Araya finit par baisser son autre bras, le faisant rejoindre l’autre sur sa poitrine, serrant un peu plus ses bras. Elle sentait les yeux d’Isley sur elle, brûlant sa nuque. Elle ne voulait pas se retourner pour le voir, persuadée qu’il l’accusait. Et elle n’avait pas besoin de voir son visage pour deviner sa colère, imaginer ses traits déformer et tirer. Il ne pouvait ressentir que ça. De la déception peut-être. Après tout, il l’avait à peine retrouvé que déjà il allait la perdre à nouveau. C’était la meilleure chose à faire. Araya en était persuadée. Elle arrêterait de lui causer autant de tords et d’ennuis. Il serait sûrement plus libre sans elle, plus heureux. Elle se l’était tellement répétée qu’elle avait fini par y croire, par en être convaincu, jusqu’au plus profond d’elle-même. Ou alors était-ce un autre qui l’avait persuadé de ça ? Qui lui avait tant répété qu’elle ne méritait rien qu’elle ne pouvait plus penser autrement. Elle ne méritait pas d’avoir quelqu’un comme Isley ou Kayto prêt d’elle, c’est ce qu’elle pensait… Vraiment ?

Puis vint la voix de l’Ange résonner sur les parois de la grotte, l’amplifiant. Ou alors c’est parce que tout était si silencieux qu’elle n’entendait que lui ? Etrangement, elle était calme, presque posée. Pourtant, derrière ce calme apparent, la Vampire pouvait deviner la colère qui bouillonnait en lui. Elle était désolée pour lui. A cause d’elle, il n’arrêtait pas de ressentir un pêché. Mais elle n’eut pas le temps de se sentir plus coupable qu’elle comprenait les paroles de l’Ange. Elle baissa un peu plus la tête, accablé par ce qu’il disait. C’était la vérité, elle le savait. Mais elle n’arrivait pas à s’ouvrir. Trois années à se renfermer, à oublier tous les autres, à s’imaginer que tout le monde l’avait abandonné. Tout ce temps ne pouvait s’oublier aussi rapidement. Peut-être qu’elle pourrait le laisser s’approcher, arrêter de le rejeter, sans pour autant s’ouvrir réellement à lui. Mais elle n’y arrivait pas. Elle était bien trop effrayée pour laisser quelqu’un revenir dans sa vie. Pas quelqu’un d’aussi important qu’il en avait pris dans sa vie à l’époque. Elle l’entendit bouger, quelques pierres roulant sous les pieds d’Isley, mais ne réagit pas, restant silencieuse, serrant un peu plus ses bras autour de sa poitrine.

Encore dans cette cellule… Pourquoi est-ce qu’il disait ça ? Il savait pourtant à quel point elle avait souffert. Pourquoi lui rappeler ses choses terribles ? Araya prit sa tête entre ses mains, secouant la tête. Elle ne voulait pas en entendre plus. Elle n’y était plus ! Elle s’était enfuie ! Alors pourquoi… Pourquoi est-ce qu’elle avait l’impression que ce qu’elle pensait était faux, contrairement à ce qu’il disait lui ? Se voilait-elle autant la face que ça ?  Au fond, elle savait qu’elle n’avait beau ne plus y être physiquement, son esprit y était encore. Elle était toujours dans cette cellule, toujours avec cet homme… Il n’avait plus besoin de fermer la porte de sa prison, elle la fermait elle-même…

« Je t’en prie, tais-toi… Murmura-t-elle, si faiblement qu’elle se demanda si elle n’avait pas simplement pensé ces mots »

Mais Isley continua de parler, la faisant se recroqueviller un peu plus, cherchant presque à se boucher les oreilles, mais il haussait de plus en plus la voix, laissant sa colère éclater. Elle entendait ce qu’il disait, mais est-ce qu’il parlait toujours de Kayto ? C’est ce qu’elle aurait pensé si elle en avait le temps, ou simplement la clarté d’esprit. Mais plus il parlait, et plus elle tentait de repousser ses paroles, de fuir aussi loin de lui qu’elle le pouvait. Mais elle ne pouvait pas bouger. Elle le savait. Elle savait qu’elle le ferait souffrir, mais cela ne valait-il pas mieux ainsi ? Et l’Ange continuait de parler, déterminé à la faire réagir, à l’empêcher de mourir. C’est vrai… A l’époque, elle pensait qu’il l’avait abandonné. Mais pour lui, il l’avait perdu, il avait été trop faible pour la sauver. Combien de temps avait-il mit pour s’en remettre ? S’en était-il remit un jour d’ailleurs ?

Soudain elle sentit un mouvement à côté d’elle, et vit Isley dans sa périphérie, accroupit. Depuis quand était-il si proche ? Araya voulut s’esquiver, s’éloigner autant que possible, mais elle n’en eut pas le temps. Il passa ses bras autour d’elle la serrant contre lui. Elle sentait la force de son étreinte, comme s’il essayait de lui donner sa force, son envie de vivre. Les mains d’Araya se desserrèrent légèrement de sa tête, ne sachant quoi faire. Est-ce que c’était bon ? Est-ce qu’elle pouvait se reposer sur lui ? Est-ce qu’elle en avait le droit ? La voix du Sorcier résonna dans sa tête. Cette voix qui répétait en permanence qu’elle n’avait droit à rien, qu’elle ne méritait rien.

« D-Depuis quand tu es aussi doué pour les discours ? Lança-t-elle à la place, essayant de détourner la conversation »

Araya sentait le souffler du jeune homme frôler sa nuque, la chatouiller, sa présence envahissant ses sens. Son odeur, sa peau contre la sienne, sa chaleur réchauffer son corps. Etrangement, elle se sentait plutôt bien avec lui. Elle n’avait pas envie de le repousser, ni peur qu’il la blesse. Etait-ce parce qu’elle le connaissait avant ? Elle chassa ces pensées, et ferma les yeux, appuyant sa tête contre son cou, laissant tomber ses mains sur ses épaules. Elle se sentait si épuisée, physiquement comme mentalement, le tourbillon d’émotions ne s’étant pas encore calmé. C’était sûrement à cause de ça qu’elle se mit à lui parler.

« Désolé… Désolé de n’être qu’une égoïste. J-Je ne comprends même pas pourquoi tu restes avec moi… Après tout ce que j’ai fait… Tout ce que je t’ai fait… Tu devrais trouver quelqu’un d’autre à protéger, quelqu’un de moins ingrat… »

Les mains d’Araya se refermèrent sur les vêtements d’Isley, tirant dessus sans qu’elle ne s’en rende compte. Son corps tremblait encore. Elle se sentait si faible, si ridicule. Ses mots l’avaient touché, mais elle ne savait pas… Elle ne savait pas si elle pouvait se reposer sur lui. Elle était terrifiée à l’idée de s’appuyer sur quelqu’un. Je ne le mérite pas… Cette pensée continuait de tourner dans son esprit, inlassablement. Mais elle ne voulait pas qu’il parte… Elle passa ses bras autour de son cou, enfouissant un peu plus son nez dans son cou, cherchant à le garder avec elle, mais, et ceux malgré son état émotionnel, elle ne put se résoudre à lui dire. Elle sentit les cheveux de neige chatouiller son visage. Elle le déplaça légèrement en conséquence, mais ne s’éloigna pas pour autant. Malgré ce qu’elle disait, elle voulait qu’il reste avec elle, et savait que s’il trouvait un autre Protégé, elle le perdrait sûrement. C’était égoïste, mais c’est ce qu’elle était.

« J-Je ne peux pas laisser quelqu’un approcher… Parce que je vais avoir mal… Encore. Et si je reste là-bas, dans… Dans ma cellule, réussit-elle à dire difficilement, c’est parce que si je n’en pars jamais, j’aurais moins mal si j’y retourne… »

En avouant cela, la Vampire comprit. Elle comprit pourquoi elle se sentait toujours aussi vide, qu’elle n’arrivait pas à se remettre, à se reconstruire. Parce qu’elle n’était jamais partie, et qu’elle ne réussirait jamaia à partir certainement.

« Et-Et je ne mérite pas, je mérite pas quelqu’un comme toi… Je ne mérite rien »

Et elle continuait de ce le répéter en boucle. Isley allait sûrement la détester pour avoir dit ça. Mais c’était tout ce qu’elle arrivait à penser. La seule chose qu’elle acceptait comme vérité, c’était ça. Et la voix du Sorcier ne cessait de lui répéter la même chose, toujours pareil, prenant tant de place qu’elle ne pouvait plus s’ouvrir à autre chose. Qu’elle n’arrivait plus à laisser autre chose devenir important pour elle. La peur dévastatrice qu’il avait insinuée en elle, tel le poison d’un serpent qui courait partout dans son cœur et son esprit. Un poison qu’elle n’était même pas consciente de porter. Il l’avait tellement ravagé, et anéantit, qu’il l’empêchait même de penser à se battre.

« Meurtriers » qu’ils nous ont appelés
« Ils ne sont pas ce qu’ils semblent être »

Un sourire vague se mit à flotter sur le bout de mes lèvres au commentaire de la Vampire. Moi? Bon orateur? D’un geste à peine perceptible, je secouais la tête négativement. Je savais que je ne m’accordais pas à lui donner raison par modestie, mais plutôt par manque de confiance en moi. Les grands discours et les grands mots: je les laissais volontiers à mon frère lorsqu’il était temps d’en user, car il les manipulait bien plus aisément que je ne pourrais jamais le faire. Toutefois, en cet instant précis, je me disais que je n’avais eu besoin ni du talent ni de l’éloquence des plus Grands pour communiquer ce que j’avais en moi à Araya. Si plusieurs avaient de la verve et peu de cœur, d’autres avaient du cœur même sans verve, et ces derniers parvenaient à soulever des foules, à lever des armées entières rien que par l’émotion contenue dans ce cœur qui pulsait les sentiments les plus réels et vrais. C’est pourquoi j’espérais que sans l’art de bien parler, sans avoir la même aisance qu’Isiode, j’étais tout de même parvenu à atteindre le cœur d’Araya. Est-ce que par la seule force de mes émotions je réussirais à la persuader, à la convaincre que sa vie, plus que celle de n’importe qui d’autre en ce monde, nous importait à Kayto et à moi?

« Pour les gens que j’aime, aucun discours n’est trop long, sache-le… » Finis-je par murmurer, gardant en place l’étreinte que je lui adressais.

Le sourire persistait et flottait sur mon visage alors que je sentais chacun des muscles de son corps se détendre au creux de mes bras. Son corps si crispé, si tendu, se relâchait doucement et après quelques secondes, elle finit par se rapprocher, comme pour répondre à cette étreinte. À ce moment précis, je ne voulais pas que cet instant s’arrête. Pour la première fois, depuis que nous nous étions retrouvés, j’avais l’impression d’être véritablement à ses côtés, de pouvoir être l’épaule sur laquelle elle pouvait compter et se reposer. J’étais prêt à tout assumer, à tout encaisser en cet instant. Parce que pour la première fois, j’avais l’impression d’avoir retrouvé sa confiance perdue. Peut-être me fourvoyais-je encore, mais peu m’importait présentement. Je pouvais être à ses côtés, l’épauler, l’aider à ma façon. Je me sentais invincible si près d’Araya, capable de pourfendre le cœur de mille dragons rien que pour elle, rien que pour mettre fin aux tourments de son âme. Serrant un peu plus fort mes bras autour de son corps chétif, je lui offrais toute mon attention lorsqu’elle se mit à me parler.

À plusieurs reprises, j’aurais voulu répliquer, j’aurais voulu qu’elle m’entende lui dire qu’elle avait tort, mais j’attendais patiemment, patiemment, car pour la première fois, elle se confiait à moi. Elle m’ouvrait peut-être une partie du cœur qu’elle avait abandonné dans cette fameuse cellule, dans un coin si sombre et si reculé qu’avec le temps, elle avait fini par l’oublier… Pourtant, lorsqu’elle se mit à répéter, inlassablement, qu’elle ne me méritait pas, qu’elle ne méritait rien, je ne pus m’empêcher d’intervenir, me dégageant doucement de notre étreinte pour pouvoir la regarder droit dans les yeux, sans pour autant m’éloigner d’elle, mes bras entourant toujours son corps maigre et froid.

« Trouver quelqu’un d’autre à protéger? Ah non! Ça ne serait pas la même chose, répondis-je avec toute la sincérité du monde, ma bouche s’étant ouverte avant même que mon esprit analyse l’information reçue. C’est parce que tu comptes pour moi que j’ai choisi de te protéger et ce n’est pas prêt de changer, admis-je en la couvant d’un regard doux et bienveillant. Si je peux te tenir dans mes bras aujourd’hui malgré toutes les erreurs que j’ai pu commettre par le passé, alors je peux tout t’accepter, Araya, tes bons comme tes mauvais côtés. Ça n’a pas d’importance pour moi. Tu es mon amie, pas vrai? Ainsi que ma Protégée. Tu n’as pas besoin de me prouver quoi que ce soit. Ni de m’en cacher. »

Tendrement, je levais l’une de mes mains vers son visage, caressant ce dernier avec mille délicatesses, comme s’il se serait agi de porcelaine. Lorsque je l’ai tenu dans mes bras, je n’y avais pas vraiment fait attention, mais maintenant, alors que mes doigts touchaient précautionneusement le contour de sa joue, je sentais la froideur de sa peau. C’était étrange, sans pour autant être désagréable.

« Tout ce qui importe, c’est toi… Toi et toi seule. Tu es restée trop longtemps dans cette cellule et c’est mon devoir de t’en sortir. Avec moi, avec Kayto à tes côtés, tu n’as pas à t’inquiéter. Tu n’auras plus mal, tu ne seras plus obligée de souffrir ou de t’isoler. »

Je posais mon front contre le sien tout en fermant les yeux.

« Je sais à quel point tu as peur… Mais tu m’as laissé t’approcher aujourd’hui, continuais-je en murmurant, n’ayant pas oublié qu’elle était recherchée par mon frère et les Elfes, quelque part dehors. Et est-ce que ça t’as fait mal? »

Dans mon cas, je ne sentais rien d’autre que de l’apaisement, un profond et doux confort qui me réchauffaient l’ensemble du corps. En ce moment, le monde pouvait se livrer une guerre terrible et sanglante, je n’en avais rien à faire. La bulle dans laquelle nous étions confinés restait mon seul et unique univers; ses yeux de glace m’amarrant au rivage de ce monde qui, dans mon esprit, n’appartenait qu’à nous deux. Si elle est égoïste, alors moi, que suis-je? Songeais-je en la contemplant, me disant qu’elle avait beau être une enfant de la nuit, elle était comme un phare pour moi: elle était un repère.

« Et puis, ne dit pas ce genre de choses. Qui peut avoir la prétention de dire que telle personne puisse mériter telle autre personne?, marmonnais-je en secouant la tête, mais voyant à quel point cette simple idée semblait obnubiler la jeune Vampire, mes yeux se plissèrent. Araya… Je ne veux qu’une seule personne: toi. »

Je la regardais fixement, durant un long moment.
Jusqu’à ce que je perçoive des voix à l'extérieur.

Instantanément, ma tête se redressa et je tournais mon visage en direction de l’entrée de la grotte, raffermissant ma poigne autour de la taille d’Araya, dans la simple intention de la protéger Est-ce qu’ils nous ont repéré? Est-ce que Kayto se trouvait toujours à l’extérieur, posté en vigile? Je déglutis, cherchant à croiser le regard de la Vampire.

