-17%
Le deal à ne pas rater :
Casque de réalité virtuelle Meta Quest 2 128 Go Blanc (+29,99€ ...
249.99 € 299.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 A toi, à cette rencontre que le monde aurait voulu s'épargner et à ceux que nous allons massacrer [Solo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Mar 27 Sep 2016, 14:38


« Cesse d’afficher cette mine morose, Vàsah. Cette décision était la meilleure à prendre pour le bien-être de notre fille. Je crains tant pour son bonheur … Elle est une enfant si fragile. Elle ne peut supporter plus longtemps le combat que tu mènes, fusse-t-il pour brandir nos convictions. Elle a besoin de repos. A vrai dire, je crois que nous en avons tous besoin. » La jeune femme s’était approchée d’un pas feutré de son époux, nonchalamment avachi sur un vieux fauteuil. D’un geste tendre et léger, elle glissa les mains le long de ses épaules pour les enfouir sous le coton de sa chemise. Il posa lentement ses doigts sur ses paumes. « Je ne regrette pas mon choix, Oromë. Mais je déplore cet état de paresse et d’inertie. Je manque d’être utile à nos Dieux et je serai certainement puni pour cet affront. » - « Tu as déjà tant fait pour eux. » - « Pas assez encore, puisque ces fanatiques voués à ce prétendu Unique ne cesse de rabâcher leur vision injurieuse. » Elle soupira. « Tâche de passer du temps avec ta fille. Tu as été tellement occupé et loin de nous, depuis les premières heures de cette immonde Guerre. » Ils tendirent l’oreille, attirés par les notes qui s’élevaient, timides, du salon. Dans un sourire, elle s’empressa de rejoindre la musicienne, suivie de près par son mari, d’une démarche plus trainante. La jeune Alerah était installée devant le grand piano blanc et faisait courir la mélodie, de plus en plus assurée. Oromë s’assit près d’elle, sur le grand tabouret et corrigea sa posture en prenant garde à ne pas l’arrêter. Lorsque le dernier accord eut fini de raisonner, l’Ange tourna la tête vers son père, le regard sage mais rempli de mille et une questions. « Est-ce que cela vous a plu ? » - « Tu gagnes en talent de jour en jour. » lui répondit-il, l’expression radoucie. « Pourrions-nous nous rendre au marché, demain matin ? » - « Ce n’est qu’un petit village de campagne, Alerah. » - « Nous n’allons tout de même pas rester confinés ici jusqu’à notre retour à la Citadelle. J’aimerai beaucoup visiter la région, avec vous. Il est plutôt plaisant d’être en cette contrée simple, n’est-il pas ? » Sa voix était un petit bijou, gracile et chantant. Il sourit. « Si tu le souhaites. » La Famille Brighid n’avait jamais eu de rêves d’ambition et d’éclat. Cependant, la lignée était ancienne et illustre. Nobles, ils menaient une vie aisée quoique simple et placée sous le signe des vertus et de l’altruisme. Il n’était plus vraiment dans leur habitude de vivre dans un petit bourg inconnu et reculé. Ce n’était pas déplaisant pour autant. Bien au contraire, ils se sentaient plutôt bien, loin de la Citadelle Blanche. Ils étaient des Gardiens de la Foi, et la tâche était plutôt éprouvante, ces derniers temps. « Allons dîner. » décréta la mère. « Le marché se tient aux premières lueurs de l’aube. Tu dois te coucher tôt. » Elle obtempéra sans broncher. Alerah était une demoiselle docile et sage, une bonne élève qui ne rechignait jamais à la tâche et qui ne haussait jamais le ton. Elle menait une existence plutôt paisible, bien que secouée par les affres des Guerres des Dieux. Elle ne se doutait pas un seul instant du secret qui pesait sur ses origines. Elle ne risquait guère d’avoir l’occasion de se poser la question. Pas cette nuit, en tout cas.

Alerah ouvrit les yeux brusquement, tirée de ses songes par un sursaut incontrôlée. Prise d’un étrange sentiment de malaise, elle s’agita un instant entre ses draps, avant de se décider à quitter l’enceinte rassurante de son lit. « Père ? Mère ? » Elle avait attrapé une chemise de nuit et l’avait noué en quelques mouvements, arpentant les couloirs et les escaliers dans une tenue décente. La jeune Ange se jugeait idiote, à appeler ses parents au beau milieu de la nuit. Comment pourraient-ils lui répondre ? Ils devaient être plongés dans le sommeil. Néanmoins, elle avait besoin de s’assurer de leur présence. Les lèvres tordues en une moue contrariée, elle croisa les bras, l’échine parcourue par un long frisson. Elle peinait à comprendre ses réactions. C’était comme si elle avait perçu quelque chose du coin de l’œil, quelque chose de terrifiant, mais qu’elle n’avait pas encore réellement saisi l’ampleur de la situation. « Père ? » Elle savait qu’il ne serait pas enchanté de son comportement mais c’était plus fort qu’elle. L’Ange se faisait l’effet d’être une effrontée, à admirer la porte de la chambre de ses parents, le poing prêt à toquer. Elle prit une grande respiration avant de frapper trois petits coups. A sa plus grande surprise, la porte s’ouvrit d’elle-même. « Mère ? » murmura-t-elle, surprise. Elle fit quelques pas maladroits dans l’enceinte de la pièce. Ils n’étaient pas là. Anxieuse, elle resta plantée entre la commode et la coiffeuse à contempler un sommier vide durant de longues secondes, à supputer. Où avaient-ils bien passer ? La demeure lui paraissait vide et silencieuse. Elle prit toutefois le temps de faire le tour de la maison mais elle devait se rendre à l’évidence : ils étaient partis. Des éclats de voix la firent bondir. Il se passait quelque chose – de mauvais – dehors. Ses jambes filaient en toute hâte sans se soucier des conséquences mais son esprit lui criait la prudence, qu’elle occultait avec soin. Rien n’aurait pu la préparer à ce qu’elle allait voir. Une fois le seuil de la maisonnée franchit, ses grands yeux clairs – orbes d’innocence et de pureté – se posèrent sur les dépouilles défigurées des villageois, à peine reconnaissables dans des fripes en lambeaux, tâchées de leur propre sang. Le cœur au bord des lèvres, elle tomba à genoux. Incapable de crier, nauséeuse, elle recula comme elle le pouvait, jusqu’à être bloquée contre le mur. Les mains sur la bouche pour les sceller, elle contemplait la scène, le teint devenue blême. Que pouvait-elle dire ? Que devait-elle dire ? Elle ignorait la juste attitude à adopter ; certainement qu’il n’y avait rien à faire. Elle était désemparée, à chercher une logique dans l’horreur. Alerah était tremblante. Lentement, elle plia les genoux pour les plaquer contre sa poitrine. Elle se sentait seule. Où étaient donc ses parents ? S’étaient-ils échapper ? Elle ne parvenait pas à croire qu’ils étaient partis sans elle. Pourtant, elle s’accrochait à cette idée. S’ils étaient restés, ils étaient peut-être … L’Ange chassa cette idée. Ses parents étaient puissants et ils étaient dotés de la force des vertus. Ils devaient être en train de régler la situation, de pourchasser les malfrats et de les tenir en respect. C’était forcément ça. « Pas vraiment, ma douce. Pas vraiment. » Elle écarquilla les yeux, étonnée qu’on lui adresse la parole. Une femme se tenait à quelques pas d’elle, une étrangère aux cheveux de cuivre et au regard pâle. « Vous … » Son trouble était palpable tant la Dame était belle, au point qu’elle se persuade qu’il ne pouvait s’agir que d’une Déesse, venue la secourir. « Non plus. » Le souffle court, Alerah se vit décoller du sol. Elle la tenait à la gorge. Que lui faisait-elle ? Elle n’en avait aucune idée. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle était en train de mourir.

