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 Cours : Créatures des profondeurs

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Mer 20 Juil 2016, 23:09

Ca y était enfin. L'année scolaire de Mute avait officiellement débuté au moment où il avait reçu son planning du semestre. C'était une simple enveloppe brune standard et impersonnelle contenant une série de documents utiles pour les étudiants entamant une nouvelle année. Le garçon avait pris le temps de tout lire bien à l'abri de sa couchette dans le dortoir. Ce n'était pas comme s'il s'était déjà intégré à un groupe ou trouvé d'autres occupations plus palpitantes. Puis, il était nouveau ici, la moindre information serait plus que bienvenue. Dans les papiers se trouvaient des brochures présentant plusieurs clubs étudiants centrés sur un objectif communautaire et évoluant atour d'un loisir ou d'une passion. Sports, calligraphie, philatélie, ornithologie et bien d'autres occupations que Mute avait totalement ignoré en remettant le tout dans l'enveloppe. Il y avait un plan de l'école avec les divers locaux et salles de cours ainsi qu'une légende numérique présentant l'ensemble des services offerts par l'établissement. La cafétéria, la poste, les salles communes aussi et chaque endroit avait droit à un petit descriptif. Un vrai guide touristique pour cette immense école. Ca par contre il le glissait immédiatement dans la poche intérieure de sa veste. Enfin, une série de publicités et autres coupons inutiles entre lesquels se trouvait le document le plus important de tous : le programme semestriel de cours.

Chaque journée avait été remplie à l'aide de cases contenant des intitulés de cours, suivis par le nom du professeur, avec quelques pauses pour souffler entre deux sessions. Parmi les noms des matières avec lesquelles il allait devoir se trouvait mathématique, histoire, géographie et langues. Mute connaissait les bases dans chacun de ces domaines car il avait beau être muet, il avait été scolarisé comme n'importe quel enfant. Cependant il émettait un petit frisson en apercevant combien d'heures de math il allait devoir subir. Malgré tout, une petite case, toute innocente et anodine avait retenu son attention. Il y était inscrit "session extraordinaire, par : intervenant extérieur". Il n'avait absolument aucune idée de ce que cela pouvait signifier. Toutefois, cette première session mystérieuse aurait lieu d'ici un bon mois, pas de quoi s'inquiéter pour le moment donc.

Le quotidien prenait doucement sa place dans la vie des élèves. Chacun trouvait sa place dans l'école avec ces fameuses associations étudiantes et par le biais de groupe d'amis. Les affinités naturelles leur permettaient de se retrouver surtout en vivant ensemble au quotidien. Les dortoirs particulièrement étaient le point de rencontre privilégié pour discuter des derniers ragots et nouvelles. Dans tout cela, Mute se trouvait à l'écart. Il n'avait pas rejoint de club, ne s'était pas fait d'amis et donc ne participait pas à ces réunions. Difficile d'être socialement actif quand on était muré dans le silence. Ses seules véritables interactions sociales se déroulaient avec Andrzej qui essayait de faire de son mieux pour l'aider à surmonter son traumatisme. Le garçon ne comprenait pas vraiment car dans son esprit, ces événements horribles de Vastesylve, occultés dans sa mémoire, ne s'étaient jamais déroulés et il était simplement muet. Sa vie, d'un point de vue extérieur, semblait triste et monotone mais pas pour l'enfant. Ce dernier avait toutefois son petit moment de bonheur chaque mardi et jeudi en deuxième moitié de l'après-midi. Le cours d'histoire. Il était dans la même classe que la petite rouquine qui l'avait accueilli durant le festival de Basphel.

Les places des élèves avaient été attribuées donc ils ne pouvaient pas être sur le même banc ou l'un à côté de l'autre. C'était pourquoi, à chaque début de cours, l'espiègle petite rousse se retournait vers Mute avec un énorme et franc sourire et elle lui faisait un geste de la main pour le saluer. Elle était la seule à l'avoir jamais salué. Le garçon répondait avec un geste de la main et un sourire timide. Cela le rendait heureux et il attendait impatiemment ce moment. Malheureusement, juste après ce cours se trouvait la pause déjeuner et tout le monde se précipitait en dehors pour s'amuser et rejoindre leur groupe. A cause de cela, il n'a jamais pu la voir après la classe. Mais cela n'était pas important, elle lui avait fait signe.

Et c'était ainsi que le temps, qu'un mois, passait. A mesure que la date de ce cours particulier s'approchait, les rumeurs se répandaient. Tout le monde alimentait les histoires et théories avec leurs idées souvent saugrenues. Même les élèves des années supérieures, qui ne pouvaient deviner le contenu car il changeait régulièrement, participaient. Cours pratique de chasse aux esprits, excursion à dos de chameaux dans le désert, inspection générale ou encore visite médicale. Toutes les possibilités avaient été explorées mais impossible pour la communauté d'élèves de trancher. Mute s'en foutait un peu car même si cela l'intriguait au début, il avait perdu le moindre intérêt pour cette session extraordinaire au moment où il se rendait compte qu'elle prenait la place du cours d'histoire du jeudi. Il ne pourrait sans doute pas voir cette jeune fille si amicale à cause de ce cours spécial, il n'aurait pas le plaisir de voir son sourire et lui répondre doucement. Il était triste. Mais peut-être que tous les étudiants devaient participer ? Peut-être qu'elle allait être présente ? Il était heureux. Mais si tout le monde participe, alors elle resterait sûrement avec ses amis et ne lui ferait même pas signe. Il était de nouveau triste.

La veille du fameux, tous les élèves de premières années furent convoqués dans le grand hall. Ce grand gaillard au cœur de mère poule d’Algado se tenait face au pupitre. Il jouait nerveusement avec ses feuilles tandis que la mystérieuse femme aux cheveux d'argent se tenait calmement à ses côtés, un air glacial sur le visage. L'éducateur ne cessait de trifouiller ses notes à mesure que les enfants prenaient place. Il avait l'air très nerveux, presque inquiet. Une fois tout le monde installé et le silence instauré, Algado jetait des regards apeurés vers les élèves. Il reprenait un peu de sa contenance en fixant ses notes pendant deux bonnes secondes.

« Bonjour à toutes et à tous ! Comme vous le savez déjà, demain aura lieu notre première session extraordinaire. »

Et il se mit à applaudir vivement en sautillant pour ponctuer sa phrase comme s'il était une cheerleader. Cheveux-d'argent grommelait et Mute souriait. Reprenant ses esprits et une posture plus masculine, il continuait le speech sous le regard déjà un peu moins amical de sa suppléante.

