La clarté d’une rivière — aussi berceuse que suave — se teintait de plus en plus d’un manteau pourpre, diagnostic alarmant qu’un rôdeur avec de repoussantes intentions se trouvait à proximité. Qui d’autre qu’un monstre cornu — et ailé — pouvait se vanter de prendre son petit déjeuner auprès d’une exubérance de cadavres qu’il avait lui-même exécutés par diverses modalités ? En ce levant ce matin, Zane avait eu une nouvelle lubie. Il s’était mis en tête de voir l’effet que certains pièges et armes -qu’il n’avait jamais utilisés- produisaient sur des corps de différentes carrures. Ainsi, le diable avait tapé dans l’originalité en assaillant plusieurs types susceptibles de suppléer à ses tests. Il en avait trouvé suffisamment un grand nombre pour les entreposer à l’écart de la vue d'éventuels témoins. La rivière scintillante qui bordait la montagne luxuriante de flores était l’endroit propice à ce genre de caprices puisqu’il lui permettait aussi de se débarrasser des corps en très peu de temps. C’est en suivant ce cadre stratégique qu’il avait fini par ôter la vie à de nombreuses personnes qui n’avaient rien demandé ; parfois en leur enfonçant profondément un poinçon au milieu des reins, d’autres en envahissant leurs poumons d’eau... Aussi, il adoptait l’entretien de certaines tortures afin de voir combien de temps un homme pouvait survivre, et ainsi répondre à sa seconde question : pourquoi le numéro un mourrait plus vite que le numéro deux ? C’est avec cette profonde sagesse qu’il sectionna des bras et des jambes dont le seul intérêt consistait à voir comment la victime réagissait et à quel point elle réclamait continuer à se battre malgré tout. Force est de constater que ceux qui tenaient le plus longuement n’étaient pas forcément les mieux lotis physiquement, mais surtout ceux qui détenaient une famille ou des proches à revoir.

En dehors de leurs supplications larmoyantes, certains avaient miraculeusement réussi à ramper et à glisser jusqu’à la plaine, mais le même constat s’en suivit : ils se vidèrent bien trop activement de leurs sangs. Quelle déception ! Aucune résistance. Aucun spécimen inattendu et surprenant qui était frappé d’une soudaine détermination endogène. Finalement, les sorciers et les démons supportaient à la torture mieux que n’importe quelle race, ce qui s’expliquait facilement par une quantité de petites choses. Bénéficiant d’une cuisse de poulet parfaitement rôtie dans sa main droite, les dents de l’homme se plantèrent subitement dans la chair dégoulinant de sauce. Un vrai délice pour les papilles. Après avoir terminé sa collation, il épongea ses lèvres avec un torchon en lin qu’il délogea de l’intérieur de sa tunique. Jetant celui-ci dans les airs pour qu’il se fasse emporter par la brise matinale, il décroisa ensuite les jambes pour pouvoir se lever de son pouf rocailleux. Passant une nouvelle fois sa dextre dans une poche de ses vêtements, il dégaina une longue bandelette immaculée qu’il divisa en deux. Entourant cette dernière autour de ses poignets et plus généralement sur ses mains, il protégeait en quelque sorte ses armes qui avaient été légèrement froissées lors de ses interminables interactions. Il attacha ensuite son katana à une bandoulière qu’il appliqua sur son épaule. Désormais prêt à repartir, il dégringola du sommet afin de revenir sur les plaines, se dirigeant par pur hasard vers un groupuscule d’habitations. Au milieu de toutes se trouvait ainsi une auberge. Avant d’y faire un tour, Zane s’intéressa de plus près au panneau d’affichage ancré sur la devanture. Il relatait diverses annonces, mais la plupart offraient couramment des missions engageantes pour qui cherchait à se faire un peu de blé. Une parmi tant d’autres recueillit toutefois plus son attention : elle parlait d’un appel aux cobayes concernant une préparation créé par les vampires qui consistait à rendre n’importe qui ahuri aussi intelligent qu’un virtuose.

