La Dame Rouge aurait pu repartir directement de Ciel-Ouvert mais elle préféra rester sur place quelques temps. Elle devait réfléchir et commencer à étudier la moitié de parchemin qu'elle possédait. Elle se prit donc une chambre dans une auberge et parcourut la cité, la feuille à la main. Peut-être n'était-ce pas ce qui y était écrit qui comptait après tout ? Peut-être était-ce autre chose ? Cette hypothèse s'avéra être un cul de sac bien rapidement. Elle avait beau fixer le parchemin sous toutes ses coutures, approcher la flamme d'une bougie de la feuille ou prendre la forme d'un Esprit dans l'espoir qu'une écriture passée et bien plus explicite y trouve place, rien ne vint. Il s'agissait bel et bien de Zul'Dov, une langue dont elle connaissait quelques mots à l'oral mais dont elle ne maîtrisait absolument pas les fondements écrits.

Le lendemain, assise à une terrasse, elle entendit, au comble du désespoir, une fameuse chanson qui avait le don de l'agacer plus que de raison. L'un des barbes de la cité était en train de s'égosiller, accompagné de sa mandoline, afin de conter les frasques charnelles de la Reine des Magiciens. Devait-elle le tuer et s'exposer aux foudres des Grands de Ciel-Ouvert ? Certainement pas. L'endroit lui était accessible et elle pouvait y trouver repos lorsqu'elle en avait besoin. De plus, ce chant mis à part, elle trouvait l'atmosphère, qui régnait en ce lieu, inspirante. Lorsque l'homme fut près d'elle, elle lui sourit. Oh, bien entendu, ils étaient beaucoup à la regarder avec insistance ou à la suivre lorsqu'elle se déplaçait. Un simple ordre de sa part suffisait à détourner la plèbe de sa personne car les pions lui obéissaient aveuglément. Elle ne faisait donc plus réellement attention, usant parfois d'hypnose à grande échelle pour être tranquille lorsqu'elle les trouvait trop envahissants. « Asseyez-vous » dit-elle au barde en lui désignant une chaise en face d'elle. Il s'exécuta. La Collectionneuse connaissait ce qu'il clamait par cœur. Elle s'était renseignée sur cette musique et ses paroles. « Parlons sérieusement. Au lieu de chanter ce qui est inexact, pourquoi n'inventeriez-vous pas la vérité sur la grossesse de l'Ultimage ? Cela ferait sans doute votre gloire ici. ». Elle sourit. Son principal objectif était d'annihiler la présence du Monarque Démoniaque des paroles. Edwina lui avait murmurée qu'elle souhaitait se tenir à l'écart de l'homme mais ce n'était pas tant par rapport à elle que le souci existait mais bien par rapport à sa réputation. Aux tables alentours, des oreilles curieuses l'écoutaient. « C'est que... Je ne connais pas la Reine, je ne saurai dire qui partage sa couche. ». « Certes, cela ne fait aucun doute. Mais je connais l'intéressée alors... je dirai que c'est votre jour de chance. » fit-elle alors que ses lèvres s'étiraient un peu plus. « Voyons... ». Elle semblait réfléchir aux possibilités. « Le premier candidat de votre chant est un Alfar il me semble. Toute personne un tant soit peu intelligente qui aurait observé la Souveraine en présence d'un homme aux oreilles pointues aura remarqué sa passion pour ces dernières. Pourtant, je crois que cette inclination s'applique à tous ceux les possédant et je pense que cette piste est donc caduque. Le Dædalus, ce n'est pas sérieux non plus. Celui-ci semble être son ami, pas son amant. Quant au Monarque Démoniaque, la chose est aussi risible que de prétendre que Lord pourrait la mettre enceinte. ». Elle marqua une courte pause. « Vous ne pensez pas ? ». « Si... Bien sûr. Mais alors... Qui ? ». « Son mari peut-être ? » fit-elle à tout hasard. Elle rit. « Allons, je sais qu'ici, à Ciel-Ouvert, vous aimez conter des histoires improbables mais, après tout, ce n'est pas parce que l'identité de l'époux de l'Ultimage n'a pas été révélée qu'il faut envisager je ne sais quelles absurdités. Vous feriez mieux d'écrire sur ce mystérieux homme au lieu d'insulter la vertu de la Reine des Mages Blancs. Surtout qu'elle est connue pour cette dernière. Elle n'est pas l'ancienne Reine des Déchus mais bien une femme honorable qu'une seule caresse sur l'épaule venant d'un inconnu émeut, tant elle trouve celle-ci inconvenante. ». Fixant ses yeux dans les siens, elle fit en sorte que l'idée principale reste bel et bien dans sa cervelle. « Écrivez sur l'identité supposée du mari de l'Ultimage et abandonné ce chant absurde que vous aimez proférer à longueur de temps. ». Sans le savoir, en évoquant quelques sujets, la Dame Rouge avait touché le cœur d'un Auryannite, assis à côté d'eux. Ce dernier venait d'être convaincu que les oreilles d'Elfes, d'Alfars et de Faes devaient être considérés comme des objets de culte. Puisque la Reine Blanche les aimait, alors ils devaient aussi les adorer. Il faudrait les défaire de leur propriétaire et les empailler. Cela ne faisait aucun doute, ces oreilles leur porteraient chance et seraient un élément on ne peut plus important du culte d'Aurore.

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