre le sens. Malheureusement, je ne tardai pas à constater que, premièrement, je n'avais pas fait le plein des ingrédients me permettant d'être au meilleur de ma forme et que, deuxièmement, j'aurai dû être prête quelques minutes plus tôt pour partir dans la maison d'un certain Sieur Bathomé en me faisant passer pour la jeune fille de mon maître que ce dernier, de dix ans mon année, voulait épouser. Je devais étudier la situation, savoir si ce monsieur était bien sous toutes les coutures. Il ne s'agissait pas d'un mariage d'amour puisque le concerné n'avait jamais vu la concernée mais quand bien même des intérêts étaient-ils en jeu, mon maître ne souhaitait pas confier sa fille à n'importe qui. Il le soupçonnait aussi, d'après les notes, de côtoyer une certaine femme qui avait promis sa perte. Je devais mener l'enquête, chose dont je ne me rappelais plus quelques minutes plus tôt. Pour tout avouer, je me sentais nauséeuse, légèrement ailleurs, et me demandais comment quelqu'un de sensé avait-il pu me confier une tâche aussi importante. Je n'étais même plus certaine de me souvenir de tous les éléments que je venais de lire et, ce, malgré la potion miracle.

Je finis tout de même par me lever, fixant la fiole. Il ne restait que quelques gouttes. Je faillis la faire tomber, celle-ci glissant entre mes doigts peu habiles. Après l'avoir rangée, je tournai à droite, descendais quelques escaliers qui me donnèrent le vertige et, après avoir vérifié que des larmes ne demeuraient pas sur mes joues, je m'y repris à deux fois pour ouvrir la grande porte. Mon chauffeur m'attendait, caressant ses chevaux d'un air aimant. Il ne me vit pas tout de suite et je dus me racler la gorge pour qu'il descende enfin ses yeux sur ma personne, comme étonné de me voir. « Allons-y. » dis-je d'une toute petite voix. Il resta un instant interdit puis hocha la tête en se grattant un sourcil. Le trajet se passa sans problème. Je dormis tout le long, exténuée.

La propriété où l'homme me laissa était grande et ses jardins fleuries. Elle me plut tout de suite, bien que certains massifs m'effrayent. Mon futur mari vint à moi, restant un instant sans rien dire. Sans doute s'était-il imaginé que la fille de mon maître devait être d'une grande beauté et d'une prestance au moins équivalente à celle de son père. Au lieu de cela, il trouvait une femme qui ressemblait à une enfant et qui n'avait rien de remarquable. J'étais l'insignifiance personnifiée. Que faisais-je ici déjà ? Oui... la mission. J'inspirai calmement avant de le suivre dans la maison. Il m'installa dans mes appartements et après quelques paroles de circonstance, me laissa m'installer, seule.

« Vous trouvez la viande à votre convenance ? » me demanda-t-il par politesse. En règle générale, je n'avais pas le droit à tant d'égards. Tous les soirs, je prenais soin de noter ce que j'avais vu et entendu dans la journée sur mon petit carnet. Parfois, lorsque ça me paraissait trop important, je l'écrivais tout de suite afin de ne pas l'oublier. Rien ne me paraissait louche chez cet homme hormis son goût pour les massifs taillés en des formes terrifiantes. Il était aimable, courtois et ses domestiques tenaient parfaitement la maison. « Pardon ? ». Je ne me rappelais plus de ce qu'il avait demandé. Depuis quelques jours, déjà, il remarquait que j'avais comme des absences et n'arrivais plus à me remémorer les événements. Si, jusqu'ici, je n'avais jamais fait exprès, je me demandai si cela ne pourrait pas garantir le succès de mon entreprise. Il serait sans doute habile de lui faire croire en mon absence totale d'intelligence afin de le pousser à me confier tout et n'importe quoi ou, mieux encore, à parler sans s'en cacher des affaires qui concernaient mon maître. Faire croire à ma bêtise ne serait pas bien compliqué. « La viande... ». « Quelle viande ? » demandai-je en baissant les yeux sur mon assiette avant de murmurer comme si j'avais enfin compris : « Ah oui... oui elle est très bonne. ».

Je passai les journées suivantes à manœuvrer de bêtise en bêtise. Mon corps était fragile et, souvent, sans même le vouloir, je tombais en avançant. J'avais souvent mal ici et là et tombais malade facilement. La magie des domestiques me soignait, bien entendu, mais j'étais de petite constitution et le moindre coup de vent avait vite raison des maléfices. Lorsque je ne faisais pas semblant d'oublier, j'oubliais réellement, ce qui rendait crédible une comédie que je n'aurai su feinter longtemps autrement. Il fallait juste que je pense à écrire tout ce que je faisais et disais sur le cahier. La fiole était presque vide et, bientôt, je serai en grande difficulté. Sans doute oublierai-je pour de bon le pourquoi de ma venue. Heureusement, je n'eus pas à m'en inquiéter longtemps car, enfin, j'entendis une voix sensuelle sortir de l'une des pièces de la maison.

« Sa fille est sotte ? » demanda la voix, interloquée. « Totalement. Je pense même que sans soin magique, elle n'aurait pas survécu jusqu'ici. Je n'aurai jamais cru qu'il aurait engendré pareille enfant. Cela doit venir de sa mère. Il sera très facile, une fois que je l'aurai épousée, de se servir d'elle. ». « Oui, à moins qu'il ne veuille s'en débarrasser si elle est réellement telle que vous me la décrivez. Peut-être devrions nous chercher une nouvelle approche pour accéder à ma vengeance... ». Il y eut un silence puis la porte s'ouvrit. Avec toute la vitesse dont j'étais capable, je me collai un peu plus au mur. La dame sortit, me glaçant le sang tout en m'hypnotisant de sa prestance Elle ne remarqua pas ma présence, se contentant de regarder à droite et à gauche pour vérifier qu'il n'y avait personne. Elle entra de nouveau dans la pièce. « Nous en rediscuterons plus tard. En attendant, que diriez vous de me servir un verre de vin chaud ? Il fait froid dans votre région. ». J'attendis un peu avant de m'en aller, notant dès que je le pus tout ce que j'avais entendu dans mon carnet en buvant les dernières gouttes de la potion pour être certaine de l'exactitude de mes souvenirs.

Les jours suivants passèrent de façon monotone. Sans l'aide de l’élixir, j'oubliai totalement pourquoi j'étais ici et qui j'étais. Malade, faible, je dus être alitée et, malgré les soins, je ne pouvais pas réellement bouger de mon lit. Lorsque mon maître vint me récupérer, je ne le reconnus pas tout de suite, pas avant qu'il ne me donne de nouveau de cette fameuse potion, cachés dans la calèche qui nous ramenait chez lui. Là, il me demanda le carnet, confiant. Il le lut alors que je retrouvais mes esprits, découvrant la supercherie.

♫ 1359 mots♫



Revenir en haut Aller en bas
Jil
~ Lyrienn ~ Niveau 40 000 ~

~ Lyrienn ~ Niveau 40 000 ~
◈ Parchemins usagés : 492
◈ YinYanisé(e) le : 23/07/2014
◈ Activité : Prof de Botanique, Puff-Puff Gueurle (Équipe C), Patronne de la Tendre Miche
Jil
Dim 04 Déc 2016, 19:31


Un premier rayon de soleil filtra par la fenêtre que Jil laissait toujours ouverte. L’atmosphère de sa minuscule chambre de bonne était saturée de poussière, et on voyait distinctement la lumière se dessiner dans la pénombre. Comme si on venait de la pincer, l’Élémentale ouvrit un œil brusquement, et au terme d’une très courte seconde d’indécision, elle pivota pour s’asseoir sur son lit, s’étira en gémissant, puis un grand sourire vint parer son visage, et elle se leva d’un bond. L’instant d’après, ses volets claquaient bruyamment et elle faisait profiter à toute la campagne alentour la plaisante vue de sa poitrine dénudée. Heureusement, le manoir était plutôt isolé ; le premier village était à plus de vingt lieues de là, et derrière une forêt de vieux chênes impénétrable. Sans perdre de temps, elle s’habilla de cette robe en coton très simple qui constituait son habit de travail, et fit son lit. Il n’y avait rien à ranger dans sa chambre, rien qu’une commode avec quelques vêtements, une paire de draps de rechanges, et un vieux livre intitulé « Cimes d’Erella », un roman contant l’histoire d’une jeune femme de haute-famille obligée de servir son affreuse belle-mère – roman qu’elle n’avait pas trouvé le temps de lire depuis maintenant des années mais qu’elle conservait par nostalgie et parce que la couverture illustrée lui paraissait plaisante à regarder. Une fois son rituel matinal accompli, elle sorti, radieuse, de sa chambre, et ferma soigneusement la porte à clef avant de la glisser dans une des poches de sa robe. Elle avait à faire ; la maison n’allait pas se tenir toute seule. Elle se plaça au centre d’un long couloir arboré d’une vingtaine de portes similaires à la sienne, prit une grande inspiration et, plaçant ses deux annulaires aux commissures de son éternel sourire, elle siffla avec une puissance étonnante pour une jeune femme de son acabit. À peine une vingtaine de seconde plus tard, chaque porte s’ouvrait pour laisser sortir une servante habillée de la même façon qu’elle. Du fond du couloir surgirent quelques hommes en tenue de travail. D’un même pas, ils se dirigèrent vers elle et commencèrent à la dépasser.

— Julie, Marie, Émilie, aux cuisines, ce matin : omelette et bacon ! Justine, Caroline, Joseline ; ménage aux ailes nord et est. Fatima, Rose, Lydie, ailes sud. Lisa chérie, aile ouest.
— Mais, madame, commença-t-elle.
— Pas de discussion, l'interrompit prestement la gouvernante. Armand, tu seras gentil de réparer les robinets de la chambre du troisième étage, Thierry, tu lui donneras un coup de main. Jeanne et Clotilde, écuries ; Giselle, Lucie, Cécile, Abigaïl, Odette, Fanchette, Fanny, Valérie, accueil des invités. Marco et Paulo, arrêtez de jouer à cache-cache pendant le service, sinon je vais devoir m’occuper de vous, mes choux !

Même ses menaces étaient prononcées avec un ton joueur et amusé que seuls ceux qui avaient réellement eu affaire à elle étaient à même de décrypter. Son petit manège continua quelques instants encore alors que tout le monde s’attelait à la tâche qui lui avait été confiée. Jil, elle, vérifia que tout le monde était bien levé, que chaque lit avait été fait, et quitta le couloir pour monter quatre à quatre les marches qui menaient aux étages supérieurs. S’approchant enfin du dernier étage, sans être essoufflée pour un sou, elle ralentit l’allure pour arriver finalement à pas feutrés devant la porte de son maître. Elle toqua trois fois, et fit pivoter le battant. À l’intérieur, il faisait si sombre que même la lumière du couloir ne parvenait à éclairer à plus de quelques mètres l’immense pièce qui servait de chambre à son employeur. Toutefois elle connaissait les lieux par cœur, et glissa dans l’ombre en louvoyant entre les chaises et meubles pour parvenir jusqu’à la fenêtre. L’odeur qui saturait la pièce était musquée et étouffante ; elle savait que l’homme qui dormait encore au milieu de son immense lit l’avait partagé avec plus d’une partenaire au soir précédent : c’était elle qui les avait fait sortir une fois son maitre satisfait. Il détestait dormir avec qui que ce soit, et à la nuit venue, elle les avait fait conduire jusqu’à un coche qui les avait ramenés au village. La gouvernante commença à saisir un pan des rideaux, et le faible tintement de la tringle fit émerger un gémissement mécontent des entrailles de la pièce obscure. Son sourire s’étira d’autant plus, et elle les écarta d’un coup, aspergeant soudainement la chambre de la lumière chaude d’une journée d’été. Cette fois-ci le gémissement se mua en une exclamation surprise et enragée.

