| | Mauvais présage [Quête - Mwayer Leït] | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité | Ven 14 Oct 2016, 05:24 | |
| L’instinct est une chose innée. Une petite lueur discrète à la naissance et qui prend son expansion au fur et à mesure que mûrit le fruit que nous sommes. Cette caractéristique que les représentants du règne animal possèdent tous, elle peut être plus ou moins affûtée selon le vécu. J’aime à penser que mon instinct est assez efficace. Anxieux, douteux de nature, je peux donc être méfiant envers tous. Et ce jour ne fait pas exception. Le cauchemar que se révélait être la conclusion de notre mission ne faisait que confirmer ma peur sous-jacente. Tout cela n’avait été qu’une supercherie. Un piège voué à nous piéger. Le vieil homme, ou plutôt l’homme à l’apparence changeante avait bien joué ses cartes. Et maintenant, nous étions pris dans la gueule du loup. La seule option semblait être celle de la baston. Alors que les silhouettes nues s’approchaient de nous, la seule option qui m’apparut plausible fut celle de me débarrasser de mon manteau. Il allait être d’une grande gêne dans cette chaleur. Il me fallait bouger. Et il me fallait survivre, pour tenir la promesse que venait de me rappeler Mwayer. Mon unique ami. Mon seul lien avec la société alfare. Un lien de sang absent, mais considéré déjà comme un frère jusqu’à preuve du contraire.
Les deux couteaux apparurent dans mes mains, sortant de leurs étuis avec finesse et discrétion. Mon bâton ne serait d’aucune utilité. Mon intention ne se résumait plus à mettre hors de combat. Il fallait éliminer. Efficacité était le mot d’ordre. Des gouttes de magma s’envolaient de leur nid en bas et se promenaient allègrement dans la salle circulaire, rendant le tout encore plus dangereux. Mes yeux ne cessaient de bouger de gauche à droite, traitant une information chaotique et sans cesse changeante. Mon esprit s’embrouillait. Quelle était la meilleure avenue possible dans cette situation? Quelle décision prendre? Sans m’en rendre compte, je m’étais éloigné de mon compagnon qui avait fait jaillir ses ronces, éliminant au passage un premier disciple immolé. Mon corps bougeait seul, faisant des mouvements de tous les côtés pour éviter d’être brûlé, autant par les assaillants qui frénétiquement lançaient des éclats de flammes de leur corps enflammé que par le gouffre qui se déchaînait. Sept assaillants. Un était hors de combat. Six restants, plus le vieillard. Je doutais par contre de ma capacité à me mesurer à lui. Mon travail était donc de libérer la voie à l’elfe noir à la tignasse de neige. Une grande inspiration fut ce qu’il me fallait pour enfin laisser déferler la rage qui montait. Et je perdis le contrôle.
Je pris le départ de ma course en me dirigeant de face vers un premier apôtre des flammes, me lançant sous ses jambes, puisqu’il flottait toujours à un bon mètre du sol, avant de me relever d’une roulade et de lui asséner un bon coup de pied descendant en sautant, ce qui eut pour effet de le ramener sur terre. Une odeur de chair brûlée emplissait l’air. La peau de l’arrière de ma cheville avait souffert du contact bref. Mais je ne m’intéressais pas plus que ça à mon bien-être pour l’instant. Ma lame finit le travail du disciple sonné, et il mourut en s’étouffant dans son sang. Cela donnerait plus de carburant à la magie de Mwayer, qui semblait chatouiller l’attention des autres avec son contrôle de l’hémoglobine. Cinq.
Je repartis à l’assaut en gardant la technique de front, cette fois-ci vers deux gentilles torches humaines qui se tenaient côte à côte et qui préparaient une massive boule de feu entre leurs deux paires de mains. Je fis irruption. Interruption. Et il eut explosion. L’énergie accumulée se libéra, et une vague de flamme vint me frapper au torse. Mes lambeaux de camisole prirent le chemin du sol alors qu’une intense douleur lancinante se déclarait sous mes pectoraux. Ma peau avait flambé. Tout simplement. Ils payeraient amèrement. Je lançai l’une de mes dagues dans l’œil du premier assaillant avant de sauter directement sur l’autre. Quatre. Mes pantalons prirent feu. Mais je n’y prenais pas garde. Il m’agrippa au niveau du biceps sur les deux bras. Un bruit de friture s’éleva. Une cicatrice de plus ou de moins, ce n’était pas vraiment mon premier souci en ce moment. J’étais déjà marqué par la haine de mes semblables, autant l’être aussi pour défendre ma propre vie. La lame trouva son corps et je me dégageai promptement de son étreinte chaleureuse. Trois. Vite. Il me fallait protéger mon ami. Il me fallait lui ouvrir la voie.