« Ils n'ont peut-être pas encore trouvés notre abri… Chuchotais-je le plus bas possible, enviant aussitôt le pouvoir du tigre géant, remerciant tout de suite après Mère Nature d'avoir créé cachette aussi bien dissimulée, espérant de tout cœur que le camouflage suffirait à les berner. Il faut te cacher, Araya… »


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Araya finit par se taire, bien que dans ses pensées, elle ne cessait de se répéter les mêmes mots. Elle ne savait pas depuis quand exactement elle pensait ainsi, mais le Sorcier l’avait manipulé de tel sorte que ce soit elle qui finisse par penser cela. Cette emprise sur ses pensées étaient bien plus forte que s’il lui avait simplement répéter toujours la même chose. Mais qu’importe. Pour le moment, elle voulait simplement que cet instant ne s’arrête jamais. Elle voulait rester dans ses bras. Qu’il continue de la serrer aussi fort, de tenter de lui transmettre sa force. Elle se sentait à l’aise, et un peu plus détendu. Elle ressentait toujours cette peur au fond d’elle, mais, pour une fois, elle n’envahissait pas toutes ses pensées. Il l’avait écouté silencieusement, resserrant son étreinte plusieurs fois. C’était amusant de voir que cette fois-ci, il n’avait pas eu peur de lui casser quelque chose, contrairement à cette fois où il l’avait porté pour l’amener ici. La Vampire ne remarquait que maintenant qu’il avait pris un tel besoin maladif pour ne pas qu’elle subisse le moindre petit choc. Il faisait tellement attention, voulait tant prendre soin d’elle… Araya ne pouvait qu’être touché par ses multiples attentions, et ses paroles/. Pourquoi continuait-il de vouloir la protégée, alors qu’il savait ce qu’elle avait fait.

Isley finit par mettre s’éloigner quelque peu d’elle, la gardant toujours ses mains dans son dos, et elle ses mains posées dans son cou. Elle avait gardé les yeux baissés quelques secondes, mais elle avait fini par les relever pour le regarder en face lors de ses premières paroles. Il ne voulait pas quelqu’un d’autres à protéger ? En l’entendant dire ça, elle sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine, et il en fit un autre lorsqu’il lui dit qu’il la considérait toujours comme sa Protégée. Leur lien avait beau avoir été brisé il y a longtemps, l’Ange tenait toujours à elle. Araya sentait un sentiment qu’elle avait oublié depuis longtemps : de la joie. Elle sentit la main d’Isley lui caresser tendrement la joue. Une main rude, calleuse à cause de l’entraînement, mais pourtant si douce dans ses gestes. Sans s’en rendre compte, les doigts d’Araya caressèrent doucement la nuque de l’Ange, mêlant ses doigts à ses cheveux blancs. Araya ferma les yeux, essayant de cacher les émotions que faisaient naître en elle ses paroles. Elle manqua de sursauter lorsqu’elle sentit qu’il posait la tête contre son front. Elle les rouvrit quelques instants, observant le bas de son visage, seul partit qui n’était pas flou. Elle finit par fermer les yeux, contractant ses doigts sur sa nuque.

« Je… Je n’ai pas mal… Lui dit-elle et rajouta. Pas encore… »

Cela pouvait paraître idiot, d’être persuadée qu’elle finira par souffrir quoiqu’il se passe. C’était certains. Tout le monde finissait par souffrir, un jour ou l’autre, mais il ne fallait pas avoir peur de ça. Pourtant, c’était une terrible angoisse qu’elle avait, et c’est pour cela qu’elle avait si peur de se rapprocher à nouveau de quelqu’un. Les quelques choses qu’elle venait de lui confier la terrifiait déjà. Mais en même temps, ressentait un profond soulagement, et tout ce qu’elle voulait, c’est que ce moment ne s’arrête jamais. Que personne ne les retrouve. Elle en avait presque oublié les Elfes. Ses dernières paroles la touchèrent tout autant, bien que cela ne fasse que renforcer son idée qu’elle ne méritait pas quelqu’un comme lui. Elle rouvrit les yeux, s’éloignant légèrement pour pouvoir regarder son visage. Ils se dévisagèrent pendant un moment, Araya cherchant à savoir s’il était sincère, ce qui semblait parfaitement l’être. En fait, elle ignorait si l’Ange était capable de mentir.

*Araya ! Les Elfes, ils sont là* S’exclama soudain Kayto dans son esprit. *Cache-toi, il ne faut pas qu’ils se doutent qu’on est ici*. Au même moment, les voix les atteignirent, et la jeune femme sentit la poigne d’Isley se refermer un peu plus fort sur elle, la plaquant contre son torse. *Ils sont au niveau de l’entrée de l’arbre, mais ils n’ont encore rien trouver*. Leur dit Kayto, s’adressant aux deux cette fois-ci.

« Rester cacher n'ait pas une solution, on aura plus de chance en bougeant. Mais pour le moment, attendons ils sont trop proches, répondit-il tout aussi bas »

La Vampire s'étonnait elle-même, car elle incluait Isley dans tout ça. Elle lui lança un dernier regard, espérant trouver une réponse dans le bleu de ses yeux, puis se glissa doucement en dehors de son étreinte, avec un certain regret qu’elle tenta de dissimuler, et partit récupérer ses affaires. Elle enfila son haut encore mouillé, et écouta les voix qu’ils pouvaient distinguer.

« Il faut qu’on retrouve cette maudite Vampire avant qu’elle ne fasse d’autres victimes !, dit l’un des Elfes visiblement énervé par leur incapacité à la retrouver.

- Calme-toi, lui dit un autre. C’est déjà sa sixième victime, et c’est la première fois qu’on est aussi proche d’elle… Tenta-t-il de le calmer.

Araya se tourna vers Isley, surprise. Elle commençait petit à petit à faire les liens. La raison de la colère si grande des Elfes qui avaient poursuivi les Anges avec tant d’ardeur. Ce n’était pas que pour une ou deux victimes, mais six, dont une était la sienne, mais les cinq autres ? La Vampire se rapprocha d’Isley, murmurant :

« Je… Je n’ai tué qu’une personne ici »

Elle ne mâchait pas ses mots, n’aimant pas spécialement dire les choses de façon détourner ou amoindrir ses actes. Elle savait ce qu’elle avait fait, et préférait ne pas se mentir sur ce genre de choses. Elle se mentait déjà sur bien trop de choses, dont certaines qu’elle ignorait. Elle réfléchit à ce qui pouvait se passer, et comprit.

« Ce qui veut dire… Qu’il y a un autre tueur »

Quelques instants après, un bruit de roche qui roule se fit entendre. Araya fit un bond de côté, et sortit son épée, s’éloignant d’Isley car c’était elle la cible. Mais ce fut Kayto qui entra par la fissure, et elle lâcha un soupir de soulagement. Pendant un instant elle avait eu peur, mais de quoi ? Elle lança un regard à l’Ange. Etait-ce parce qu’elle aurait risqué de l’entrainer avec elle ? Elle rangea son arme, tandis que le félin approchait. *Ils sont partis*. Il lança un regard méfiant à Isley, puis ses yeux firent plusieurs allers-retours entre eux. Araya semblait aller un peu mieux. Mais était-elle sortie d’affaire ? Il en doutait. *L’autre gars qui lui ressemble, était avec eux aussi*. En apprenant ça, la Vampire se tourna vers Isley.

« Tu t’es dressé contre Isiode ? Dit-elle surprise »

Araya se sentit presque honteuse en comprenant ce qu’elle ressentait. D’un côté, elle était heureuse qu’il ait décidé de la défendre et la protéger, même si cela allait à  l’encontre de son frère. D’un autre, elle savait qu’à cause d’elle, il devait encore prendre une décision impossible. De plus, elle savait que cela allait à l’encontre d’une partie des idéaux de l’Ange. Elle serra les poings, baissant la tête. Odieuse et égoïste, voilà ce qu’elle était. *Pour le moment ils ont perdu notre trace, mais on devrait partir d’ici, ils pourraient revenir*. Dit Kayto, la sortant de ses idées sombres. L’animal était encore distant avec elle, mais avait réussi à se calmer légèrement.  

« Moi qui pensais avoir un peu plus de temps, murmura-t-elle. J’espère que le soleil ne se lèvera pas tout de suite »

La Vampire était encore fatigué de tous ses efforts. A force de courir en tous sens, et de ressentir autant d’émotions violentes, elle se trouvait dans un sale état. Mais tout ceci serait bien pire si elle était obligée de marcher sous le soleil. Elle pourrait toujours se cacher en enfilant un foulard sur sa tête. Mais cela ne fonctionnerait qu’un temps. Et cette idée qu’un autre tueur pouvait trainer par ici la dérangeait un peu. Elle se demandait s’il était au courant de ce qui se passait ici, et, dans ce cas, il pourrait en profiter pour continuer d’accuser Araya, et s’en sortir sans problème. L’idée de porter le chapeau pour un autre déplaisait fortement à la Vampire, bien qu’elle ait sa part de culpabilité dans tout ça. La jeune femme se tourna vers la fissure, et se glissa à l’intérieur, devancé par Kayto qui était passé en éclaireur. Elle était troublée. Troublée par tout ce qui venait de se passer entre Isley et elle, et ne savait pas quoi en penser. Ils s’étaient soudain rapprocher en si peu de temps, alors qu’elle tenait tant à le tenir à l’écart. Le voulait-elle encore d’ailleurs ? Elle ne voulait pas lui faire de mal, mais à cause d’elle, il risquait de souffrir bien plus encore.

La jeune femme réussit à se sortir de la faille, et avança de quelques pas, laissant la place à Isley de sortir. Apparemment, il n’y avait personne. Elle attendit que l’Ange sorte, n’osant pas le regarder. Instinctivement, elle avait dressé à nouveau ces barrières face au monde, incluant Isley. Avec ce qui venait de se passer, elle se sentait des plus vulnérables face à lui, et elle détestait être aussi faible. Elle était trop méfiante et encore trop blessé pour penser à l’inclure dans son monde. Pourtant, dans cette grotte, ils s’étaient formés une bulle, où seul eux deux existaient, dans un monde qui leur était propre, et cela terrifiait Araya de le savoir capable d’être si proche d’elle.  

« Meurtriers » qu’ils nous ont appelés
« Ils ne sont pas ce qu’ils semblent être »

En entendant la voix de Kayto dans ma tête, je fus envahi par des sentiments contraires: d’un côté, j’étais soulagé de savoir que le tigre allait bien et que les poursuivants d’Araya n’aient pas encore trouvé sa trace, mais de l’autre, l’inquiétude que je portais pour la Vampire et celle que je nourrissais en les sachant si proche de notre position s’additionnaient. Nous les entendions de là où nous nous trouvions, leur éclat de voix faisant sursauter mon cœur à chaque fois. Même le bruit de leurs pas causait en moi une panique soudaine et indescriptible. Et s’ils remarquaient l’entrée de la grotte? Et s’ils entraient? Et s’ils la voyaient? Que ferais-je à ce moment-là? Je tournais lentement mon visage en direction de la jeune femme. Je la protègerai coûte que coûte, c’était évident. Je ne leur permettrais pas de la toucher à nouveau et, pour se faire, j’étais prêt à faire rempart de mon corps contre ces cinq adversaires rien que pour faire gagner du temps à Araya si cela lui donnait une chance supplémentaire de s’enfuir. Je me redressais le plus silencieusement possible dans la grotte, multipliant les précautions dans mon cas pour éviter que mes armes s’entrechoquent entre elles ou avec le sol. Vraiment, le dernier de nos soucis, ce serait de se faire prendre par cette bande elfiques… et d’être arrêté par mon frère. Je tendais l’oreille aux bruits extérieurs, cherchant à connaître leur emplacement à l’intérieur du périmètre qui nous entourait, mais en vérité, j’essayais surtout de savoir où se trouvait Isiode. J’attendais que sa voix résonne parmi celles des autres Elfes, mais il se taisait comme une huître… Isiode… Pensais-je sans véritable savoir ce que je ressentais au plus profond de moi à cet instant. Est-ce que j’étais heureux de lui avoir faussé compagnie? Est-ce que j’étais attristé de savoir qu’il ne m’écoutait jamais lorsqu’il s’agissait d’Araya? Est-ce que j’étais peiné de savoir à quel point notre relation se détériorait, et ne cessait de se détériorer, au fil des jours? Isiode était mon meilleur ami, mon frère, et moi, en tant que tel, en tant que jumeau, je me serais battu pour lui s’il s’était retrouvé dans une situation comme la mienne… Oui. Je crois que ce qui me faisait le plus de peine, c’était de savoir que lui, en retour, ne se battrait pas pour moi. Au contraire, je le retrouvais dans le camp de mes adversaires. Nous étions des frères pourtant et du plus loin que je me souvienne, nous avions tout fait ensemble, absolument tout. Puis maintenant, regardez-vous aujourd’hui… Il chassait son propre frère; il me chassait. N’avait-il donc aucune confiance en moi, en mes jugements? Se souciait-il de mes sentiments, de ce que je pouvais ressentir à l’égard d’Araya? Discrètement, je cherchais le regard de la jeune femme dans la pénombre de la grotte, mais au même moment, une voix à l’extérieur éclata plus fortement que précédemment. Je me figeais sur place, jusqu’à ce que mon sang se glace soudainement.

Nos regards, à Araya et à moi, eurent tôt fait de se rencontrer, tous les deux teintés de surprise. Six? Six victimes? Non… Ce n’était pas possible… Araya n’aurait jamais pu faire une telle chose! La Vampire s’avança dans ma direction, la voix tremblante, coulant de sincérité. L’opalescence envahissait son regard, reflétait parfaitement la confusion qui habitait son esprit. Je ne pouvais qu’être à son côté, je ne pouvais que la croire au milieu de l’étonnement que je voyais se refléter dans ses yeux. C’est pourquoi avant qu’elle ne cherche à se défendre ou quoi que ce soit, j’acquiesçais tout simplement à ses dires, ne pouvant faire confiance aux paroles des Elfes. Mais aux siennes, si.

« Je te fais confiance. Tu ne me mentirais jamais, alors tu dois avoir raison: il y a une autre personne dans ces bois. »

J’observais la jeune femme, ne pouvait croire que celle-ci puisse se jouer de moi ainsi. Ce n’était pas la vraie Araya, car une telle personnalité se rapprochait plus de l’image du monstre que mon frère tentait de m’enfoncer dans la tête et qui, à tous les niveaux, ne pouvaient décemment correspondre à ma Protégée. Araya ne me mentirait jamais, comme je ne lui mentirais jamais. Je croyais en elle et même après avoir entendu la conversation des Elfes, je ne pouvais pas laisser ma confiance s’effriter aussi facilement. Elle devait forcément avoir raison: tous ces meurtres en série ne pouvaient être que l’action d’un autre. Pas d’elle. C’était impossible.

Perdu dans mes pensées, je sursautais violemment lorsqu’une roche se mit à rouler sur le sol, me faisant rater un battement de cœur et sans même réfléchir à quoi que ce soit, je dégainais mon arme, pivotant sur mon talon pour faire face à l’ennemi qui approchait. Pourquoi Kayto ne nous avait pas avertis? Comment étaient-ils parvenus jusqu’ici sans que nous ne percevions leur progression? Je dois protéger Araya. Je dois protéger Araya. Je dois… Kayto?! En effet, le corps souple et grand de l’animal nous apparut à l’entrée de la faille et aussitôt, comme si un poids s’était soustrait de mes épaules, j’abaissais mon arme. Par tous les Dieux du ciel, j’avais eu une telle frousse! Je rengainais Providence dans son fourreau, écoutant attentivement le simili rapport du tigre géant, dont je pouvais sentir le regard peser sur mes épaules. Lentement, je relevais la tête dans sa direction, et les propos qui se cristallisèrent dans mon esprit eu tôt fait de créer un horrible frisson qui me parcourut la colonne. Celui qui me ressemble… Songeais-je en fermant les yeux, secouant doucement la tête en jetant un regard vers Araya. Je lui adressais un vague sourire, hochant de la tête à l’éclat de sa surprise.

« Bien sûr. Je t’ai promis de te protéger, alors il ne me restait qu’une chose à faire », dis-je tout simplement, comme s’il s’agissait de l’évidence même.