« Ce cours est extraordinaire car il sort de l'ordinaire, du planning. Mais le véritable nom aurait dû être session fantastique car vous serez amené à plusieurs miles d'ici, non loin de l'incroyable cité engloutie, pour y étudier les créatures peuplant nos fonds marins. Toutes ces créatures pleines de pinces, de mandibules, de crocs, de ... »

A mesure qu'il énumérait les dangers potentiels, sa mine faussement heureuse laissait de nouveau place à une inquiétude profonde. Il était à deux doigts de pleurer quand il pensait aux tentacules. Cheveux-d'argent prit les choses en main en le saisissant par le col pour le traîner hors de l'estrade. Il gigotait et remuait mais malgré la force suggérée par son incroyable carrure, la poigne de fer de la mystérieuse femme l'emportait. Les semelles de ses chaussures crissaient au contact du sol pierreux de l’école et ce bruit donnait un air encore plus ridicule à la scène auxquels les enfants assistaient. Ces derniers faisaient d’ailleurs de plus en plus de bruits et perdaient en concentration.

« Non ! Ils ne doivent pas y aller ! Mes doux enfants ! C'est trop injuste, nooooooon. »

Elle finissait de le traîner derrière un coin de couloir et tout le monde avait pu entendre distinctement le bruit qu'avait fait le fourreau de son katana en cognant le haut du front de l'éducateur. Un petit sanglot et un reniflement enfantin suivirent et la femme prenait place face au pupitre. D'une voix aussi froide et tranchante qu'une lame, elle reprenait la présentation là où la mère poule inquiète avait flanché. Elle ne prenait même pas la peine de remettre les feuilles en ordre ou les regarder, elle savait ce qu’elle voulait dire et irait droit au but.

« Je m'appelle Kazuna, éducatrice polyvalente. Comme cela a déjà été dit, vous aurez l'occasion d'apprendre à côtoyer la faune marine mais cela sera dangereux, c'est pourquoi une série de précautions sont mises en place. »

Elle prenait le temps pour que la mise en garde eut l'effet escompté en faisant défiler les feuilles jusqu'à trouver celle contenant les détails concrets de l'expédition. Simple vérification obligatoire mais elle était bien au courant du contenu.

« Nous vous transporterons sur place à l'aide d'un portail magique construit dans ce but demain à la première heure. Cela vous familiarisera avec les voyages non conventionnels. Une fois sur place, votre professeur vous prendra en charge. La nourriture sera prévue. Prévoyez simplement des vêtements corrects... »

« Et aussi des vêtements de rechange et votre parka ! »


La voix venait d'Algado. Kazuna semblait penser au meurtre pendant un instant vu la lueur macabre dans son regard. Elle avait frémi. Ce mouvement était bien sûr imperceptible pour les étudiants mais les professeurs et certains éducateurs présents l’avaient remarqué. Cela ne présageait rien de bon. Algado, évidemment, l’avait aussi vu et il se taisait immédiatement. Il ne voulait pas déclencher la colère de la tempête d’argent. Sans se laisser démonter, et bien au courant de l’effet qu’elle avait eu, elle terminait l’exposé.

« Ce sera tout. Rompez. »

Et ainsi se terminait la présentation. Les élèves repartaient de là en faisant un raffut monstrueux. Chacun parlait de ses attentes, de ses peurs, de ses "un jour bah mon père il a..." et ses idées sur demain le tout sous fond de raclements de bancs et de bruits de pied rapides, comme s’il sautaient vers la sortie. Certains, plus âgés, s’intéressaient au portail en question qui les enverrait vers cette aventure. D’autres par contre hurlaient de rire en repensant à la prestation unique d’Algado et frissonnaient en évoquant sa suppléante qui était aussi froide qu’une lame. Mais tous, Mute y compris, partageaient une chose. Ils avaient hâte d'y être.

Cette nuit-là, presque personne n’avait envie de dormir et les surveillants avaient dû redoubler d’efforts pour faire respecter le couvre-feu imposé. Les élèves étaient bien trop excités pour s’assoupir paisiblement, Mute n’échappait pas à la règle. Mais au lieu de chuchoter, il imaginait. Son esprit était empli d’images fantastiques, de situations incroyables et de sensations nouvelles. Par intermittence, le visage de la rouquine lui apparaissait, sans savoir pourquoi. Ce n’était pas désagréable après tout. Finalement, il tombait de sommeil.
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Mer 20 Juil 2016, 23:11

Le lendemain, toute l’école était en effervescence. Des enfants couraient partout, accompagnés de leurs parrains et marraines, pour finir de se préparer au trajet vers l’aventure. Algado lui aussi courait partout pour que ses petits protégés fussent préparés au mieux pour ce qu’il pensait être une expédition inutilement dangereuse en territoire hostile. Il portait les sacs et tentait, de manière rarement subtile, de les perdre dans les dortoirs pour que les étudiants fussent en retard pour le rendez-vous. Aussi, pour ceux qui étaient plus rapides que lui, il glissait quelques documents sur la survie dans l’une des poches du sac et un sifflet pour appeler à l’aide en cas de danger. Il se tuait à la tâche le pauvre. Fort heureusement, Kazuna veillait au grain en l’assommant régulièrement avec le pommeau de son arme pour que les préparatifs furent finis dans les temps. Mute n’avait jamais participé à ce genre d’excursion. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il devait prendre donc il se référait à la petite liste fournie par le surveillant en chef et qu’il avait trouvé sous son oreiller ce matin. Etrange. De plus ce papier était écrit à la main et s’adressait à lui en personne, Algado avait passé la nuit sans doute à écrire tout cela et s’était faufilé dans les dortoirs pour les déposer. Il n’avait sûrement pas dormi.

Algado a écrit:
Bonjour mon petit Mute,
Avant de partir, tu dois bien garder à l’esprit que le monde extérieur peut être dangereux mais avec les bonnes préparations, tout ira bien. Voici une petite liste de choses à préparer dans ton sac (je l’ai mis près de ta table de chevet), avec ça tu seras prêt à toutes les éventualités.
-Des vêtements chauds et de rechanges
-De bonnes chaussures de marche
-Des provisions pour la journée (je t’ai préparé des sandwiches dans la poche avant du sac à dos)
-Un petit carnet de note et un crayon
-Ton sifflet pour prévenir du danger (il est autour de ton cou)
Amuse-toi bien mais pas trop. Et fais attention !
Algado

Mute regardait directement autour de son cou et il y avait effectivement un petit sifflet de bois que le surveillant en chef lui avait enfilé durant la nuit. Son sac aussi était rempli et presque entièrement préparé. Ce type était fou mais attentionné, mais fou. Il se sentait légèrement spécial mais quand il voyait que les autres étudiants du dortoir lisaient une petite note avec un sifflet qui pendait contre leurs poitrines, il se rendait compte que cet adulte agissant comme une bonne femme avait bien pris le temps de faire le tour de chacun. C’était attendrissant et effrayant en même temps. Mais pour le jeune Bélua, il n’en tirait pas de réelle conclusion ou même d’émotions particulières car pour lui, il ne voyait que l’aventure à venir.