Je récupérai mon autre couteau sur le cadavre maintenant bien refroidi, et reparti à l’assaut. Mon corps en entier n’était qu’une plaie. Une brûlure qui se faisait sentir au même rythme que les battements de mon myocarde. Une nociception qui était bien pénible. Si seulement il était possible d’éteindre ces signaux qui brisaient ma concentration et ma détermination… La lame de l’une de mes dagues vint me lacérer superficiellement l’avant-bras. Se créer un autre point de douleur atténuait la sensation perçue par les autres. Moyen bien efficace, mais qui pouvait se révéler peu intelligent. De toute façon, mon corps ne serait plus que sang après cette bataille. Il me faudrait un bon guérisseur… Mon pied vint percuter le visage d’un des apôtres qui s’approchait discrètement de Mwayer, voulant le prendre à revers. Il vola. Il s’écrasa. Son cou avait craqué sous l’impact, et mon pied avait récolté une belle cloque au même moment où mes bandages s’envolaient en fumée. Deux. Je me tournai pour me retrouver nez à nez avec la montagne de muscle. Il avait finalement quitté son poste d’observation, probablement agacé par la tournure des évènements. Il ne s’attendait pas à une résistance si… acharnée. La survie passe parfois par des moyens bien désespérés.
Mes yeux bleus parcoururent son corps sillonné de vaisseaux sanguins luminescents d’un orangé. Il avait absorbé l’essence même de la lave. Il ne faisait plus qu’un avec le cœur du volcan. Il était le cataclysme qui réduirait à néant la terre. Nous n’avions pas empêché sa montée, nous l’avions catalysé en lui obéissant aveuglément. Et la frustration du moment ne fit que reprendre son flot. Je lançai mon poing en avant, le percutant au menton. C’était comme frapper un mur de pierre. Je sentis un craquement dans mes jointures. Probablement quelques métacarpes fracturés. Non. Je ne serai pas en mesure de faire quoi que ce soit contre lui. J’étais un raté en tant qu’Alfar. En tant qu’utilisateur potentiel de la magie. Sa poigne énorme me prit alors par la gorge. Et je sus qu’il pouvait me broyer, ici et maintenant. La panique s’empara de moi et j’essayai de lui couper les tendons de la main avec les couteaux. Les coupures apparurent. La cautérisation suivit immédiatement. Sa constitution avait changé. De la chaleur infernale pure se déversait maintenant dans ses veines, et donc les blessures physiques ne seraient qu’éphémères.
La panique s’empara de moi. L’air commençait à me manquer alors que mes pieds quittaient le sol, en harmonie avec le mouvement de son bras montant vers le plafond de la salle cérémonielle. Je tournai légèrement la tête et croisai le regard de mon ami. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres. Le combat s’achevait ici pour moi. C’était à lui de jouer. Il pouvait le faire. Je le savais.
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| | | Invité Invité | Jeu 20 Oct 2016, 15:27 | |
| Layne avait fait des prodiges. Il avait réussi à en mettre une majorité hors d’état de nuire. Les lames qu’il tenait entre ses paumes étaient les prolongements de ses bras et de tout son corps. Il était un tout, pas besoin d’aide extérieure, pas besoin de force externe, sa magie à lui, c’était son unité. Le gamin ne saisit pas tout ce qui se passa, il était concentré à éviter les coups et surtout à garder son énergie. Le vieux était un utilisateur de magie, c’était évident. Il allait falloir de la magie pour lui résister. Layne ayant réussi à focaliser l’attention de tout le monde, Mwayer sortit son pinceau et entreprit un coup de dés. Il n’avait jamais fait ça, il ne saurait d’ailleurs si cela fonctionnerait, mais c’était leur dernier espoir. Il trempa son instrument de dessin dans la bague remplie d’encre qu’il avait mis à son doigt un peu plus tôt et commença à éviter les coups en traçant des lignes au sol. Cela lui demandait une concentration énorme, il devait éviter les coups et faire attention à ce qu’il était en train de dessiner, cela pourrait être décisif et le temps qui lui restait s’amenuisait au rythme des victimes de son ami. Son besoin de concentration l’emmena d’ailleurs plusieurs fois à être projeté contre un mur, que ce soit par un cadavre volant ou par un disciple dont Layne avait perdu l’attention. Malgré les chocs qu’il reçut et qui l’empêchait de respirer correctement, il ne lâcha rien et se remit à dessiner. Il ne pouvait faire que ça, c’était sa place à ce moment du combat.
Il vit bouger le colosse alors que Layne combattait encore, mais il n’eut pas le temps d’en voir plus. Il ne savait pas si ce qu’il avait déjà dessiné allait suffire, il devait en faire le plus possible. S’il était aussi prêt, aussi déterminé et s’il risquait maintenant sa vie ce n’était pas tant pour le monde que ce vieillard monumental mettait en danger, mais pour le lien le plus précieux qu’il ait eu l’occasion d’effleurer depuis la mort de sa mère. Jamais il n’avait touché fil aussi doux, relation aussi agréable, jamais il n’avait pu entrevoir la possibilité encore de grimper sur le trône des Amarantes avec quelqu’un en qui il pouvait avoir confiance, jamais il ne s’était dit qu’il ne vivrait pas seul et qu’il ne devrait pas se battre tous les jours pour que ses amis ne lui plantent pas une ronce entre les deux yeux pendant son sommeil. Aujourd’hui, c’était là qu’il en était. Il pouvait se dire que lorsqu’il se ferait sauvagement agresser dans les couloirs de Drosera, quelqu’un l’aiderait à chercher le coupable, cela valait bien plus que le monde entier, le lien, déjà indéfectibles, mais s’il ne s’en rendait pas encore bien compte, valait infiniment plus que l’avenir des terres du Yin et du Yang.