Sans plus discuter, je suivis mes deux camarades jusqu’à la fissure dans la pierre et, une fois à l’extérieur, je ne pus m’empêcher de regarder dans toutes les directions, inquiet. Par je ne savais quelle angoisse, j’avais l’impression d’être épié de tous les côtés, comme si une vingtaine de paires d’yeux me toisaient sans me lâcher, comme si, par la seule force de leur appétit, elles étaient parvenues à m’attraper et à m’embourber dans la peur la plus significative qui puisse exister dans le cœur d’un homme: celle d’être dans la ligne de mire d’un autre. J’avais rarement expérimenté une telle sensation, mais elle n’était pas agréable du tout et je finis par couler un regard vers Araya, dont le regard s’était détourné de ma personne il y a peu. Alors que Kayto ouvrait prudemment la voie, je tendis ma main vers la Vampire, frôlant le bras de celle-ci sans oser la toucher. Tout ce qui s’était passé dans cette grotte m’apparaissait comme un doux rêve qui venait de se terminer. Je ne savais pas si je pouvais me permettre une telle proximité avec elle ou si je devrais plutôt garder mes distances. Cela dit, je ne pus empêcher mes lèvres d’esquisser ces quelques mots, que je prononçais comme un faible murmure.

« Est-ce que ça veut dire que tu doutais de moi? » Avançais-je finalement, peiné de comprendre qu’elle ne m’avait peut-être pas accordé toute sa confiance sur le coup.

Sinon, pourquoi se serait-elle étonnée de la sorte que je me sois opposé à mon frère pour venir l’aider? Je secouais la tête, ramenant mon bras à moi. Il fallait que j’arrête de penser à ça; que j’arrête de laisser mes sentiments me guider de la sorte. À tous les coups, je ne ferais que nuire à la sécurité d’Araya. Plus important encore que la confiance qu’elle me portait, c’était de la protéger et de l’éloigner le plus possible de ce groupe de chasseurs. Ils semblaient plus déterminés que jamais à mettre la main sur le tueur. Même s’ils se fourvoyaient sur son identité. Suivant le tigre blanc, faisant attention à faire le moins de bruits possible, ce qui était d’autant plus aisé en l’absence de ma cape et de mon armure, je levais momentanément le visage vers le ciel avant de me tourner vers Araya.

« Pour qu’ils cessent cette traque absurde, nous devons trouver le véritable meurtrier. »

Je braquais mon regard dans le sien, redevenant alors le soldat que j’avais toujours été, peut-être même avant l’ami.

« Il se terre encore dans cette forêt, car il y a à peine deux heures, mon frère et moi sommes tombés sur le cadavre de sa dernière victime, complètement ensanglanté. Nous avons essayé de l’aider mais… »

Je relâchais un soupir.

« C’est pour ça que les Elfes se sont mis à nous poursuivre, car nous nous trouvions près du corps lorsqu’ils sont arrivés et que nous étions tachés de son sang. »

Je fermais brièvement les yeux, comme pour me ressasser la scène. Mes mains posées sur les blessures de l’homme, ma Magie s’activant pour le ramener du côté des vivants, puis la Mort l’ayant emporté, ce Catarh avait alors succombé. Machinalement, je me mis à serrer et à desserrer mes poings.

« L’homme qui est mort a dit qu’il a été attaqué par la nuit, me souvins-je brusquement en y repensant, les paroles que m’avaient citées Isiode m’ayant troublé plus que d’ordinaire. Je regrette encore de ne pas avoir pu le sauver. Pourtant, sa poitrine se relevait encore lorsque j’avais posé mes paumes et… et… il m’a tout simplement… échappé… »

Encore une fois, cela prouvait ma propre incompétence à ne pas être assez fort pour sauver autrui de la Mort.


☯ 1 626 mots | 10 post

Les yeux d’Araya ne cessèrent de regarder partout autour d’elle, l’angoisse de voir les Elfes débarquer et les attaquer. Elle entendait les mots d’Isley tourner dans sa tête, la rendant un peu moins vigilante, et concentrée. Elle ne savait pas où elle en était avec tout ça. Voulait-elle vivre ? Ou bien rester dans son idée de vouloir mourir ? Elle n’avait pas de raison de vivre, ni même la force. Tout ceci était trop compliqué. Puis elle repensa au fait qu’il l’ait choisi elle plutôt que son frère. Elle plutôt que tout le reste. Pourquoi ? Elle n’en valait pas la peine. Le peu qu’il restait d’elle ne valait pas la peine d’être sauvé, ni d’être protéger. Pourtant il avait fait ce choix. Et il l’avait dit comme s’il s’agissait d’une évidence. Comme si c’était la seule vérité qui comptait pour lui, et qui valait la peine d’être entendu. La Vampire lança un regard en coin à l’Ange, se mordillant la lèvre inférieur. Par réflexe, elle croisa les bras, cherchant à se protéger, et détourna le regard. Cet homme la troublait, la touchait, plus qu’elle ne voulait l’admettre. Peut-être… Peut-être que si elle continuait encore un peu, un tout petit peu, elle finirait par trouver quelque chose… Une chose si importante qu’elle voudrait vivre pour elle. Mais l’idée de dépendre de quelque chose l’effrayait. Mais, au final, n’était-ce pas ça la vie ?

Soudain, elle sentit une présence non loin d’elle, ainsi qu’un le tissu de son haut se mouvoir légèrement à cause de la main qui la frôlait. Elle sentit un frisson la parcourir, mais de quel genre ? Elle n’arrivait pas à l’identifier. Et cette sensation s’accentua lorsqu’il lui posa une question, quasiment inévitable, qui la troubla encore plus.

« Je… Oui...Non… Enfin, j’en sais rien, fut sa réponse.

La Vampire ne pouvait répondre qu’il ne pouvait comprendre. Il lui referait sûrement un autre discours, aussi énervé qu’il l’avait été dans cette grotte. Et elle avait eu assez d’émotions pour le moment. Elle se tourna vers lui levant les yeux quelques secondes vers lui, mais fut incapable de soutenir son regard, baissant légèrement ses mires.

« J’imagine que c’est dur pour toi, mais… Je ne sais pas où j’en suis avec toi, et avec plein d'autres choses. Laisse-moi du temps »

Ses doigts se resserrèrent un instant autour de ses bras fins. Est-ce qu’elle lui laissait une seconde chance ? Elle n’en était pas sûr elle-même. Peut-être voulait-elle réellement le laisser s’approcher à nouveau… C’était trop flou pour qu’elle arrive à comprendre. Et elle n’avait pas assez de recul sur la situation pour penser clairement. Elle n’était pas sûre qu’il puisse comprendre pourquoi elle semblait tant lui tenir rancœur, si elle avait encore vraiment une rancune pour lui, mais personne ne pouvait oublier trois années d’abandon. Il ne l’avait peut-être pas fait, mais c’est ce qu’elle avait cru, se l’était répétée, désespéré de connaitre ses raisons. Maintenant qu’elle les connaissait, elle ne savait plus quoi faire.

Araya finit par se détourner de lui, s’éloignant de quelques pas. Ils ne devaient pas rester ici. Les Elfes pourraient décider de revenir sur leur pas pour une quelconque raison. Pour le moment, ils avaient perdu leur piste, mais pour combien de temps encore ? Ils finiraient sûrement par retomber sur eux. La voix d’Isley s’éleva à nouveau, et elle se tourna vers lui, remarquant son changement d’expression. En un sens il avait raison, bien que ce qu’il lui restait d’Humain lui ordonnait de fuir le plus loin possible. D’un autre côté, c’était sûrement la seule solution pour qu’on les laisse tranquille. Alors qu’il continuait de parler, Araya voyait qu’il était troublé, et se sentait coupable de ce qu’il n’avait pas pu faire. D’abord hésitante, elle finit par franchir les quelques pas qui les séparait, se plantant devant lui. Elle tendit lentement la main vers lui, voulant prendre sa main, mais elle se ravisa, laissant retomber son bras contre son corps. Elle ne se sentait pas encore prête à avoir de tel contact en étant parfaitement consciente. Dans tous les cas, elle ignorait comment l’aider, et ne pensait pas pouvoir trouver de paroles pour le réconforter, mais il ne pouvait pas rester dans cet état. Pas maintenant. Plutôt que de le toucher, elle chercha son regard.

«  Arrête de culpabiliser, tu as fait tout ce que tu pouvais.  Et ne me dis pas le contraire, je te connais. C’était sûrement trop tard pour le sauver, lui dit-elle, puis elle reprit. Il faut que tu te reprennes. Tu sais sûrement comment trouver ce Vampire, mais pas dans cet état »

Araya aurait pu lui dire qu’elle avait besoin de lui, cela aurait sûrement marché, mais elle ne pouvait pas faire ça. Trop fier, ou trop têtue pour se reposer sur lui. Elle lui lança un dernier regard appuyé, espérant qu’il arrive à se reconcentrer. Peut-être trouverait-il la force qu’il lui manquait dans ses yeux à elle. Une force qu’elle n’avait pourtant pas. Il était bien plus émotif qu’elle, laissant les autres les voir comme s’il s’en fichait. Ou alors, il était simplement ainsi avec elle, parce qu’il lui faisait confiance, parce qu’il savait qu’elle ne se moquerait pas de lui, parce qu’il voulait se reposer sur elle. Cette pensée effraya la jeune femme. Elle ne se sentait pas capable d’être un soutien pour qui que ce soit. Mais peut-être pouvait-elle juste en faire un rôle, juste pour cette fois. Seulement, cela risquait de faire espérer Isleu pour rien, et, au final, elle lui ferait encore du mal…

La Vampire lui lança un dernier regard, puis se détourna, s’éloignant de quelques pas. Ils devaient d’abord se dissimuler sous le couvert des arbres.

« On ne devrait pas rester ici, lança-t-elle »

Elle s’avança vers le couvert des arbres, espérant qu’Isley la suivrait. Peut-être que, si ses paroles ne l’avaient pas ramené, le fait qu’elle s’éloigne pourrait le sortir de ses sombres pensées. Il avait échoué à sauver quelqu’un, et pour quelqu’un qui voulait être un héros, sans forcément s’en rendre compte, s’était un coup dur. Elle se tourna vers Kayto.

« Dit-moi, t’aurais pas vu quelqu’un d’autre dans cet endroit ? »

Le tigre leva la tête vers elle, réfléchissant un instant. *J’ai vu personne, mais je suis tombé sur une odeur qui ressemblait un peu à la tienne* Kayto voulait sûrement parler des propriétés similaire des odeurs concernant les races. Cela voulait certainement dire qu’il avait croisé la trace d’un Vampire. *C’était important ?* S’inquiéta l’animal, espérant ne pas avoir déçu la jeune femme.

« Tu pourrais nous conduire là-bas, et suivre la piste ? »

*Suivre la piste, pas sûr, mais je peux t’y emmener* Araya hocha la tête, posant un instant sa main sur la tête du tigre. Elle prit une profonde inspiration, fermant les yeux, essayant de se calmer l’étrange sensation qui l’envahissait. Elle ne savait pas pourquoi, mais l’idée de participer à la traque de quelqu’un l’excitait grandement. Ce n’était pas quelque chose de normal, non ? Mais cela lui arrivait à chaque fois qu’elle tentait de suivre une proie pour boire son sang. Elle serra et desserra les poings, se mordillant la lèvre. Une fois son calme plus ou moins reprit, elle se tourna vers l’Ange.

« Kayto peut nous guider jusqu’à un endroit où le Vampire est passé, ça nous donnera un point de départ, ça te va ? »

Elle préférait lui demander des conseils pour le moment. Il était bien plus expérimenté qu’elle sur cette question. Mais bon, le fait de trouver cette piste leur donnerait le départ, et c’était la seule piste qu’ils avaient. Ils ne pouvaient pas fouiller toute la forêt en espérant tomber sur ce Vampire. Ils auraient plus de chance de tomber sur les Elfes. Le félin se mit en marche assez rapidement. Araya essaya de suivre le rythme imposé par leur meneur, mais elle ne pouvait le suivre aussi facilement, la fatigue, son manque d’endurance, et sa faiblesse musculaire ne lui permettait pas. Pourtant, elle ne se plaignait pas, malgré le fait qu’elle trébuche souvent, manquant de tomber régulièrement. Elle espérait que l’Ange ne remarque pas son état. Ils avaient déjà bien assez de chose à penser, et ralentir la cadence à cause d’elle ne les aiderait pas. Ils devaient vite trouver ce Vampire pour faire en sorte que les Elfes l’accusent à sa place.

« Meurtriers » qu’ils nous ont appelés
« Ils ne sont pas ce qu’ils semblent être »

J’entendis ses pas rebrousser chemin et, doucement, je redressais mon visage dans sa direction, croisant bien rapidement le bleu opalescent de son regard. Je m’évertuais comme un forcené à sauver ceux qui ne méritaient pas de mourir et pourtant, à chaque fois, ils étaient ceux qui mourraient devant moi. Comme cet Elfe, ce Catarh; comme cette Humaine, Araya… J’avais l’impression que peu importe les efforts auxquels je travaillais avec acharnement pour rendre ce monde plus saint et plus Pur, il y avait toujours cette part d’ombre qui détruisait tout mon dur labeur.
J’avais tenté de redonner le sourire à Père suite à la mort de Maman: j’avais échoué.
J’avais tenté de sauver Araya, ma Protégée, de la Mort qui planait au-dessus d’elle, telle l’épée de Damoclès: j’avais échoué.
J’avais tenté de protéger mon frère de ce guet-apens qui nous était tombé dessus, cette journée marquant le début de notre calvaire sous terre: j’avais échoué.
J’échouais, j’échouais, comme si c’était une boucle sans fin. N’étais-je donc capable de rien? Alors que mes intentions étaient bonnes, alors que tout ce dont j’aspirais, c’était que la Paix et le Bien prospèrent enfin sur ces Terres, je n’étais même pas capable de sauver les gens qui m’étaient chers et pour ceux dont les appels m’étaient lancés, j’arrivais toujours trop tard pour les soustraire à leur tragique destinée. Pourquoi ne pouvais-je sauver personne de la souffrance ou de la Mort? C’est parce que tu es trop faible… Me souffla alors une voix au creux de l’oreille, que je perçus comme une simple résonance de mes propres réflexions. Faiblesse… Depuis toujours, malgré mes muscles, malgré mes armes, malgré ma force, n’avais-je été qu’un fardeau sans puissance, incapable de porter secours à qui que ce soit? Me trompais-je donc à ce point depuis toujours, depuis le début, sur cette force qui sommeillait en moi?

En écho à ces pensées, je percevais la douce voix d’Araya m’interpeller. Je l’observais depuis qu’elle s’était rapprochée, mais maintenant, je la regardais vraiment, droit dans les yeux. Je laissais ses paroles me remplir l’esprit. Pourtant, si j'avais espéré ressentir un quelconque soulagement, il n’en était rien, ma poitrine me faisant autant souffrir qu’un coup de poignard dans l’estomac. C’est bien ça le problème, Araya… J’ai beau tout donner pour les autres, j’arrive toujours trop tard pour sauver quiconque… Je me mis à la dévisager, littéralement, sentant soudainement une culpabilité familière remonter au fond de ma gorge. Toi, tu dois le savoir plus que n'importe qui… Je me faisais mal, je le savais, mais n’était-ce pas la stricte vérité de mon existence? Je n’étais jamais là quand il le fallait; j’étais seulement présent lorsque tout espoir venait à disparaître. Suis-je maudit? Me surpris-je à songer alors qu’Araya s’éloignait de nouveau de moi, son regard s’appuyant avec insistance dans l’iris azuré de mes yeux. Cela faisait longtemps qu’elle ne m’avait pas porté un tel regard, aussi ferme et inébranlable: d’habitude, soit elle me fuyait des yeux, soit ces derniers se posaient sur moi avec une certaine distance, comme si me savoir si proche d’elle la troublait ou l’inquiétait.

« Tu as raison », finis-je par acquiescer en détournant discrètement le regard.