— Jil ! Bon sang, laisse-moi dormir !

Elle trotta jusqu’au lit en chantonnant, et se pencha en avant, mains dans le dos.

— Si je vous laisse dormir, vous m’épouserez ?
— Quoi ? Pas question ! se récria-t-il.

D’une poigne ferme, elle tira la couette que l’homme avait prestement ramené sur son visage pour se cacher du soleil. Il cria de nouveau, sans pourtant l’en empêcher.

— Alors c’est non ! Levez-vous, ou c’est moi qui vous sort du lit !

Un grognement presque animal, tandis que son maitre se roulait en boule, les mains sur les yeux. Il était totalement nu, mais lui comme elle avaient déjà vécu bien plus gênant que cela en des circonstances d’autant plus troubles.

— Vous sentez le fennec, lâcha-t-elle, narines froncées.
— Hé ! Une bonne n’a pas à dire ce genre de chose à son maître !
— C’est un fait, vous sentez réellement le fennec.

Il renifla une fois, deux fois, et haussa les épaules.

— C’est vrai. Satanée Bélua, grogna-t-il. Elle a dû mettre des poils partout.
— Comme d’habitude, oui. Je m’en occupe, filez aux bains.

Un rire, et il se leva, passant derrière elle en lui assénant au passage une bise sur la joue, avant de filer, parties génitales à l’air.

— Qu’est-ce que je ne ferais pas sans toi !

Elle sourit, et alla secouer les draps à la fenêtre. Gérer un tel homme n’était pas une tâche aisée. Au-delà de son excentricité naturelle, il n’était pas ce qu’on pouvait attendre d’un aristocrate de son envergure ; l’argent et toute l’éducation que le monde avait à offrir de l’avaient pas formé aux bonnes mœurs et à la vie de château. Il n’avait de cesse d’enchainer les bourdes lorsqu’on en venait à l’étiquette, et avait autant de tact qu’un Réprouvé. Mais ils se connaissaient depuis l’enfance et leurs différents statuts n’avaient que peu modifié la relation qu’ils avaient toujours entretenu, mêlée d’une déférence juste et d’une profonde affection. Le problème était que ses diverses frasques ne lui attiraient pas que des regards agacés. Il avait déjà provoqué plus de conflits diplomatiques que la plupart des nobliaux de la région, et chaque jour, la liste des personnes qui voulaient sa tête s’allongeait. D’une main experte, elle lissa le drap en le laissant pendre à la rambarde du balcon, et jeta un coup d’œil rapide au passage fleuri qui menait aux bains, quatre étages plus bas. Elle vit un homme nu y courir. Comme s’il avait senti son regard, il se retourna et lui fit un signe de la main. Jil soupira et passa la main sur son visage. Il y allait encore avoir des problèmes avec les plus jeunes servantes, s’il était, comme elle l’imaginait, passé devant elles sexe apparent. En y regardant à deux fois, elle crut voir un des buissons de l’allée bouger sur le passage de son maître. Jil plissa les yeux et se pencha plus en avant, pour finalement se figer en en voyant sortir un second individu en combinaison noire, progressant accroupi.

Ses yeux filèrent un instant de l’intrus aux bains, et elle réfléchit aussi vite qu’elle put, réagissant presque d’avantage d’instinct que de raison. Prendre les escaliers était bien trop long. Elle forma un nœud avec le drap en l’attachant à la rambarde de pierre, et sans hésiter, passa par-dessus le balcon pour se jeter dans le vide. Cela l’avança d’à peine un étage, et arrivée en bout de drap, elle jeta un regard en bas, puis pris une inspiration avant de lâcher. L’air grésilla autour d’elle, et l’instant d’après, elle se dissipait dans l’air, ne laissant que sa robe tomber doucement jusqu’aux pavés de l’allée. Elle réapparu dans un éclair à quelques mettre du sentier, nue dans l’herbe. Sans hésitation, elle courut jusqu’à l’endroit où elle avait aperçu l’importun et vers où se dirigeait son employeur. Elle l’entendait déjà chanter en se lavant, l’eau qui coulait couvrait le bruit de ses propres pas. L’Élémentale passa un tournant, puis un autre, et se trouva soudainement à l’entrée d’une grande pièce au milieu de laquelle trônait un grand bassin alimenté par une petite cascade artificielle. Son maître était là, assis, lui tournant le dos, à elle et à l’homme qui se tenait au-dessus de lui, et qui commençait déjà à sortir une courte lame engoncée dans un écrin de soie qui ne fit aucun bruit en relâchant la dague. Une fois de plus, elle vibra et se dématérialisa pour être téléportée dans le dos de l’assassin : à peine apparue, elle le frappa le plus violemment qu’elle put, utilisant ses deux mains serrées comme une masse. L’homme en noir vacilla et glissa sur le sol mouillé, avant de chuter sur le bord du bassin. Un craquement se fit entendre, et il s’immobilisa dans un soubresaut. Son employeur se retourna d’un sursaut, et son regard alla lentement de sa servante entièrement nue au corps inanimé d’un intrus, arme à la main. Un instant interminable passa.

— Je…

Le rouge lui monta instantanément aux joues. Cachant du mieux qu’elle put ses parties intimes, elle le gifla.

— N-Ne regardez pas ! Et faites plus attention ! Vous… Vous… Le petit déjeuner est à huit heure, vous n’avez pas intérêt à le rater !

L’instant d’après, elle disparaissait.
1620 mots.


[Coupe des Nations - 2016] - Agilité 3TFZNQ
♫ :

Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t35022-jil
Invité
Invité

avatar
Lun 05 Déc 2016, 23:56

 « Hâtez-vous promptement ! La réception des convives est imminente et la salle de bal croule toujours sous la poussière. Saïas, cours apposer des chandelles sur le lustre ! A l'heure actuelle, les fourneaux devraient s'embraser ! Point de pause pour toi, l'apprenti, ou désires-tu répondre de tes flâneries devant sire Ravnos ? Exécute-toi : retourne immédiatement en cuisine assister ton mentor ! Pressons, pressons ! Je serai intraitable avec vos déboires. Activez-vous, ganaches mécréants ! »

Quelle complaisante mascarade. L'endossement du rôle de domestique m'était apparu en prime abord telle une injure. La délégation et la vocifération d'ordres demeuraient cependant des disciplines taillées sur mesure, en parfaite adéquation avec mon acabit. A charge de superviser les préparatifs du banquet, je scandai mes instructions tyranniques sans une once de pondération. Claquements de doigts impérieux et sévérité autocratique gorgeaient mon despotisme d'une assurance implacable. Étanche à la contestation, la profusion verbale détenait un rôle clef : mon débit pétulant me prémunissait d'un quelconque interstice de fébrilité. Qu'on ne s'y fourvoyât guère, cependant. Le voile d'autorité ainsi revêtu visait à dissimuler mes véritables intentions. Ma vigilance alerte ne relevait guère d'une lubie perfectionniste – si les tâches devaient être correctement exécutées, mon attention se rivait davantage sur les pernicieux enjeux inhérents à la réception. Ma déambulation à travers les multiples pièces du vaste domaine disposait d'une vocation de repérage. La coordination logistique n'était qu'un prétexte.

**

Mains croisées, traits endurcis, air imperméable, diction magistrale. Tels furent les qualificatifs prédominants pour dépeindre sire Ravnos lorsqu'il s'exprima, repliant une missive qu'il achevât de transcrire peu après mon arrivée.  « Reddas Von Wyvernzern. Vous m'avez été recommandé pour votre vivacité... », amorça-t-il, sans ôter son regard du sceau qu'il apposait.  « Mon temps est précieux. J'irai droit au but. » L'enveloppe écartée, il me toisa avec prépotence, sous-tendant un message univoque. Nulle vaine palabre n'était tolérée ; celles-ci devaient se circonscrire à l'essentiel.  « Mes antagonistes sont aussi nombreux qu'insidieux. Ils fomentent des complots dans l'ombre, craignant me faire face. Je requiers un esprit agile pour déjouer leurs manigances. » Il me désigna du doigt, adjoignit ses propos.  « J'organise une réception à laquelle je les convie. Vous aurez à charge de confondre leurs fourberies. Vous endosserez pour cela le rôle de… majordome. » Surprenant aphorisme, qui me laissa dubitatif.  « Je crains ne point saisir l'utilité d'une telle fonction. Ne serait-il... » Mon mandataire m'interrompit d'un geste incisif. Il croisa les bras en signe d'agacement.  « Gardez vos réflexions sommaires pour vous, Reddas, surtout si elles sont hors de propos. J'exige que vous revêtiez cet apparat pour investiguer mes faiblesses et discerner leurs sournoiseries. Il est impératif que vous incarniez votre rôle à la perfection. Nul ne doit douter de ce que vous tramez. »

Deux mesures, un revirement de garde-robe, et les dix serviteurs du sieur Ravnos me furent introduits succinctement. Les laquais jumeaux, la paire de bonnes, le valet de chambre, le cocher-réceptionniste, le jardinier, le garde-chasse, le cuisinier et son apprenti constituèrent un cortège hétéroclite duquel je ne mémorisai l'intégralité des patronymes. Prestement, il m'incomba d'animer cette cohorte ; j'employai immédiatement mon ascendant naturel à l'exercice de mes fonctions.

**

L'inspection des terres alentours élut une justification esthétique. J'admonestai le jardinier pour la prolifération des haies broussailleuses. Une telle densité de feuillages fournissait un camouflage idéal pour de supposés conspirateurs.  « Vois-tu cette pullulation végétale ? J'entends déjà les convives nommer sire Ravnos « seigneur des taillis ». Désobstrue la façade Nord, puis la façade Est. » A proximité des appartements et par opposition aux ailes dédiées à la réception, je gageai qu'une infiltration s'opérerait selon ces axes. Je me dirigeai subséquemment vers le versant Ouest, berceau des territoires de chasse, supposés sous la surveillance de leur gardien. En m'approchant, je distinguai une paire de silhouettes. La première correspondait à la personnalité escomptée, la seconde s'avérait inconnue. Je m'immobilisai, désireux de ne point perturber l'échange pour m'enquérir de son contenu. Adossé à un hêtre, seules de piètres bribes me parvînmes.  « … cette nuit ? … réception… Oui, oui… après... » Les voix s'estompèrent. J'inclinai précautionneusement mon buste pour entrapercevoir les énergumènes. Point de certitude, mais il me sembla qu'une bourse fût échangée. Stigmate de fallacieuses gredineries ? La transaction crut en intérêt. Je me faufilai subrepticement sous le couvert des ramures pour confondre les scélérats. Méticuleusement, je m'insinuai, employant ma souplesse au profit de la discrétion sans qu'ils ne me notifiassent. Ne restaient qu'une poignée de mètres lorsque l'infortune s'imposa : une branche s'affaissa, alarmant l'inconnu, qui se déroba aussitôt.  « Qui va là ? », tonitrua le garde-chasse en guise de couverture. Je pestai, puis me révélai.  « Oh... » Sa mine déconfite et circonspecte n'était qu'un captieux atour visant à escamoter son anxiété.  « Élégante démonstration de vigilance. Je m'assurais que tu vaquais à tes obligations. C'est chose faite, ne t'attarde point sur ma présence. »