Concrètement, cette potion miraculeuse ne lui apporterait pas grand-chose puisqu’il se qualifiait déjà comme un prodige, du mal qui plus est. Néanmoins, l’argent qui était promis ainsi que le test en question était suffisamment attrayant pour le porter de s’y rendre. Être un cobaye octroyait plusieurs avantages, surtout dans un lieu non moins insolite que le château. Il n’avait rien à perdre, et puis cela lui permettait aussi de fournir une petite visite aux vampires. Son hésitation fut balayée par sa soudaine volonté, si bien qu’il arracha le bout de papier pour le glisser dans sa poche. Avant de quitter le village, mieux valait se remplir la panse et obtenir davantage d’informations à ce sujet. Il devait également accumuler quelques réserves pour la route. Perdre son temps dans une partie de chasse n’était pas dans ses projets immédiats. Il laissait volontiers cette activité pour les tristes individus qui n’avaient que ça à faire. En dehors de son territoire, chaque prétexte était bon pour sauter les préliminaires. Se détournant alors du tableau indicateur, il poussa la porte battante en entrant de la façon la plus attractive possible. D’ailleurs, la totalité des clients se tourna devant la fascination qu’il dégageait. Visiblement, ils n’avaient pas l’habitude de voir un homme de sa trempe débarquer dans un coin paumé comme celui-ci. Sans même se préoccuper d’eux, il s’aventura directement au niveau du comptoir, le heurtant brusquement avec la bourse qu’il exerçait entre les doigts inquisiteurs. « Apportez-moi ce que vous avez de plus intense. » Intimidé par le personnage qui se tenait dans son commerce, il s’exécuta très rapidement sans poser aucune question. Pendant ce temps, le démon jeta un bref coup d’œil autour de lui, croisant le regard de curieux qui retournèrent séance tenante à leurs principales occupations lorsqu’ils entrèrent en contact avec lui. Il ignorait que son visage impliquait autant l’effroi, même s’il est vrai qu’il n’avait pas beaucoup dormi ces derniers temps.

Quoi qu’il en soit, à la minute où le vénérable serveur lui apporta son eau-de-vie, sa main cramponna fermement son bras avant qu’il ne puisse se réfugier vers d’autres consommateurs. « Dites-moi mon brave, vous avez certainement entendu parler de cette requête provenant du château Malkavian. Vous pouvez éventuellement m’en dire plus sur ceux qui ont déjà éprouvé le produit. » Le barman déglutit avant de prendre la parole. « L’on raconte que certains ont expérimenté la potion, mais qu’elle a obtenu des incidences différentes sur la plupart. Allant de la disparition à la folie, je pourrais vous en retracer de bonnes. Mais il s’avère aussi qu’elle a bien fonctionné chez la plupart, même si l’effet n’a été que provisoire. » Il s’en était un peu douté, car si une telle potion durait sempiternellement, alors le créateur serait devenu le maître du monde à l’heure qu’il est, même si le terme de génie pouvait trouver plusieurs sens sous différentes spécialités. On avait au moins réussi à le convaincre de juger par lui-même. Nourrissant une grande inspiration, il relâcha sa prise. « Préparez-moi des réserves pour plusieurs jours. Je vous ai déjà payé le nécessaire. » Happant son verre consécutivement à cette demande, il répandit tout le contenu entre ses lèvres en moins d’une seconde, inspirant une grande bouffée d’air juste après. Attendant patiemment que son chargement soit prêt, le téméraire remercia l’aubergiste avant de quitter le gite avec son sac de provisions assez énorme posé sur sa clavicule. Ne connaissant pas du tout l’endroit dans lequel il se rendait, il préféra aussi opter pour l’emploi d’un guide qui saurait l’amener à bon port sans trop de complications. Se perdre dans les bois était une charmante idée, mais il remettait sincèrement en doute ses capacités à joncher le bon chemin avant une quinzaine de jours. Donnant ainsi la somme qu’il lui restait, le démon se fit gracieusement conduire aux abords d’une route qui menait directement à son lieu de convoitise. Contrairement à ce qu’il pensait, l’itinéraire pour y parvenir n’était pas si enchevêtré qu’il y paraissait. Devant la vacuité de son engagement, il se tourna vers le monsieur, l’expression de son visage montrant clairement le fait qu’il était lassé. « Bon. C’est pas tout ça, mais je vais avoir besoin de récupérer mon argent. Ce fut tellement superflu. » « Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez di… » Zane vrilla le haut de son enveloppe afin de lui planter une dague dans la carotide. Lorsqu’il retira la lame, une profusion de sang s’en réchappa, laissant ensuite le corps de l’individu retomber comme une statue qu’on avait fait basculer. Saluant les services qu’il lui avait accordés, il récupéra son dû avant de s'éloigner du cadavre pour emprunter le pont auguste qui était relié au château, s’effaçant progressivement de la zone verdâtre pour s'incorporer dans la forteresse vampirique.