Comme un mécanisme auquel je ne pouvais m’opposer, mon corps se mit simplement à la suivre. Étais-je seulement capable de lui venir en aide à présent? De retrouver la trace de cet autre meurtrier qui avait osé, inconsciemment, incriminer Araya de ses crimes odieux? Je ne pouvais m’empêcher de détester cet individu, peu importe ses motivations, pour ce qu’il avait fait endurer à ma Protégée, mais d’un autre côté, ayant tant de fois échoué par le passé, parviendrais-je réellement à lui venir en aide? Voyons… Qu’est-il arrivé à ton enthousiasme de vouloir être son preux chevalier? Qu’est-il arrivé à toutes ces bonnes intentions que tu n’avais cessé de lui répéter? Essayais-tu de la convaincre de ton utilité ou de te convaincre toi-même de ta capacité à endosser un rôle si particulier? Susurra de nouveau la voix au fond de ma tête, que j’écoutais vaguement, tentant de me raccrocher à l’image que j’avais d’Araya devant moi. Elle discutait avec Kayto de choses que je ne saisissais pas spécialement, l’animal usant certainement de sa télépathie pour communiquer uniquement avec la jeune femme, mais par ce que disait la Vampire durant leur échange, j’étais tout de même en mesure de comprendre le sujet de leur conversation. Pour autant, je ne me mêlais pas à leur discussion, écoutant simplement les quelques bribes qui me parvenaient de la voix d’Araya. Après quoi, elle pivota dans ma direction et aussitôt, je fixais son visage. Plus incertain que jamais. Pourtant, je m’avançais jusqu’à leur hauteur, hochant de la tête à l’information qu’elle me divulgua.

« Ça me va… » Soufflais-je à mi-chemin entre mes pieds, qui se trouvait sur terre, et mes pensées, qui se perdaient dans les nuages, assailli par ce doute lancinant qui accaparait la moindre de mes réflexions.

Jetant un regard à la Vampire par-dessus mon épaule, je me mis à suivre le félin sans attendre. Elle ne le montre pas, mais elle a besoin de moi… J-Je peux lui être utile! Je… Je peux la protéger. Alors arrête de penser à tout ça! Arrête de te plonger dans le passé et le laisser te dévorer… Aie confiance. Aie simplement confiance. Sans cela, tu laisseras encore bien des vies derrière toi. Alors respire et concentre-toi. Nous devions trouver ce Vampire, nous devions sortir Araya de ce mauvais pas. Et contrairement au passé, j’étais là. Il n’était pas trop tard, il n’était pas trop tard.

Je me noyais dans ces pensées, dans ces encouragements que j’opposais à cette autre voix qui me sous-estimait. Ce n’était pas le temps de baisser les bras, d’ébranler cet esprit que j’avais cru inébranlable. Mettre de côté mes doutes et avancer: voilà ce que je devais m’assurer. Isiode aurait fait la même chose s’il s’était trouvé dans une situation similaire. Isiode était calme et réfléchi et il laissait rarement ses sentiments s’opposer à son bon sens. On pourrait le croire habiter d’un cœur de fer, aussi dur que froid, mais je savais qu’il gardait tout simplement ses véritables sentiments au fond de lui. Pourquoi? Pour ne pas constamment douter? Pour ne pas les laisser embrouiller son jugement? J’aimerais tant faire comme lui, avoir sa tranquillité et son assurance. Cela serait tellement plus simple, pas vrai, de n’être véritablement qu’un bouclier ou une épée…

Pour une énième fois durant le trajet, je me permis de couler un bref regard en direction d’Araya qui suivait derrière. La jeune femme ne semblait pas être au mieux de sa forme et pourtant, elle continuait sans se plaindre ou gémir. Elle passait outre les obstacles, même si ces derniers la ralentissaient, pour poursuivre de plus belle. Je la contemplais avec fascination quelques secondes avant de me concentrer sur mes propres pas. Il fallait continuer d’avancer, peu importe ce qui se profilait devant soi.

« Araya! Une racine! » L’avertissais-je en enjambant ladite racine tout en suivant Kayto, non loin.

Tous les deux, nous devions devenir plus forts, nous épauler si besoin était. Alors je ne pouvais pas abandonner moi non plus! Mon utilité, je la trouverais sûrement à ses côtés…

Kayto, droit devant, s’arrêta alors à quelques mètres devant moi et je balayais les environs d’un œil scrutateur tout en ralentissant le pas.

« C’est ici? » Murmurais-je doucement après un bref silence, me tournant successivement vers Araya, puis Kayto.

Il semblerait que ce soit l’endroit. Aussitôt, je me penchais vers le sol, l’examinant minutieusement pour être certain de ne rien manquer. Celui-ci était recouvert d’une fine couche de feuilles, éparpillées contre la terre de manière pêle-mêle, emportées certainement par les caprices du vent. Mes sourcils se froncèrent, alors que mon regard se portait ailleurs dans les alentours.

« Sa trace sera un peu plus difficile à remarquer en raison du tapis de feuilles. Cela dit, même si nous ne trouvons pas aisément ses empreintes, il reste qu’il a sûrement dû passer à proximité de la rivière lui aussi, quitte à s’y être baigné, puisque le cadavre qu’il nous a laissé, à mon frère et à moi, se trouvait de l’autre côté du cours d’eau. Il doit avoir laissé quelques traces de boue sur son passage… »

Je me redressais doucement, évaluant la qualité des feuilles qui nous entouraient. Puis, pivotant sur moi-même, je me retournais pour pointer du doigt les quelques mètres du tapis de feuilles que nous avions foulé en entrant dans la zone.

« Regardez aussi l’état des feuilles que nous avons écrasé à notre passage: le Vampire que nous poursuivons a certainement laissé les mêmes derrière lui. »

Je me tournais de nouveau dans la direction d’Araya et de Kayto.

« Faîtes attention où vous mettez les pieds donc sinon, vous pourrez vous tromper entre vos propres pas et les siens, dis-je avant de marquer une pause et de porter mes yeux sur Kayto: Si l’on parvient à trouver le chemin par lequel il est passé, crois-tu que tu pourras le pister? Et puis… »

Je m’arrêtais brusquement de parler. Mes joues se mirent alors à s’empourprer alors que je prenais conscience de ce que j’allais dire. Rapidement, mes yeux se posèrent sur Araya avant de se détourner. Je me sentais presque coupable de devoir dire cela, mais je n’avais pas le choix et après avoir pris une respiration, je me lançais:

« Il… Il se peut qu’il sente le sang, étant donné qu’il a… mangé récemment. S’il n’est pas passé de ce bord-ci de la rive en traversant la rivière, il doit encore garder cette odeur sur lui… A-Alors, concentre-toi aussi sur cette odeur, d’accord? »


☯ 1 644 mots | 11 post

Lorsqu’Araya n’était pas concentrée sur le fait d’éviter de se casser la figure sur chaque petit obstacle qui se présentait à elle, elle fixait le dos d’Isley, espérant qu’il ne la remarque pas. C’était assez facile, puisqu’il était à quelques pas devant elle. Il ne le faisait surement pas exprès, son pas bien plus rapide que le sien. Elles les ralentissaient déjà bien trop à son goût. En tout cas, elle gardait ses yeux bleus fixés sur lui, suivant son instinct. Il y avait quelque chose de bizarre chez lui. Ce n’était pas la première fois qu’elle le remarquait. Déjà la première fois qu’ils s’étaient revus, elle avait senti que quelque chose clochait. Mais, trop emporté par ses sentiments, elle n’y avait pas réfléchi. Maintenant qu’elle s’était plus ou moins calmée face à lui, elle pouvait enfin le voir clairement. Pourquoi cette sensation ? Qu’est-ce qui avait changé chez lui ? Ce n’était sûrement pas son désir de la protéger, ça elle commençait petit à petit à le comprendre.  Il était même plus protecteur encore qu’avant. Surprenant vu la façon dont il agissait déjà à l’époque. Elle aperçut le regard d’Isley lorsqu’il lui jeta un coup d’œil. Qu’est-ce que c’était au juste ? Elle n’arrivait pas à comprendre son regard. Un regard qui la gêna. Elle détourna rapidement les yeux, regardant devant elle, tout en continuant de réfléchir. Son côté protecteur inchangé donc… Rien qu’à la seconde, il était en train de la prévenir de la présence d’une racine. Mais qu’est-ce qu’il croyait au juste ? Qu’elle ne l’avait pas vu ? Sérieusement. Ce n’est pas parce qu’elle trébuchait toutes les trois secondes qu’elle ne voyait pas les obstacles. Elle le voyait sûrement mieux que lui. Elle n’arrivait tout simplement pas à lever les pieds assez hauts. C’était déjà bien assez frustrant pour elle, alors si lui s’y mettait aussi…

Pendant ce bref moment d’énervement contre lui, elle se détourna des éventuels problèmes d’Isley. Cela n’était que quelques secondes, le temps de lui lancer quelques phrases furieuses mentalement.  Mais ses pensées finirent par revenir sur l’Ange, ses soucis, ne cessant de se questionner. Elle était tellement perdue dans ses pensées, qu’elle manqua de lui rentrer dedans lorsqu’ils s’arrêtèrent. Il ne semblait pas avoir remarqué. Tant mieux. Elle s’écarta de lui. Kayto confirma l’endroit à Araya. Il n’aimait pas beaucoup parlé aux autres par télépathie. Elle hocha la tête à sa question, puis se dit qu’il ne l’avait peut-être pas vu.

« Oui, c’est ici, dit-elle simplement »

La jeune Vampire continuait de garder ses yeux fixés sur Isley, suivant ses mouvements, tandis que le tigre cherchait également des traces. Ce n’était pas par intérêt, comme l’apprentissage, elle voulait simplement savoir ce qui clochait. Pourquoi est-ce que cela l’intéressait autant ? Ce n’était que lui, et elle avait décidé de laisser tomber avec lui. Elle ne voulait pas reprendre une quelconque relation avec lui. C’était trop. Elle ne voulait plus souffrir. Pourtant, elle s’inquiétait encore pour lui. Est-ce qu’elle essayait simplement de se convaincre elle-même qu’elle voulait n’avoir plus rien à faire avec lui ? Non, ça elle en était certaine… Vraiment ? Souffla une voix dans sa tête. Elle secoua la tête, chassant cette idée qui s’insinuait en elle. Elle ne s’intéressait plus à lui…

Araya sursauta presque lorsque le jeune homme se tourna dans sa direction, lui adressant la parole. Elle leva les yeux vers son visage, écoutant ses paroles. Il fallait dire que depuis tout à l’heure, elle n’avait pas écouté un seul mot. C’était stupide vu leur situation. Totalement stupide. La Vampire hocha la tête à son conseil. Faire attention, ok. Il fallait déjà qu’elle évite de s’étaler par terre, pour le reste, elle verrait plus tard. *L’odeur c’est pas moins point fort, mais si on s’en rapproche assez je devrais pouvoir le suivre* Dit Kayto, s’adressant au deux à la fois. Soudain Isley se tourna vers Araya. Elle ne manqua pas de remarquer le rouge de ses joues, et la gêne qu’elle voyait dans ses yeux. Puis elle entendit ce qu’il lui demandait. Surprise, elle se mit à bafouiller.

« Euh… Je sais pas… Tu-Tu sais que je n’ai pas eu de… »

Elle ne termina pas sa phrase, rougissant elle aussi. De quoi d’ailleurs ? De cours, de maître, d’entraineur, un gentil vampire qui la guide et lui montre ce qu’elle ait, ce qu’elle peut faire ? Comme si les Vampires avaient ce genre d’esprit entre eux. Elle baissa la tête, ne croyant pas du tout en cette capacité que venait de lui dépeindre Isley.

« J-Je sais pas si je peux, murmura-t-elle ne sachant s’il l’entendait. Elle reprit plus fort. Mais je vais essayer »

Elle ne croyait pas le moins du monde en être capable. Ses sens n’étaient pas plus développés que la moyenne. Ce n’est pas comme si l’odeur du sang pouvait se sentir à des kilomètres.

Le trio se remit en route, suivant la piste, Araya toujours sur le mystère d’Isley. Elle avait vu quelque chose dans ses yeux tout à l’heure. De… De la culpabilité. Ca oui. Mais il y avait autre chose. Quelque chose qu’elle ne comprenait pas. Soudain, Kayto s’arrêta, se tourna vers eux, en leur disant. *Planquez-vous ! Ils sont pas loin*. Les habitudes Humaines reprirent le dessus. Elle balaya l’endroit du regard, et vit le reste d’un tronc assez gros pour les laisser entrer. Elle attrapa le bras d’Isley et le tira un instant, puis se faufila entre l’écorce. Le tigre partit se planquer. Araya recula au fond de la souche pourrie, aussi loin qu’elle le pouvait lorsqu’Isley entra à l’intérieur. Elle sentit son cœur battre plus vite, et son angoisse monter. Et mince. C’est vrai qu’elle ne supportait pas d’être enfermée, et encore moins d’être aussi proche de quelqu’un. Bon, c’est vrai qu’avec Isley, ce genre de peur faisait des sauts. Cherche un sujet, quelque chose à dire. Les Elfes sont trop loin pour vous entendre de toute façon Pensa-t-elle.

« Tu doutes de quelque chose, commença-t-elle. Mais de quoi ? Ca un rapport avec le Démon, ou plutôt après, pas vrai ? Que s’est-il passé ? , questionna la Vampire »

Elle savait qu’elle réveillait des souvenirs douloureux chez lui, mais elle voulait savoir. Elle était sûre que tout partait de là. Qu’après l’avoir tué, il y avait eu autre chose. Elle voulait absolument une réponse. Elle avait très mal choisi son moment pour les confidences mais… Mais tant pis. Elle s’était souvenue de ce qu’elle avait vu tout à l’heure, dans ses yeux, dans ses gestes. Du doute. Il doutait. Mais de qui ?

« Et je t’interdis de me mentir, ou me dire que j’ai pas besoin d’entendre ce genre de chose, rajouta-t-elle. Et si tu me le dis pas maintenant à cause de la situation, dis-le mois plus tard »

Pour une fois, la Vampire le regardait dans les yeux, sans chercher à fuir son regard, ou à mettre de la distance entre eux. Elle voulait seulement connaître la vérité. Pourquoi voulait-elle tant en savoir sur lui ? Tout ce qu’elle voulait, c’était apprendre ce qui troublait tant son Ange. Son Ange ? Depuis quand elle pensait comme ça ? Ce n’était plus Son Ange. C’était juste Un Ange, non ? C'était presque égoïste de sa part de lui demander ça. Elle voulait qu'il se confie, mais elle ne se confiait pas à lui. Quel était la différence entre eux. Leur confiance entre eux sûrement. Lui le faisait, pas elle. Elle ne sut combien de temps ils attendirent dans ce tronc. Quelques minutes, plus longtemps ? Mais au moins, le fait d’attendre qu’il lui réponde avait fait disparaître sa peur. Ou plutôt, relégué au second plan. C’était une bonne chose. Elle évitait de faire une crise de panique comme ça. Elle se trouvait déjà bien assez faible et vulnérable en sa présence. Tout ça parce qu’ils avaient été lié avant. A cause de ça, elle ressentait toujours le besoin de se confier à lui, presque d’être avec lui. Tout ça à cause d’un élément du passé. Qu’est-ce que c’était agaçant comme sentiment. Soudain, Kayto revint près d’eux. *Ils sont partis* Dit-il simplement.