Les ombrageuses pratiques du veilleur alimentèrent mes soupçons. Je décidai d'en informer sire Ravnos, que je croisai sur le parvis de sa demeure.  « Messire, puis-je vous solliciter brièvement ? » Il franchit le pallier, peu enclin à m'accorder son attention.  « C'est au sujet... » Un déclic. Je perçus un sifflement en provenance du plafond. Immédiatement, j'en saisis le péril subséquent : le lustre entamait une chute libre sur notre position. Mes réflexes m'insufflèrent l'adrénaline nécessaire pour bondir ; j'écartai mon mandataire des affres de l'accident. Peu s'en fallut – notre salut n'en tint qu'à une seconde de latence. Sonné par la commotion, je me relevai avec peine, discernant l'air confus de Saïas. Il articulait une déferlante d'excuses.  « Je… je suis navré ! Le chandelier m'a échappé et... » Fidèle à lui-même, son maître élagua ce torrent d'insipides allégations.  « Tu n'as pas mieux à faire que de pleurnicher ta maladresse ? Les débris ne se ramasseront pas seuls. » Sa désinvolture m'abasourdit. Ne venait-il point d'échapper fortuitement à l'étreinte létale d'une tentative d'assassinat ?  « J'attends, Reddas. Vous disiez ? » Quoique perturbé, je sondai attentivement la pièce. Saïas nous surveillait nerveusement. J'adressai un discret signe de tête à mon interlocuteur pour que nous nous retirions.  « Si monsieur m'autorise à rajuster sa toilette... » Une excuse pour nous isoler, qu'acquiesça sire Ravnos. Tandis que je raccommodais son col froissé, j'émis mes préconisations.  « Méfiez-vous du personnel. Le danger a déjà infiltré vos murs ; en atteste cette prétendue maladresse. Le garde-chasse s'adonne à de comparables forfaits. »

Il m'accorda le crédit nécessaire pour que l'intégrité des domestiques virât à la suspicion. S'entamait un nouvel acte dans la mascarade, dédié aux culminations de la tension et l'attention. Sitôt déblaya-t-on le hall que les premiers invités se présentèrent. Le fils cadet de l'hôte entama la procession, suivi d'un notable voisin. Je me retrouvai assigné aux cuisines pour veiller à l'avancement du banquet. Le tandem de marmitons s'affairait aux fourneaux ; le duo de laquais préparait les rafraîchissements. L'effervescence était de mise ; l'information dense. On retirait les petits fours. On étalait la garniture. On remplissait les flûtes… quand je distinguai une apparente vétille. Rubias, jumeau de Saïas, versa subrepticement quelques gouttes d'une substance translucide. Cet acte douteux me prévalut de le filer lorsqu'il regagna la réception. Il agença soigneusement les coupes pour que la douteuse revînt à sire Ravnos. J'intervins pour m'accaparer des breuvages avec professionnalisme et dextérité, saisissant nonchalamment les coupes.  « Je vous prie de m'excuser ; nous fautons en qualité à vous remettre des conteneurs aussi troubles. Je veillerai personnellement à vous remettre une verrerie à la pureté irréprochable. Navré du désagrément suscité. » Soustraire la flûte seule de l'hôte attisait la défiance. Nul n'avait trinqué ; nul ne risquait de s'offusquer de la mesure. J'adressai à sire Ravnos un regard sous-tendant la culpabilité du serviteur. Par suite, je m'éclipsai en compagnie de ce dernier.

Trois suspects. Jusqu'où s'étendait la toile de la corruption ? Quid des instigateurs orchestrant ces méfaits ? Il m'était rude d'anticiper les manigances ; seule ma réactivité succédait à les déjouer. D'autres invités pénétrèrent dans la demeure pour complexifier le tableau. Surveiller les agissements de chacun relevait de l'absurde. Je me focalisai sur les interactions de mon consignataire, toujours sous le couvert du rôle que j'endossais. Dépourvu de plan d'action, j'improvisai des combines. Mélanger les plats servis pour déjouer un éventuel empoisonnement. Patrouiller pour traquer de contingents indésirables. Affecter les jumeaux à des tâches bénignes. Servir moi-même les digestifs. Toute la nuit durant, je ne cessai d'aller et venir au gré de ma tâche, tandis que la fatigue me rongeait progressivement pour empiéter sur mon zèle et ma concentration. Certains détails m'échappèrent inéluctablement. Pour autant, tel qu'escompté par sire Ravnos, nulle tentative ne fut entreprise de face à son égard durant le banquet. La pluralité de mes interventions décontenança les projets insidieux.

La réception s'acheva sans apparente conséquence funeste. La prise de congé des convives ne devait, toutefois, s'accorder avec une faille dans la concentration. Je quémandais les bonnes pour qu'elles nettoyassent les restes lorsqu'un détail raviva ma prudence. L'une d'entre elles, Ophélie, sortit de la chambre du maître. Prête à s'accorder à la besogne, elle soutenait un sceau rempli d'eau. Perplexe, j'attendis qu'elle descendît pour m'aventurer dans la pièce. J'y constatai une fraîcheur apparente, à l'instar de la température extérieure. Avait-on laissé la fenêtre ouverte ? Le ménage justifiait ce recours, mais pourquoi s'y adonner à une heure pareille céans ? Un élément me contrariait sans que je ne l'identifiasse. La paranoïa m'excédait peut-être, mais je souhaitais en avoir le cœur net. Je prévins sire Ravnos.  « Armez-vous. Je gage qu'un piège vous est tendu dans votre chambre. »

Cette ultime préconisation trouva raison. Nous délogeâmes du placard un assassin qui s'y terrait, pris au dépourvu, patientant pour plonger l'imprudent dormeur dans un sommeil éternel. L'éprouvante soirée prit définitivement fin. Je me réjouis dans un soupir de soulagement de cette conclusion. Les masques tombèrent ; j'en terminais avec ce calvaire. Ou presque.  « Reddas, réunissez mon personnel immédiatement. Oh, et apportez-moi un verre d'eau, au passage. »

La désirable condition de domestique m'infligea un seul et unique cas de conscience. Avais-je réellement bien agi en soutirant cette flûte ?


1788 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mar 06 Déc 2016, 15:43

Louise marchait dans les couloirs d'un air assuré. Elle avait une musique dans la tête et si elle se prenait actuellement pour une célébrité au charisme certain, il n'en était en réalité rien. Elle travaillait dans cette maison depuis quelques temps et ne forçait le respect que par sa fonction. Elle avait le devoir de gérer les autres domestiques et ceux-ci le savaient. Ils se demandaient juste comment la femme qui était propriétaire de cette demeure avait pu recruter un tel bout en train. Deux domestiques pouffèrent de rire à côté des rideaux qu'elles rafraîchissaient avant que le phénomène ne se produise. En effet, la jeune femme venait d'exécuter deux ou trois pas d'une danse improvisée en chantonnant un « La la la » assez faux. Sa grosse tresse brune suivait le mouvement, bien plus élégante que celle qui l'avait formée ce matin, au réveil. Seulement, Louise était partie dans son monde et était convaincue, à tort, de mettre une bonne ambiance dans la maison. Elle s'imaginait déjà proposer à son employeur d'organiser un grand bal. Pas de ceux où les invités danseraient la valse mais plus de ceux où les musiciens donneraient tout ce qu'ils ont et où les convives pourraient donner libre cours à leur folie la plus profonde. Chanter et danser rendait joyeux, non ? Elle l'avait lu dans un livre très sérieux, rédigé par un sage elfique qui avait passé son existence à chantonner. Non seulement il était extrêmement vieux mais en plus il était très heureux. Bien sûr, Louise ne faisait aucun lien entre l'âge moyen de la race elfique et de cet homme. Ceux de son espèce ne vivaient pas éternellement et elle avait oublié que ce n'était pas le cas de tout le monde. Bof. On s'en fichait, non ? Elle fit encore deux trois pas de danse avant d'entrer dans le bureau de son employeuse qui l'attendait. Depuis qu'elle était ici, elle avait réussi à ne rien casser et, même si les autres serviteurs la suivaient au bruit qu'elle faisait, elle n'avait pas gaffé.

« Bonjour ! » dit-elle d'un ton enjoué, n'arrivant toujours pas à s'enlever sa musique imaginaire de la tête. Les pensées, parfois, étaient incroyablement tenaces. « Bonjour. » Le ton de la propriétaire était un peu plus neutre. Elle regarda son  nouveau majordome des pieds à la tête, ne sachant si elle devait plutôt rire ou pleurer de sa nouvelle acquisition. À bout de souffle, Louise dut bientôt capituler contre son corps qui, lui, n'avait pas demandé à être secoué de la sorte, dans tous les sens. Elle s'assit donc en face de la dame et attendit les instructions. Elle aurait tellement aimé pouvoir bouger durant des heures. Malheureusement, il n'en était rien. « J'ai eu vent de votre engouement pour votre nouvelle fonction. ». Louise hocha la tête frénétiquement. « Oui ! Je suis tellement heureuse d'être ici ! ». Son comportement en était comique. « C'est très bien. Oui... très bien. ». L'employeuse se dit qu'il ne servait à rien, pour le moment, de la réprimander ; surtout qu'elle allait avoir besoin d'elle. Bien entendu, si son comportement continuait d'être excentrique dans les jours à venir, elle devrait le lui faire remarquer. Pour l'instant, elle mettait ça sur le compte de sa joie, mal maîtrisée, d'avoir trouvé un emploi. « Je vais avoir besoin de vous. Comme vous venez d'arriver, vous travaillerez de concert avec mes autres domestiques lors d'une soirée que je vais organiser. Je leur en ai déjà parlé. Disons que je dois me rendre d'ici quelques temps dans un lieu avec certaines personnes... ». Elle marqua une pause, fixant son étrange majordome. Elle semblait trop inexpérimentée et naïve pour faire partie de ceux qu'elle suspectait de vouloir la trahir. « Vous savez, je suis diplomate. Or, je dois bientôt participer à une réunion qui est d'une importance capitale pour mon peuple. Le représentant de la race que je dois rencontrer a décidé qu'il serait plus sécurisé pour moi de voyager avec des hommes mandatés par lui. Je les ai déjà rencontrés et ils semblent corrects mais je me méfie. Ce peuple a longtemps été ennemi du mien et je ne veux écarter aucune piste, même pas celle du traquenard. ». Louise ne disait rien, se contentant d'écouter. Elle trouvait cette histoire bien compliquée, trop pour elle. Cela dit, elle décida d'y mettre du sien. « Que voulez-vous que je fasse au juste ? ». Ce serait sans doute plus clair ainsi. « Il faudrait que vous versiez ceci dans le verre de l'invité que je vous désignerai. Les autres domestiques s'occuperont de ses collègues. Ensuite, vous devrez l'amener dans une pièce où je leur poserai des questions. ». « C'est quoi au juste ? » demanda Louise en fixant ses yeux sur des petites boules translucides. « Rien de bien méchant. Une potion de vérité. ».