Peu soucieuse de la santé de l’enfant qui venait de tomber à genoux, la Khæleesi tourna les talons, les bras tendus vers l’un de ses dragons qui penchait la gueule près d’elle. D’un geste léger, elle caressait sa tête, sans se préoccuper du sang poisseux de ses écailles qui souillait la peau blanche de ses mains. Elle sourit. La bête ferma un instant les yeux, l’air satisfait du carnage et du repas qu’il s’était offert en compagnie de sa meute. Les autres étaient encore sur les carcasses des villageois, à briser les os et dévorer les chairs. D’une démarche prudente, Nikolaï s’approcha de la Sirène. Il restait toujours méfiant à l’égard des monstres de la Dame, conscient qu’ils étaient aussi cruels qu’impulsifs et que la dernière personne à avoir occupé sa place avait fini entre les mâchoires de Deimos. « La place est nettoyée. » articula-t-il tout bas, en croisant les bras. « Oui, je sais. » répondit-elle doucement dans un murmure. « Que dois-je faire de celle-là ? » Il avait été surpris de voir la jeune Ange, encore en vie quoique fragilisée et presque inconsciente. Il n’avait pas assez d’audace pour demander les raisons de cette clémence à Vanille. « Ramenons-la. »  Cette fois-ci, le Démon s’autorisa un léger rire. « N’en avez-vous pas marre de vous entourer d’autant de ces emplumés ? » Il peinait déjà à supporter la présence d’Asælys mais se confortait dans l’idée qu’elle n’était qu’une servante. Il se demandait ce que l’Ondine réservait à cette petite créature aux yeux clairs. « Elles sont précieuses, au-delà de ce qu’elles sont. » - « Qu’avez-vous vu ? » Il était évident qu’elle avait eu une vision, lorsque sa main était plaquée sur la gorge de celle qu’elle s’apprêtait à achever.  Qu’est-ce qui pouvait l’empêcher d’aller au bout d’un assassinat ? Il était plutôt curieux de la réponse. Elle tourna la tête vers lui. « Vous aimeriez le savoir. » souffla-t-elle, sous-entendant qu’elle ne piperait pas un mot à ce sujet. Il n’insista pas. « Vanille … ? Tu … Qui est-elle ? » Sourcils arqués, Liaæbella contemplait l’arrivée de sa sœur et du Démon, qui tenait l’adolescente dans ses bras. « Ta fille. » - « Pardon ? » Elle n’avait jamais eu d’enfant. Comment aurait-elle pu donner naissance ? Elle avait passé la majeure partie de son existence captive d’un livre de conte. « C’est la version officielle. Tâche de lui apprendre à obéir. Elle s’appelle Alerah. » - « Je … » - « Tu voulais un descendant, n’est-ce pas ? » - « Oui mais … » - « Tu l’as, à présent. Elle le restera aussi longtemps que tu la tiendras sage et docile. » Une seconde s’écoula. « Vraiment ? » - « Elle ne doit pas poser problème. » - « Risque-t-elle de se braquer ? » - « Il se peut que je ne sois pas étrangère à un massacre qui la touche de près. »  Liaæbella leva les yeux au ciel. « Je ne suis pas certaine que ce soit un cadeau. » - « C’est le second que je t’ai fait. C’est aussi le dernier. » - « Ah oui ? Quel était le premier ? » s’enquit-elle avec une pointe d’insolence dans le ton. « Je t’ai sauvé la vie, petite sœur. Ne l’oublie jamais. Sans moi, tu serais encore en train de courir dans des champs pour éviter de te faire poignarder par une méchante sorcière inexistante qui chercherait à préserver son prince de fils et son royaume de l’influence de ta pureté. Ne me fais pas regretter mon choix. J’aurai très bien pu mettre le feu à ce vieux livre, et te détruire au passage. » Elle fit la moue. « Je l’ai suffisamment payé. » - « Tu n’as fait que commencer. »

Post I/IV - 1 825 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Jeu 29 Sep 2016, 18:33