Avec son sac à dos, ses vêtements chauds et, comme demandé, un manteau en cas de pluie, il s’avançait dans les couloirs. Ou plutôt, il se laissait guider par le courant car les élèves se dirigeaient tous, même s’ils ne participaient pas à l’expédition car dans les années supérieures, vers l’endroit où avait été érigé le portail. Une pièce dédiée avait été rendue inaccessible pendant plusieurs longues semaines, depuis la fin de l’année scolaire dernière même, pour que les magiciengénieurs eussent le temps de mettre sur place ce petit miracle mêlant technologie et savoir magique. A cause de la foule, Mute ne voyait pas grand-chose autour de lui mais quand le calme fut enfin instauré, il pouvait voir le portail en question. C’était un grand cercle métallique de six mètres de haut composé de plusieurs alliages s’entremêlant et formant des formes ésotériques avec des symboles gravés sur tout le pourtour. Un petit piédestal formait une petite pente pour accéder au centre, endroit où sans doute la magie s’opérait. Six petites loges, disposées à intervalles régulières en cercle autour de la porte accueillaient chacune une personne qui semblait se concentrer. L’un des élèves bien plus âgé que les autres et étudiant sans doute ce type de magie, indiquait qu’une téléportation à longue distance était réalisable avec une seule personne mais que vu le nombre d’élèves à envoyer et l’envie de minimaliser les risques, six personnes étaient bien plus que nécessaires. Tout cela allait se passer sans le moindre danger. Les professeurs le savaient aussi car tous étaient là pour analyser le transport et peut-être observer quelques phénomènes pouvant les aider dans leurs propres réflexions et études. Tout le monde le savait sauf Algado qui était bâillonné et entravé des pieds à la tête. Il avait été mis dans un coin de la pièce, car en tant que surveillant principal, il devait être là mais Kazuna l’avait rendu immobile et silencieux. C’était une très bonne chose car il aurait été capable de saboter l’invention pour garder ses enfants près de lui telle une mère poule. Tout était bien organisé.

Ils étaient tous rassemblés face au portail construit expressément pour ce voyage. Les étudiants devaient former des groupes de trois et attendre les instructions des professeurs. Ces derniers attendaient le feu vert de l'équipe d'ingénieurs et de magiciens qui avaient construit l'appareil et étaient en train de finaliser les dernières vérifications et paramétrages. Pendant ce temps, Mute regardait autour de lui pour tenter d'apercevoir la rousse. Elle discutait et riait avec son groupe de voyage et ne semblait pas porter la moindre attention au monde l'entourant et encore moins à lui. C'était normal se disait-il, qui aurait envie de s'intéresser à lui. Il commençait à se persuader que les signes reçus en classe étaient destinés à quelqu'un d'autre assis derrière lui ou bien qu'il s’agît juste d'une simple politesse. Désespoir. Pas le temps de se morfondre, le premier groupe pouvait être envoyé car les mages étaient concentrés et avaient envoyés l’énergie nécessaire pour activer le portail alors que le reste de l’équipe avait calibré l’engin pour une téléportation au millimètre près. Une vague bleue, venant de la bordure métallique, envahissait lentement la partie intérieure du portail jusqu’à former une surface luisante tel celle d’un lac troublé par des ondes douces et régulières. Les étudiants, toujours en groupe, s’y engouffraient un peu hésitant. Certains étaient ouvertement stressé voire effrayé mais l’excitation de la découverte était trop forte. Enfin, ce fut au tour de Mute et de ses inconnus qui l’accompagnaient. Une sensation de picotement pas désagréable se propageait dans son corps à mesure qu’il pénétrait dans le portail et alors que l’arrière de son corps se trouvait toujours à Basphel, son visage et ses bras étaient déjà à des milliers de kilomètres de là. Etrange sensation vraiment. Mais le tout s’était passé sans encombre.

De l’autre côté, il pouvait voir ce qui allait être la salle de classe. Un immense dôme se trouvant au milieu de l’océan. Déjà les enfants avaient quitté leurs trios, avec autorisation des quelques surveillants et professeurs les accompagnant, pour se balader dans les environs et retrouver leurs amis. Mute, comme à son habitude, se retirait du chemin de sortie du portail et allait se mettre légèrement à l’écart pour observer, silencieusement la scène. Le sol était fait de roches maritimes mais complètement sèches et l’air était empli de ce goût de sel propre à la mer. En regardant à travers la vitre du dôme, il pouvait déjà voir plusieurs bancs de poissons, la flore sous-marine ainsi que plusieurs dauphins qui venaient accueillir ces étranges visiteurs. Ils avaient sûrement entendu le brouhaha provoqué par le voyage car le verre permettait de transmettre les ondes sonores et agissait comme une cloche de résonnance, en quelques sortes. Cela avait pour but d’attirer l’attention des animaux marins les plus curieux pour pouvoir les observer. Mute n’aidait pas du tout pour le bruit mais cela ne l’empêchait pas le moins du monde de regarder ces superbes créatures nager en rond, en faisant des pirouettes sous l’eau et en essayant d’attirer l’attention avec des tours comme s’ils avaient été entraînés. Malgré cela, il ne pouvait s’empêcher de repenser à la rouquine qui ne lui avait pas fait signe. C’était bête, car une chose aussi simple et insignifiante n’était qu’un simple geste mais à ses yeux, c’est le seul contact social qu’il avait. Il baissait doucement les yeux et s’enfermait dans son monde intérieur, empli de silence et de solitude, ignorant les tours des dauphins et le côté fantastique de ce cours extraordinaire.

Il sentait une douleur à l'épaule gauche, quelqu'un venait de lui donner un coup. Il tournait lentement la tête car la tristesse qu'il vivait en ce moment le rendait apathique, blasé mais il écarquillait les yeux en voyant la personne qui venait de le frapper. C'était la rouquine et elle n’avait pas l'air contente. Ses yeux clairs étaient animés d'une flamme de colère soulignant efficacement la moue qui enlaidissait son habituellement beau et malicieux visage. Elle avait croisé les bras et avec les quelques centimètres qu'elle avait de plus que Mute elle se penchait vers lui.

« Alors, on ne dit plus bonjour ?! C'est pas poli. C'est quoi ton excuse ? »

Elle approchait un peu plus son visage du garçon et se faisait menaçante. Ce dernier baissait les yeux de honte et détournait le visage. Il était désespéré de ne pas avoir reçu un signe de sa part et maintenant il s'en voulait de l'avoir ignoré, pas remarqué, trop occupé qu'il était à broyer du noir. Naturellement, il ne répondait pas à sa question. La rouquine lui filait un second coup à l'épaule en faisant voler brièvement ses courts cheveux de feu. Elle faisait un demi-tour rapide et commençait à s’éloigner, plantant derrière elle un Mute complètement rongé par les remords. Sans prévenir, elle se stoppait net pour se tourner à nouveau vers lui et lui adresser un grand sourire.