Louise fit la grimace en constatant que les musiciens de la soirée jouaient quelque chose de lent et d'ennuyeux. Elle soupira. Ce ne serait pas ce soir qu'elle remuerait son popotin sur un air endiablé. Elle devait se concentrer sur sa mission, mettre la petite boule dans le verre et amener sa cible dans la pièce. Il s'agissait d'un homme qui ne quittait pas son verre d'une semelle. Il parlait le plus sérieusement du monde avec un autre homme tout aussi joyeux. Mimant une corde autour de son cou et la pendaison due à l'ennui à un serviteur qui la fixait, un peu plus loin, celui-ci préféra baisser les yeux, comme s'il ne l'avait pas vu, plutôt que de rire à sa plaisanterie. Ils avaient décidément tous un balai dans le cul dans cette maison. Elle réfléchit puis eut soudain une idée. Il serait vain de se faufiler dans leur groupe pour discuter de politique et autres sujets chiants. Elle allait les faire sortir de leur coquille de bienséance. Elle commença à faire quelques pas de danse, tournant sur elle-même en mimant un violoniste fou qui jouerait rapidement. Cela créa un blanc dans son entourage proche. Elle n'avait pas assez de prestance pour avoir une influence sur toute la salle. Elle se mit à chanter en s'approchant de l'homme, la main tendue vers lui, ses doigts lui faisant signe de venir à elle. Remuant les épaules, elle arriva à sa hauteur comme une célébrité, lui prit son verre et en but une gorgée en souriant. Son sourire disparut néanmoins assez vite car l'alcool n'était en rien sa tasse de thé. Prise d'une quinte de toux, elle se retourna pour éviter de cracher au visage du pauvre homme et profita, dans son malheur, de l'occasion pour fourrer la boule dans le liquide. Il y eut une réaction effervescente mais celle-ci cessa vite. De nouveau debout, elle se mit à rire, gênée. Elle devait trouver une parade à ses bêtises. « Pardon. Je voulais attirer votre attention mais vous sembliez si occupé... ». Sa voix était légèrement enrouée. « Je suis une amie de Susana et elle m'a conseillée de venir vous voir... ». Elle prit un air mystérieux puis murmura à la seule attention de l'homme tout en lui remettant son verre entre les doigts. « Disons qu'elle m'envoie pour vous contenter dans une salle à part... Je bouge très bien sur un lit aussi... ». « Je vois... Je ne m'attendais pas à un tel... ». Phénomène ? Bout en train ? Il ne finit pas sa phrase. Cette femme était étrange mais, après tout, il n'était pas contre un peu de fantaisie, surtout si celle-ci impliquait un lit. Il finit donc son verre et le posa sur une table avant de suivre la jeune femme. Louise s'était fait mal dans le processus. Son satané corps était décidément pas très résistant. Elle essaya de cacher son mal durant la traversée de la salle mais n'importe qui qui aurait posé les yeux sur elle aurait constaté qu'elle boitillait. Une fois qu'ils furent arrivés devant la porte, elle lui fit un petit signe : « Après vous ! ». En homme conquérant, il passa devant et, sans le suivre, elle referma la porte derrière lui. Il allait subir un interrogatoire et elle ne voulait pas voir ça.

Louise fixa les convives avec un petit sourire, massant sa cuisse avec l'une de ses mains. Elle allait bien dormir ce soir.

1389 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Mer 07 Déc 2016, 19:09


La Magicienne était anxieuse, déconcertée par le poids des regards qui pesait sur elle. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait été contrainte de vivre sous le joug d’une famille aussi sévère qu’envahissante et n’avait jamais pu mener l’existence qu’elle désirait. Elle n’avait, pour ainsi dire, jamais eu la moindre incidence sur sa propre vie et à présent, on exigeait qu’elle s’occupe de la gestion complète du personnel d’un grand domaine. Elle avait passé une partie de la nuit à ressasser ses tourments, et la seconde moitié à plancher sur un emploi du temps afin de mettre au point un programme efficace pour la journée. Elle avait pris assez peu de repos, trop nerveuse pour s’assoupir plus de quelques instants, inquiète à l’idée de réitérer le fiasco des derniers jours. Elle regrettait cette décision, maintenant qu’elle faisait face à quelques dizaines de serviteurs qui la dévisageaient avec dédain. Elle venait tout juste d’achever ses explications, à peine balbutiées du bout des lèvres, les joues écarlates. Pourtant, elle n’avait pas à rougir de son travail : son organisation était plutôt judicieuse et habile, tant elle avait pris soin de parfaire chaque détail, relisant sans cesse ce qui avait été fait de peur de commettre une erreur. Elle était plutôt fière de n’avoir rien oublié, d’avoir établi un roulement satisfaisant entre les différentes tâches. Elle savait qu’elle devrait sûrement faire face à mille et un imprévus mais sa base lui convenait. « Excusez-moi ? » l’interpella la voix contrariée d’un jeune homme aux traits tordus. « Vous m’avez assigné aux cuisines. » Tomoe fit tourner entre ses doigts tremblants le parchemin qu’elle avait lu. « Oui. » répondit-elle simplement, sur un timbre qui donnait presque l’impression qu’elle s’excusait. « Je refuse d’aller aux cuisines. » - « Mais … » - « Le précédent Intendant me mettait toujours au service. » - « Oui mais … » - « Mettez moi au service. » - « Mais … » Il leva les yeux au ciel dans un soupir exagéré. « Vous n’êtes qu’une petite idiote. Comment avez-vous pu arriver à cette place ? Vous êtes la maîtresse du Monsieur Nox, j’en suis sûre. » Elle ne répondit pas, la tête basse. « Alors, qui prend ma place ? » - « Mais je … » - « Quoi ? Vous refusez ? » Il haussa le ton. La Magicienne, les yeux rouges, tourna les talons et s’en alla en courant, fuyant jusque dans les jardins où elle se laissa tomber dans l’herbe pour pleurer. Elle avait toujours été d’une fragilité à fleur de peau, une réalité exacerbée par sa grossesse. Elle ne supportait plus l’ambiance qui régnait dans cette maudite maison. Elle était si pure et tellement fragile que personne ne voyait en elle un décisionnaire. Ils pensaient tous qu’elle avait eu ce rôle à cause de ses beaux yeux, et la plupart des rumeurs visait l’enfant qu’elle portait et que l’on attribuait à son employeur.

« C’est inacceptable. » maugréa une voix sombre et rauque. Tomoe se raidit et n’osa pas se retourner. Elle était prise sur le fait, dans une position plutôt humiliante et ne savait même pas qui s’adressait à elle. « C’est donc vrai. Je refusais de croire les bruits de couloir mais l’évidence est flagrante. » Elle entendit le bruit des pas, qui peu à peu se rapprochait d’elle, jusqu’à ce qu’elle finisse noyer dans l’ombre de son interlocuteur. « Son comportement est intolérable. Comptez sur moi, ainsi que sur les autres, pour rétablir la situation. Cela ne peut durer. Cet homme n’est pas méritant. Je suis sûr et certain de pouvoir gérer son entreprise avec plus d’aptitude et de capacités. » Il semblait se gonfler d’orgueil, et sautait sur la première occasion pour justifier la traitrise qu’il mettait sur pieds. « J’ai un plan. Je vous recontacterai. Grâce à vous, nous allons réussir. Cette soirée marquera un tournant important. » Lorsqu’elle se décida enfin à jeter un coup d’œil derrière elle, il n’y avait plus personne. Ebahie, elle réfléchit un instant à ce qu’il venait de se passer. Venait-on de l’inclure comme complice d’un assassinat contre son patron ? Cela en avait tout l’air. Son sang se glaça. Qu’était-elle supposée faire ? Elle ne savait même pas qui lui avait parlé et ne pouvait pas accuser tout le monde et personne à la fois. Elle glissa frénétiquement les mains dans ses longs cheveux blonds, incapable de déterminer ce qu’il convenait de faire. Elle devait mener l’enquête et ça ne serait pas aussi facile qu’elle le pensait : une réception était organisée le soir et de nombreux invités étaient arrivés la veille. Il y avait près d’une centaine de suspects et elle ne savait pas comment elle allait procéder pour trouver le coupable et ses partisans. Elle essuya ses larmes et prit une grande inspiration, le temps de retrouver contenance. Dans un élan de détermination, elle se remit sur ses pieds. Elle ne pouvait pas continuer à se lamenter, simplement parce que quelqu’un lui avait parlé de façon un peu brusque. Son employeur était en danger et elle avait la désagréable impression que c’était de sa faute. Elle devait agir, vite.

Les heures s’enchaînaient et Tomoe ne parvenait pas à trouver le responsable du complot. Elle gardait un regard appuyé sur son employeur, s’arrangeait pour qu’il ne soit jamais le premier à goûter un plat ou une boisson. Néanmoins, elle ne pouvait pas continuer comme ça. Elle manquait à ses autres devoirs et un meurtrier en devenir se baladait toujours tranquillement. « Attendez. » souffla-t-elle pour la énième fois à une jeune servante, qui allait partir en salle avec un plateau de coupe de champagne. Fatiguée, la Magicienne bailla. Le temps qu’elle rouvre les yeux, un nouveau verre était apparu au beau milieu des autres : une liqueur fruitée à en croire le parfum. « Donnez cela à votre Maître et tout sera terminé. » Elle tourna plusieurs fois sur elle-même mais elle était seule. Elle supputa quelques longues minutes, avant de se décider à aller voir son patron. « Monsieur, puis-je vous parler un petit moment ? » Ils s’écartèrent légèrement des festivités. « Quelqu’un cherche à attenter à votre vie mais je suis incapable de déterminer qui est le coupable. Il m’a confié ce verre de vin, en m’intimant de vous le faire boire. Je pense qu’on peut le démasquer grâce à ce breuvage. Verser le dans le grand tonneau de bière en prétendant que vous voulez faire profiter tout le monde de l’arôme surprenant de cet alcool, à la vue de tous. Je vous conseille de feindre cela, que le poison ne se répande pas dans la bière. Ensuite, prétextez un toast. Ceux qui ne voudront pas en boire, en début de soirée et malgré votre demande, ont sûrement quelque chose à se reprocher. » Il acquiesça. « Cela pourrait marcher. » Elle sourit.

1 100 mots
Revenir en haut Aller en bas
Miles Köerta
~ Orisha ~ Niveau III ~

~ Orisha ~ Niveau III ~
◈ Parchemins usagés : 1157
◈ YinYanisé(e) le : 20/09/2014
◈ Activité : Traqueur [Corvus Æris] | Marcheur
Miles Köerta
Jeu 08 Déc 2016, 05:57


« La force est au lion ce que la ruse est au renard »


Une nouvelle nuit s’amorçait ; une nouvelle journée se terminait. Tout était calme dans le domaine et c’était à peine si quelque chose bougeait au travers des couloirs. Pourtant, mus par une étrange souplesse dans cette pénombre réconfortante et tranquille, les derniers domestiques continuaient à s’afférer ici et là au milieu des corridors, à la manière de moines confinés à l’intérieur de leur temple : dans le silence le plus complet et dévoué. En l’occurrence, personne ne voulait importuner le maître ainsi que son invité, venu exceptionnellement des terres d’Avalon pour séjourner quelques jours au domicile de son frère cadet. C’est pourquoi j’avais demandé à ces quelques employés de faire des heures supplémentaires pour cette nuit, car je voulais m’assurer que les maîtres aient tout ce qui leur fallait à disposition et qu’ils ne manqueraient de rien ; demain soir, ce serait un nouveau groupe qui prendrait la relève.