« Vous êtes une femme aussi audacieuse qu’impertinente, ma chère amie. L’ambition et la volonté se bousculent au fond de vos yeux. Je ne ferai point l’erreur de croire en la pureté de vos intentions. Cependant, vos desseins servent à merveille les intérêts de l’Unique et de ce fait, votre soutien est une faveur à la cause dont je porte les couleurs. Laissez-moi vous retourner la politesse. J’aimerai vous apporter mon secours dans cette croisade que vous menez. Acceptez mon aide et ma protection. Bousculons les positions confortables des usurpateurs de mon Maître, jusqu’à les rendre poussière dans l’immensité des cieux. Je sais que vous aspirez à annihiler l’existence de tous ses tyrans, de ses imposteurs. Ensemble, nous accomplirons de grandes choses. » L’Enfant de Pandore tendit doucement le bras, un léger sourire aux lèvres. « Ensemble, nous mettrons à genoux les adeptes de ses pillards. Dites-moi un nom, ma douce. N’importe lequel, pourvu que dans sa folie son possesseur ait eu l’idiotie de défendre les mauvais idéaux. Dites-moi un nom, et allons à la campagne des Dieux. Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. » Delta s’était accordé le droit d’entrer dans la demeure de la Khæleesi, allant la trouver dans son salon pour lui déclamer tout ce qu’il avait à lui dire. La jeune femme n’avait pas pipé un mot durant le long discours du Génie, qui s’exprimait depuis de longues minutes et venait à peine de conclure son laïus. Elle le scrutait, impassible. De ses longs doigts, elle effleurait ses lèvres, la mine songeuse. Elle devait reconnaître à son interlocuteur ses qualités d’orateur mais, loin d’être naïve et influençable, cela n’était guère suffisant pour la berner. Toutefois, la proposition était séduisante et la Sirène se sentait flancher face à l’offre alléchante. Dans un sourire, Vanille posa sa main dans celle de Delta, dont l’expression fut d’autant plus ravie. « Vanille, douce Vanille. » soupira-t-il tandis qu’elle se relevait près de lui. « Votre sentence ? » Elle n’eut pas à réfléchir longtemps avant de dénicher une cible à son goût. « Ninon. » Elle n’était pas sotte au point de croire qu’elle pouvait s’en prendre impunément aux Ætheri. Néanmoins, rien ne l’empêchait de s’en prendre à ceux qui priaient ces idoles, jusqu’à ce qu’ils soient tous sous terre. « Leurs fidèles tombés, ils ne seront que des lapins effrayés, faciles à anéantir. Je connais les penchants de votre cœur, et l’identité de la Déesse que vous voudriez voir dans les limbes, en première. » - « Je croyais que vous défendiez la paix de Sympan. » - « On ne peut chercher la paix que si nous sommes en guerre. La réussite implique des sacrifices. Ne croyez pas que j’admets vos méthodes. Elles sont simplement tolérables, pour parvenir à la perfection de mon modèle. » Il marqua une petite pause. « Vous me répugnez. » Elle rit. « C’est réciproque, mon cher ami. Votre foi et votre dévotion sont autant d’immondices dont la vue m’est difficilement supportable. Nous ne sommes pas contraints de nous apprécier pour nous entendre. C’est bien pour cela que vous êtes venu à moi. » Il mima un baisemain. « Comme je vous l’ai dit, vous êtes une alliée de poids. Vos actions méritent d’être appuyées. Pour l’instant. » - « Jusqu’à ce que déclinent nos intérêts. » - « Ninon. » rappela-t-il, comme un point de ralliement, avant de la faire tournoyer dans l’esquisse d’un pas de danse. « A vous ! A cette rencontre que le monde aurait voulu s’épargner. » scanda-t-il dans un trait de théâtralité. Dans un souffle, elle enchaîna : « Et à ceux que nous allons massacrer. »

Delta avait mis un point d’honneur à soigner la mise en scène. Habile et manipulateur, il avait glissé quelques rumeurs à des oreilles indiscrètes dont la bouche ne savait se taire, des bruits fondés sur une pointe de réalité afin de tromper les esprits les plus aiguisés. Ils seraient certainement nombreux à courir après les reliques promises, autant de proies qui sonnaient elles-mêmes leur propre hallali. Seuls les défenseurs de l’Unique seraient épargnés, guidés par des indices erronés dans une autre direction tandis que les partisans des Dieux iraient se jeter avec enthousiasme dans la gueule du loup. Vanille faisait preuve de patience. Elle savait que le gibier qu’elle attendait ne tarderait pas à faire son apparition. Elle l’avait vu. Jusqu’à ce qu’elle se montre, la délicieuse Khæleesi passerait le temps en anéantissant les âmes abusées par les belles paroles de l’Enfant de Pandore. Il n’était pas encore question de divertissement et la jeune femme se contentait d’agir avec précision et promptitude, comme la Dame de l’Ombre qu’elle était. Il n’y avait bien que Ninon qui méritait une attention particulière. Assise en tailleur au beau milieu de ses Dragons, elle les contemplait tandis qu’ils rongeaient les carcasses de ses précédentes cibles. Il n’était pas aisé de nourrir convenablement une dizaine de dragons. Du moins, pas avec une once de mauvaise volonté et une détermination à leur donner de la chair humaine. Elle ne désirait pas les habituer à se repaître de bétail qu’on leur offrirait sur un plateau d’argent. Ils devaient chasser. Surtout, ils ne devaient s’en prendre qu’à des créatures humanoïdes, et Vanille se plaisait à les envoyer à la poursuite de ses ennemis et détracteurs. « Agna. » appela-t-elle d’une voix basse, après avoir entendu un craquement. Ses bêtes avaient besoin de se dépenser. Elle ne devait pas tout faire elle-même. Dans un grognement, la Dragonne tassa la terre de ses pattes avant de prendre son envol. Elle s’était mise en chasse. Elle n’eut besoin que de quelques secondes pour trouver les imprudents et les broyer en deux ou trois claquements de mâchoire. Vanille n’avait même pas une pensée pour les individus qu’elle assassinait depuis plusieurs jours. Pourtant, ils se comptaient en dizaine et en dizaine, entre les chasseurs de reliques dévoués à leur cause et les voyageurs malchanceux. Delta n’apparaissait que dans l’hypothèse où le passant était un disciple de Sympan qu’elle n’aurait pas repéré, interrompant le geste de la Sirène avant qu’il ne soit trop tard. « Elles arrivent. » souffla-t-elle dans un ravissant sourire. Delta acquiesça. Lentement, il s’en retourna dans la pénombre. Il ne comptait pas assister au massacre, pour ne pas approuver les méthodes. Néanmoins, il se satisfaisait de l’efficacité de sa complice. Douée dans l’art de la mise à mort, elle mettait à mal la puissance des Ætheri priés par ceux qu’elle abattait. Cette idée l’incitait à prendre encore moins de repos que d’ordinaire. Elle aspirait à affaiblir Kaa, cette mégère devenue Déesse par erreur ou par hasard et qui démontrait à elle-seule l’inutilité de son engeance. Vanille avait hâte de quitter l’Allée des Brumes et ses ronces. Si l’atmosphère était oppressante à souhait et propice à l’effroi, elle brûlait de rejoindre la Cité Engloutie, dissimulée sous les traits d’une autre, et d’éliminer les membres du Temple de l’Aether des Sens. Elle avait eu l’insolence de se réfugier dans la Capitale qu’elle contrôlait, autrefois, comme pour se gausser de l’Ancienne Dame des Abysses. Il fallait bien lui rendre une petite visite de courtoisie. Vanille adorerait la voir dans le même état que ce cher Hans.