« Bon tu viens ? »


Ce jour-là, il n'avait pas eu le plaisir d'avoir un signe de la main mais l'immense bonheur de pouvoir la rejoindre pour la journée. Et deux coups sur l'épaule en passant. Il rougissait légèrement. Il n’avait pas encore commencé le cours que l’aventure était déjà palpitante. Les surveillants alentour semblaient parler tous seuls. Ils étaient en fait en train de communiquer par une télépathie longue distance avec les personnes restées sur Basphel. Au loin, Mute pouvait entendre plus ou moins ce qu’ils se disaient. Ils parlaient que le compte avait été fait et que personne ne manquait à l’appel. La confirmation, côté Basphel, avait été donnée et l’ensemble des élèves qui devaient participer à cette classe avait été téléportés. Le reste, il ne le comprenait pas mais il apercevait les quelques professeurs présents repartir doucement en observant la réplique exacte du portail métallique qui avait aussi été érigé au sein de cette cloche de verre sous-marine. Ensuite ce fut au tour des surveillants. Les adultes partaient peu à peu si bien que bientôt, seuls les élèves restaient.
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Mer 20 Juil 2016, 23:15

« Keski fait là lui ? »

Tel était l'accueil qui fût réservé au timide Mute quand, accompagné par la rouquine, il rejoignait le groupe d'enfants. Beltran, le grassouillet sans tact qui venait de dire cela, se tenait fermement sur ses pieds et croisait les bras comme s'il voulait affirmer une opinion. Son pantalon brun sale rehaussé de son pull de laine rouge lui donnait des airs de baudruche et son visage, dont le nez retroussé, presque porcin, était l'attraction principale était tout rouge. Les autres élèves formaient déjà inconsciemment un cercle autour des trois protagonistes de la dispute à venir. Le principal intéressé ne disait bien sûr pas un mot et commençait déjà à faire un pas en arrière pour s'en aller car il n'était pas le bienvenu mais l'espiègle rousse le retenait par le bras pour le traîner avec face au vilain.

« Il est avec moi. Problème ?! »

Elle avait employé son ton le plus menaçant, sa voix était emplie de colère et de défi et son visage affichait une mine bien moins mignonne qu'à l'accoutumé. Cela eut pour effet de semer la graine de la crainte dans l'esprit de Beltran qui eut malgré lui un mouvement de recul. La foule autour d'eux commençait à se frotter les mains d'impatience car la fille était connue pour ses compétences en bagarre. Elle n'avait peur de rien ni de personne. Et surtout pas du petit gros qui se moquait des gens pour se sentir mieux dans sa peau.

« C'est l'muet ! Il est bizarre ! Il parle jamais et il est toujours seul. Il's'prend pour mieux qu'nous ! »

Le Bélua aurait bien voulu essayer de calmer la situation en expliquant que c'était faux mais son mutisme psychologique ne l'aidait pas dans cette tâche. De plus, il n'arrivait pas vraiment à comprendre ce que disait ce garçon à propos de rang social ou place dans le monde. A aucun moment il n’avait fait la moindre action pouvant laisser penser qu’il avait un mode de pensée de ce genre. Peut-être faisait-il référence à son attitude certes distante mais des plus neutres lorsqu’il était dans les dortoirs et en classe. Alors que le petit gros et la rousse se chamaillaient, il creusait ses souvenirs les plus anciens pour tenter de retrouver à quel moment ses actions eurent vexé son détracteur. Le souvenir le plus ancien qu'il possédait était son réveil au sein de l'hôpital de campagne de la Coterie de Bois-Lune non loin de Vastesylve, sans doute son lieu de naissance, avec Andrzej à son chevet. Il ne comprenait pas ce Beltran malgré ses efforts les plus sincères.

« Moi j'dis qu'il reste ! »

Elle avait parlé. Sa décision était prise, communiquée et sans équivoque. Beltran rougissait de colère, Mute de timidité et la rousse de joie grâce à cette victoire de sa volonté sur celle de son adversaire. Voyant que la bagarre n'était plus à l'ordre du jour, le reste des élèves se dispersait lentement pour retourner à leurs occupations. Le grassouillet en avait le bec cloué et tout ce qu'il put faire était une moue très enfantine avant de tourner les talons pour s'éloigner du lieu de sa défaite. Il se contentait de déambuler quelques secondes en cherchant du regard un soutien ou ami inexistant avant de jeter son dévolu sur la protection de verre qui les entourait. En la fixant bêtement, il tentait de digérer sa défaite. C'était la première fois que quelqu'un se mettait ainsi en avant pour protéger Mute et ce dernier n'en restait pas totalement de marbre. Lui qui était déjà presque euphorique quand la rousse lui faisait signe, il était désormais aux anges.

« Tiens, t'es vraiment muet ou tu fais semblant ? »

Aucun détour, aucune pincette. La franchise mêlée de cruauté des enfants à l'état pur. Le garçon restait un instant à la regarder en silence avant d'hausser les épaules pour toute forme de réponse. Par habitude, quand ce thème était abordé, s’ensuivait des rires ou bien des moqueries. Mute baissait déjà la tête en attendant l’une ou l’autre réaction mais il fut surpris d’entendre une exclamation de surprise mêlée avec de la curiosité.

« Pour ça qu'on t'appelle Mute alors ?! Haha. Original comme nom. Plus que le mien ! Ely ! »

Légèrement plus grande que le jeune garçon, elle se penchait vers lui pour que son visage fut aligné avec le sien, elle était si souriante. Pendant plusieurs longues secondes Ely restait dans cette position avant de déposer un baiser très bref sur la joue droite de son compagnon. Ce dernier n’en revenait pas et il en avait la bouche bée et les yeux grands ouverts. A peine avait-il eu le temps de comprendre ce qu’il venait de se passer que la pétillante rouquine sautillait et trottinait déjà partout en l’invitant à le suivre. Inutile de préciser qu’il ne se fit pas prier. Ils couraient alors ainsi ensemble pendant plusieurs minutes pour explorer chaque recoin, chaque caillou, chaque algue visible en dehors du dôme et s’imaginaient tellement de chose qu’Ely parvenait à exprimer si facilement. Après tout, le professeur n’était toujours pas là et certains enfants guettaient même son arrivée en restant près du portail. Mais ce n’était pas une personne normale qu’ils attendaient.

Le premier signe fut donné par un garçon tout à fait banal, à la vie banale et aux blagues banales. Personne ne le croyait donc quand il criait qu’il venait de voir quelque chose de bizarre. Personne ne l’avait rejoint pour vérifier ce qu’il disait. Mais, à contrario de son attitude banale elle aussi, il insistait de plus en plus jusqu’à ce qu’enfin deux ou trois autres vinrent le rejoindre. Etonnamment, eux aussi commençaient à parler d’un truc bizarre et petit à petit un groupe se formait autour du garçon banal qui, doucement, devenait un des centres d’intérêt de cette exploration. Son heure de gloire touchait à son paroxysme quand il parvenait à décrire cette chose bizarre qui flottait dans l’eau. C’était un poisson mais particulièrement gros. De plus en plus gros même. Il se rapprochait !

