Elle s’éveilla avec peine, l’esprit tourmenté par d’étranges maux qu’elle n’avait jamais éprouvé. Dans un soupir, elle s’étira dans ses draps, avant de se relever pour prendre sa tête entre ses mains. Du bout des doigts, elle massait légèrement ses tempes. La journée débutait mal alors qu’elle promettait d’être longue. Cette faiblesse l’agaçait autant qu’elle la contrariait. Le moment était mal choisi tant elle avait à faire. Megæra souffla à nouveau, le temps de balader ses orbes azurés dans le décor somptueux et éthéré de la chambre. La veille, elle était arrivée dans l’un des Domaines de la Khæleesi, conviée par la Dame à passer quelques jours sur une île au large du Nouveau Continent. Elle ignorait les raisons de sa venue, mais ne pouvait décemment rien refuser à sa Mécène dont les desseins n’étaient jamais clairs et limpides. Les mouvements emprunts de délicatesse, elle se tira du sommier et esquissa quelques pas jusqu’à la fenêtre, grande ouverte, dont les rideaux ondulaient avec le vent. La brise marine et salée glissait sur ses joues, et la jeune femme prit une grande inspiration, émerveillée par la beauté lumineuse des paysages et de la mer. L’Astre du Jour, à peine levé, inondait l’étendue des flots de l’éclat incendiaire de ses premiers rayons. Elle aurait aimé se baigner sur la plage au sable blanc, se prélasser quelques instants dans le cadre idyllique. C’était toutefois hors de question. Elle devait prendre un petit déjeuner en compagnie de son hôte et de certains membres de sa famille. Elle devait se préparer. D’ailleurs, trois petits coups résonnèrent, et la porte s’ouvrit, laissant apparaître trois jeunes servantes aux bras chargés. « Bonjour, Lady Swan. Avez-vous bien dormi ? » s’enquit l’une. Elle hésita à acquiescer, ressentant encore une douleur indescriptible. « Lady, est-ce que tout va bien ? » enchaîna une autre, dans un trait de clairvoyance. « Je … » murmura-t-elle tout bas, incapable de mettre des mots sur ses sensations. « Vous avez sûrement été bousculée par le climat. » dit-elle dans un sourire. « Je demanderai aux cuisines de vous apporter une boisson fraîche aux plantes, pour vous apaiser. » - « Bien, merci. » Elle fut étonnée de voir qu’elle n’aurait guère le choix de sa toilette, et que la Khaeleesi avait prévu plusieurs tenues pour elle. Elle ne pouvait pas s’en plaindre, tant les robes étaient toutes plus magnifiques les unes que les autres, mais elle s’interrogeait sur cette bienveillance, poussée dans des extrêmes insoupçonnés. Elle n’avait pas le temps de réfléchir à cela, et jeta son dévolu sur un drapé pâle et léger qui laissait ses épaules nues. Elle laissa les domestiques brosser et coiffer ses longs cheveux bruns, mettre quelques poudres et couleurs sur son visage. Elle ne faisait guère attention à elle, encore préoccupée par ce mal indicible.

La jeune femme fut menée sur une immense terrasse suspendue dans le vide, surplombant l’infinité de l’océan avec majesté. C’était là qu’elle était attendue par la Khæleesi, entourée par quelques-uns de ses proches. Elle ne pouvait s’empêcher d’être piquée de jalousie, à chaque fois qu’elle posait ses yeux sur la Sirène, tellement belle et solaire, si séduisante et élégante, même lorsqu’elle ne faisait rien. Megæra les salua, avant de s’asseoir en face de la Dame. Celle-ci releva lentement ses grands yeux vers sur sa protégée. « Tu me sembles fatiguée. » Le ton était désapprobateur. Megæra se sentit mal, consciente que, sans savoir pourquoi, elle fâchait les projets de l’Enchanteresse. « Quelque chose d’étrange se passe, sans que je puisse dire quoi. » - « Je vois. » Elle but une gorgée de thé, et par ailleurs, un jeune homme apporta la tasse promise à la jeune femme, supposée calmer ses tourments. « Comment se déroulent tes affaires ? » Elle ne paraissait guère intéressée par la réponse, et s’occupait à feuilleter la gazette de la journée. « Elles sont un peu plus florissantes chaque jour, grâce à votre appui et notre soutien. Mes différents établissements se portent à ravir. » - « C’est ce que j’ai cru entendre. La Fleur du Mal gagne en renom. » Elle sourit, ce qui rassura un peu la Lapine. « Il est temps d’étendre davantage ton emprise, ma petite colombe. » - « J’avais commencé à recruter quelques artistes, dans la perspective d’ouvrir un nouveau Cabaret dans une autre Cité. » - « Parfait. Je suppose que tu n’as rien contre un conseil de ma part. » - « Bien sûr que non. » - « Il serait bon pour toi de mettre un pied sur le Nouveau Continent. Port Dirælla est certainement le meilleur choix. » - « Je comptais justement vous demander s’il était possible de rencontrer l’Impératrice des Abysses, afin de plaider ma cause. Comme elle fait partie de votre dynastie, j’ai pensé que … » Elle lui coupa la parole. « C’est déjà arrangé. »  Megæra croisa les mains, interdite. « Je … Bien, très bien. Je suis un peu surprise. Je suis venue visiter le lieu en votre compagnie, alors … ? » - « Oui, entre autres. Il y a un sujet bien plus important, à vrai dire. » Elle marqua une légère pause. « Il est temps d’étendre davantage ton emprise. » répéta-t-elle. « La manière doit être légèrement différente. » Elle craignant de comprendre les allusions.

« Ma jolie Megæra, il te faut trouver un époux, à la hauteur de tes ambitions, pour une alliance avantageuse qui t’apportera prestige et confort. Je ne te laisse pas vraiment le choix de la décision, ni celle de ta moitié. Tu es ici pour le rencontrer. »

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