Comme toute habitation similaire, l’intérieur était plutôt vaste. Il était toutefois convenablement bien indiqué pour apprécier la pièce dans laquelle il devait se rendre pour mettre au point son projet, d’autant plus que plusieurs personnes —  probablement des résidents —  se trouvaient déjà dans la grande salle commune. S’orientant spontanément vers l’inconnu qui lui inspirait le plus de confiance, Zane lui brandit la feuille dont il s’était emparé, lui indiquant avec l’index la partie qui l’intéressait le plus. « Oh ! Je vois ! Vous êtes ici pour cette raison. Hi hi. C’est dingue le nombre de débiles qui nous rendent visite pour devenir plus intelligents. » Souriant allègrement à la petite pique que venait de lui adresser ce charmant vampire, le démon enserra sa main sur sa gorge afin de le soulever du sol. Il approcha dangereusement son visage du sien. « Tu devrais songer à jouer les cobayes, toi aussi. D’ailleurs, tu vas venir avec moi. La négociation n’est pas envisageable. » Il étouffait littéralement les cris de l’individu, empêchant ce dernier de répandre ses lamentations qui auraient tôt fait de prévenir les autres intervenants qui se trouvaient dans les alentours. Par ailleurs, il adressa un charmant rictus à tous les membres ici présents. Posant son doigt sur ses lèvres pour l’intimer de se taire, il grimpa les escaliers en compagnie de son ami tout juste acquis. Tendant son bras comme un arc, il chahuta brusquement la porte suivante, retrouvant ainsi plusieurs personnes assises sur des chaises. Visiblement, l’annonce avait vraiment fonctionné au vu du nombre conséquent de patients qui attendait de subir les bienfaits de l’intelligence. Rien d’étonnant à ce que la plupart d’entre eux ne relataient que stupidité. Relâchant grossièrement le vampire qu’il avait embarqué avec lui, il croisa les bras sur sa poitrine. « Prends place et ne discute pas. Je préfère m’assurer que tout ce que je vais faire est sans danger. » Grimaçant par le manque évident de confiance qu’il avait vis-à-vis de lui, mais aussi envers l’expérience il n’eut toutefois pas réellement le choix s’il ne voulait pas se mettre un futur souverain démoniaque sur le dos. « D’accord, je viens… j’imagine que ça ne peut pas me faire de mal. » En mal ou en bien, la vraie question était de savoir dans quel état ils allaient finir. Les contes de fées ne finissaient jamais très bien.

1800 mots

En se jetant dans la gueule du loup, le démon n’attendait pas grand-chose. Il ne recherchait rien de précis, non plus. Aucune excuse ne justifiait ce choix pour le moins improbable. À différentes reprises il avait été le témoin et le principal sujet de plusieurs expériences, et aucune d’entre elles n’avaient véritablement bien tourné. Scientifiquement, sa culture était grandement limitée comparée à ceux qui maîtrisaient la matière depuis des siècles, mais il faisait au moins l’effort de comprendre, car tout ce qui disposait d’une explication le rendait curieux d’enrichir ses aspects cognitifs. En se déclarant officieusement cobaye parmi tant d’autres, il espérait bien faire quelques découvertes intéressantes, notamment son esprit démoniaque qui courait perpétuellement après diverses méthodes tortueuses. Il croyait difficilement à cet éclair de génie pouvant survenir miraculeusement, sans doute car il était lui-même plus futé que la moyenne. Un renard s’infiltrait dans le poulailler uniquement dans le but de se nourrir. Par précaution – et aussi pour l’agacer – sa prise d’otage servait à lui garantir la bonne marche de la procédure. Puisqu’il travaillait dans le domaine, il devait forcément être au courant des pratiques qui ternissaient les hommes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. À l’intérieur de la salle de test, des femmes vêtues par le même accoutrement dirigeaient les opérations en guidant les engagés à emprunter la bonne voie. Ainsi, chacun des volontaires était invité à entrer dans une pièce isolée qui n’acceptait pas plus d’un binôme. Bien que le prétexte lui paraissait injustement trouvé, Zane admit malgré tout de poursuivre son désir après s’être assuré de sa réussite auprès de son compagnon de fortune. D’après son regard dénué de panique, rien ne laissait présager une quelconque tricherie. De toute façon, il n’avait rien à perdre. Rien qu’il ne puisse pas récupérer en tout cas. Forçant ainsi son camarade à prendre place à ses côtés par le biais de quelques menaces minutieusement sélectionnées, le redoutable déchet de l’enfer prit ses aises sur un tabouret destiné à accueillir leur bon confort.