Tout à coup, tel une flèche, un homme nageait à travers les eaux avec une aisance sans pareille. Cela s'expliquait sans doute par la présence d'une queue semblable à celle d'un poisson en lieu et place de ses jambes. Sur son dos, une crête cartilagineuse l'aidait à garder un contrôle directionnel irréprochable malgré la vitesse et ses mains étaient palmées, une fine membrane étant présente entre chaque doigt. Mais le plus intriguant restait ces branchies qui s'ouvraient et se fermaient régulièrement au rythme de sa respiration. Cet humanoïde était mi humain mi poisson. Il décrivait plusieurs cercles autour du dôme de verre en observant les élèves présents. Certains paniquaient en voyant en lui un ennemi aquatique, d'autres étaient simplement intrigués par lui et une poignée avait compris car ils avaient déjà rencontré un représentant de cette race. L'ondin avait fini d'observer ses étudiants pour la journée et il se dirigeait vers une sorte de sas d'accès. A l'aide d'une incantation magique, il ouvrait la porte et s'y engouffrait. A peine se fermait-elle derrière lui, l'eau s'évacuait lentement. A mesure que son corps n'était plus immergé, une transformation s'opérait. Ses attributs propres aux créatures marines s'estompaient pour, au final, laisser place à un corps parfaitement humain. Passant la seconde porte, il entrait pour de bon sous le dôme avec les enfants qui commençaient à comprendre que la session extraordinaire avait comme "intervenant extérieur" quelqu'un de tout autant extraordinaire.

« Je me nomme Ashuyaba. Je suis un ondin, je suis né et j'ai grandi sous les flots. »

Sa voix était calme, empreinte d'une grande fierté teintée d'un léger dégoût pour ces êtres de la surface qui venait apporter leurs crasses et leurs problèmes enfantins sans cet océan qu'il jugeait si pur. Plein d'assurance, il avait déjà pris ses marques en se frayant aisément un chemin parmi les étudiants tout en défiant du regard les plus âgés, ceux qui semblaient être les plus forts ainsi que les têtes de lard. Il avait repéré le gros Beltran qui n'écoutait pas, il tapait sur la vitre du dôme avec les doigts.

« L'océan est vaste et son écosystème l'est encore plus. De l'immense baleine à l'infime plancton. De l'agile dauphin à l'immobile corail. Du dangereux requin à l'inoffensive sardine. Chacun a une place dans ce monde sous-marin à condition de pouvoir la défendre. »

Il s'approchait doucement de l'inattentif garçon sous le regard amusé du reste de cette classe exceptionnelle. Le professeur avait cessé de parler alors qu'il se trouvait juste derrière Beltran. La rouquine s'en frottait les mains à l'avance de le voir se faire engueuler, une sorte de vengeance indirecte en soi. Ashuyaba était désormais en position et le seul bruit audible était le tapotement faiblard de l'élève qui était en passe de vivre un sale quart d'heure. En se penchant en avant, il parlait d'une voix profonde, presque funeste.

« Et chaque jour est une lutte pour ne pas se faire manger... »

En finissant sa phrase, il posait une main lourde sur l'épaule gauche de Beltran alors qu'au-dessus de l'autre, il passait son visage, à hauteur du garçon. Ce dernier pouvait voir l'expression arborée par Ashuyaba grâce au reflet sur le verre et il était figé de peur. L'ondin avait les yeux grands ouverts, révélant des pupilles noires si fines qu'on aurait dit des traits entourés de vaisseaux sanguins parcourant les globes oculaires, qui fixaient ceux du grassouillet perturbateur en laissant exsuder une soif de sang profonde. Le reste de son visage était figé dans un rictus mauvais et il ne bougeait que lorsqu'il passait lentement le bout de sa langue sur sa lèvre supérieure comme s'il se souvenait d'un mets exquis ou bien salivait à l'idée du prochain. Beltran semblait avoir vu la mort et il restait prostré, blanc comme un linge. Cette petite démonstration avait fait beaucoup d'effet car une tache plus sombre s'étendait largement sur le pantalon de l'enfant, à l'endroit de son entrejambe puis le long de ses cuisses. Se redressant d'un coup, Ashuyaba se tournait vers le reste de la classe qui, en un éclair, s'était organisée en rangs d'élèves muets comme des tombes. Comme si de rien n'était, il poursuivait son introduction.

« Chacun a donc développé un moyen de se défendre. Nous allons donc observer certains de ces comportements pour que vous puissiez les adopter, les transformer et les utiliser. »

Il se dirigeait à présent vers une grande commode de bois verrouillée à clef. D'un mot magique, elle s'ouvrait pour se révéler comme étant une penderie toute simple mais dont le contenu parvint à arracher une exclamation de la part du public. Comme s'il voulait mettre fin au suspense, il sortait l'une des combinaisons pour l'exposer. Il s'agissait d'une tenue complète d'une pièce composée de peaux de requins assemblées et cousues de manière à être étanche. Là où se trouverait le cou du plongeur un anneau de métal était fixé de manière à recevoir le casque. Celui-ci était une simple boule de verre épais avec, à l'arrière, un tube de dix centimètres à l'aspect organique.

« Cette tenue vous protégera du froid de cette profondeur et vous donnera moins de prises à l'eau. Le casque, lui, c'est pour respirer grâce au traitement de l'oxygène dans le tube. Enfilez-les combinaisons. »

Personne n'allait contredire l'effrayant professeur. Les étudiants étaient animés d'un mélange de peur et d'excitation.
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Sam 23 Juil 2016, 16:50

L’ensemble des élèves, sans exception, avait obéi et se retrouvait désormais engoncé dans ces étranges combinaisons. Certains jouaient presque avec le drôle de tube respiratoire tandis que d’autres se plaignaient de la rigidité et du côté collant de l’habit pourtant essentiel au cours. Mute, sans un mot comme à son habitude, avait enfilé le tout et Ely, spontanée, avait fait mine de se déshabiller pour la mettre. Il aura fallu que l’ondin fit preuve de beaucoup de tact pour lui expliquer que oui, elle pouvait porter la combinaison par-dessus ses vêtements et que non, ils ne seraient pas mouillés. Une fois tout le monde paré et l’excitation du mouvement apaisée, il reprenait son cours magistral.