Il avait fini. Il avait dessiné tout ce qu’il voulait. Il devait maintenant lier ses dessins, son souffle et le vieillard. Lorsqu’il tourna le regard vers la scène de combat, il vit qu’il n’en restait que deux, mais il comprit surtout que Layne était en fâcheuse posture. Le commanditaire de leur mission suicide était en train de le tenir en l’air par la force d’un de ses bras de titan, ses veines luisaient de la même couleur que le sang du volcan, peut-être même que le volcan luisait de la même couleur que les veines du demi-dieu qui s’élevait face à eux. Un regard. C’est tout ce dont avait besoin Mwayer et il l’obtint, il comprit dans les yeux de l’Alfar que c’était son tour de se battre. Il devait d’abord rapidement s’occuper des deux sbires qui allaient le déranger. Ils étaient en train de s’approcher de liu en tourbillonnant de plus en plus haut. Entre eux se créait un mur de flamme qui s’élevait, ils voulaient l’enfermer. Il ne pouvait pas griller ses forces avec la magie. Il se concentra et lança son pinceau contre un des disciples. Cela ne réussit qu’à lui égratigner le bras, mais eût le mérite de stopper le mur de flammes. Il n’avait pas le temps de s’occuper des deux autres, en effet le vieux était en train de mettre lui-même le plan de l’Alfar à exécution. Il se dirigea vers la gueule du volcan avec Layne à bout de bras. Le titan riait à gorge déployée, tout allait se jour en un fragment de secondes.
- Attends.
Le ton de Mwayer était sans appel, il ne sut pas si c’était par intérêt, par dérision, par obligation ou par pitié, mais comme il le souhaitait, le géant se retourna. Mwayer souffla de toutes ses forces autour de lui, il se trouvait en effet dans un cercle qui avait été tracé par des plantes dessinées à l’encre sur la pierre. La majorité de ces plantes n’apparut pas, mais quelques unes apparurent quand même et il réussit surtout à faire apparaître la fleur dont il avait le plus besoin. L’homme aux veines de flamme le toisait maintenant de tout son mépris. Il riait encore plus.
- Des plantes ?! Formidable.
Le regard de Mwayer se fit plus dur encore. Il fit grandir une fleur étrange qui semblait saigner. Elle était complètement noire et par endroits elle laissait apparaître des gouttes vermeilles. D’un geste désespéré des deux bras, il projeta toutes les fleurs de ce type contre le titan. C’était maintenant que tout se jouait. La fleur, qui était jonchée d’épines égratigna l’épaule de leur ennemi et juste avant que la plaie ne se referme complètement, une goutte du sang de la plante alla s’écraser contre la blessure. L’idée de Mwayer avait fonctionné. Il tomba à genoux, il avait presque les larmes aux yeux. Le rire de l’homme se fit de moins en moins audible. L’orange de ses veines s’atténua progressivement et au bout d’un moment il lâcha Layne qui s’écrasa contre le sol.
- Une ancienne légende alfare raconte qu’un jour cette plante et sa jumelle se sont disputées pour savoir qui des deux était la plus belle. Alors un ancien Amarante serait venu et aurait ordonné aux deux sœurs de se décider avant la nuit, car seule la plus belle plante aurait sa place au troisième plateau. Le lendemain, lorsqu’il revint, la sœur avait gagné, elles n’avaient pas décidé, mais s’étaient battues toute la nuit, à tel point que la fleur de la perdante était maculée de tâches de sang, les siennes et celles de sa sœur. L’Amarante prit la gagnante et la plante tout autour du palais. Sa sœur se mit à pleurer, son cœur était gelé. Elle avait perdu sa beauté, son noir de jais, sa place, son futur titre et sa sœur. Depuis lors, cette plante gèle le sang des voyageurs qui osent la faire pleurer. Je n’ai pas eu à faire grand chose, en voyant ce que vous faisiez, elle allait forcément pleurer.
L’homme était maintenant quasiment figé et avec lui les deux disciples étaient en train de s’éteindre et de s’immobiliser. Le colosse tenta de bouger, mais il trébucha, ses membres trop engourdis pour se rattraper, il chut dans la gueule du volcan. La fleur avait disparue en même temps que Mwayer était tombé à genoux, il était vidé de toute énergie. Il se traîna jusqu’à Layne et le regarda en souriant :
- On a gagné, Layne.
Il sourit à demi et s’évanouit sur son ami. Son ami.
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