Pourtant, j’étais bien le seul qui, tous les soirs, devrai se coucher le dernier, aux heures les plus sombres de la nuit, bercé par les ronflements lointains de mes collègues, tandis que mon réveil devra précéder celui du Soleil levant. Vous savez, ce Soleil dont on n’aperçoit que quelques rayons diffus et rosés, parsemant le ciel de mille taches écarlates, violacées et bleutés? La vision d’une telle merveille fascinait sans cesse mon œil, qui s’accrochait instantanément aux couleurs vives et clairs qui s’échappaient du firmament à ces heures. Pourtant, après quelques minutes à contempler ces teintes particulières, un soupir ne pouvait s’empêcher de s’expulser de mes lèvres. Parce que mes fonctions ne cessaient de me ramener les deux pieds sur terre, sur cette contrée lointaine, dans ce domaine perdu au cœur d’une flore riche autant en diversité qu’en pétales colorés, car être le majordome d’une si grande lignée d’antiquaires, comme la famille de Kaerss, n’était pas aussi aisé que je l’avais pensé les premiers jours de mon embauche… Même si je ne gardais que de très vagues et flous souvenirs de l’entretien en question. J’essayais de ressasser ces souvenirs qui, étrangement, m’échappaient complètement, lorsque je m’aperçus du mouvement des domestiques dans le couloir. Elles – parce qu’il s’agissait bien là d’un groupe de femmes – se dirigeaient vers moi, leur balai en main, leur chiffon souillé par les dernières traces de poussières qu’elles avaient essuyé dans une lutte sans merci sur les meubles, les vases et la structure de la demeure. En croisant leur regard, je leur adressais un grand sourire tout en m’approchant.

« Tout est complété?

- Absolument tout. Cependant, nous n’avons pas pu accéder à l’immense lustre dans la salle principale. Nous nous sommes dites qu’utiliser l’échelle ferait peut-être un peu trop de bruit…

- Ne vous en faîtes pas! Je vais m’en charger. Allez dormir : vous l’avez bien mérité. »

Satisfaites, les jeunes femmes s’en allèrent sans faire d’histoire, leur démarche témoignant à elle seule l’état de fatigue qui les accablait. Lorsqu’elles disparurent dans l’aile des domestiques, je filais instantanément jusqu’à la salle principale, m’armant du chiffon que je gardais toujours en poche – qui pouvait prévoir un dégât? – avant de m’arrêter en-dessous du chandelier. Cette structure à huit branches était un véritable défi pour chaque employé qui était assigné à son entretien : pendu à plus de six mètres de haut, il était « le symbole des de Kaerss » selon les mots du maître. D’après lui, ce lustre d’argent aurait été donné par un vieil ami magicien de son arrière-arrière-grand-père et depuis, il suivait les moindres pas de la famille.

C’est pas tout ça, mais j’ai vraiment besoin de roupiller moi aussi. Aussitôt, dans un élan rapide et leste, je sautais jusqu’au chandelier, atteignant une hauteur insoupçonnée, avant de poser le pied sur l’un des coins du lustre, sans faire trop de bruit. Souriant, je me mis au travail sans plus tarder, pressé de rejoindre les draps de mon lit. Cela dit, il n’était pas question de bâcler le travail, et c’est pourquoi je me mis à frotter chaque recoin du chandelier, sautant petit bond par petit bond avec une dextérité aussi fine que maîtrisée. En moins de cinq minutes, j’avais fait le tour du lustre. J’esquissais un sourire ravi avant de descendre de mon perchoir improvisé, glissant la semelle de mes souliers sur le plancher. Le silence, autour de moi, régnait, et si je notais la présence d’un retardataire dans les ombres du domicile, celle-ci finit par disparaître sans un bruit, vers l’allée de droite. Parfait. Maintenant, je pouvais m’évader dans les bras d’Harabella, sans soucis, sans tracas : si problèmes ils y avaient, ils n’arriveraient que demain… Après tout, les rideaux venaient de se tirer sur cette journée bien remplie.

« À moi, mes couvertures! » M’exclamais-je doucement en m’étirant, partant vers la gauche d’un pas assuré, bienheureux rien qu’en pensant à ma tête qui se reposerait bientôt sur mon oreiller.


L’air qui m’entourait était aussi irrespirable qu’une pièce remplie d’encens. Je peinais à supporter ce silence depuis que l’ensemble des domestiques s’étaient évanouis pour rejoindre leurs chambres. Pourtant, non loin de moi, j’étais en mesure d’entendre un bruit… Oh non… Quelqu’un ne dormait pas encore? Vite! Il fallait me cacher, me fondre dans les ombres pour ne pas être repéré! Derrière cette immense plante, je serais suffisamment camouflé pour ne pas être aperçu. Quelle frousse! À dire que j’étais pourtant sûr de mon coup! Voilà qu’un nouveau plaisantin arrivait! J’attendis, j’attendis, collé de tout mon long contre les feuilles gigantesques du végétal décoratif, mais après des minutes qui me parurent interminables, j’osais passer ma tête à travers le feuillage pour mieux distinguer ce qui se cachait ainsi dans le noir. J’attendis encore. Une seconde, deux secondes, mais rien ne vint. Pourquoi rien ne venait? Pourtant, je n’étais pas sourd, je n’étais pas fou : j’avais bel et bien enten… Non… Attendez… Ce son… C-Ce n’était que moi… Enfin, moi, pas vraiment, mais c’était ma respiration. Par tous les Dieux! Comment ais-je pu me donner une peur pareille?! Tout de même, je ne la savais pas aussi lourde et rauque, aussi profonde et anxieuse… Après tout, ce que je m’apprêtais à faire avait de quoi chauffer chacun de mes nerfs.

Lentement, déglutissant, je me risquais à sortir l’un de mes pieds hors de ma cachette, puis le reste de mon corps suivi. Vraiment, il n’y avait personne. Que Fuzâil me préserve de mes propres artifices! Enfin, je repris un peu plus d’assurance, me glissant dans la nuit noire, dans la nuit sombre, dans la nuit où Eoghan dansait en riant quelques fois… Est-ce que c’est moi ou percevais-je son rire, d’ailleurs, résonner? Pitié, il fallait que je cesse de me tourmenter de la sorte! Je le faisais pour le bien de la famille, pour le bien des de Kaerss. J’étais porté par une humble et noble cause : protéger les intérêts de la famille.

Depuis les premières branches de ce petit empire, l’arbre n’avait eu de cesse de faire fleurir des bourgeons neufs et saints qui dévouaient leur existence à la protection des antiquités et à l’intégrité du passé. Cependant, un parasite s’était déposé sur ses branches, infectant, jusqu’à la moelle, le tronc de l’arbre généalogique. Cet insecte indésirable salissait le nom familial, souillait les feuilles d’un feuillage que tant d’ancêtres par le passé s’étaient évertués à faire grandir et mûrir. Ceci doit cesser! M’entendis-je penser alors que je m’arrêtais au pied de la porte. Je pris une grande inspiration avant de tourner la poignée et d’entrer.

« Je croyais ne jamais vous voir arriver… Ricana une voix dans les ténèbres. J’ai fait tout le déplacement aussi vite que j'ai pu pour finalement vous attendre pendant cinq minutes. »

Je reculais de quelques pas, incertains, tremblants. Quoi? Quoi? Mais qui était-ce? Ah! La Lune… Bon sang.
Mes yeux s’écarquillèrent. Je reculais, plus vite encore.
Pourquoi était-il là, celui-là! Ne s’était-il pas éclipsé dans l’aile opposée?! Et pourquoi souriait-il avec un tel visage sinistre?! Non… NON! Arrête d’avancer! Recule! Recule!

« Chuuut!, s’il-vous-plaît. Un peu de respect pour ceux qui essaient de dormir… Murmura-t-il en plaçant son index sur le bout de ses lèvres et malgré mes avertissements, il continuait d’avancer, de se rapprocher, toujours plus sombre, toujours plus proche, trop proche. Et surtout pour le nilsal Castielk. »

Son regard se tourna quelques secondes en direction des couvertures du petit lit qui trônait dignement juste à côté de lui. C’était ma chance ; il venait de baisser sa garde. Sans un cri, d’un pas mêlant agilité et expérience, je me jetais sur ce drôle de personnage en uniforme en sortant ma dague de son fourreau caché. J’étais confiant, sûr de mon coup : j’allais lui couper les veines et la trachée.

« Bon, je croyais pouvoir régler ce problème à l’amiable… »

Rapidement, il bondit sur le côté, évitant si habilement mon offensive que j’en restais figé de stupeur. Quelle était cette vitesse?!

« Vous allez importuner le nilsal Castielk… » Entendis-je en une fraction de seconde, juste au creux de mon oreille et vivement, je me retournais pour contrattaquer, mais il n’y avait plus personne derrière moi.

Ma respiration, à cet instant, s’affola.

« Tu me cherches on dirait! Ria-t-il en apparaissant brusquement devant moi, un sourire bestial sur le coin des lèvres. Coucou! »

Sans que je comprenne comment, je fus plié en deux, m’étalant de tout mon long sur le sol de la vaste chambre à coucher, mes deux bras m'agrippant le ventre à cause d'un choc brutal. Au-dessus de moi, j’aperçus une ombre s’approcher, puis s’arrêter, alors que je tentais de rattraper la course de ma respiration. Un sourire, encore, défigurait son faciès caché dans l’ombre. Je détestais ce visage. Je détestais ce sourire…

« Et si nous discutions tranquillement, vous et moi, hors de la chambre du jeune maître? Nous avons bien des choses à nous dire… »

Il m’attrapa par le collet, me tira sans une once de pitié ou de respect à l’endroit de mon rang et, tout simplement, nous sortîmes de la chambre de mon jeune frère qui, comme s’il n’avait rien entendu, dormait toujours à poing fermé…


« Ah! Quelle belle nuit ais-je passé! Et vous, mon frère? Harabella a-t-elle été clémente avec vous? »

Il sursauta, ne s’attendant pas à être aussitôt interrogé par son jeune frère dès son réveil.

« O-Oui, oui! Parfaitement! Elle a été plutôt clémente à mon égard… »

Son regard s’attarda quelques instants dans le mien. Je souris gentiment, lui proposant une nouvelle gâterie à déguster en entrée.

« Très clémente…

- Vous m’en voyez ravi, grand frère!

- À moi aussi… »


1 775 mots
| Nilsal Castielk = petit maître



[Coupe des Nations - 2016] - Agilité Signat16
Merci Léto ♪:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34827-miles-koerta#679519
Invité
Invité

avatar
Jeu 08 Déc 2016, 22:02


L’illustre maître fit claquer sa langue. Le mécontentement s’épanouissait sur son visage aux traits en affinité avec son état d’esprit. Rien ne pouvait satisfaire l’insatiable recherche d’influence qu’il projetait dans son sillage. Un homme dur. Voilà ce qu’était celui qui avait la poigne sur ma vie actuelle. Comment avais-je abouti à son service, voilà un mystère qui ne demandait qu’à être dévoilé. Et pourtant, je ne pouvais me plaindre de mes conditions, car il m’avait jugé digne d’être l’intendant de son illustre maison. La reconnaissance de mes talents et de mes efforts enfin achevée. Et l’immense satisfaction qui avait suivi ma nomination s’envolant au vent telle une brindille à la prise de mes nouvelles responsabilités… Jouer dans l’ombre avait toujours été un désir puissant, mais se mettre dans la peau des multiples calamités s’abattant mystérieusement sur le domaine pour les prévenir, voilà qui mettait à rude épreuve mon esprit.