« Il y a beaucoup d'exemples. La pieuvre, si elle se sent menacée, va répandre autour d'elle de l'encre noire pour aveugler et semer son prédateur. Certaines espèces de poissons, elles, parviennent à adapter la couleur de leur peau et ses motifs avec le fond marin pour devenir presque invisibles. »

Il faisait des cercles autour du groupe d'élèves tel un requin affamé. Il n'hésitait pas le moins du monde à leur ficher la trouille pour avoir le calme et leur complète attention. Beltran, lui, n'avait pas encore bougé d'un pouce, son regard restait figé à l'endroit où l'effrayant visage d'Ashuyaba était apparu et son pantalon restait trempé. L'ondin s'arrêtait alors, face à sa classe, et pointait un index vers le haut en signe d'avertissement.

« Mais il y a des modes de défense bien plus expéditifs. La crevette-mante peut, grâce à un système mécanique aux jointures et de là, physique simple, propulser une pince en avant à une vitesse prodigieuse et enchaîner ce genre de coups pour pulvériser son attaquant. Plus impressionnant encore ! Au plus profond des mers, là où le soleil peine même à faire parvenir ses rayons, il y a un petit poisson semblable à une sardine des plus normale mais transparente. Lorsqu'elle est en danger, une substance bleue luisante, phosphorescente se créé dans son estomac. Elle relâche ensuite cette substance sur l'ennemi qui se fait tout simplement dissoudre. Ou digérer. Ou brûler. Nous ne sommes pas sûrs mais l'appelle plasma. »

Le public restait sans voix, imaginant ces créatures incroyables et fascinantes aux capacités encore plus extraordinaires. Emily souriait béatement, perdue dans son imagination. Elle avait des étoiles plein les yeux et des rêves plein la tête. Sans s'en rendre, elle avait attrapé la main de Mute pour la serrer durant la présentation. Ce dernier n'avait pas protesté. Certes la poigne de son amie était de fer mais le contact de sa peau contre la sienne lui faisait oublier la douleur. Il souriait mais pas à cause du cours. L'ondin avait bien remarqué l'effet qu'avait eu son petit discours. Il leur laissait le temps de s'imprégner de ces scènes de leur imagination enfantine. Après tout, le but du cours était bien de leur présenter les fonds marins mais aussi leur donner des idées sur des pouvoirs défensifs qu'ils voudraient atteindre, créer l'envie d'apprendre. L'opération séduction semblait déjà sur la voie de la réussite.

Un anonyme dans la foule, élève lambda sans histoire, levait la main. Tous les autres pensaient que le professeur, voyant cela, lui sauverait dessus pour lui arracher le bras tout en riant tel un psychopathe. Il n'en fit rien. Ce que les enfants ne savaient était que Ashuyaba avait des raisons personnelles profondément ancrées en lui pour avoir une dent contre les gens de la surface mais que Basphel avait mis en place un plan d'entraide pour la préservation de la flore marine en échange de ce type de cours. L'ondin, conscient que cet objectif noble se situait au-delà de sa rancune privée, réagissait de manière assez neutre face à la question.

« On va voir tous les animaux que vous avez décrit ? »

« Avec un peu de chance, oui. Mais en restant ici, aucune chance. Suivez-moi. »


Tout le groupe se mettait alors à suivre ce professeur unique dans le sas. Chacun vérifiait une dernière fois que le casque fut bien fixé et l’eau engouffrait alors le compartiment pour plonger tout le monde dans l’eau. Mute eut un léger mouvement de panique quand l’eau submergeait son visage et il essayait d’agripper quelque chose autour de lui, n’importe quoi. Par inadvertance, il saisissait la main d’Ely qui ne semblait pas trouver ce geste déplacé ou inopportun. Elle se contentait de lui sourire en lui faisant un grand clin d’œil comme pour signifier que tout irait bien mais que s’il en avait envie, il pourrait lui tenir la main. Intérieurement, elle pensait déjà aux moqueries, inévitables, du reste de la classe et aussi à tout un grand nombre de moyen d’infliger des bourre-pif dissuasifs à quiconque. Un pas au dehors et les voici dans l'océan.

Ashuyaba avait repris sa forme originelle tandis que les enfants s'habituaient à marcher sur le plancher marin sablonneux. Chaque pas en soulevait un petit nuage et vu l'excitation ambiante et le piétinement, c'était vite un nuage opaque qui se levait. L'ondin dut les rappeler à l'ordre.

« Calmez-vous. Je sais que pour les terriens, c'est nouveau mais contrôlez-vous ! Chaque pierre ou banc de sable peut cacher une vie. En plus nous sommes là pour observer, donc la première règle est de se faire le plus discret possible. »

Ensuite, sans dire un mot de plus, il ondulait et glissait parmi les enfants pour les diviser en quatre groupes de taille plus ou moins similaires. Mute restait, pour son plus grand bonheur, avec Ely qui lui donnait une tape sur le dos en guise de félicitations pour cette heureuse pioche. Le jeune garçon était aux anges et il ne savait pas si c'était la rousse ou l'eau autour de lui qui lui donnait l'impression de voler. L'ondin lui aussi semblait satisfait par les groupes et ignorait magistralement les protestations des amis séparés par le hasard. Il coupait court à toutes réclamations en enchaînant.

« Nous allons nous diriger dans une certaine zone et nous séparer. Je passerais de groupe en groupe pour surveiller. Votre tâche sera de choisir un animal marin et, de retour sous le dôme, l'exposer au reste de la classe. On y va ! »

Pas de répit pour les étudiants qui suivaient docilement leur professeur. Bien vite, la zone en question fut atteinte et les groupes se séparèrent. Comme à son habitude, la rouquine prenait le commandement du sien en menaçant de son poing quiconque n'aimait pas l'idée de recevoir des ordres d'une fille. Personne n'osait moufeter. Surtout pas le jeune Bélua qui souriait béatement sans jamais s'éloigner d'elle de plus de vingt centimètres. Au hasard, elle pointait une direction et l'exploration commençait.

Ely ne cessait de penser à cette fameuse crevette-mante. Elle qui adorait la bagarre, c'était l'animal parfait pour elle. Les autres, quant à eux, fouillaient partout à la recherche du poisson cracheur de plasma. Un seul membre du groupe voulait trouver une pieuvre. Il était bizarre. Toutefois, malgré leur motivation et enthousiasme, ils ne trouvèrent rien du tout. Pas une seule bestiole. Dans cette effervescence, Mute s'était fait larguer en arrière par la jeune fille qui était meilleure nageuse et en grande forme physique. Le souffle court, il tentait de la suivre mais en vain. Finalement, il abandonnait et allait s'échouer contre un rocher duquel il pouvait voir les gens de son groupe, le dôme au loin et même cette espèce de forêt de corail à une dizaine de mètres de lui.