« Majesté, est-ce que vous … » La Fae fut interrompue par le geste de Ninon, qui l’intima au silence d’un poing serré. De sa main libre, elle tâchait de contrôler sa monture. Cette mission était délicate et elle avait préféré prendre une taille plus adaptée à la difficulté. Sous leur forme originelle, elles seraient vulnérables. Protégées par des armures, une lame prête à être daigner, une magie déployée, elles pourraient faire face à tout et n’importe quoi. C’était du moins ce que la Souveraine croyait. Même dans les pires scénarios qu’elle avait envisagés, elle n’avait pas songé à ce qui l’attendait. Après avoir requis la plus grande prudence à sa petite quinzaine d’accompagnatrices, elle se remit en route. Elle n’appréciait pas l’Allée des Brumes, et portait la même rancœur pour l’Antre des Damnés. Ces paysages étaient bien éloignés de ceux sur lesquels elle veillait. Néanmoins, elle pouvait bien supporter cette vision le temps de son expédition. Son voyage était pour la bonne cause. Des reliques de ses idoles étaient enterrées non loin. Il était de son devoir de les retrouver pour les placer à leur juste place, dans les Temples où elles seraient adorées pour la gloire de ces Dieux qu’elle défendait avec tant d’ardeur, sûre de ses croyances. Elle n’avait pas écarté l’hypothèse qu’un traquenard et ses yeux, méfiants, voguaient de ci et là, à l’affut du moindre mouvement suspect. « Ninon … » Les chevaux commençaient à s’agiter et la brume s’épaississait, à en rendre le décor lointain. « Ninon ! » Une ombre, aussi gigantesque que menaçante, avait filé à quelques pas de là, rendant les bêtes hystériques. En une seconde, les Faes furent dispersées, malgré les appels de la Reine qui voulait – à raison – à tout prix éviter d’être séparées du reste de son groupe. Vanille pencha doucement la tête sur le côté. Elle éprouvait un certain intérêt à observer la torpeur, les inquiétudes, la compréhension qui peignait les traits. Elle se sentait d’humeur artistique et comptait offrir à la Reine un départ haut en couleur. L’Edelweiss Éternelle méritait bien un tel traitement. La Khæleesi était persuadée qu’en d’autres circonstances, elle aurait pu ressentir une pointe de respect à l’égard de la Fae. Elle n’était pas l’une de ses créatures sottes et naïves, mais une femme forte capable de tout au nom de ses principes. Dommage que ces derniers soient entrés en contradiction avec ceux de l’Ange des Abysses. « Vous … » murmura la Reine, qui avait tôt fait de reconnaître le visage de sa tortionnaire. Elle était prête à en découdre avec son adversaire, malgré sa réputation. Peut-être pourrait-elle en venir à bout ou au moins la malmener. Elle était une guerrière et Vanille n’était, après tout, pas réputée pour ses talents de combattante. Était-ce volontaire ? Voulait-elle dissimuler ses talents en la matière ? Quoi qu’il en soit, le combat allait s’engager. Vanille coupa court à la bataille sans même ciller.

« Ninon ! » hurlait une Fae, tâchant désespérément de retrouver sa Reine. Elle ignorait qu’elle était la seule de son groupe à avoir échapper à l’emprise de la Khæleesi, pour l’instant. Elle sentait au fond de son cœur que ses sœurs d’arme étaient saine et sauve. En un sens, elle n’avait pas tort. Elles étaient en vie. Néanmoins, elles n’étaient pas pleines de joie et de santé. Incapable de pousser le moindre cri, la Fae tomba à genoux, les jambes ayant flanché face au spectacle qu’elle avait sous les yeux, la brume dissipée. Elles étaient toutes là, empalées sur des immenses pieux de bois, tel le jardin morbide dont elles seraient les fleurs ensanglantées. Ninon était au centre du tableau, mais n’avait pas bénéficié du même sort que les autres. Allongée à deux ou trois mètres du sol, elle tenait en lévitation pour être transpercée près d’une dizaine de fois par des piquets semblables d’où coulait lentement son sang. Elle respirait encore, avec peine. Elles n’en avaient plus pour longtemps. Il n’y avait plus rien à faire, autant pour les sauver que pour les apaiser. La Fae tremblait. Elle se figea lorsqu’elle sentit une main se poser sur son épaule. C’était son tour et elle le savait. Bientôt, il n’y avait plus rien qu’un champ de bois et de sang, à l’emplacement. Dans le point d’orgue de leur supplice, les Faes allaient retrouver leur véritable apparence. Éventrées sous cette forme, elles allaient simplement se réduire en lambeaux. Il n’en resterait plus rien. Vanille admira la scène, avant de se pencher sur un morceau de tissu ensanglanté, qui avait appartenu à la défunte Reine des Faes.