La rencontre approchait. Le seigneur maritime et sa suite arriveraient demain en fin d’après-midi. Et il restait encore tellement à faire. Nettoyer l’entièreté de la demeure, recevoir la commande des marchands, préparer…

« Monsieur, nous avons un problème »

Préparer la salle du banquet, coordonner la préparation des aliments, discuter des plans de la soirée avec le maî…

« Monsieur, un malencontreux incident vient de se produire… »

Et il fallait en plus que je gère l’incompétence de mes subordonnés. Mais il fut un temps où mes chausses étaient les leurs, et on ne peut que prendre en pitié l’inexpérience qui dévoile sa face cachée dans une situation inattendue.

« Que se passe-t-il mon cher Milo? »

« Je pense que vous devriez venir voir de vous-même… »

La vie est une surface de jeu géante. Tous les défis qui apparaissent dans notre parcours ne sont là que pour apporter un divertissement éphémère, mais d’une grande importance éducative. Et pourtant, à certains moments, une impasse vient nous percuter de plein fouet, et la fuite devient une option désirable, une tentation pécheresse. La fresque s’étirant devant mon regard me donnait cette envie. Le chemin menant à l’entrée du domaine était parsemé de cadavres frais de conifères. L’accès au portail était dès lors une impossibilité…

« Karl et Manu, allez chercher de la corde dans la remise. Milo, je veux que tu ailles me chercher quelques pelles et haches. Les autres, vous allez commencer à nettoyer l’intérieur de la demeure. Je veux une impeccabilité sans souillure. Allez! »

Pour ma part, il me fallait repérer la partie cruciale de mon plan. Le bâtiment principal se dressait sur une falaise, et le chemin menant à celui-ci était bordé par l’abysse plongeant. Dans cet état de fait, il me fallait donc trouver… Bingo.

Je me mis à l’œuvre en grimpant le long de l’écorce jusqu’à atteindre la cime bordant l’immensité du plongeon mortel. L’arbre était solide, mais je sentais son hésitation sous mon poids. Une faiblesse se cachait dans les profondeurs de son armure. Être en harmonie avec une nature cruelle, voilà la vocation des Alfars. Et la noirceur germait dans le cœur de ce majestueux hêtre. Je redescendis en le marquant d’un trait de dague. Le processus se répéta deux autres fois, partageant la somme des conifères jonchant le chemin. Ma demande arriva enfin. J’enroulai la corde autour de la base déracinée avant de répéter le manège autour des hêtres bordant la falaise. La suite fut exténuante, et il n’en fallut pas beaucoup plus pour en perdre mon uniforme noir et me retrouver le thorax nu et brillant de sueur. Les lames des haches s’émoussèrent, mais elles furent en mesure de survivre au traitement, alors que la fin sonna pour les pauvres hêtres qui plongèrent dans les profondeurs de la vallée. Mais le but fut atteint et la force déployée par la gravité propulsa littéralement les obstacles hors du chemin.

Le retour fut plus lent que l’allée, mon énergie s’étant envolée avec chaque coup de hache, et pourtant il restait tant à faire.

« Monsieur, il semblerait que le ménage soit complété selon vos désirs. Il ne reste plus qu’à… »

Je perdis alors le fil de la discussion. Mon œil avait capté le mouvement sur la gauche, et par réflexe la roulade suivit, rattrapant de justesse le vase qui avait quitté son support. Mon épaule percuta durement le mur de pierre, mais je n’avais pas le temps de m’en plaindre, car la statuette se dressant un peu plus loin basculait à son tour. Je laissai le vase au sol avant de me projeter dans une pose désespérée, les mains vers l’avant dans une extension complète. Le marbre froid rencontra la paume de ma main, et mon menton rencontra lui aussi la rude caresse du plancher. Un peu plus loin, j’entendis un objet éclaté, puis un autre, et finalement un troisième. Le complot se concrétisait donc. J’avais réussi à obtenir l’information d’un certain espion qui, dans sa grande gentillesse forcée par la douleur, m’avait indiqué que l’alliance qui pourrait prendre forme ne faisait pas la joie de tous… Et particulièrement pas d’un certain seigneur qui perdrait le tiers de ses profits. Je me devais de sauver l’honneur de mon maître, et de lui apporter le soutien nécessaire dans cette étape importante.

« Il va falloir que tu ailles chercher des remplacements dans la réserve pour ceux qui n’ont pas survécu. »

« J’ai pas envie. Me faire traîner d’un bord et de l’autre, c’est pas mon plaisir. »

Lentement, je me relevai, replaçant avec une affection exagérée la sculpture sur son socle. Mes cheveux d’encre en broussaille par mes acrobaties me donnaient un air terrifiant. Je m’approchai silencieusement de lui.

« Je vois que la satisfaction de ton travail n’est pas atteinte. Que puis-je faire pour te motiver dans tes tâches? Peut-être qu’offrir un poste à ta femme comme cuisinière serait une option… »


Laisser traîner son attention. Une qualité qui ne pouvait qu’apporter une plénitude d’informations utiles. Faire le traitement parmi tout ce que l’on entendait pouvait par contre se révéler une vraie plaie, mais cela permettait de ressortir une épingle de son jeu à tout moment.

« Je pense… Que… Ce serait un bon compromis… »

Sur ce, il s’inclina, le visage teinté de sa gêne et disparu en direction de la réserve. J’avais confiance qu’il ramasserait les dégâts et remplacerait ce qui était perdu… Il avait beaucoup de bouches à nourrir et son salaire seul ne suffisait à assurer la subsistance de sa marmaille. Un salaire supplémentaire offert à sa femme serait une bénédiction pour sa famille.

Le lendemain vint bien vite. Le grand jour. Tout était fin prêt. Il ne restait plus qu’à faire la réception de nos invités de marque. Le maître m’avait fait venir en matinée dans sa chambre pour les vérifications de dernières minutes, et bien sûr j’avais « omis » de mentionner certains évènements de la veille. Mieux valait être celui qui gérait la traîtrise, comme cela j’avais pleine liberté dans les actions à entreprendre.

Les carrosses arrivèrent, en même temps que le ciel exclamait son indignation. Le déluge s’abattit peu après leur entrée.

« Alors tous, j’aimerais bien que nous nous placions tous en deux lignes. Nous allons saluer nos invités. »

La fébrilité régnait, et la discorde s’égrenait alors que l’écho des pas nous parvenait. Mon regard se promenait de l’un à l’autre des servants. Ils avaient tous un passé plus ou moins brillant, et quelques sujets tendus restaient en suspension, mais nous avions une harmonie en ce moment. Il ne fallait pas décevoir celui qui nous permettait de survivre dans ce monde cruel. Le seigneur maritime apparut, suivi par mon propre maître, puis le reste de la cohorte entamait le pas. Un silence respectueux planait dans l’air. Et pourtant, je sentais Milo fébrile. Quelque chose n’allait pas. Sa main palpait, cherchant avec une désespérance rare. Ses yeux, recelant une tension que je ne connaissais pas, s’excitaient de gauche à droite, mais toujours revenaient au même point : la poitrine de notre invité de marque. Je sus. Et j’agis.

Ma main agrippa celle de Milo, tandis qu’il s’avançait désespérément vers celui qui était sa cible. Son poignard se dirigeait avec fatalité vers la poitrine de celui qui pourrait combler l’espérance de mon patron. Et j’observais. Je ne voulais pas. Mon corps réagit pour moi. Tout en le tirant vers l’arrière, mon pied s’éleva et lui délogea l’arme de la main. Le mouvement fut suivi d’une clé du cou par mon avant-bras. Il était défait.

« Je m’excuse de l’inconvénient mes seigneurs… Il semblerait que la peste rôdait entre nos murs. Je vous reviens plus tard… Avec plus de détails. Si vous voulez bien m’excuser. »

Je me tournai ensuite vers les serviteurs du domaine, tous alignés.

« Je m’attends à un service irréprochable de votre part. Ma confiance repose sur vos épaules. »

Un mélange de frustration, d’indignation et d’ébahissement suivit mes paroles. Mais déjà je disparaissais avec mon fardeau. Silencieux, il savait ce qui l’attendait. Mais l’accord se ferait. Que je sois présent pour y assister ou non. Car tel avait été mon objectif. Maintenant… c’était l’heure de découvrir qui se cachait derrière ce complot. Un éclair s’abattit, projetant une lueur sombre sur mon visage, lui donnant un air lugubre. Peu importe la suite, je serai l’ombre dans la silhouette, celui travaillant avec les ténèbres pour prévenir le moindre accrochage…Car tel était mon travail.


1541 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Jeu 08 Déc 2016, 22:29

« Il ressemble tant au Prince charmant de mes rêves d’enfant. J’ai succombé à son sourire dès le premier regard, comme une adolescente submergée par les émois d’une passion naissante. Crois-tu que je me fasse des illusions ? Penses-tu que je me précipite ? J’ai conscience d’agir dans la hâte mais je ne crois pas devoir demander pardon pour les inclinaisons de mon cœur. » Elle soupira, contrariée par ses propres supputations et par la pression grandissante de sa famille, mais gardait les joues rosies d’excitation. « Faites selon vos désirs, ma Dame. » répondit simplement la Déchue, en versant un peu de thé frémissant dans la tasse que sa jeune Maîtresse faisait tourner entre ses petites mains blanches. « Je te demande ton avis, Pearl, pas de me prononcer une phrase toute faite à l’interprétation brumeuse. » - « Je ne connais pas assez Monsieur pour émettre une quelconque opinion à son sujet. De plus, j’estime que cette question n’est plus à se poser, à quelques jours seulement des noces. » Liviana ne s’attarda pas davantage sur le sujet, soupçonnant qu’elle n’obtiendrait rien de satisfaisant de la part de son Majordome. Sur le ton de la conversation, elle s’enquit tout bonnement de son emploi du temps de la journée, avant que l’Aile-Noire ne retourne à ses tâches quotidiennes. « N’oubliez pas de préparer les chambres de nos premiers invités. » rappela-t-elle aux servantes qui déambulaient avec des draps propres. Tout devait être prêt pour l’arrivée des convives de prestige de Dame Liviana, parmi lesquels se trouvaient les parents proches et les témoins, sans oublier le futur époux. « Il nous manque au moins un tonneau de vin pour la réception de ce soir. » pesta un cuisinier, et Pearl dépêcha immédiatement un jeune coursier pour qu’il aille dans les quartiers marchands de la Cité la plus proche afin d’acheter le nécessaire à un repas parfait. « Il faut des fleurs fraîches dans chaque chambre. » évoqua-t-elle à un moment, pour mentionner à un autre : « Enlever les roses de la suite parentale. Dame Lisbeth préfère les orchidées. » Elle porta de l’eau à quelqu’un qui lui avait demandé, et demanda au passage : « Sir Auguste est-il déjà arrivé ? » - « Depuis près de deux heures. » - « Pardon ? J’avais demandé à être prévenue ! » Elle s’empressa d’apporter la jarre avant de partir à la recherche du promis. Elle arpenta longuement les couloirs avant de pousser la porte derrière laquelle il se cachait. Interdite, elle observa un instant le Bélua, dont les doigts effleuraient avec tendresse le menton d’une femme à qui il n’avait pas passé un anneau autour des siens. Il s’écarta avec tant de naturel et de décontraction que Pearl se mit à douter de ce qu’elle avait vu. « Monsieur, vous êtes attendu par la mère de ma Dame. » - « Parfait. » Il la remercia avec une politesse exquise avant de tourner les talons. Pearl dévisagea la jeune femme. C’était une cousine de Liviana. Elle n’était certaine de rien. Pour autant, le doute s’était installé.