« Meurtriers » qu’ils nous ont appelés
« Ils ne sont pas ce qu’ils semblent être »

Je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir un mal à l’aise monter en moi suite aux propos que je venais d’adresser à Araya. Je savais que ses nouvelles capacités raciales, en tant que Vampire, pouvaient nous être utiles, même très utiles. Pourtant, en moi, persistait un embarras que je ne pouvais tout simplement pas balayer de la main comme ça. Pourquoi ressentais-je cela au juste? Parce que ça me gênait de devoir faire appel au côté vampirique de son esprit? Parce que j’avais peur de réveiller la bête qui sommeillait en elle? Ou parce que je lui imposais, en lui ayant adressé ces mots, de se montrer sous sa véritable apparence de chasseresse? Je déglutis, sentant mes joues s’enflammer au fil de mes pensées. Je crois en fait que tout cela, c’était mon problème, que c’était moi la cause de mon propre malaise. Je ne pouvais m’empêcher de regarder Araya aujourd’hui comme la petite Humaine que j’avais toujours veillé auparavant. Maladroite et casse-cou, excitée par les curiosités de l’univers, elle se blessait, autrefois, pour un oui ou pour un non. C’était adorable, quoi que je ne pouvais plus compter le nombre de fois où j’avais essayé de la remettre sur le droit chemin pour ne pas qu’elle se blesse davantage. Évidemment, c’était comme si l’information passait d’une oreille pour sortir de l’autre – petite tête en l’air, va! Mais c’est ce qui m’avait attiré chez elle, c’est ce qui, au tout début, m’avait décidé à devenir son Ange Gardien. Elle n’avait pas froid aux yeux et même si son courage frôlait, voire même dépassait, la notion de témérité, je trouvais que nous partagions ce trait de caractère tous les deux, moi-même étant assez impulsif à quelques occasions, pour ne pas dire tout le temps. Cependant, devant moi, ne se trouvait plus la petite Humaine d’autrefois. Araya était une Vampire à présent, une buveuse de sang et pourtant, malgré l’évidence, je m’empêchais de voir la vérité en face. Elle était peut-être l’un de ces monstres affamés, friands de chasse, mais elle n’était pas comme eux. Elle était une Vampire différente, je le savais: elle ne serait jamais un monstre comme tous ces suceurs de sang.

« J-Je compte sur toi! » M’exclamais-je en lui adressant un sourire, ne pouvant laisser ce trouble avoir un impact sur la confiance sans faille que je lui portais.

Pourquoi avais-je donc peur d’une chose qui, de toute façon, ne se manifesterait jamais? Araya n’était pas un monstre alors je n’avais rien à craindre d’une quelconque apparition de celui-ci…

Je me remis en quête d’une piste, trouvant bien rapidement un chemin plus ou moins dérangé par le passage d’un corps et de ses pieds. Nous nous mîmes à le suivre sans faire de bruit, nos sens en alerte, Kayto ayant pris les devants de notre groupe pour nous guider. Je continuais de me dire que je pouvais être utile, qu’il n’y avait rien que je ne puisse pas faire si elle se trouvait à mes côtés. J’avais échoué, certes, mais j’espérais ne plus faire les mêmes erreurs que le passé. Cela dit, l’image de ce pauvre Elfe, mort alors que je m’évertuais à lui offrir des soins, ne cessait de s’imposer dans mon esprit, faisant naître un frisson des plus désagréables sur ma nuque, l’indisposition descendant le long de ma colonne vertébrale comme un serpent sournois.

Mais je n’eus pas le temps de me plonger plus profondément encore dans mon trouble, l’éclat de voix de Kayto résonnant puissamment au fond de ma tête. I-Ils… Les Elfes et mon frère avaient déjà retrouvé notre trace?! Les secondes suivant cet avertissement défilèrent à toute vitesse devant mes yeux. Tiré par le bras, Araya m’entraîna en direction d’un tronc d’arbre. Sans perdre de temps, elle se fraya un chemin entre l’écorce pour se retrouver au centre de la souche. De même, je me contorsionnais pour faire entrer mon corps, n’ayant pas la même finesse de taille que ma Protégée; je lâchais un grognement discret quand je fus complètement à l’intérieur du tronc, tournant mon regard en direction de l’ouverture par laquelle nous venions d’entrer. J’espérais que nous nous étions planqués suffisamment vite pour ne pas attirer leur attention. Faîtes qu’ils passent leur chemin… Faîtes qu’ils passent leur chemin…

« Tu doutes de quelque chose… »

La voix d’Araya me tira brusquement de mes pensées et mon regard, comme un réflexe, se porta sur son visage. Je l’écoutais attentivement, sans piper mot, et lorsque le bleu saphir de son regard se braqua dans ma direction, je ne pus m’empêcher de rougir, baissant les yeux vers la pointe de mes bottes.

« Je ne te mentirai jamais et tu le sais bien. Je suis un Ange et mentir n’est pas dans notre nature de toute façon, commençais-je à m’expliquer d’une voix basse, conscient que là, dehors, des oreilles indésirables pouvaient bien nous entendre à notre insu.

Cela dit, le fait que je m’abstienne de lui répondre ne s’expliquait pas entièrement sur le fait que nous étions traqués. Je… Je ne voulais pas lui montrer à quel point je pouvais être faible, à quel point l’aide que je pouvais lui apporter était dérisoire comparativement à toutes les promesses que je lui avais faites. Mes doigts se serrèrent en poing, alors que mes pensées me tiraient d’un côté et puis de l’autre: ne rien dire ne reviendrait pas à lui mentir, mais lui dire ce qu’il s’était passé après… après ça… Je n’en parlais presque jamais. C’était seulement en compagnie de mon frère que ma langue se donnait le droit de se délier. Mais je pouvais bien le dire à Araya, n’est-ce pas? Je pouvais lui faire confiance…

… Mais quelque part, je ne voulais rien lui dire de la vérité. La vérité comme quoi j’avais toujours été faible, que je n’avais même pas su soustraire ma mère à la Mort qui l’avait emparée; sauver mon père de sa tristesse inconsolable suite à cette perte; protéger mon frère du guet-apens mis en place par ces affreux Démons. Je ne voulais pas qu’elle découvre que j’étais incapable de protéger qui que ce soit à cause de mes propres faiblesses…

« Je doute de moi-même… Araya, j’ai peur de … »

Ma voix se cassa instantanément et je fermais les yeux, ma mâchoire se contractant.

« J-J’ai… Bégayais-je en déglutissant. J-J’ai peur de… te décev…

Ils sont partis, entendis-je alors dans mon esprit et en sursautant, je me tournais vers le tigre blanc, me coupant net au milieu de ma phrase. Un silence s’abattit sur nous durant quelques secondes, jusqu’à ce que je reprenne mes esprits, remerciant chaleureusement Kayto de nous avoir avertis avant de passer en premier par la faille du tronc. Je fis mine de vouloir sortir, mais je suspendis mon geste durant une seconde.

« Je suis désolé Araya, mais pouvons-nous reprendre la discussion un peu plus tard? » Proposais-je en détournant les yeux.

Puis, après avoir entendu sa réponse, je me faufilais dans l’ouverture de la souche, m’extirpant de celle-ci avec autant de peine et de misère qu’au moment où j’étais entré et c’est à peine si je n’avais pas chuté au sol une fois sorti, me rattrapant de justesse avant de manger la poussière.

Une fois tous les deux sortis, nous nous remîmes en route, reprenant notre traque là où nous l’avions laissé. Je n’aimais pas cacher des choses à Araya, encore moins les lui cacher alors qu’elle était parfaitement consciente que ces dernières me torturaient l’esprit. Mais dans tous les cas, ce n’était pas un problème de confiance le problème, car j’avais pleinement et totalement confiance en la Vampire: c’était moi le problème, moi et l’estime de soi que je ne me portais guère. Silencieux comme des ombres, seuls nos pas pouvaient véritablement nous trahir, le craquement des feuilles sous notre poids marquant chacun de nos mouvements d’un petit bruit sec. Ce n’était pas évident de progresser sur pareil terrain, mais nous n’avions pas le choix, la trace que nous suivions nous menant droit sur cette route. Je faisais en sorte de ne pas me laisser déconcentrer par ce dernier échange que nous avions eu, Araya et moi, pour me concentrer exclusivement sur les traces laissées par le Vampire. Je ne savais pas combien de temps nous marchions ainsi, le silence comme seul ami. C’est alors que, non loin, je perçus du bruit. Aussitôt, je me stoppais net pour redresser la tête. Est-ce que c’était nos poursuivants qui revenaient? Non. Si c’était le cas, Kayto nous aurait de nouveau mis en garde. Alors qu’est-ce que c’était exactement? On aurait dit…

« Est-ce que ce serait la rivière de la dernière fois? »

Sceptique, je sortis de la ligne que nous formions, m’engageant à pas lents vers les arbres et leur épais feuillage. Une fois passé au travers, je pus voir de nouveau l’étendue limpide et claire de l’eau glisser contre les nombreuses pierres et rochers qui lui bloquaient le chemin.

« Nous revenons sur nos pas? » M’exclamais-je en appelant Kayto et Araya.

Je ne criais pas, mais je ne chuchotais pas non plus. Je les rejoignis tout près de la rive, mon regard ne pouvant se détacher de l’eau qui coulait juste devant nous.

« Nous revenons sur nos pas. Le Vampire a rebroussé chemin mais pourquoi? »

Mes sourcils se froncèrent alors que je réfléchissais à toute vitesse. Qu’avait-il pu sentir de si intéressant pour refaire tout le chemin inverse? Ce Vampire ne semblait être attiré que par le sang et, à ma connaissance, nous avions presque tous traversé cette rivière pour se retrouver de ce côté-ci du rivage. Alors qu’avait-il trouvé? Qu’est-ce qui s’était passé dans son esprit?

« Mon armure… »

Une lumière s’alluma instantanément dans ma tête alors que je portais mon regard vers Araya.

« Le Vampire, il a senti le sang qui se trouvait sur mon armure. Je l’ai laissé tout près du rivage, de l’autre côté, avant que je ne m’engage moi-même dans la rivière pour te retrouver… »

Battant rapidement des paupières, je me mis à dévisager Araya. Puis, doucement, je laissais un sourire éclairer mes traits alors que je conclus, d’une voix douce et soulagée:

« Je sais où il s’en va. Bientôt, tu n’auras plus rien à craindre des Elfes et de mon frère, Araya! »


☯ 1 739 mots | 12 post

Dans cet espace des plus restreints, Araya pouvait sentir la chaleur d’Isley, son odeur envahir son odorat. Elle retint un maximum sa respiration, faisant en sorte de couper ses sens. Elle gardait également les yeux bien levés. Il ne fallait pas qu’elle suive cet instinct qui lui ordonnait presque de regarder son cou, sa gorge. Elle serra les poings, faisant en sorte de se concentrer sur la conversation, et pas sur autre chose. Elle vit les joues de l’Ange se teinter de rouge, et ses yeux se baisser. Il devait être gêné par ses questions. Elle écoutait ses quelques mots. Il ne lui mentirait jamais ? C’était quelque chose en quoi elle avait du mal à croire, pourtant une partie d’elle voulait le croire. Et l’hésitation qu’elle voyait briller dans ses yeux ne la poussait pas à croire qu’il ne lui mentirait pas. Pendant un temps, elle crut qu’il ne se remettrait jamais à parler, quand il reprit la parole. Elle écouta ses quelques mots qui passaient difficilement la barrière de ses lèvres. Mais, alors qu’elle lui avait tiré quelques mots, ils furent interrompus par Kayto. La Vampire ne sut pas si cela l’agaçait ou non. Le fait qu’il se confie à elle les rapprochait un peu plus, et c’est une chose qu’elle ne voulait pas. En était-elle sûr ?

Araya baissa les yeux, réfléchissant à ce qu’il avait dit. Il avait peur de la décevoir ? Il l’avait déjà fait, il y a longtemps… Enfin, maintenant qu’elle savait la vérité, elle n’était plus sûre des sentiments qu’elle avait eus pour lui ces dernières années. C’était un véritable ouragan dans son esprit. Elle s’attendit à ce qu’il sorte, mais il ne le fit pas immédiatement. Le dos tourné, il reprit la parole. Elle baissa les yeux un instant. Elle n’était pas sûre de ce qu’elle voulait. Sur le coup, elle avait voulu en apprendre plus, mais maintenant elle n’en était plus sûre. Elle releva la tête, regardant sa nuque, ses cheveux blancs tombant sur celle-ci. Au moins cela cachait une chose qui pouvait la tenter.

« Difficile de continuer vu la situation mais…Elle prit une inspiration, et reprit. Mais, tant que tu m’en parles, j’attendrais »

Il se faufila ensuite dans l’ouverture difficilement, tout comme à l’entrée. Sa difficulté la fit légèrement sourire. Sourire qu’elle effaça bien vite. Elle sortit elle aussi, sa taille menue ne lui posant aucune difficulté. Ils se remirent rapidement en route. Tout en se concentrant sur sa marche, elle se concentra aussi sur son odorat, cherchant l’odeur du sang, essayant de faire ce qu’Isley lui avait demandé. Elle n’était toujours pas convaincue de pouvoir le faire. Elle était sensible à l’odeur de sang, d’accord, mais sûrement pas autant qu’il l’espérait. Quoique… Il avait plus d’expérience dans sa propre race qu’elle-même. Trop concentré sur l’un de ses sens, elle ne remarqua le bruit que lorsqu’Isley le dit. Elle tendit l’oreille, essayant d’entendre le bruit, qui ne tarda pas à atteindre son oreille.

« On dirait de l’eau, dit-elle »

Elle suivit l’Ange, restant cacher derrière le feuillage, un peu plus prudente que lui. Kayto les suivit également. La Vampire finit par sortir, se campant sur un rocher, et s’accroupit, posant les mains au sol pour s’équilibrer. Elle commençait à avoir mal partout, ses jambes, ses pieds. Elle ne se plaignait toujours pas, mais cette position la soulageait quelque peu. Elle réfléchit à ce qu’il disait.

« Il a peut-être trouvé quelque chose qui l’intéressait, dit Araya.

Qu’est-ce qui pouvait intéresser un Vampire ? Elle pouvait peut-être se baser sur elle… Ces derniers temps, la seule chose qui l’intéressait était. C’était le sang. Elle baissa les yeux, ayant du mal à se l’avouer elle-même. C’est vrai qu’à chaque fois qu’elle voyait du sang, qu’elle gardait les yeux un peu trop longtemps sur un cou, aussitôt, elle sentait la faim la tenailler. Rien que maintenant c’était… Araya secoua la tête. Ce n’était pas le moment de penser à ça, surtout sachant ce qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle se trouvait trop prêt de l’Ange. Sans même s’en rendre compte, elle sentit ses crocs pointer. Elle ferma la bouche, fermant à moitié les yeux pour éviter que l’Ange ne remarque son comportement, malgré sa soudaine envie de se jeter sur lui. Le Vampire, pense au Vampire ! Il te met tout sur le dos. Concentre-toi sur ça. Araya se le répéta quelques secondes, prenant quelques inspirations pour se calmer. Elle sentit alors ses canines reprendre une taille normale. Elle releva la tête vers lui lorsqu’elle l’entendit parler, espérant qu’il n’ait pas remarqué son malaise. Son armure ? Qu’est-ce qu’elle avait son armure ? Le sang… Lui aussi était obsédé par le sang alors. C’était un trait chez tout Vampire apparemment. Elle baissa les yeux, serrant les poings, alors que la voix d’Isley était si soulagé. Comme si tout était déjà résolu. Et plus rien à craindre d’Isiode ? Même si la situation s’arrangeait, elle n’était pas convaincue de ça. Pas après avoir vu son regard.

« Eh bien allons-y, dit-elle en se redressant difficilement ses genoux craquant. Qu’on en finisse avec tout ça »

Araya regarda un instant autour d’elle. Elle aurait voulu attendre plus longtemps, faire une pause de plusieurs heures mais… Pas le temps. Elle suivit Isley, hésitant quelques instants avant d’entre dans l’eau. Elle sentit le courant frapper ses jambes. Il n’était pas très puissant, mais, dans son état actuel, elle ne savait pas si ses jambes tiendraient. Heureusement, ses pieds acceptèrent de résister à la pression. Elle traversa rapidement le courant, et suivit ses deux compagnons de voyages. Pour cette fois, elle espérait qu’Isley avait raison. A ce rythme, elle ne tiendrait pas très longtemps. Elle se demandait encore comment son corps faisait pour tenir la route. Elle était peut-être plus forte qu’elle ne le croyait. Enfin, elle avançait plus par automatisme en ce moment, soulevant difficilement les pieds, la tête baissée. Peut-être était-ce grâce à l’adrénaline, et l’excitation de la chasse.