Post II/IV - 1 938 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Dim 16 Oct 2016, 14:45


La Khæleesi soupira, contrariée par la facilité déconcertante de tout ce qu’elle entreprenait, lassée par le manque d’épreuve et de difficulté qui viendraient ajouter une touche de saveur à une existence qui devenait fade, faute de défi à sa hauteur. D’une démarche légère et délicate, elle longeait les hautes et interminables arcades du Temple de Kaa, un édifice dissimulé au cœur du dédale de ronces de l’Allée des Brumes, comme pour éprouver davantage les sens de ceux qui venaient honorer leur idole. A chacun de ses pas, un léger bruissement raisonnait dans l’enceinte de l’édifice, étrangement calme et tranquille. Les songes à fleur d’âme, elle flânait à l’intérieur du sanctuaire et perdait son regard sur les couleurs des fresques et des mosaïques qui décoraient les murs et les colonnes. Bien que peu attachée aux croyances et aux valeurs célestes, elle savait apprécier le travail remarquable de l’ouvrage, la finesse des détails de l’architecture, la beauté de son art. La Sirène avait toujours aimé les belles choses et elle ne pouvait que féliciter la grâce de la bâtisse. Elle en venait presque à regretter qu’une telle merveille soit dédiée à une Déesse aussi nuisible, déplaisante et sotte que Kaa. Cette créature ne méritait pas la dévotion qu’ils étaient nombreux à lui porter, vulgaires et vulnérables moutons qui suivaient un boucher en croyant être sur le pas d’un berger. Vanille aurait été mal placée pour donner des leçons de bienveillance à qui que ce soit, pour être d’une cruauté qui ne connaissait nulle pitié. Cependant, elle supportait mal les déviances des Immortelles et elle avait toujours eu des rapports houleux avec l’Æther, dont la première rencontre fut un naufrage, l’Immortelle dépassée par l’éloquence d’une humaine. Cette faiblesse, la preuve de son incompétence, fut une raison de plus d’afficher sa défiance, ainsi que de chercher à éliminer cette chose inutile et stérile. C’était pour parvenir à cette fin qu’elle s’était mise à visiter les Temples de la Grande Dame des Sens. Elle ne disposait pas d’une panoplie très diversifiée de choix pour malmener une Déesse. Cependant, elle n’était pas pieds et poings liés. Elle avait l’occasion d’agir, maintes et maintes fois. En réalité, elle avait autant d’opportunité qu’il existait d’adepte à Kaa, au point de rendre la liste interminable. Cela rendait le jeu d’autant plus palpitant. « Vilaine petite Sirène. Tu n’es qu’une vilaine petite Sirène. » scandait Blanche, perchée sur une balustrade à balancer ses pieds nus dans le vide, tout en remuant frénétiquement l’index. « Je me sens bousculée dans les tréfonds de cette âme que je suis contrainte de partager avec toi. Je … » enchaîna-t-elle très vite en tirant un mouchoir de son décolleté. « Je suis tellement horrifiée par ce que je viens de voir. Je crois que je ne pourrais jamais plus te regarder en face. » Vanille était devenue maîtresse dans l’art d’ignorer sa Jumelle. Elle jeta cependant un coup d’œil dans sa direction, constatant sa disparition, dont elle ne doutait pas du caractère éphémère. « Je vais toutefois me forcer. » ajouta l’Ange dans un rictus mauvais, apparue aux côtés de sa jeune sœur. Elles se dévisagèrent un instant. « Tu n’es vraiment pas gentille de ne pas m’adresser la parole. Tu es la seule à me voir : tu pourrais me parler un peu. Je m’ennuie depuis mon assassinat. » Elle se mit à voguer et à danser dans le Temple, tandis que Vanille continuait à avancer. Songeuse, elle baissa les yeux. Ce n’était pas de l’eau qui faisait autant de bruit au moindre mouvement. C’était du sang. Il y en avait tellement qu’il formait une immense flaque poisseuse et pourpre qui recouvrait tout le marbre blanc et pur du sol, laissant présager d’un carnage inédit. Ce n’était pas le premier, ni le dernier. Vanille s’était amusée à massacrer les adeptes de Kaa, réunis en masse dans ses lieux de culte afin de célébrer les Jours Sacrés, durant lesquels ils sacrifiaient leur sens grâce à une boisson afin de prouver leur foi et leur mérite. Cela avait été trop facile d’abattre de tels cibles, mais les avantages n’étaient pas négligeables. Elle affaiblissait plus rapidement la détestable Kaa, ainsi que le camp des partisans des Dieux.