Pearl avait été sotte et elle en prenait peu à peu conscience. Spontanée et peu réfléchie, elle s’était empressée de rapporter ce qu’elle avait vu à sa Maîtresse, qui rejeta l’idée qu’elle puisse être trahie de la sorte par l’homme qu’elle aimait. Elle avait beau faire confiance à son Majordome, elle n’était pas prête à la croire sur parole concernant son Amour, encore moins sur des éléments aussi maigres. Au lieu de semer la plus petite confusion dans l’esprit de la jeune Dame, cela creusa un fossé entre les deux demoiselles. La conversation avait été si rude et houleuse que l’Ange Noir finit par être convaincue qu’elle avait eu tort et qu’elle s’était lourdement trompée. C’était du moins ce dont elle se persuadait, avant d’entrevoir dans la lueur d’une porte à peine ouverte, le fiancé rire à gorge déployée auprès d’une troisième femme qui minaudait. Cette fois-ci, Pearl ne doutait plus. Elle n’avait plus qu’à trouver un moyen de faire entendre raison à sa Maîtresse, pour qui cette union était faite de sentiments. Les parents de Liviana avaient sûrement raison. Les prétendants n’étaient attirés que par sa richesse infinie, le commerce qu’elle détenait et son influence auprès des gouvernements. L’âme en peine, elle chercha une stratégie. Elle envisagea brièvement d’user de son propre statut mais non seulement elle ne pensait pas Auguste bête au point de charmer le Majordome de sa bien-aimée, mais en plus en tant que Luxurieuse au péché scellé par la Magie, elle ne se sentait pas le cœur à faire naître un tel vice chez un autre. Pearl n’était sûre que d’une seule chose : Liviana devait constater par elle-même la tromperie d’Auguste. Il n’y avait que de cette manière qu’elle accepterait la cruauté de cette vérité. Son entourage l’avait trop agacé pour qu’elle écoute qui que ce soit. D’une discrétion à l’habilité douteuse, Pearl se mit à épier Auguste, à le suivre où qu’il aille pour surveiller le moment où il commencerait à fauter avec une énième étrangère. Souvent, elle voyait le Faucon tourner légèrement la tête, comme s’il se savait suivi. Méfiant, il resta sage pendant près de deux jours et Pearl commençait à perdre patience, en plus du fil de ses missions auprès du personnel de maison. Elle devait changer de méthode et être plus subtile. Avec une pointe de scrupule, elle alla parler à Tiana, une jeune Elfe à la beauté lumineuse, pour lui parler de ses états d’âme et du rôle qu’il lui faudrait jouer, pour le bien de Dame Liviana. L’Elfe semblait peu emballée par le projet mais comprenait l’importance de faire tomber les masques. Elle accepta.

« Que t’arrive-t-il, Pearl ? Il nous faut parfaire les préparatifs pour demain. » - « Bien entendu, ma Dame. Je dois juste vous montrer un petit rien, auparavant. » - « Où ça ? » - « Hum … Ici ! » Elle entra brusquement dans une pièce, vide. « Non, ce n’est pas là. » enchaina-t-elle en faisait prestement demi-tour. « Pearl … » soupira-t-elle. La petite mascarade s’éternisa, la Déchue ayant du mal à trouver Auguste et Tiana. Liviana protesta plusieurs fois mais elle ne la laissa pas s’échapper. Elle devait voir. A cette heure-ci, elle était presque assurée de lui montrer le spectacle navrant de son promis, occupée à en séduire une autre. Avec une certaine satisfaction, elle finit par faire irruption dans un petit salon où le Faucon embrassait une autre d’une manière qu’on ne pouvait pas vraiment définir comme amicale. « Je suis navrée mais je devais vous le montrer. Ne … » Elle voulut expliquer son stratagème avec Tiana mais resta bouche-bée. Ce n’était pas avec l’Elfe qu’il passa un peu de bon temps. « Dame Lisbeth ? »- « Mère ? » Pearl, dans un trait de lâcheté assumé, s’éloigna discrètement.

1 100 mots
Revenir en haut Aller en bas
Mancinia Leenhardt
~ Humain ~ Niveau IV ~

~ Humain ~ Niveau IV ~
◈ Parchemins usagés : 11252
◈ YinYanisé(e) le : 01/05/2015
◈ Âme(s) Soeur(s) : Neah Katzuta | Ange | Compagnon
◈ Activité : Joaillière [Rang IV] | Médecin [Rang III] | Éleveuse de Vaches [Rang I] | Investisseur [Rang II]
Mancinia Leenhardt
Jeu 08 Déc 2016, 23:47

Si l'on s'éloignait un peu du tumulte de la ville, vous trouverez au sortir d'une forêt brumeuse un manoir entretenu avec soin. Le domaine était un vaste terrain, entouré d'une végétation luxurieuse, camouflant son étendue à la vue des êtres indiscrets. Un labyrinthe de haies le ceinturait, de fleurs colorées apportaient leur éclat en ces moments sombres d'une rivalité entre divinités. A l'intérieur de ses murs, Neah traversait le hall illuminé par de faibles rayons orangés, les immenses lustres en cristal et les fers aux formes florales étaient ses compagnons durant la descente des escaliers. Il était encore tôt pour éveiller la Demoiselle et tout était d'un silence absolu, hormis dans l'étage souterrain où le personnel était levé pour se mettre au travail. Le premier d'entre tous était bien l'Ange, prenant son rôle très à coeur en tant que Majordome de la Famille Sinclair. En ouvrant la porte de la cuisine, la chaleur d'un feu de bois entourait instantanément quiconque entrait dans la cuisine, lui faisant oublier le froid et l'humidité de l'extérieur. D'un regard, il s'assure que tout à chacun effectuait son travail matinal avant de prendre deux domestiques féminines et d'aller réveiller Demoiselle Cécile. Cette dernière, bien que peu matinale, ne rechignait jamais au travail, à la condition exclusive qu'on l'éveille un quart d'heure d'avance pour se prélasser dans ses draps chauds.

Il est l'heure de vous lever, Mademoiselle.

Cette dernière eu un petit grognement en se retournant, sachant que le Majordome ouvrirait l'épaisse tenture pour laisser les rayons solaires dévorer sa chambre.

Qu'y a-t-il au programme aujourd'hui ? demanda une voix endormie.
Aujourd'hui, après votre petit déjeuner, le Professeur Eberhard, spécialiste de l'éducation royale, viendra vous donner cours. Nous avons réussi à aménager votre horaire pour libérer votre après-midi.

Elle se redressa d'un geste pour sortir du lit.

Fort bien !

Neah eu un sourire et sortit ensuite de la chambre pour laisser les servantes la vêtir correctement. C'est aujourd'hui que Monsieur rentrait de son voyage d'affaires et Mademoiselle se devait d'être prête pour son retour. Pendant qu'il servait son déjeuner à sa maîtresse, les autres domestiques s'efforçaient de faire un immense nettoyage pour le retour de leur Maître. Quand l'Ange débarrassa les couverts en confiant Demoiselle Cécile à son professeur, il retrouva quelques-uns de ses subalternes en pleine conversation. Pris sur le fait devant leur immense travail, ils ne surent où se mettre devant le regard réprobateur du Majordome.

Adel, as-tu fini de désherber le jardin ? Maya, où en est la lessive des draps ? Sasha, cesse de manger nos vivres et toi, Wen, tu devrais être en train de préparer le dîner ! Si vous avez le temps de bavarder, travaillez plutôt !

Ces derniers se confondirent en excuse avant de se remettre à l'ouvrage. Et lui ? Il allait s'occuper des préparatifs pour le dîner entre les deux nobles. Il se devait de choisir le service approprié au menu et de tout faire briller. L'argenterie devait lui comme un miroir et n'avoir aucun défaut. Saisir une nappe neuve immaculée pour célébrer ce retour était primordial ! En passant devant les larges fenêtres, Neah vit Adel en train de couper les fleurs abîmées des rosiers blancs que Monsieur aimait tant, deux autres serviteurs s'occupaient de retirer les mauvaises herbes et de donner à l'herbe une finition de velours. Le travail se déroulait sans encombre et à une vitesse qui lui plaisait, tous pourraient se reposer ce soir, mais pour l'instant, il en était à son point culminant : c'était à lui qu'incombait de choisir les meilleurs ingrédients pour le repas. Pour la viande, bien sûr, mais aussi pour les légumes, le riz et les condiments. Wen devait aller en personne acheter ces derniers avant de les soumettre à son approbation avant de s'acharner à les préparer somptueusement. Neah n'était pas du genre à pardonner aussi facilement. A accepter de telles erreurs. Inutile de dire qu'avec autant d'années de pratique, impossible de passer à côté. Il n'avait pas à réfléchir, c'était naturel. Son regard à lui seul suffisait à trahir sa colère, Wen ne le comprit que lorsqu'elle vit l'objet du délit.

C'est une méprise, tenta-t-il de se défendre.
Je sais ce que c'est, dit-il d'une voix glacial. Qu'as-tu à répondre ?
Encore une fois, vous vous méprenez sur mes intentions...Oh !

La gifle que lui asséna Neah eut pour effet de lui faire perdre l'équilibre.

C'est toi qui fais erreur.

Il mit un genou au sol et lui agrippa l'arrière de la nuque pour le relever, manquant de l'étrangler.

Je vais briser ton crâne sur le sol si tu oses me mentir.
C'est...Mademoiselle...Elle me l'a confié.

Neah relâcha sa prise, encore méfiant.

Pour soulager ton poignet ?
Mes plats, elle...Elle apprécie mes plats et voulait me donner un gage d'appréciation.

Le Majordome dénoua le tissu mauve du poignet de son subalterne et le reposa sur la table en se redressant.

Ne le porte pas devant le Maître. En fait, ne le porte plus devant quiconque.

Neah n'avait pas à s'excuser, si ceci avait été un vol manifeste et qu'il l'avait couvert, c'est lui qui aurait eu de graves ennuis. Wen fit soigner sa blessure avant de se remettre à l'ouvrage silencieusement, une certaine colère dans le coeur, mais il n'oserait pas faire une erreur. Ce serait décevoir sa jeune maîtresse qui appréciait ses plats. Sasha reprit son travail et le regard de Neah dériva vers elle, suspicieux. Son comportement était étrange depuis quelques semaines. Il avait d'abord cru qu'elle portait un enfant, mais aucunes rondeurs n'avait alourdit son corps. Il avait quelque chose de différent. Se faisait-il des idées ou bien son instinct l'avertissait d'un certain danger ? Si le retour tant attendu se déroula sans encombre et que Demoiselle Cécile passa une délicieuse soirée en compagnie de son père avant d'aller se coucher, ce dernier n'avait pas fini de prendre du bon temps. C'est à cet instant que Neah se permit d'aller fouiller la chambre et de voir ses doutes confirmer : des lettres soigneusement ranger avec ses sous-vêtements. Comme si cela allait l'effrayer. En arpentant les couloirs, Abel comprit son but et le mit en garde animé de bonnes intentions.

Vous ne devriez pas les déranger, Neah.
Au contraire.