Tout à coup, quelque chose se mit à bouger. D'abord un os cillement imperceptible puis un véritable sursaut. Le rocher venait de bouger ! Mute fut saisit de surprise, si bien qu'il se relevait d'un bond pour son appui devenir un animal. Une sorte de phoque obèse, à la peau grise et rugueuse, se déplaçait lentement après avoir déployé ses nageoires. Sans doute l'animal avait entendu les enfants et avait décidé d'utiliser son mécanisme de défense, le camouflage. Ce dernier était sans doute très efficace, Mute n’y avait vu que du feu, mais il avait paniqué en entrant en contact avec le garçon. Celui-ci se contentait de le suivre doucement. On lui avait dit d’observer, alors il observait. Son amie avait remarqué son absence et s’était mise à sa recherche, c’était comme cela qu’elle apercevait le phoque au loin. D’une nage vive, elle les rejoignait en riant.

« Hahahahaha, tu en as trouvé un ! Bravo ! Alors il fait quoi ? Il crache des jets d’eau ? Il a de grandes dents ? Il fait des gaz ? Hein ? »

Mute ne répondait pas. Car il ne le pouvait pas de un mais surtout car il ne voulait pas la décevoir en lui disant que ce phoque était tout à fait banal. Certes, il était le seul à avoir trouvé un animal mais ce n’était pas palpitant de voir cette pauvre bête en surpoids se traîner mollement sur le sol sablonneux de l’océan. Ely trépignait toujours en observant l’animal, elle s’attendait à ce qu’il fût en mesure d’utiliser sa défense particulière, son « coup spécial » mais en vain. Une minute plus tard, elle semblait aussi découragée que Mute l’était et tous les deux, un pas par deux secondes, suivaient l’animal au cas où.

« Au moins, tu as trouvé une bête, c’est chouette. On parlera de ça dans le dôme, t’en fais pas. »

Essayant de rester positive, elle se tournait en direction de son camarade et lui posait une main sur l’épaule pour le réconforter. Il avait l’air malade tant il avait honte d’avoir trouvé ce phoque inutile. Le sourire de la rouquine parvenait à lui redonner des couleurs. Rouge. Une giclée de sang. Le casque en était recouvert. Son casque. Que s’était-il passé ? En une seconde ce liquide rouge venait de se répandre sur son casque. La panique. Ely regardait aussi ce nuage se faufiler dans les eaux. La source fut bien vite trouvée, c’était le phoque qui saignait. Que se passait-il ? Il remuait étrangement, par sursauts. Un drôle de bruit d’agonie était émis alors qu’un grognement l’accompagnait. Tout à coup, une tête sortait de derrière la carcasse moribonde de la vache marine. Il s’agissait d’une tête de requin mais dont les crocs étaient bien plus grands et pointus. Deux petits yeux sans âme regardaient en direction des enfants. Doucement, cette nouvelle bête sortait de derrière la carcasse. Un requin-tigre ! Il avait le corps d’un requin mais ses deux pattes de devant étaient celles d’un tigre massif, de même que les dents et son grognement rappelaient l’animal terrestre. Il avait sûrement attendu dans cette forêt de corail pour que le phoque se révèle avant de bondir sur sa proie et la mettre à mort. Mais désormais, il y avait juste devant lui deux nouvelles cibles de choix, délicieuses et sans défense.
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Dim 24 Juil 2016, 10:04

Le danger avait toujours été une notion récurrente au sein de la prestigieuse école de Basphel. Les professeurs qui donnaient des cours plus pratiques insistaient sur le danger de certaines compositions chimiques ou mixtures médicinales utilisée en grandes quantités. Les parents et tuteurs utilisaient le mot danger quand ils évoquaient une baisse des résultats ou un comportement inadéquat. Les autres élèves aussi participaient à répandre ce terme en essayant de le provoquer avec des jeux idiots et souvent ridicules pour savoir qui était le plus apte à encaisser la peur et le stress suite à une situation délicate avec des paris stupides. Et bien sûr les étudiants, sans exception, avaient intégrés cela comme étant une composante naturelle de la vie si bien qu’ils se croyaient immunisés. Mais ce jour-là, pour Mute et Ely, un rappel de la définition exacte de ce mot venait de leur être envoyé sous la forme d’un prédateur marin féroce, affamé et vicieux. La première réaction était sous l’initiative d’Ely, plus franche et à l’esprit plus trempé que son acolyte muet. Elle prit, d’instinct, la main de Mute pour l’entraînement dans une sorte de nage paniquée mêlée avec de la course sur le plancher océanique. Inutile de dire que cette échappée semblait se passer au ralenti à cause de la prise à l’eau et ce malgré les combinaisons qu’ils portaient. Le garçon se laissait faire, il comprenait seulement la situation après deux bonnes et précieuses secondes et il se mettait à courir aussi vite que possible. Malgré l’état de terreur intense dans lequel il se trouvait, visible sur son visage déformé par cette immonde émotion, il n’émettait pas le moindre son. C’en était presque triste. Ely lui criait dessus à plein poumons pour le motiver, le forcer à accélérer la cadence, toujours plus vite, plus loin de la bête. Cette dernière n’avait pas encore bougé par contre, juchée sur sa dernière victime et observant ces deux repas à venir se débattre vainement. Le côté félin du tigre avait sûrement déteint sur cette aberration car elle les regardait avec une certaine satisfaction, tel un chat jouant avec ses souris avant de les mettre à mort quand il serait ennuyé.

« Plus vite ! On doit aller vers le dôme ! C’est notre seule chance ! »

Un plan, il fallait un plan. Cela leur donnerait un espoir auquel s’accrocher. L’envie de s’en sortir se voyait plus forte grâce à cela. La jeune rouquine en avait besoin. Elle pleurait de peur à cause du monstre, de rage d’avoir été aussi bête et de tristesse à cause de cette vie qu’elle s’était toujours imaginée mais qu’elle n’aurait pas la possibilité de vivre. Mute aussi versait dans la tristesse. Cet évènement de peur intense, de terreur, avait déclenché chez lui une sorte de retour arrière, assez loin que pour associer ces évènements avec l’incident de Vastesylve. Il se revoyait entouré de Béluas enragés, ivres de colère, s’entre tuer dans une frénésie purement animale alors que ses parents donnaient leurs vies pour tenter de le protéger. Les larmes qui roulaient le long de ses joues étaient aussi bien causées par la situation présente que par les souvenirs douloureux qui remontaient doucement à la surface de sa mémoire. La bête, repue de ces émotions paniquées, s’élançait pour remplir non plus son esprit sadique cette fois mais bien son estomac.