Vanille quittait un énième Temple, devenu tombeau à son passage, éprise d’un sentiment d’ennui. Néanmoins, elle ne comptait pas interrompre sa marche macabre, ses objectifs étant trop précieux pour être mis à mal par une simple vanité. Kaa devait être annihilée, d’une façon ou d’une autre. Elle ne devait pas s’arrêter à des considérations aussi ridicules que son amusement. « Tes massacres ne passent pas inaperçus. » commenta Cole, adossé contre un mur, les bras croisés. « La discrétion n’est pas mon but. » - « Les rumeurs se propagent et certains craignent de vivre leur culte. » - « Tant mieux. » Le Maître du Temps se mit à rire. « Je ne te connaissais pas aussi appliquée. Tes petits airs de bonne élève sont tout à fait charmants. Où comptes-tu aller, à présent ? » - « Elle s’est réfugiée à la Cité Engloutie, comme pour se moquer de nos relations houleuses. Par la même, la Capitale est devenue le lieu le plus important du rassemblement de ses adeptes. Je n’ai plus qu’à faire un brin de ménage. » - « Cela ne devrait pas m’étonner que tu veuilles t’en prenne à des Sirènes tant tu les as déjà sacrifiées pour tes causes mais je ressens tout de même une pointe de stupéfaction. » Il posa ses yeux bleus sur elle, tandis qu’elle chancelait très légèrement, ses doigts sur son front. « Je doute que ce soit un sursaut de conscience. » se moqua-t-il en s’approchant de son épouse. « Ce n’est rien. Je suis sujette aux migraines, depuis quelques jours. » - « J’imagine que tu ne m’écouteras pas si je te conseille de prendre un peu de repos. » - « Je préfère agir rapidement durant les Jours Sacrés de Kaa. Ses adeptes sont risiblement faciles à éliminer. » - « Je te trouve … légèrement différente. » - « Il m’arrive d’être lasse. » - « Ce n’est pas ça. » Il la scrutait avec insistance, à la recherche de ce qui avait changé. « Je t’ai poursuivi et observé depuis assez longtemps pour reconnaître l’aura que tu dégages entre mille et une. Bien sûr, je l’ai vu évolué en même temps que toi mais je ne l’avais jamais vu se tordre ainsi … » La Khæleesi leva légèrement les yeux au ciel. Il avait des airs de dément lorsqu’il se lançait dans des considérations pareilles. « Tu n’es pas curieuse de la raison de ces changements ? » - « Je suis convaincue que tu vas me l’apprendre sans prendre en compte ma réponse. » Il rit. « Certes. » Il glissa sa paume dans la sienne et de l’autre main, effleura la joue de la Sirène. « Je ne parviens pas à le croire. » hoqueta-t-il, partagé entre des sentiments contraires. « Je sais que tu as cherché pendant des décennies à acquérir une chose que l’on vient de te servir sur un plateau d’argent. » Elle médita un instant cette révélation qui n’en était pas vraiment une. Un petit sourire se mit à flotter sur les lèvres de Vanille. « Dois-je en tirer la conclusion que le Dieu Unique apprécie les bains de sang ? Non pas que cela me surprenne mais se voir récompensée pour ses méfaits par le Divin est une première. » Elle rit. « Ton manque de commentaire acerbe me laisse à penser que tu crains ce que je pourrais faire de cette Magie. » - « Je réfléchis. » - « A quoi ? » Il sourit, sans prendre la peine d’articuler quoi que ce soit. Finalement, il lui glissa à l’oreille : « Je me ferai un plaisir de t’apprendre à manier cette nouvelle essence. » - « Je suis persuadée que tu rêves depuis des siècles de jouer à être mon Professeur particulier. » - « Hum. Ne me tente pas. Je ne suis qu’un homme. »  Il attrapa le menton de sa femme avec ardeur pour l’embrasser.

Une étrangère s’était approchée à pas de velours, désireuse d’être discrète et de frapper dans le plus grand des silences. Elle ne se doutait pas que ses manœuvres étaient vaines et qu’elle avait été découverte il y a plusieurs longues minutes mais qu’elle était sciemment ignorée. Les poings serrés, elle dévisageait avec autant de dédain que de fureur la silhouette de celle qui décimait le culte auquel elle croyait avec tant de ferveur. Dans un trait d’arrogance, la meurtrière enlaçait son bien-aimé devant le Temple où elle venait tout juste de massacrer une centaine d’innocents et de fidèles. Les affronts se succédaient et la Prêtresse ne pouvait pas le tolérer. Elle n’était pas n’importe quelle religieuse, mais l’une des plus dévouées à la cause de la Grande Kaa. Si elle n’était pas la mieux placée dans la hiérarchie de sa religion, elle pouvait s’enorgueillir d’être parmi les plus éloquentes et convaincante, au point de s’être faite remarquée par le Maitre du Culte pour ses actions et sa piété. Aujourd’hui, elle aspirait à briller d’un éclat nouveau, à arrêter la responsable du carnage des Jours Sacrés. La force de sa magie au bout des doigts, une lame serrée près du cœur, la Prêtresse avançait sans un bruit. Alors qu’elle s’apprêtait à frapper, elle se figea, incapable de bouger ou de ciller. Dans un léger sourire, la Khæleesi se tourna vers la Prêtresse. « Quelle touchante démarche, ma chère enfant. » murmura-t-elle d’une voix douce. Lentement, elle se détacha de Cole, dont la main effleura son bras jusqu’à ce qu’elle soit loin. « L’attention est délicate car il se trouve que j’étais à la recherche de personnes telles que toi. » continua-t-elle en décrivant un large cercle autour d’elle. « Vous … » balbutia-t-elle avec peine. Elle venait tout juste de comprendre, de saisir l’ampleur de son erreur. Elle avait reconnu le visage de celle qui commettait toutes les atrocités qui frappaient le Temple de Kaa. « Vous … » répéta-t-elle avec plus de hargne, quoi que le souffle court. « J’ignore ce qui se raconte sur moi et mes exploits … » Un mensonge éhonté. « … mais vous me paraissez bien mal informée. A présent, vous êtes seule, abandonnée par votre Déesse. » - « Elle veille sur … » - « Balivernes. » la coupa-t-elle. « Vous … » - « Chut. » Dans un craquement, elle s’effondra dans les herbes folles. « J’espère que tu es consciente que tu as sûrement été perçue. » souffla le Maître du Temps en faisant quelques pas. « Je serai bien déçue dans le cas contraire. » Elle ne craignait pas l’Æther. Peut-être avait-elle tort de faire preuve d’autant d’orgueil mais en plus d’être une âme vaniteuse, elle pouvait se conforter dans son alliance avec l’Enfant de Pandore.