Marchant au travers de l'immense demeure et connaissant les habitudes et les préférences de son Maître depuis le décès de son épouse voici des années. L'Ange savait qu'il devait se rendre dans les bains. Il savait qu'il ne serait pas seul et que personne ne le dérangerait. C'était ingénieux. Au moment où il entendit une carafe se brisé sur le sol, il comprit qu'il devait hâter le pas et ouvrit la porte au moment fatidique. Neah saisit le poignet de cette servante qu'il connaissait depuis des années, le tordant et le dirigeant vers la poitrine dans laquelle lui-même enfonça l'arme qui écorcha ses chairs. Saisie d'un mutisme empli de douleur, Sasha le regarda d'un regard d'incompréhension. Elle n'y retrouva que du vide, alors, elle implora sa pitié et il lui offrit un souffle. Avant de lui trancher la gorge. L'assaillante fût prise à son propre piège et s'effondra dans l'eau chaude qu'elle tinta d'un liquide carmin. Monsieur se redressa, blessé à la tête, mais il ne lui en tenu pas rigueur, tout du contraire.

Heureusement que tu couvres mes arrières.
A votre service.

Bien que son uniforme soit lui-même recouvert de sang, Neah inclina respectueusement la tête avant de se diriger vers le cadavre flottant dans une mare de sang et l'extraire du bain d'un geste froid. S'enfuir avec un rival du Maître après l'avoir assassiné pour prouver son amour. On avait connu meilleur conclusion aux histoires d'amour.

1 275 mots


[Coupe des Nations - 2016] - Agilité Chriss10
Art by Chrissabug

Meuh:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t38147-mancinia-leenhardt-
Invité
Invité

avatar
Jeu 08 Déc 2016, 23:57

Nous ne sommes pas le rêve, nous sommes
l'éveil.


-----------------------------------------------




La journée se terminait, la nuit était tombée depuis un moment. Je mis un peu de bois dans le feu avant de préparer ma couchette ; un tapis de feuilles avec quelques épines de pin. Il me fallut peu de temps avant de trouver le sommeil. Une fois sur ce lit de fortune, je tombais dans un rêve aussi noir que la nuit elle-même.

Des rires d'enfants me tirèrent de mon sommeil. En me retournant brièvement, j'agrippais les draps qui sentaient vaguement la lavande. Une odeur légère mais suffisante pour me décocher un sourire. Sourire qui s’effaça presque instantanément. Pourquoi étais-je dans un lit ? Et surtout, pourquoi avais-je l'impression que c'était ma place ? J'ôta les couvertures, j'étais habillée d'un pyjama léger, jamais auparavant, je n'avais possédé un tel vêtement. Instinctivement, je retirai cet habit avant de me diriger vers une armoire de la pièce. Ma main se dirigea vers un habit tout autre.

Une tenue de soubrette des plus fines et des plus sophistiquées. Des épaulettes en dentelles légèrement recourbées vers le haut venaient recouvrir mes épaules. Je nouais un ruban autours du cou. La tenue se prolongeait ensuite en un bustier dévoilant un décolleté qui mettait en valeur ma pauvre poitrine. L'habit se terminait en cloche sans dévoiler mon intimité. Le fond de la robe arbore une somptueuse dentelle. Le dos de la tenue est ouvert en corsage sur le haut tandis que le fond part en queue de pie. S'ajoutait à cela une paire de collants blanc ainsi qu'une paire de mocassins. Ma queue d'hermine sortait là où la queue-de-pie se fendait.

J'enfilais la tenue sachant que c'était ce que je devais faire. Mon rôle au sein de cette maison était encré dans mon cerveau. Je devais diriger ce lieu et le protéger. Si tel était mon devoir, je le respecterai sans me soucier du reste. Décidée de mon rôle, je me dirigeais vers la maquilleuse pour y prendre place afin de me brosser les cheveux. Le maquillage en lui-même était superflu étant donné que j'étais autorisée à porter mon masque à cause de mes yeux. Mon rôle de leader au sein des servantes me laissait le droit à cette extravagance. Une fois prête, je sortais de la pièce afin de me diriger vers la cuisine.

Bien qu'aveugle, je me dirigeais dans la maison comme si je connaissais tous les recoins, le lieu se dessine parfaitement bien dans mon esprit. Je voyais les rideaux faits de matières nobles, les boiseries sculptées par les meilleurs ébénistes. De l'art architectural. Une fois dans la cuisine, deux servantes avaient déjà prit place derrière les fourneaux afin de préparer le petit-déjeuner. D'instinct, je crachais mes ordres aux jeunes filles.

- On s'active mes demoiselles, le maître se lève dans trente minutes.

La pièce sentait bon le pain et les viennoiseries. Après m'être assurée que tout était en ordre, je sortais de la cuisine pour me diriger vers la salle à manger. Une autre servante s'activait à rendre la table digne d'un seigneur.

- Odélia, une fois que vous avez terminé ici, je veux que vous alliez en ville pour commander des fleurs, le Maître tien une petite réception en ce lieu. Je veux les meilleures fleurs du fleuriste. Aucune plante gâtée ne sera tolérée.

- Bien, Dame Oilossë. Répondit la jeune fille.

De mon côté, j'ajustais ma robe avant de me diriger vers la chambre du Maître. Une fois à sa porte, je frappais trois fois avant de pénétrer dans la pièce. L'homme me saluait d'une voix rauque, digne du matin. En guise de réponse, je m'inclinais en une révérence. Sans attendre, je pris la direction d'une gigantesque armoire avant d'en ouvrir les portes pour en retirer les plus beaux habits de mon Maître. J'allais ensuite les déposer au bout du lit avant de rompre le silence du lieu.

- Votre tenue est prête, Monsieur. Les autres filles s’attellent d'ores et déjà à la tâche pour la réception de ce soir. Avez-vous des ordres particularités pour cette dernière ?

Le bonhomme se redressait avant de prendre la parole : - Je veux qu'Odélia et Amélie soient prêtes pour satisfaire les hommes qui seront présents. Bien entendu, je parle de service... Spécial. Il faut que ça le soit pour les nobles qui festoieront à notre table. C'est pour leur argent que je souhaite qu'ils viennent. Outre cela, je veux que vous soyez la seule servante dans la salle pour ne pas encombrer la pièce. Vous observerez ainsi nos convives.

- Qu'il en soit ainsi. Si vous le permettez, il me reste nombre de tâche à accomplir.

Dans une nouvelle courbette, je quittais la pièce. Avant de m'occuper des tâches habituelles, je fis le tour des autres pièces pour donner les directives à mes subordonnés ainsi que faire part de la demande du Maître face aux deux concernées. Le reste de la journée se fit sans encombre. Les jeunes filles savaient ce qu'elles devaient faire pour le dîner, Odélia répartissait les fleurs avec harmonie tandis que le reste s'occupait du ménage. De mon côté, je m'occupais de la broderie et des lessives. Tout devait être parfait pour ce soir. De ce que je savais, la Maison n'était plus aussi riche qu'auparavant. Les cultures du Maître avaient été mauvaises cette année, il allait devoir s'offrir les grâces des autres seigneurs pour faire survivre sa demeure.




Le soir venu, j’accueillais les convives tandis que le reste de la maisonnée s'adonnait à leurs tâches respectives. Les pièces principales sentaient délicieusement bon la nourriture et la propreté. Chaque invité faisait la remarque en pénétrant dans la demeure. Je les remerciais à l'aide d'une brève révérence. Une fois tout le monde présent autour de la table, les banalités pouvaient commencer. J'étais présente dans un coin de la pièce lorsque l'alcool coulait à flot et que le vin commençait à monter à la tête de ce beau monde. L'assemblée était composée uniquement de seigneurs de la région. Aucun d'eux n'avait amené leur compagne. Les autres servantes faisaient des allée et venues pour débarrasser la table afin de la remplir à nouveau pour satisfaire l'appétit en nourriture et en boisson de ces ogres.

Alors que la soirée battait son plein, le Maître me commanda d’amener un homme rejoindre les deux filles qui se trouvaient à l'étage. Les deux servantes allaient lui servir de cadeau. En silence, j'indiquais à l'homme en question de me suivre dans la maison. Si ce dernier avait été choisi parmi les autres, ce n'était pas un hasard. De toute la table, il était de loin l'homme le plus riche et le plus influent, il devait avoir le meilleur. Ce pourquoi, ce soir, il avait l'occasion de goûter aux services des deux plus belles servantes de la maisonnée. Fait intéressant, il n'a jamais vraiment aimé mon Maître. A plusieurs reprises, il a tenté de lui retirer ses terres sous de grotesques accusations. Or, il était joyeux de se joindre à cette réception.

Une fois à la chambre, je le fis entrer pour rejoindre les jouvencelles dénudées avant de retourner à ma place dans la salle de séjour. En ce lieu, les discutions avaient commencé à tourner autour de la politique avant de se diriger vers le plat principal, l'argent. Le Maître savait faire dans la subtilité pour rentrer dans les bonnes grâces de ces hommes. Il allait ainsi tirer une bonne somme d'argent de leur part à tous ainsi que des contrats juteux. Après un long moment, le grand seigneur revint de son aventure avec les servantes. Il semblait joyeux, très joyeux. Une odeur lui collait à la peau, je la connaissais, mais je ne pouvais dire de quoi il s'agissait. Dans sa bonne humeur, l'homme ôta une petite flasque en acier de l'intérieur de sa veste avant de la poser sur la table.

- Il s'avère que moi aussi, j'ai un cadeau pour vous. Dans cette flasque, j'y ai placé un de nos meilleurs alcool. Dû à sa rareté, je ne peux vous en offrir en grande quantité. Mais je vous en prie, buvez sans modération, cela vient d'un fruit rare, profitez-en !

Mon Maître se courbait presque en deux pour remercier le noble de son cadeau hors prix. Alors que le seigneur ouvrait le flacon, l'odeur sentie au préalable sur son corps revint comme un coup de fouet et mes souvenirs revinrent. Il n'est pas question d'un alcool, mais d'un poison ! Sans élan, j'entrepris une course pour récupérer le flacon des mains du Maître alors qu'il s’apprêtait à boire. Dans ma démarche, je bousculais d'autres convives, trébuchant sur une chaise pour me diriger dans un vol plané sur le seigneur, reversant tout sur mon passage, le flacon comprit. Alors que le liquide se déversait sur le sol, le seigneur de ce lieu m'insultait copieusement en me questionnant sur mes agissements. Je n'eus guerre le temps de m'expliquer que la supercherie prenait fin.

Celui que l'on pensait être un riche noble n'en était point un. Sous la colère, il fit sauter son camouflage. Il était en réalité un coupe-jarret, l'ancien jardinier, pour être précise. Il avait été renvoyé après qu'on l'a surpris à voler l'argenterie du Maître. D'un fourreau, il sortit une épée courte avant de se jeter sur mon employeur. D'un mouvement, je glissais mes mains sous ma jupe avant de tirer mes dagues qui se trouvaient dans de petites poches au niveau des cuisses. Dans la foulée, j'en fis tomber une tandis que l'autre vint parer l'épée. L'homme contre-attaqua en projetant son pied dans l'estomac, ce qui me coupa le souffle un instant. Dans ce remue-ménage, les autres hommes avaient sorti à leur tour leur épée pour s'en prendre à l'assassin. Sous le nombre, il a rapidement été maîtrisé afin d'être livré aux autorités.

Le calme revenu, le Maître s'approcha de moi pour déposer une main amicale sur mon épaule avant de s'exclamer en pouffant de rire :

- Vous avez tout de même détruit notre plus belle nappe !

Mots: 1757
   

Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

[Coupe des Nations - 2016] - Agilité

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» ~ Coupe des Nations : Épreuve d'Agilité ~
» [Coupe des Nations - 2016] - Intelligence
» [Coupe des Nations - 2016] Magie
» [Coupe des nations - 2016] Force ~
» ¤ Tournoi des nations : Épreuve d'agilité ¤
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Devasté - Ouest :: Antre des damnés-