A force de marcher, elle crut sentir une odeur venant titiller ses sens. Redressant la tête, elle se mit à accélérer sans même s’en rendre compte, les battements de son cœur devenant plus rapide. Qu’est-ce que c’était au juste ? Elle bifurqua de la ligne qu’il formait, ne se préoccupant pas de s’ils l’avaient vu faire, et s’ils la suivaient. Etant derrière, le fait qu’ils l’aient remarqué était difficile à croire. Au détour de quelques arbres, elle tomba sur un cadavre. La Vampire s’arrêta net, les yeux légèrement écarquillés. Ce n’était pas le mort qui la gênait tant, mais le sang qui le recouvrait. C’était ça qu’elle avait senti. Ca qui l’avait fait accéléré, qui l’avait mis dans tous ses états. Elle n’arrivait pas à détacher ses yeux de ce corps recouvert de liquide rouge, ses yeux prenant exactement la même teinte, ses canines s’allongeant. Elle fit un pas en avant, prête à se jeter sur le corps.

« Tient, un autre Vampire, dit soudain une voix derrière elle. »

Araya, trop plongée dans la contemplation du sang, n’avait entendu personne approcher. Elle sursauta, et se retourna vers lui. Cela l’avait au moins détourné du cadavre. A sa gauche, elle vit un homme, grand, les cheveux châtains, les yeux aussi rouges que ceux de la jeune femme. Elle recula d’un pas, sur la défensive. Il la détailla des pieds à la tête, un sourire narquois sur le visage. Elle le détestait déjà. A cause de lui elle n’arrêtait pas de courir dans tous les sens depuis plusieurs heures, et ses foutus Elfes ne cessaient de la chercher. Il l’avait mise de très mauvaise humeur.

« Tu as l’air jeune vu la tête que tu fais en voyant du sang. Tu es toute seule, ou ton créateur est encore avec toi ? C’est qui d’ailleurs ? »

Ce Vampire discutait tranquillement avec elle, comme si rien d’étrange ne se passait. Comme s’ils pouvaient devenir proches, ou quelque chose du même genre. Elle fronça les sourcils à ses mots.

« Arrête de faire comme si les Vampires sont une grande famille, rétorqua Araya, crachant presque ses mots »

Son ton sembla surprendre le Vampire. Apparemment, il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit autant sur la défensive, ni même que son ton soit di haineux. Elle avait beaucoup de mal à accepter ce qu’elle était devenue, ce que son « créateur » lui avait fait. Quels étaient les avantages de toute façon à être un infant de la nuit ? Voir dans le noir ? Génial, et ensuite, elle ne pouvait plus sortir au soleil sans cramer. Mais pour le moment, elle devait gagner un peu de temps, jusqu’à ce qu’Isley et Kayto remarquent qu’elle s’était éloignée, et qu’ils la retrouvent. Elle détestait l’idée de dépendre d’eux, mais elle savait qu’elle n’était pas assez forte pour le battre. Déjà, elle devait trouver la force de se battre un minimum.

« Dit donc, ton maître ne t’a pas beaucoup tenté pour t’amener chez nous. Comment c’est passé ta transformation ?

- Je vois pas en quoi ça te concerne »

Le Vampire fit un pas en avant, suivit d’un mouvement de recul de la part d’Araya. Elle tenait garder les quelques mètres qui les séparaient. Elle tentait de garder un comportement parfaitement calme et sûr d’elle, ce qui était bien loin de ce qu’elle ressentait actuellement. Elle savait qu’elle ne faisait pas le poids contre lui. elle était si faible. Le problème, c’est que si elle gardait un tel comportement encore longtemps, le Vampire se douterait qu’elle avait une idée derrière la tête, bien loin de la simple méfiance.

« Meurtriers » qu’ils nous ont appelés
« Ils ne sont pas ce qu’ils semblent être »

Oui, bientôt, nous pourrons prouver à Isiode l’innocence d’Araya. Elle n’était pas une meurtrière comme ce Vampire qui l’avait piégé… Piégé? Je ne savais même pas s’il l’avait fait consciemment ou s’il n’avait absolument aucune idée de la situation dans laquelle il avait mis Araya, mais dans tous les cas, c’était ma Protégée qui devait ramasser ses pots cassés. Enfin, l’important à l’heure actuelle, s’était de le retrouver pour qu’il paie de ses actes. Alors, comme l’avait si bien mentionné Araya, il était temps « qu’on en finisse avec tout ça ». Je ne perdis pas une minute de plus, glissant mes pieds jusqu’à la fameuse rivière qui semblait séparer cette portion de la forêt en deux zones distinctes. Me plongeant à l’intérieur de son lit sinueux, j’affrontais de nouveau le courant du cours d’eau, qui semblait s’être apaisé depuis la dernière fois où j’y avais mis les pieds. Cependant, passer toute une nuit – ou une bonne partie de celle-ci – à courir de tout bord et de tout côté rendait la progression particulièrement laborieuse malgré l’apaisement du flux. Chaque petit caillou que je redécouvrais sous la plante de mes pieds me donnait l’impression de fouler un sol complètement glacé: au moindre faux pas, allais-je me rompre le cou? Très peu pour moi. C’est pourquoi je progressais avec vigilance et prudence, constatant que la Vampire, dans mon dos, résistait elle aussi du mieux qu’elle le pouvait aux chocs de l’eau. La situation était loin d’être impossible, mais elle restait néanmoins extrêmement fatigante pour nos jambes et notre corps, qui se marquaient, à chaque nouvel effort, d’un nouvel élan d’épuisement ou de courbatures dont nous n’avions pas la connaissance jusqu’à maintenant. Mais l’espoir me permettait d’avancer, de mettre un pied devant l’autre sans rechigner: l’espoir que toute cette mascarade se termine enfin, ici et aujourd’hui. Je voulais qu’Araya soit en sécurité le plus rapidement possible et pour se faire, pour lui retirer la pression qu’exerçaient les Elfes et mon frère sur ses frêles épaules, nous devions retrouver ce Vampire. C’était lui le véritable meurtrier. C’était lui que les Elfes auraient dû pourchasser, pas elle. Ils s’étaient trompés sur l’identité du vrai tueur, mais cela ne saurait tarder: nous découvrirons bientôt toute la vérité.

Une fois sortis de la rivière, je guidais mes deux camarades en longeant la rivière, restant tout de même derrière le feuillage et les arbres de la forêt qui nous conférait un semblant de camouflage et de protection sous cette nuit noire. Mon armure ne devrait plus être bien loin… Je suis sûr de l’avoir caché dans les environs… Je me mis à inspecter les arbres qui m’entouraient ainsi que la rivière qui coulait non loin de nos pas. Peut-être qu’en fixant le panorama sous cet angle, je pourrais me remémorer l’image de la forêt que j’avais devant moi avant de plonger pour remonter la rivière. Mais l’exercice était beaucoup plus ardue qu’escompté, car le changement d’éclairage donnait une image plus ou moins fidèle à l’illustration que je me souvenais avoir en tête. Je me pinçais les lèvres, me tournant doucement dans mon dos pour demander un peu d’aide de la part de la Vampire. Cependant, j’eus à peine le temps de terminer ma rotation que son absence me frappa de plein fouet. J’ouvrais et je refermais ma bouche, sous le choc, avant de poser mon regard sur Kayto.

« Mais…! Où est-elle partie? » M’exclamais-je un peu trop fort et immédiatement, je me tus, scrutant le paysage tout autour de nous d’un œil méfiant et alerte. Qu’est-ce qui s’est passé? Elle nous aurait perdus? »

Non, non! Bien sûr qu’elle ne nous aurait jamais perdus: nous avions continué notre chemin en ligne droite, sans jamais modifier l’angle de cent quatre-vingt degrés que nous suivions avec fidélité. Je déglutis, faisant signe à Kayto de me suivre pour que nous rebroussions chemin – même si je savais qu’il n’avait pas besoin de moi pour comprendre ce que nous devions faire à présent. Après tout, protéger Araya était notre priorité. Par tous les Ætheri, qu’est-ce qu’il t’as pris de t’éclipser en douce comme ça? Avait-elle oublié qu’un second Vampire vadrouillait également dans ces bois? Que nous ne connaissions rien du danger qu’il puisse représenter? Qu’un groupe elfique, accompagné d’un Ange extrémiste, ne cherchaient qu’à lui mettre la main dessus pour l’accuser de crimes et de meurtres dont elle n’était en rien l’instigatrice? J’avais l’impression de revenir trois ans en arrière, moi lui courant derrière, alors qu’elle décidait de s’égarer, par témérité ou par curiosité, malgré tous les avertissements que j’avais pu lui dicter pour réfréner quelques-unes de ses ardeurs d’aventurier. Peine perdue: elle en n’avait toujours fait qu’à sa tête, cette enfant.

Je me laissais guider par le grand tigre blanc, ne sachant s’il employait sa télépathie pour communiquer avec Araya ou s’il usait plutôt de son odorat pour retrouver sa piste. Mais quoi qu’il en soit, il semblait connaître le chemin qui nous mènerait directement jusqu’à la Vampire, à mon plus grand soulagement d’ailleurs. Kayto quitta rapidement le chemin que nous empruntions pour s’enfoncer dans la forêt. Pourquoi t’es-tu éloigné? As-tu senti quelque chose? Un frisson me parcourut l’échine à cette idée, que je balayais aussitôt du revers de la main. Peut-être a-t-elle tout simplement trouvé un indice et que, trop concentrée sur la chose, elle ait oublié de nous en avertir, me convainquis-je en calquant mon pas à celui du tigre. À chaque enjambée que j’étirais, j’avais l’impression qu’un choc électrique descendait jusqu’à ma jambe. J’étais épuisé – mon souffle haletant et la sueur qui coulait de mon front pouvaient en témoigner – mais poussé par une énergie qui m’était propre, poussé par le désir de retrouver au plus vite la jeune femme, je m’élançais sans piper mot au cœur des bois.

C’est alors que je commençais à percevoir une voix sous le couvert arborescent et mon cœur rata un battement: c’était du soulagement. C’est la voix d’Araya! M’extasiais-je, rassuré. Mais le soulagement ne dura pas et a l’entente d’une seconde voix, masculine cette fois, mon sang se glaça. Aussitôt, mes pensées ne convergèrent que sur cet individu. Isiode? Un Elfe? Le Vampire? Qui? Qui était avec elle?

Je pus enfin les voir non loin et sans attendre, j’accélérais ma course, au point de trébucher sur plusieurs obstacles avant d’être enfin à proximité des deux autres protagonistes qui se faisaient face.

« Araya! »

D’un pas rapide et assuré, je m’interposais entre les deux, mon bras tendu devant la Vampire dans l’intention de la protéger, braquant mes iris sur la silhouette de l’inconnu. J’avais la respiration sifflante, le souffle court, mais j’étais de nouveau à ses côtés: j’étais présent, cette fois, pour la protéger. Sans lui porter de regard, car je savais qu’elle désapprouverait sûrement le fait que je la défende de cette manière, je convergeais toute mon attention sur l’homme devant nous.

« Qui es-tu? Lui demandais-je d’une voix qui se voulait inébranlable et claire, mais la fatigue qui m’envahissait hachait les mots que je prononçais.

- Qu’est-ce que c’est que ça? On se serait dit dans un conte de Fæ! Vous nous interprétez le classique du prince charmant venu secourir sa princesse des bras du grand méchant dragon? » Plaisanta l’homme en tournant ses yeux carmin en direction d’Araya.

À cette étrange allusion, je sentis le rouge me monter aux joues, mais je ne me désistais pas pour autant. Je n’étais pas un prince charmant. J’étais son Protecteur.
J’étais l’épée et le bouclier d’Araya.


☯ 1 272 mots | 13 post

Kayto était légèrement sur le côté, suivant le duo du regard. Mais il avait fini par détacher son regard, se demandant où les emmenait Isley, regardant devant eux. C’est peu après ce manque d’attention qu’il entendit l’exclamation. Il gronda légèrement face au bruit, cela risquant d’attirer les Elfes, et se tourna vers lui. C’est à ce moment qu’il vit la disparition d’Araya, et son inquiétude grandit rapidement en lui. Non, elle n’avait pas pu se perdre, il en était sûr. Elle était bien trop débrouillarde pour ça. *Arrête de paniquer* Gronda le félin dans l’esprit de l’Ange. Sans attendre, il fit demi-tour, empruntant à nouveau le chemin qu’ils avaient pris. Qu’avait-elle put trouver pour partir de son côté ? Quelque chose d’assez fort pour qu’elle en oublie de les prévenir. Quelque chose comme le fait de suivre son instinct. Il essaya de la contacter par télépathie, mais elle était en dehors de sa portée. Il n’aimait pas ça. Heureusement, il trouva rapidement la piste qu’elle avait prise, et se dépêcha, accélérant. Lui aussi était fatigué de courir dans tous les sens, mais il désirait retrouver Araya plus que tout. Le problème, c’est que l’homme le ralentissait. Avec simplement deux pattes, il était tellement lent. Il sentit enfin l’esprit de la Vampire. *Araya !* Cria-t-il, mais elle ne lui répondit pas. C’est comme si elle ignorait sa voix, ou qu’elle était trop concentrée sur autre chose pour entendre ses mots.

Araya était toujours concentrée sur le Vampire en face d’elle, entendant la voix de Kayto comme un simple bruit de fond. Elle sentait se colère et sa frustration se tourner contre cet homme qui l’avait fait accusé de ses crimes. Il ne l’avait peut-être pas fait exprès, mais c’était quand même de sa faute. Elle ne se voilait pas la face, elle n’était pas totalement innocente, elle le savait. Il y a quelques heures, elle avait tué un homme. Mais qu’on lui reproche des choses qu’elle n’avait pas faite l’énervait au plus haut point. Alors que le Vampire allait lui répondre, des bruits de pas se firent entendre, ainsi qu’un cri. En entendant cette voix, elle sentit son cœur battre un peu plus fort. Ses yeux rubis se tournèrent vers la direction d’où provenait le son. Kayto sortit de la forêt dans un bond, s’arrêtant à ses côtés, ainsi que l’Ange aux cheveux immaculés. Il se posta entre elle et l’autre infant de la nuit, un bras protecteur devant elle. Pendant un instant, elle lui lança un regard sombre. Elle n’aimait pas qu’il se dresse toujours ainsi. Elle avait encore plus l’impression d’être faible, incapable de se défendre seule, et totalement dépendante de quelqu’un d’autre. C’était l’entière vérité, et elle détestait ce sentiment. Mais en même temps… Cela lui rappelait tellement de chose. En voyant le dos d’Isley, dressé devant elle, contre tous les dangers, cela la ramena quelques années en arrière. Il avait toujours été ainsi, à la protégé, à cause des problèmes qu’elle s’attirait toute seule. Pourquoi était-il toujours là, avec elle, après tout ce qui s’était passé, ce qu’elle lui avait dit, le fait qu’elle le rejette en permanence. Pourquoi ?

Araya n’eut pas le temps de s’interroger plus la dessus, que la voix de l’Ange retentit à nouveau. Une voix tremblante de fatigue. Elle baissa les yeux, observant le bras d’Isley, et vit le tremblement de ses muscles. Sûrement imperceptible de loin, mais pas pour elle qui le voyait juste en face. Il était aussi exténué qu’elle. S’ils prenaient trop de temps à éliminer cet homme, c’est eux qui finiraient par y passer. Elle braqua à nouveau ses yeux vers le Vampire, le foudroyant du regard.

« Parce que j’ai l’air d’être une princesse peut-être ? lança Araya ce qui fit sourire le Vampire.

- Au vu de l’éclat dans tes yeux, le genre de princesse attirée par les ténèbres, je me trompe ? »

Araya sentit un frisson parcourir son échine lorsqu’elle entendit ces mots. Attiré par les ténèbres ? Non, c’ »tait faux… Son état de Vampire ne lui plaisait pas, et… Vraiment ? Etait-ce la vérité ? Elle n’arrivait pas à répondre. Elle se savait capable de tuer quelqu’un de sang-froid, et elle prenait plaisir à chasser, à planter ses crocs dans la chair. Et cette haine incontrôlable et brûlante qu’elle sentait grandir en elle. Une haine qu’elle était parfaitement incapable de contrôler, et qu’elle ne savait pas contre quoi ou qui la diriger. Ce Vampire l’avait percé à jour aussi rapidement et facilement. C’était effrayant.