Devant eux germait une large commode sur laquelle reposait une fiole aux couleurs éclatantes. Pour une raison qu’il ignorait, mais qui n’en restait pas moins des plus soupçonneuses, les portes par lesquelles ils étaient entrés se verrouillèrent. Même s’il était particulièrement intrigué par la procédure, Zane n’exprima aucune forme d’inquiétude, se tenant à sa place comme il me faisait dans les bars, sans se soucier de quoi que ce soit d’autre que ce qu’il avait dans son verre. « Par logique et par déduction, j’estime que tu n’as aucun moyen de savoir ce qui se trouve réellement dans notre boisson. Nous avoir enfermés tous les deux ici pourrait tout aussi bien correspondre à une mutation qui nous forcera à nous entretuer avant la fin d’un temps imparti. Amusant comme théorie. » En réfléchissant supérieurement, il n’aurait pas pu choisir de meilleures paroles pour inquiéter son binôme, déjà sujet à la panique facile. Il tremblait comme une feuille éprît dans une violente tempête. Il n’allait pas l’ennuyer davantage pour le moment, préférant se concentrer sur les directives émises par une voix amplifiée sortie de nulle part. Tout avait été minutieusement préparé avant la venue des cobayes, si bien qu’ils n’avaient pas grand-chose à faire, hormis se soumettre à quelques tests qui servaient principalement à mesurer leurs intelligences actuelles. Ceci permettait entre autres de vérifier l’avant et le après pour affirmer de la réussite, et surtout pour voir l’écart de progrès qu’il existait en chaque personne. Zane n’avait pas besoin de ça pour être au courant de sa valeur intellectuelle, mais il devait toutefois s’y plier comme tout à chacun. En jetant un coup d’œil sur le côté, l’homme remarqua la présence de petits hublots, autorisant celui-ci à voir le binôme voisin. Sympathique initiative, bien que totalement obsolète. Quoi qu’il en soit, le maître de la mémoire retourna à ses activités en baissant les yeux sur le parchemin qui lui était destiné. Sur ce dernier s’inscrivaient plusieurs instructions diverses. Les exercices allaient de la résolution d’un problème plus ou moins complexe à la charade et aux énigmes auxquelles il fallait répondre le plus rapidement possible. Le démon n’avait pas besoin de se triturer les méninges puisqu’elles étaient largement à sa portée, se situant incontestablement dans une moyenne vivacité. N’importe qui pouvait le compléter en cherchant un peu… ou presque. En effet, son partenaire ne semblait pas d'un avis semblable, notamment en ce qui concernant la facilité d’accès des problèmes présentés.

En s’armant d’une plume et en la plongeant dans l’encre, le bellâtre composa sa mélodie littéraire en glissant la pointe sur le papier. Avec la même adresse qu’un artiste guidé par son pinceau, il conclut la note finale en un rien de temps. Les tests prirent fin quelques instants plus tard, le parchemin disparaissant par enchantement dans une nuée de cendre. Son visage se tourna machinalement en direction de son partenaire. « Tu conçois que j’ai bien fait de t’amener avec moi à présent. Entrer en idiot et ressortir en génie n’est sûrement pas donné à tout le monde. Je me demande d’ailleurs pourquoi leurs sélections ne sont pas plus restreintes, et surtout pour quelle raison il n’y a pas plus de public dans ce palais de l’apprentissage accéléré. » Le gnome remua la tête de droite à gauche, quelques gouttes de sueur courant sur sa peau abîmée. Il se frotta ensuite la nuque, visiblement gênée. « Hum. Eh bien, pour commencer les effets ne sont que temporaires. Ils permettent effectivement d’accentuer grandement la valeur cognitive de n’importe quel individu, cependant, comme tout sort supérieur, cette potion impose quelques retombées secondaires pour le moins néfastes. Ils sont très aléatoires en fonction de la personne, mais en général ils ne sont pas dangereux pour l’utilisateur. » Voilà donc pourquoi le pourceau avançait à reculons lorsque Zane lui avait forcé la main. Son courage frôlant le zéro, il craignait de se retrouver avec des membres en plus ou se voir pousser une corne sur le bas ventre. Quand bien même les effets étaient temporaires, s’ils permettaient bien de doubler ou tripler l’intelligence, cette préparation ne pouvait être transmise aux esprits maléfiques sans prévention de leurs part. Toutefois, c’est en repensant à l’endroit dans lequel il se trouvait qu’une déduction prit tout son sens. « Je vois. C’est donc pour ça qu’ils prennent la précaution de nous séparer en plusieurs groupes. Le pourcentage de chance de réussite fait qu’il est plus avantageux de nous mettre en binôme, au cas où quelque chose tournerait mal. Le veinard trouverait forcément de quoi résoudre le problème. » Le nain ne répondit pas à cette affirmation qu’il préféra confirmer d’un discret signe de tête. Les pièces du puzzle se rassemblaient peu à peu autour d’un mystère qui n’en était pas vraiment un en fin de compte. Il apparaissait sans doute inutile de relater des suspicions à l’encontre de la moindre anomalie, mais l’enfermement joint au manque d’action stimulante le rendaient d’autrement plus curieux que de base. Par défaut, autant essayer d’en apprendre plus sur ce qui l’entourait que de s’ennuyer davantage. Le fait de réfléchir empêchait surtout ses pulsions meurtrières de ressortir à tout moment. Il s’agissait de l’une des rares méthodes capables de l’apaiser. Ça, le sexe et les défis palpitants. Tout démon qu’il représentait, il ne restait qu’un homme avec les mêmes vulnérabilités, certes amoindries, mais pas si différentes des faibles qu’il fréquentait quotidiennement. Enfin bonne, cette rétrospective avait au moins servi à faire défiler le temps plus rapidement, le ramenant à l’heure de la procédure. L’enclenchement d’un mécanisme le porta à ses alertes. Désormais plus vigilant que jamais, il attendait sagement le déroulement qui ne tarda pas à le saisir littéralement. En effet, alors qu’il était convaincu qu’ils allaient devoir s’abreuver normalement en piochant dans une fiole quelconque, c’est une tout autre mésaventure qui lui tendit les bras.