Le requin tigre agitait d’un coup sec sa queue pour se propulser en avant tandis que, de ses deux pattes avant, il s’agrippait sur le sol pour gagner, en un temps record, une vitesse phénoménale. Cet être incroyablement mortel était habituellement un habitant des zones bien plus profondes qui ne remontait qu’en cas de manque de proies. Toutefois, malgré un changement de décor pour lui, il n’en était pas moins dangereux. Mute, à nouveau, regardait en arrière et voyait le monstre, à moitié nageant et moitié galopant, se diriger droit vers eux avec la gueule aux dents acérées grande ouverte. Il se voyait déjà mort, dévoré au fond de la mer. Même en ce moment, ses derniers moments, il ne parvenait à produire le moindre son. Pathétique. Cinq mètres à peine les séparaient de leur destin. Quatre et bientôt trois. Alors que pour les deux derniers mètres, le prédateur allait bondir, il fut arrêté dans sa course par un projectile qui vint s’abattre avec force pour se planter dans le sol entre les proies affolées et lui. Une lance de corail avait été propulsée avec une si grande puissance qu’elle s’était fichée fermement dans le sable du sol et bloqué la course du requin tigre. Ce dernier, goûtant à son tour à la peur et la surprise, regardait autour de lui pour en trouver la source. Quand il levait sa face vers le haut, il pouvait voir l’ondin préparer une seconde lance pour la lancer et l’abattre.

Ne demandant pas leur reste, les deux enfants continuaient de courir avec la force du désespoir et la mort, pouvant toujours les faucher au moindre instant, aux trousses. Mute avait repris quelque peu ses esprits et il parvenait enfin à suivre le rythme du sprint d’Ely qui hurlait toujours autant face à cette terreur incroyable qui assiégeait son esprit enfantin. Ashuyaba, lui, ne laissait transpirer la moindre émotion alors qu’il envoyait avec une grande précision et maîtrise son arme sur la cible. D’un rapide roulement, grâce à ses pattes de tigre, celle-ci l’évitait de justesse pour ensuite se mettre à fonce vers le nouvel arrivant qui était de loin le plus dangereux. Le professeur temporaire avait laissé tomber ce rôle pour revêtir son habit habituel, celui du guerrier chevronné n’ayant peur de rien sous la surface. Grâce à un pouvoir des plus incroyables, il invoquait un amas de corail qui prenait immédiatement la forme d’une lance dans sa main. Il la saisissait fermement, prêt à accuser la charge du monstre et engager une lutte mortelle. Il ne fut pas déçu quand la bête parvenait presque à le mordre si cela n’avait pas été pour le manche qu’il parvenait à carrer dans sa gueule pour le bloquer. Malheureusement, Ashyuaba devait user de ses deux mains pour retenir l’élan du requin tigre et il ne pouvait éviter les griffures infligées par ces pattes de félin contre nature. Un élan d’une douleur vive le prenait au niveau de l’abdomen, endroit lacéré plus ou moins profondément par l’assaillant, ce qui le fit fléchir un instant. Pendant un centième de seconde, il relâchait sa poigne de fer ce qui permettait au requin de le déstabiliser complètement pour le croquer. Fort heureusement pour l’ondin, ses réflexes et son instinct de survie prenaient le relais et il parvenait, à une vitesse fulgurante, à faire apparaître une sorte de dague de corail pour la planter dans le flanc exposé de la bête. A son tour de connaître la douleur.

Les enfants continuaient de courir sans se retourner de peur de voir leur professeur perdre le duel et apercevoir le vainqueur se remettre à nager vers eux pour les engloutir. Le dôme était en vue, d’autres enfants aussi. Ely criait de toutes ses forces pour les prévenir mais l’eau n’avait jamais été un bon conducteur pour les sons. Leur course et gestes affolés étaient accueillis par des rires et moqueries, des doigts pointés vers la rousse garçon manqué et le mec bizarre qui cause pas. Tant pis pour eux s’ils ne comprenaient, ils verraient bien vite l’un ou l’autre participant du combat arriver et à ce moment-là, ils sauraient. Ely traînait toujours son compagnon vers l’entrée du dôme sans s’arrêter, pas même pour décocher une droite sur le casque d’un imbécile qui voulait lui bloquer la route pour faire des grimaces et mimer une poule. Cependant, l’entrée était bloqué et seul l’ondin savait comment activer l’ouverture magique. Elle se croyait perdue. Cette impression fut renforcée en voyant arriver à pleine vitesse le requin tigre. Il saignait mais il nageait à un rythme suffisant pour les atteindre d’ici quelques secondes. Le prédateur ignorait purement et simplement les autres élèves, ses yeux injectés de sang s’étaient posés sur ces deux repas et ils n’avaient d’autres idées dans son minuscule cerveau, ils les voulaient à tout prix dans sa gueule et les mastiquer.

Cet instant fut un tournant décisif dans l’esprit du muet pour le reste de sa courte vie, au vu de la situation. Il se rappelait désormais, à cause de tout ce stress et ce danger réel, du moindre détail de cet incident à Vastesylve. Il revoyait ses parents lutter pour le défendre mais se résigner à donner leurs vies pour la sienne. Ils avaient utilisé leurs corps comme bouclier, ils auraient très bien pu utiliser leur pouvoir de transformation animale pour se défendre eux mais ce faisant, Mute aurait été condamné. Tout était plus clair, aussi clair que cela aurait pu l’être dans l’esprit d’un garçon de huit ans et, sans savoir pourquoi, il se mettait sur la trajectoire du monstre affamé, entre lui et Ely. Cette dernière ne comprenait pas comment il arrivait à amasser assez de courage. Elle était pourtant une vraie terreur, la casseuse de dents, une dure à cuire et actuellement elle pleurait comme un bébé et fuyait de toutes ses forces. Mute aussi avait réagi comme cela, mais il était désormais très calme et décidé. Ses bras étaient étendus de part et d’autre de son corps et il attendait la charge et la mort, peut-être cela donnerait assez de temps à quelqu’un de trouver une solution. Ashuyaba était sans doute mort, dévoré. Beltran était toujours à l’intérieur, couvert de pisse à nouveau et il avait couru vers le portail pour chercher de l’aide. Une solution serait trouvée mais avec du temps. Mute allait le leur donner. Fermant les yeux alors que le monstre était au paroxysme de la frénésie, il essayait de parler.

« Merci. »

Du sang, partout. Un nuage écarlate envahissait les environs. Doucement, Mute rouvrait les yeux et voyait, à quelques centimètres à peine de son visage la gueule béante du monstre. Ce dernier ne bougeait plus, il saignait abondamment. Le garçon ne comprenait pas pourquoi il s’était arrêté et d’où venait ce sang. Il comprenait en voyant la lance plantée en travers du crâne du prédateur qui avait été tué net sur le coup et planté dans le sol. Ashyuaba, se tenant la poitrine d’une main, l’autre bras toujours tendu après son lancer, affichait une mine grave, une grimace de douleur mais aussi un certain soulagement. Tous les enfants, qui avaient commencés eux aussi à paniquer, étaient figés. Ely avait cessé de pleurer instantanément face à ce dénouement heureux et surprenant. Elle reportait son attention des crocs acérés du monstre vers le dos de son compagnon de classe.

« Tu … tu parles ? »

Mute se retournait vers elle, le visage neutre comme à son habitude et comme toute forme de réponse, il haussait les épaules.
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