Incapable de répondre, elle baissa les yeux, serrant les poings. C’est à ce moment qu’elle vit une chose étrange. Au début, elle crut que c’était une illusion à cause de la lumière mais pourtant… Etait-ce une ombre ?

« Attention ! Cria-t-elle »

Le Vampire avait compris qu’ils étaient là pour le tuer. Sans réfléchir, elle se décala sur le côté, et enfonça son épaule un peu en dessous des côtes d’Isley, poussant aussi fort qu’elle le pouvait sur ses jambes pour le faire bouger. La seconde d’après, elle sentit une douleur à la cuisse. L’ombre venait de déchirer ses vêtements, et laisser une entaille profonde, brûlante. En même temps, elle entendit le grognement de douleur de Kayto qui n’avait pas eu le temps d’esquiver l’attaque. N’attendant pas plus, Araya se jeta sur l’ennemi, enfonçant son épaule dans le sternum de celui-ci, lui coupant le souffle. Les deux roulèrent ensemble au sol, se tenant l’un à l’autre, se frappant l’un l’autre pour essayer de prendre le dessus. Au final, le Vampire  se reprit assez rapidement et ce fut lui qui, étant plus fort et plus expérimenté, finit au-dessus d’Araya. Assis sur elle, ses jambes de part et autre de ses hanches, il créa une lame faites de sang, aussi tranchante qu’une vraie, et l’abattit droit vers le cœur de la jeune femme. Cette dernière réussit à bloquer son bras juste à temps, le bloquant avec l’une de ses mains, et son avant-bras. Elle serra les dents, essayant, en vain, de lutter contre lui. Il pesait de tout son poids sur elle, tandis qu’elle n’avait que simplement ses deux bras pour le résister. Et, par rapport à l’effort qu’ils devaient fournir, ils lui semblaient bien faibles. Petit à petit, ils commencèrent à céder sous la force, incapable de résister longtemps. De plus, cette situation replongeait Araya dans quelques souvenirs qu’elle préférait ne pas se rappeler. C’était presque la même scène qu’il y a trois ans. Ce moment où le Vampire l’avait attaqué, et vidé de son sang, et où elle était impuissante, attendant l’aide de quelqu’un qui ne viendrait pas. Cette fois-ci, elle était encore impuissante, incapable de lui résister bien longtemps, sauf qu’elle n’espérait aucune aide aujourd’hui. Mais au final, à quoi bon continuer à vivre ? Etait-ce vraiment utile pour quelqu’un comme elle, qui n’avait plus d’espoir, plus rien à quoi réellement se raccrocher à part une stupide haine. Elle n’avait rien. Elle voulait juste mourir. C’est pourquoi elle s’était enfuie. Arrêter de souffrir, et en finir.

Et, tandis que ces pensées lui traversaient l’esprit, ses bras semblèrent suivre son défaitisme, devenant de plus en plus faible, rapprochant la lame de son cœur. Non !S’écria-t-elle mentalement. Tu peux pas abandonner, pas après tout ce que t’as traversé ! Et tu ne t’attends pas à ce que quelqu’un te sauve ! Cela lui redonna un regain d’adrénaline, permettant à Araya de reprendre légèrement le dessus. Elle devait rapidement trouver quelque chose avant que ses forces ne l’abandonnent. En utilisant la magie peut-être. Elle avait bien un pouvoir qui lui servirait à quelque chose. Mais elle ne maitrisait pas sa magie pour faire quoique ce soit. Quant à la foudre, n’en parlons même pas. Araya était trop inexpérimentée en matière de magie, étant née Humaine, elle n’avait jamais suivi de cours pour apprendre à la maitrisé. Au contraire, on lui avait plutôt appris à en avoir peur. Non, elle ne devait pas compter sur la magie, ni sur sa force, qui ne lui servait à rien dans cette situation. Mais il lui restait ses méninges. Aller ! Réfléchit ! Il doit bien y avoir quelque chose à faire. Pensa-t-elle. Et puis, une idée germa dans son esprit. Peut-être que cela marcherait.

Avec quelques efforts, Araya réussit à plier les jambes, posant les pieds au sol. En poussant dessus, elle réussit à légèrement soulever les hanches, faisant avancer le Vampire. Aussitôt, elle décala son bras vers l’intérieur, faisant glisser le bras de l’homme sur le côté. Entrainé par son poids, il n’eut pas le temps de se reprendre, qu’il tomba vers l’avant, et la lame vint se planter dans le sol, juste à côté de son visage. Pour un regard extérieur, cela pouvait donner l’impression que la dague improvisé venait de se planter dans son crâne. Encore surpris, le visage du Vampire s’était rapproché d’elle. Ne lui laissant pas le temps de se reprendre, Araya releva brutalement sa tête, et son front vint percuter le nez de l’homme. Dans cette action, elle se fit mal, une trainée de sang venant recouvrir l’endroit de l’impact. Mais ce n’était pas le sien, et elle encaissait cette douleur, presque avec joie en voyant les résultats que son coup de tête avait provoqués chez son agresseur. Ce dernier se redressa soudain en criant de douleur, le sang coulant à flot de ses narines. Il porta la main à ce dernier, ses mains ne tardant pas à se recouvrir de ce liquide. Voilà, maintenant qu’il était déstabilisé, elle pouvait répliquer, et le tuer.

Araya donna un léger coup de poignet, et sa lame dissimulée sortit dans un chuintement. Elle voulut l’enfoncer aussitôt dans le cœur du Vampire, mais ce dernier, en entendant le bruit, c’était reprit. Il gardait maintenu l’une de ses mains sur son nez ensanglanté, et son esprit concentrer sur sa magie. Il utilisa le contrôle des ombres, qui sortirent du sol, et attrapèrent les avant-bras de la jeune femme, les plaquant au sol, l’empêchant de bouger. Elle tira sur ses liens pour essayer de les arracher, mais rien n’y faisait, ses mains restaient bloquées au sol.

« Meurtriers » qu’ils nous ont appelés
« Ils ne sont pas ce qu’ils semblent être »

Première règle de tout combattant: ne pas montrer ses faiblesses à l’adversaire. Seulement, je ne pouvais contrôler les tremblements qui agitaient sans cesse l’ensemble de mon être. L’épuisement et la fatigue s’insinuaient dans la moindre parcelle de mon corps, l’engourdissant, l’affaiblissant… Mais je ne pouvais pas me montrer faible. Pas aujourd’hui. Pas maintenant. Alors que je devais protéger Araya. C’était ma chance; ma chance de lui montrer que toutes ces promesses, que tout cet espoir, n’avaient pas été semé en vain. Je ne pouvais pas douter de moi et je devais me faire confiance sinon, qui le ferait? Je suis capable de les protéger. Je ne peux pas baisser les bras. Ils comptent sur moi. Je n’écoutais pas les propos du Vampire devant nous. Ses mots m’apparaissaient comme un discours obscène sans queue ni tête. Attirée par les Ténèbres? Araya? Vraiment? Ce n’était que des bêtises. Araya ne se plongerait jamais dans ce noir profond, aussi profond et insondable qu’était le monde nocturne qui nous entourait à cet instant. Essayant de rester fort, droit, de ne pas baisser les yeux devant l’adversité tenue devant moi, je ne remarquais même pas le silence qui s’était soudainement abattu sur Araya. Si je me serais tourné vers son visage, peut-être que mes pensées se seraient mises à vaciller, mais le danger, peu importe sa nature, me semblait provenir non pas de celle que je désirais sauvegarder du danger, mais de celui qui voulait la noyer. Discrètement, je glissais l’une de mes mains le long de ma hanche, frôlant du bout des doigts le fourreau de Providence. Si je réagissais suffisamment vite, que je visais et attaquais suffisamment bien, je parviendrai peut-être à gagner ce combat et à mettre un terme définitif à cette poursuite absurde. Sauver Araya, dans tous les cas, était ma priorité. J’étais prêt à foncer, prêt à dégainer mon épée, prêt à le transpercer si je ne manquais pas mon offensive dans la hâte, mais à la dernière seconde, un cri vrilla mes tympans, me glaça littéralement le sang.

Vivement, je me retournais vers Araya, mais je n’eus même pas le temps de l’interroger du regard que je la vis foncer sur moi, comme un éclair, me bousculant violemment sur le côté pour me déséquilibrer. Surpris, entraîné par le coup que je n’avais pas vu venir, je tombais au sol, observant, impuissant, la douleur maquiller les traits de ma Protégée alors que l’ombre sous elle et Kayto s’était brusquement redressée en pics acérés. Mais malgré la douleur et le sang qui s’était mis à couler de sa blessure, Araya, sans une once d’hésitation, se mit à courir jusqu’à l’ennemi, le bousculant avec tant de violence que les deux furent projetés au sol, roulant à plusieurs mètres devant nous jusqu’à se perdre dans la noirceur et le feuillage de la forêt. Nous pouvions entendre leur échange musclée, mais les voir n’était, il semblerait, pas permis. Je me redressais rapidement, jetant un regard en direction du tigre qui grognait et, constatant qu’il allait bien, à l’exception d’entailles que lui avait infligées la manipulation de l’ombre du Vampire, je courus aussitôt vers l’endroit où Araya et ce dernier avaient disparu. Mon cœur battait dans ma poitrine à m’en rompre les vertèbres aux souvenirs de ce qui venait de se produire. Araya m’avait protégé; elle m’avait protégé. Elle s’est blessée… E-Elle s’est risquée à prendre le coup tout en m’évitant d’être touché… Cette constatation me troublait. Araya… Encore sous le choc, je sautais par-dessus les fourrés où ils s’étaient engouffrés, laissant leurs respirations et le bruit de leur combat guider mes pas. Jusqu’à ce que je perçoive un cri déchirer dans la nuit. En entendant ce hurlement de douleur, mon sang se glaça dans mes veines et je fus soudainement déstabilisé, perdant l’équilibre, tombant au sol, croyant que cette voix perçante était celle de la jeune femme. Propulsé par la panique, je me relevais aussi vite que je le pouvais, coupant à travers la forêt pour les rejoindre sans me préoccuper des griffures que m’infligeaient les branches à mon passage. C-Ce n’est pas la voix Araya! Me soulageais-je en analysant plus calmement la situation, mais cela ne me rassurais qu’à moitié. Était-elle parvenue à mettre hors d’état de nuire le Vampire? Parce qu’au hurlement qu’il avait exhalé, cela ne faisait aucun doute qu’elle avait réussi à le repousser. Cela dit, je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter de la situation d’Araya. Mon instinct d’ami, de Protecteur, me confinant à cette inquiétude maladive que je lui vouais à toutes circonstances. Puis, dans un bond, je parvins à les retrouver. Ma respiration se découpait dans ma gorge, me piquait, comme si de fines aiguilles me picoraient l’intérieur du cou. Devant moi, je pouvais apercevoir le Vampire qui se tenait le visage pour quelque mystère que je ne parvenais pas à identifier pour l’instant tandis qu’Araya, à ses pieds, tentait de se soustraire à des liens que je ne percevais guère dans l’obscurité. En voyant le sang qui coulait du front de ma Protégée, je vis aussitôt noir, mon regard se braquant instantanément sur le Vampire qui, debout, souriait.

Aussitôt, je fonçais sur l’infant de la nuit, dégainant mon épée en plein milieu de ma course. Le suceur de sang ne prit même pas la peine de se tourner dans ma direction. D’un geste ample de la main, il pointa le ciel avec son doigt et aussitôt, je sentis mes pieds se souder au sol, comme si, de la terre, venait de s’accrocher à mes bottes une dizaines de paires de mains. Je penchais mon regard en direction de mes jambes, y apercevant de longs bras m’agripper les pieds avec fermeté. Le contrôle des ombres… Me rappelais-je et sans hésiter, je concentrais ma magie pour faire appel au Fardeau de Thalos et, ainsi, détruire la magie noire qui me maintenait prisonnier. J’aurai voulu étendre mon pouvoir pour aider Araya également, mais je n’étais pas suffisamment près pour étendre ma magie jusqu’à cette dernière. Je devrais m’approcher cependant, il me fallait m’occuper de ce Vampire.

J’envoyais immédiatement la contre-attaque avant qu’il ne remarque que son emprise ne me faisait plus d’effet. Traînant mon épée de manière à ce qu’elle pend sur mon flanc, je repris ma course jusqu’au Vampire, redressant, d’un coup de poignet, mon arme. La lame fendit l’air, mais l’infant de la nuit évita l’assaut avant d’envoyer son pied au niveau de mon ventre. Aussitôt, je fus poussé vers l’arrière suite au coup, grimaçant au choc qui s’était fait avant de rebondir immédiatement. Je ne pouvais pas m’arrêter, même si la fatigue ralentissait, un peu plus, chacune de mes offensives. Je devais protéger Araya, la délivrer de ce sort qui la maintenait au sol. Mais le Vampire était tenace, parvenant même à me tenir tête sans arme. Il était agile et patient, attendant le moment opportun pour lancer lui-même l’offensive lorsqu’il en voyait l’opportunité. Frustré, mais pas au point d’en être déchu, je changeais rapidement la prise que j’exerçais sur Providence, la tenant à la manière d’une lance pour, dans un geste soudain, la projeter en direction du Vampire. Surpris par ce changement de tactique, il évita la lame de justesse, mais ne put échapper à son fil acéré qui lui lacéra le bras. Il était déséquilibré. C’était le moment de frapper. Sans attendre, je fonçais sur lui, serrant mes doigts en un poing que je lui fracassais à la mâchoire. Ne la touche plus… Ne la touche plus… Pensais-je en le regardant tomber au sol. Immédiatement, je reculais de quelques pas, de façon à me rapprocher de la jeune femme. Je lui jetais un regard par-dessus mon épaule avant d’user du Fardeau de Thalos sur ces liens, qui cédèrent après un certain temps en raison de mon état. Je respirais comme un buffle après une course effrénée et mes jambes, je pouvais les sentir, tremblaient rien qu’à me supporter. Mais je ne pouvais pas laisser mes faiblesses prendre le dessus sur moi. Pas maintenant.

Cependant, le temps que les ombres relâchent les poignets d’Araya, que j’encaisse le choc suite à cette nouvelle utilisation de ma magie, le Vampire eut tout le temps nécessaire pour effectuer son prochain sort et à la dernière seconde, je sentis que quelque chose clochait. Il nous refait le coup des pics! Compris-je et sans attendre, je plaquais ma main contre le sol, tentant vainement de stopper le pouvoir des ténèbres en action par mon pouvoir de lumière, ce qui s’avérait de plus en plus difficile, de plus en plus épuisant. Tu dois protéger Araya! Tu dois protéger Araya! Me répétais-je en étendant la lumière de mon pouvoir à nos deux corps pour nous éviter de mauvaises surprises de la part du Vampire.

« J-Je le retiens… Murmurais-je à l’intention d’Araya. Tu es forte. T-Tu parviendras à l’avoir si tu…

- Me faire avoir par une débutante? Même pas en rêve », entendis-je soudainement dans mon dos.

La seconde d’après, une brûlure et une douleur terrible fusa dans mon dos. Je poussais un cri, sentant le sang couler de la plaie que venait de m’infliger le Vampire. Opposant néanmoins une résistance à cette souffrance, je tombais au sol, mes paumes collées par terre. Sa première attaque n’était qu’une diversion… Entretemps, il s’était faufilé dans les ombres pour me prendre par surprise en arrière. Je serrais des dents, l’entendant s’approcher de nouveau. Bouge! Bouge! Protège Araya! Protège la! Puisant dans mes dernières forces, je me redressais lentement à l’aide de mes bras, expirant un souffle rauque alors que mon dos me lançait terriblement.