À l’image de tentacules possédés par une bête avide de se nourrir, deux immenses câbles métalliques le saisirent par les bras avant de le planter par de longues aiguilles qui lui inoculèrent le produit directement dans les veines. Si la sensation n’avait d’une partie de plaisir au moment de la pénétration, ses effets furent multipliés les secondes suivantes, offrant un calvaire digne d’une torture à son hôte. En revanche, depuis ce jour fatidique il n’était plus aussi sensible qu’à l’époque, et c’est pourquoi il s’accommoda si vite de la vive douleur. Son compatriote ne pouvait pas en dire autant puisqu’il sombra dans l’inconscience, exactement comme leurs voisins de palier qui ne supportèrent pas non plus la trop grosse pression. Le calcaire étant définitivement terminé pour tous les clients potentiels, Zane ne subissait aucun changement. En tout cas, rien qui ne soit transcendant pour ses beaux yeux. Soit la différence n’était pas assez large pour sa personne, soit l’expérience avait bel et bien échoué. L’un comme l’autre, il ne découvrirait la réponse que lors du réveil de son associé. C’est qu’il pensait, jusqu’à ce que la voix précédente refit surface pour leur annoncer ce qui ressemblait à une mauvaise nouvelle. Il n’avait pas besoin de l’écouter jusqu’au bout pour jurer entendre un ton qui dépeignait la désolation, et il ne s’y trompa pas. « La société tient tout d’abord à s’excuser pour le désagrément rencontré. Il se trouve qu'un vil plaisantin à juger bon de fondre quelques-uns des liquides servant à transcender votre matière grise. Actuellement, nous sommes dans l’incapacité à pouvoir remédier à ce léger contretemps. Nous ne pourrons malheureusement rien faire tant que nous n’aurons pas retrouvé le coupable. Si vous consentez à le débusquer, soyez prudent, car nous ne sommes toujours pas aux faits de ce qu’il adviendra de vous. Je vous remercie de votre compréhension. » Tu parles d’une transparence. La complainte des cobayes n’aurait rien de bon pour les pseudo scientifiques. Zane ne pouvait que les comprendre. S’il comptait bien retrouver le fautif pour lui faire passer l’envie de s’amuser en sa présence, il est certain qu’il irait uniformément s’adresser au responsable de tout ce merdier. Pour l’instant, il n’avait encore aucune idée de ce que son organisme allait faire. Aussi, le nain qui l’avait assisté pouvait également lui poser quelques soucis majeurs selon ce qu’il allait subir. En ce cas présent, le démon se leva avec comme première intention d’en finir au plus vite. Pour ça, il devait corrompre la barrière qui avait été installée en cas de problèmes. Sans se confronter à trop de complications, il chargea son point en magie pour porter un puissant coup de poing dans la vitre qui céda sur le coup. De son long bras, il agrippa son coéquipier, le forçant à se réveiller d’une claque dans le museau. Ce dernier ouvrit les yeux. « Ta mutation commence à prendre forme. Tu vas m’accompagner et ce n’est pas négociable. J’aurais éventuellement besoin de toi au cas où il faudrait se sacrifier. » Encore fallait-il trouver une voie à emprunter à présent.