Post III/IV - 1 825 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Dim 16 Oct 2016, 17:52


« Je ne peux que te reconnaître les forces de tes convictions, fussent-elles aussi malveillantes qu’impures. Dans le sombre et le macabre de cette marche meurtrière, tu as pu prouver l’étendue de ton infini potentiel. Ne crois pas que je t’estime pour autant. Par ailleurs, tous les efforts que tu as déployés n’avaient que pour seul but de me contrarier, alors je suppose que tu ne seras point surprise de l’aversion que je te porte. Il est vrai que nous ne nous sommes jamais entendues. Cette discorde est regrettable tant je suis certaine que nous aurions pu être de bonnes amies. Cependant, je crois qu’une conciliation est une douce et lointaine utopie, dorénavant. Je ne peux tolérer ton œuvre, pas plus qu’accepter les exploits que tu envisages. Pensais-tu sincèrement que tu n’allais pas t’attirer mon ire ou que je n’allais pas prendre le temps de venir à toi pour t’exprimer mes plus sincères amitiés ? Pour ma part, je crois que tu t’attendais à une riposte de ma part et, pire, que tu cherchais à la provoquer. » Médisant sur les mots de son propre discours, elle décroisa lentement ses longues jambes blanches pour les croiser à nouveau, dans l’autre sens. D’un geste léger, elle passa ses doigts dans les boucles brunes de sa chevelure de jais, le bleu de ses yeux posés sur la silhouette fine et gracile de cette créature, qu’elle rêvait de voir morte. La Khæleesi eut un ravissant sourire et sans l’ombre d’une crainte, alla s’asseoir sur la méridienne, en face du fauteuil où la Déesse se prélassait. « Il me tardait de te revoir, Kaa. » murmura-t-elle en se servant une coupe de vin. « Je me suis permise de t’attendre dans ta charmante demeure. Après tout, tu te permets de saccager et souiller du sang de mes fidèles mes Temples alors il est normal que je m’autorise quelques incivilités. » Au-delà de l’apparente tranquillité et de la volonté d’apparaître sereine, la fureur de l’Æther était évidente. « A ce propos, comment se porte ton culte ? » s’enquit la Sirène d’un ton chantant. Kaa souriait, elle aussi, quoi qu’avec une expression froide et acerbe. « Merveilleusement bien. » Vanille joignit doucement les mains. « C’est étrange car je te trouve bien pâle. J’ai entendu dire que tu t’étais affaiblie après la perte conséquente de tes adorateurs les plus dévoués. » Kaa pencha la tête sur le côté, comme parcourue d’un frisson qui ne devait rien au froid ou à la peur, mais plutôt à l’irrépressible désir de s’en prendre à cette Mortelle. « Prends garde, ma douce. N’oublie pas à quel point tu es fragile. Il me serait si aisé de te briser en mille et un morceaux. Même diminuée, je demeure d’une puissance que tu ne peux soupçonner. » Elle perdait un brin de contenance, la rage au fond des yeux. Elle ne supportait pas l’idée d’avoir été mise à mal par cette femme, d’avoir été humiliée auprès des siens parce qu’elle avait perdu de son prestige en même temps que ses fidèles avaient été anéanti. « Ne sois pas si hautaine, Kaa. Tu n’es rien sans ceux qui te prient. Ton engeance s’estime tellement supérieure à tous et à tout. Vous avez oublié à quel point vous étiez dépendants du bon vouloir, de la crédulité et de la vie de ceux que vous méprisez. » La Déesse n’eut pas à bouger pour attirer, d’un mouvement sec, la Sirène jusque devant son nez, comme tirer par le col par une main invisible. « Les Terres du Yin et du Yang entières te redoutent et s’épouvantent de ton ombre, de la grandeur de la Dévoreuse. Ils s’inclinent devant ta beauté et tes charmes, louent tes grâces et ta force. Qui oserait défier la Dame Vanille caël Deslyce, n’est-ce pas ? » Elle resserra davantage son emprise, posa ses doigts sur la joue de la Sirène qu’elle traitait comme une enfant. « Pour moi, tu n’es rien de tout cela. Je ne suis pas effrayée par tes caprices et tes ambitions. » Brusquement, elle agrippa la tête de la jeune femme, dont elle ne supportait plus le sourire. « Continuerais-tu à sourire, Eveana, si je t’arrachais les yeux ? » L’Ange des Abysses ne rétorqua rien à la provocation, quand bien même elle aurait sûrement annihilé totalement l’être qui aurait osé prononcé ce nom, qu’elle n’avait pas entendu depuis bien longtemps. « Crois-tu réellement que tu peux m’atteindre aussi facilement ? Petite sotte. » - « Tu es toujours aussi simple d’esprit, Kaa. » se moqua-t-elle tout bas, la phrase tout juste soufflée. « Parmi les immondices, tu es réellement la pire. Arrogante et vaniteuse. » - « Tu me ressembles beaucoup, c’est très certainement pour cela que tu ne me supportes pas. » - « Je ne porte pas constamment des œillères. C’est la grande différence entre nous. » - « Qu’est-ce que cela signifie ? » - « Simplement que je suis assez consciente de moi pour laisser un autre accomplir la besogne aussi délicate que l’assassinat d’une divinité. » Juste un souffle dans le cou. « Bonsoir Kaa. » susurra Delta. Vanille retomba sur ses pieds, seule dans le grand salon de son domaine. Elle ignorait comment le combat allait se dérouler. Cela ne la regardait plus. Elle avait fait sa part.

« Vos affaires se sont-elles bien déroulées, Lady ? » s’enquit la voix fluette de la petite Dina, dont seul l’éclat de ses yeux trahissait son véritable âge. La Khæleesi acquiesça légèrement. « As-tu réussi à trouver ce que je t’ai demandé ? » - « Oui. Il y a une fille. Une jeune femme. Elle vit dans les lointaines contrées du Rocher. » - « Une Belua ? Quelle horreur. Ces Hommes-Animaux de la terre manquent cruellement d’élégance et de bon goût. » - « Vous serez certainement rassurée d’apprendre qu’elle ne possède pas l’âme de son peuple. » - « Assurément. » - « Nul besoin de manœuvre ou de stratagème à son égard. D’après mes enquêtes, il vous suffit d’user de votre or pour parvenir à vos fins. Achetez-là pour en faire une servante si le cœur vous en dit. » - « Bien. Tu as bien travaillé. » Le Mur s’inclina avant de disparaître dans la pénombre d’un couloir. La Sirène fit quelques pas, songeuse, en sirotant le vin de son verre. Une lame dans la main, elle ouvrit quelques lettres qui s’entassaient dans un coin de son bureau. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne s’était pas intéressée à son courrier, pour avoir eu plus important à faire. Néanmoins, il était temps de s’assurer de la pérennité de certains de ses desseins. Elle ne se dissimulait pas de son désir de marier ses enfants et ils étaient nombreux à demander la main de ces êtres si précieux, de ces Princes et de ces Princesses. Les intérêts étaient rares et sans eux, l’alliance n’était pas envisageable. « Il est plutôt commode pour toi de forcer ta descendance et tes proches à faire ce que tu n’aurais jamais accepté. » commenta le Professeur, apparu derrière son épouse à lire les missives derrière son épaule. « Ils ne sont pas naïfs au point de croire qu’ils ont le choix. » - « Qu’aurais-tu fait, si l’on t’avait contrainte au même destin ? » - « Personne n’a été assez naïf pour croire que l’on pouvait m’imposer quoi que ce soit. A vrai dire, l’Empereur Noir l’a cru. Je ne crois pas me tromper en affirmant qu’il regrette amèrement ses choix et ses décisions, à ce jour. » Elle jeta au feu un énième parchemin. « De toute manière, ce ne sont que des fiançailles arrangées et ils sont libre d’agir à leur guise, pourvu que les apparences soient sauvées. » - « J’ose espérer que tu ne seras pas trop cruelle sur la désignation du promis. » - « Cela dépendra de la docilité du concerné. » Il y eut un léger silence avant que Cole ne souffle : « Tu devrais aller parler à ta petite sœur. Elle s’inquiète de son sort. » Ses lèvres se tordirent en une petite moue. « Je n’ai pas encore tranché son destin. » - « Tu ferais mieux de te décider vite. Son enfant ne va pas tarder à naître. » - « En quoi cela devrait-il précipiter quoi que ce soit ? » Le Maître du Temps secoua sa tignasse brune, dans un soupir las. « J’avais oublié que cela ne signifiait rien pour toi. » - « Je suis simplement surprise que les Dieux aient choisi une Deslyce pour leurs projets. Ils doivent se rire de la défiance de mon sang. » Elle vida son verre. « Je devrais tuer cette abomination. Ma lignée souffre déjà d’une traitresse. » - « La Prêtresse ? » - « Oui. Je n’aurai pas imaginé qu’un deuxième puisse voir le jour. Toutefois … » Elle sourit. « Je suis curieuse. » - « Réellement ? Sais-tu que les autres réclament sa mort ? Même Liaæbella parait hésiter. » - « Il est vrai que la possibilité de son existence a quelque chose d’irritant mais observer une telle créature a quelque chose de terriblement intéressant. » L’un comme l’autre faisaient mine d’ignorer que la principale intéressée était derrière la porte, à épier la conversation. Dans un léger souffle, Liaæbella posa ses mains sur son ventre rond. Elle se souvenait de sa surprise, lorsqu’elle comprit être enceinte, son incompréhension, sa colère. Le voile sur la vérité ne tarda pas à tomber et la stupéfaction n’en fut que plus grande. Elle avait toujours rêvé d’avoir un enfant. Peut-être aurait-elle dû se réjouir de cette chance, mais à vrai dire elle avait déjà été comblée par l’adoption de la petite Alerah. Elle ne voulait pas de ce bâtard dont elle ignorait les secrets de la conception. Pourtant, elle ne parvenait pas à se résoudre à le tuer. Plus d’une fois, elle avait pris le thé entre ses mains, celui brisant les grossesses, mais ne l’avait jamais bu. « Si tu ne veux pas de cet enfant, ma chère sœur, je m’en occuperai. » La Sirène se tendit. Elle n’avait même pas entendu la porte s’ouvrir, égarée entre ses pensées. Elle courba la tête. « Je me plierai à tes ordres. » répondit-elle dans un élan de sagesse. Vanille sourit.

Delta ne tarda pas à revenir auprès de la Khæleesi, porteur de nouvelles lugubres mais loin d’être aussi sanglantes qu’elle l’aurait désiré. Kaa était toujours en vie, il avait échoué à l’anéantir tant la Déesse avait fui jusqu’à le perdre. Elle n’était pas indemne pour autant. Cachée, elle restait dans des refuges, dans ses Temples auprès des autres Sept, à échapper à l’Enfant de Pandore. Elle n’était plus aussi forte qu’auparavant et elle le savait. La bataille avait laissé ses traces et les blessures étaient nombreuses. Kaa allait devoir redoubler de prudence. Elle était la prochaine cible du Génie, une réalité qu’elle ne pouvait pas ignorer.

Post IV/IV - 1 840 mots
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas
 

A toi, à cette rencontre que le monde aurait voulu s'épargner et à ceux que nous allons massacrer [Solo]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [Q] - Nous allons jouer à un jeu | Solo
» # Cette chose qu'il y a entre nous # ( Solo )
» Cette chose qu'il y a entre nous - [quête, solo]
» "Chers passagers, chères passagères, nous vous annonçons que les pontons seront retardés cette après-midi. Un accident technique en est la cause. Nous vous remercions de votre compréhension." | Manci
» Ce n'est pas parce qu'on brûle que nous allons mourir
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Devasté - Ouest :: Antre des damnés-