« Hum… Le sang d’un Ange… N’est-ce pas la plus exquise des odeurs? »

Je le fusillais du regard en tournant mon visage vers lui, mes os claquant entre eux tant j’étais fatigué, la douleur ne faisant qu’engourdir plus encore tout mon corps.

« J-Je lui ai promis… Je dois… Je dois la protéger… » M’obstinais-je en voulant me relever pour lui faire face.

Oublie la douleur. Oublie la fatigue. Ne pense qu’à ça; ne pense qu’à la protéger. Même si cela voulait dire de me battre jusqu’à ce que mort s’ensuive.


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Le Vampire resta quelques instants assis sur elle, les jambes autour de ses hanches. Mais maintenant qu’il la tenait fermement avec les ombres, le Vampire n’était plus inquiété qu’elle puisse le frapper ou non. Il se remit debout, un sourire arrogant, et supérieur sur le visage, tandis que ses yeux haineux, et affamer la fusillaient du regard. Araya se débattait, tirant de ses maigres forces sur ses liens. Je veux pas mourir… Se disait-elle. Elle venait tout juste de prendre sa décision, mais voilà qu’il allait la tuer. Non ! Non ! Je veux vivre ! Elle tira un peu plus sur ses bras, mais ne réussit à rien. Petit à petit, elle sentait l’angoisse grandir en elle, et petit à petit se transformer en panique. Sa respiration, déjà courte et saccadée à cause de l’épuisement, s’accéléra encore, ses yeux s’affolaient, regardant dans toutes les directions. Elle allait mourir. Elle ne pouvait rien faire. Elle était faible, sans défense. Et ses yeux rubis au-dessus d’elle, se croyant si supérieur, si arrogant. Il la dominait. Totalement. Alors que la panique prenait petit à petit possession de son corps, elle eut de plus en plus l’impression de voir quelqu’un d’autres au-dessus d’elle, dans une situation bien plus horrible pour elle. Un homme aux cheveux et aux yeux d’or, faisant ses expériences sur elle, se servant d’elle pour réaliser ses plus sombres désirs, et elle, totalement impuissante, seulement capable de pleurer et de hurler à s’en briser la voix, jusqu’à ne soit plus qu’une simple poupée incapable de réagir. A cette vision, Araya sentit son estomac se contracter, et un goût horrible, indescriptible, envahit sa bouche, et elle eut envi de hurler, mais sa voix était bloqué par la boule dans sa gorge. Elle se débattit un peu plus, alors que les tremblements de son corps se faisaient plus puissants, et que ses yeux commençaient à s’embuer à cause des larmes. En voyant sa réaction, le sourire du Vampire s’agrandit encore, parfaitement conscient que sa proie était complètement sans défense, et qu’il allait pouvoir jouer avec elle.

« Tu vas crever sale garce, lui dit-il toujours ce sourire sur les lèvres »

Non, non, pas encore. Elle ne voulait pas mourir, pas une nouvelle fois. Elle était morte trop de fois. Et Il l’avait ramené trop de fois déjà. Elle ne voulait pas connaitre à nouveau la sensation du froid envahissant ses membres, son esprit. Et puis le noir, total, impénétrable, terrifiant.

Isley… Pensa-t-elle en détournant la tête. Et c’est à ce moment qu’il apparut, qu’elle le vit bondir à travers les fourrés. Une lueur d’espoir apparut dans le cœur de la Vampire. Sans attendre, l’Ange se jeta sur l’homme, mais chuta lors de sa chute. Etait-ce parce qu’il était fatigué ? Elle baissa ses yeux, et vit des ombres autour des jambes d’Isley. L’infant de la nuit commença à faire quelques pas en direction de l’être de lumière. Effrayé pour lui, elle tira un peu plus sur ses bras. Mais elle était impuissante, obligée de regarder la scène sans pouvoir rien. Elle détestait cette impuissance, cette faiblesse qui la caractérisait. Et puis l’Ange fut prêt d’elle, après avoir envoyé le Vampire au sol. Quelques secondes après, ses liens se relâchèrent. D’abord surprise, elle ne réagit pas, puis se redressa. Sa cuisse lui faisait mal, continuant de saigner abondamment. Ignorant la douleur, elle essaya de se relever, ne s’appuyant que sur une jambe. Jambe tremblante, et faible qui avait déjà beaucoup de mal à la soutenir. Une lumière commença à s’tendre autour d’eux. Elle lança un regard à Isley. L’idiot, cela allait l’épuiser plus que nécessaire. Elle, forte ? Non, elle n’était pas forte. Elle était faible… Pourquoi, pourquoi est-ce qu’il croyait en elle comme ça ? Et le Vampire ne fit que confirmer ses pensées. Mais ce n’ait pas ce qui l’intéressa. Le Vampire était juste là, entre eux, et l’instant d’après, l’Ange cria. Un frisson parcourut l’échine de la Vampire, tandis qu’elle voyait sa douleur, et sentait l’odeur du sang. Aussitôt, elle sentait sa soif de sang revenir au grand galop, de plus en plus puissante. Le Vampire entre eux l’empêchait de voir le sang, heureusement.

L’infant ricana devant la répartit d’Isley.

« Tu es faible l’Angelot, et moi je vais vous tuer. D’abord elle, puis toi. Ou l’inverse, je n’ai pas encore choisi. Et puis je boirais ton sang, après tout, celui des Anges est exquis. Quant à la gamine, dommage qu’elle ne soit plus vierge, elle aurait eu bien meilleur goût que toi »

En entendant ses mots, la Vampire sentit la colère grandir en elle. Non, pas de la colère. De la haine. Cette haine qu’elle sentait toujours au fond de son cœur, et qui prenait possession de son être. Elle en avait toujours eu peur de cette haine depuis qu’elle connaissait son existence. Mais pas cette fois. Cette fois c’était différent. Aujourd’hui, elle allait s’en servir. Plutôt que de la repousser, de le mettre dans un coin et essayer de l’oublier, elle la laissa prendre possession de son être, envahir chaque cellule de son corps. Il ne le toucherait plus. Il ne lui ferait plus jamais de mal. Pas à son Isley. Plus jamais. Et il ne prendrait sûrement pas le sang de l’Ange. Il était à elle. Il la sous-estimait. Elle et sa haine qui lui donnait une regain d'énergie. Totalement. Pour lui, il les avait déjà tué tous les deux. Elle détestait ça, plus que tout. Sa colère fit monter une puissance soudaine, brûlante, et chargea l’air d’électricité. Comme par instinct, devant relâcher se flux, elle leva les mains, et un éclair apparut, foudroyant le dos du Vampire. Ce n’était pas assez fort pour le tuer, mais l’odeur de chair brûlé envahit ses narines. Il hurla de douleur, et se retourna, lui assénant un coup de poing sur la joue. D’abord déstabiliser, elle faillit s’effondrer, mais il l’attrapa par le bras, la bloquant à mi-chemin, ses jambes la soutenant à peine, et il la frappa à l’estomac. La Vampire cracha du sang, tombant à genou, son bras tordu dans une position désagréable. Son souffle était difficile, sa gorge emplit de sang. Mais pire que tout, elle était en colère, haineuse. Elle redressa à la tête, le fusillant du regard, elle voulait le tuer. L’homme l’attrapa par la gorge, la soulevant avec facilité. Il la força à reculer, la plaquant violemment contre un arbre, commençant à l’étrangler.

« Tu vas me le payer ! hurla-t-il »

Sa seconde main rejoint la première, et ses doigts se resserrèrent un peu plus sur la gorge d’Araya, coupant son arrivé d’air. Elle attrapa ses poignets, ses ongles griffant la peau. Cinq secondes. C’est tout ce qu’elle avait pour s’en sortir avant de sombrer dans l’inconscience. Si seulement elle pouvait utiliser quoique ce soit pour vaincre cet homme. Mais elle était faible, si faible… Elle ne valait pas grand-chose. Et il allait la tuer. Araya n’arrivait plus à réfléchir, son esprit s’embrouillant de plus en plus. Et puis soudain, dans un éclair de lucidité, alors que son cerveau commençait à manquer d’oxygène, elle se souvint de ses armes. Ses lames rentrées dans leur fourreau, dont le Vampire ne prêtait pas la moindre attention. Elle sortit l’une d’elle, et la planta dans le poignet de l’homme, la lame traversant muscle et chair, ressortant de l’autre côté. Le Vampire hurla à nouveau, et recula, se tenant le bras pour essayer d’endiguer l’hémorragie. Les jambes d’Araya cédèrent sous son poids, et elle s’effondra au sol. Elle se mit à tousser, essayant de reprendre son souffle. La gorge emplit de sang, elle se mit à cracher. Le Vampire, haineux, arrêta le sang grâce à son pouvoir du contrôle de sang, et se tourna vers la jeune femme prostrée au sol, le visage tordu par la douleur et la colère. Elle était incapable de bouger. Elle n’en avait plus la force. Avec ça, elle venait de donner tout ce qu’elle avait.

« Meurtriers » qu’ils nous ont appelés
« Ils ne sont pas ce qu’ils semblent être »

Les paroles du Vampire suffirent à me tétaniser, à blesser mon âme comme si l’on venait d’y planter milles aiguilles empoisonnées. Mais ce n’était pas tant qu’il m’avait traité de faible qui me dérangeait à ce point. Si, j’avais bel et bien frémis à ces propos quand il eut le cran de mettre de l’avant ce que je connaissais déjà, à ma plus grande honte, ce n’était rien comparé à la soudaine paralysie qui me prit lorsqu’il avança la perte de la virginité d’Araya. De quel droit cet homme ignoble osait-il dire de pareilles choses?! De quel droit osait-il ressasser dans la mémoire de ma Protégée de pareils souvenirs de son passé?! Une chaleur insupportable se mit à naître au creux de mon ventre et aussitôt, je voulus freiner cette soudaine frénésie qui me serait bientôt incontrôlable si je ne faisais rien pour y remédier. Je ne pouvais céder à la Colère, cela m’était interdit, mais en même temps, je ne pouvais que me sentir envahi par cette rage soudaine qui grandissait dans l’ensemble de mon être rien que par ces paroles. Je voulais me lever. Je voulais qu’il ravale ses paroles pour qu’il s’étouffe avec. Il ne pouvait pas… Il ne pouvait pas cracher aussi impunément sur la Pureté salie d’Araya. Je ne pouvais pas le laisser faire ça. Je ne pouvais pas le lui permettre, par tous les Saints.

Je voulais me redresser, lui coller un nouveau coup de poing pour tout ce qu’il avait prononcé, mais mon corps faiblissait, mes forces m’abandonnaient. Mais je devais rester debout. Pour elle, pour elle, et pour rien d’autre. Mépriser ma vie pour sauver l’intégrité de la sienne, voilà ce que j’aspirais. Je ne pouvais plus la laisser toute seule. Je ne pouvais plus laisser des hommes comme celui qui l’avait emprisonné lui faire vivre pareilles horreurs. J’aurais dû la protéger, il y a longtemps, mais je n’avais pu le faire… Je n’étais pas parvenu à le faire… Mais aujourd’hui, j’avais une seconde chance. Une seconde chance de me rattraper et de la sauver des dangers qui semblaient orbiter autour d’elle, comme des astres malveillants qui n’attendaient qu’une opportunité pour la faire exploser sous leurs assauts. Mais j’étais incapable de bouger. Comme si mes bras et mes jambes ne pouvaient esquisser plus de mouvements. L’aura du Vampire était omniprésente, m’envahissait de par cette odeur écœurante et ce désir malsain, affamé, insatiable, qui le prenait en observant la plaie béante qui barrait mon dos. Je n’avais pas besoin de mots pour comprendre ce qui pouvait traverser ses esprits. Manger, dévorer, boire et boire jusqu’à plus soif, devait-il penser. Je tremblais, mais pas de peur. De fatigue et de frustration; de mépris et d’épuisement, oui, mais pas de peur. Je n’avais pas peur de mourir: j’avais juste peur de la voir souffrir.

Soudainement, la pression qu’exerçait la présence du Vampire sur moi s’évanouit sans que je comprenne pourquoi. Je tournais lentement la tête au cri qu’il poussa et je vis des étincelles jaunâtres s’éteindre dans la paume d’Araya. Elle venait de l’attaquer et une haine froide et sourde vibrait dans le bleu électrique de ses iris. Jamais je ne lui avais vu une expression semblable et au lieu de lui demander de se calmer, de ne pas s’affaiblir plus encore pour l’être fragile et blessé que j’étais, je la contemplais comme incapable de bouger, fasciné par cette brève vision de la puissance qui sommeillait en elle. Mais la répartie du Vampire eut tôt fait de me ramener brusquement à la réalité et, impuissant comme un nouveau-né abandonné sur une pelouse, je la regardais se faire agresser par le monstre aux crocs écarlates.

Lorsqu’il la frappa au visage. Non…
Lorsqu’il lui envoya un coup dans l’estomac. Arrête…
Lorsqu’il fracassa ce corps chétif de poupée contre le tronc d’un arbre. Je ne te le permettrais pas!

« Lâche-la!! » Parvins-je à hurler, sans savoir d’où j’avais pu puiser tant d’énergie pour expirer une telle exclamation.

La Colère s’insinuait dans mes veines et je peinais à la contenir. Je ne pouvais pas le laisser la toucher plus longtemps. Elle était ma Protégée, elle était celle dont j’étais l’épée et le bouclier. Je ne lui pardonnerais pas ce qu’il osait lui faire faire. Non, jamais. Jamais je ne lui pardonnais de blesser ainsi Araya.

Je poussais sur mes bras, m’intimidant de bouger en me criant dessus. Je ne pouvais pas laisser les choses continuer de la sorte. Je ne pouvais pas la laisser être blessée plus que cela. Je devais l’arrêter. Pour qu’il cesse de lui faire du mal. Je devais l’arrêter. Pour qu’il ne risque plus de la tuer. Je devais l’arrêter, coûte que coûte.

Je devais l’arrêter pour ne pas qu’il me reprenne Araya.

Mes jambes, alors, me soulevèrent. Je tremblais comme une feuille prise dans le vent, et, dans un regard, j’aperçus le Vampire étrangler ma Protégée. Ma mâchoire se contracta tandis qu’un éclat, au sol, attira mon attention. Mon épée. Aussitôt, comme attiré par son appel, je m’avançais jusqu’à elle. Providence m’attendait, au sol, sa lamée aiguisée brillant à la douce luminosité de la Lune. Je me penchais, gémissant de douleur en reprenant mon arme avant de le traîner derrière moi, tandis qu’un cri, épouvantable, résonna dans mes tympans. Sauver Araya. Sauver Araya. Pour ne pas qu’elle soit tuée. Pour ne pas la perdre une deuxième fois. Je ne lui permettrais pas. Je m’avançais d’un pas horriblement lent dans leur direction, incapable de détacher mon regard du Vampire qui avait blessé Araya; qui avait osé porter la main sur ma Protégée. Il était si en Colère contre la jeune femme qu’il ne me sentit même pas approché; il ne m’entendit même pas lever mon épée, dans un souffle rauque et haché. Je grimaçais, serrant les dents pour ne laisser échapper aucun son. Le tuer. Je devais le faire. Je ne peux pas laisser qui que ce soit me séparer de nouveau d’Araya.

Et, dans un coup, où j’abattis sur le Vampire les derniers vestiges de ma force et de mon énergie, je laissais filer la lame jusqu’à la nuque de mon adversaire, posant bien malgré moi le fil acérée contre sa gorge. Il sentit le contact, il voulut se retourner derrière lui, mais il était déjà trop tard. Dans un cri de rage, je poussais de toutes mes forces sur mon épée pour qu’il lui tranche la tête et sans même une exclamation, sans même un hurlement où nous aurions pu entendre la résonance de sa souffrance, le Vampire tomba au sol, une profonde blessure lui barrant le cou. Le sang coulait à flot, en jets ininterrompus qui eurent tôt fait de nous éclabousser le visage, à Araya et à moi. Je laissais tomber Providence au sol, observant d’un œil terne et sans émotion le cadavre de l’infant de la nuit. Puis, doucement, je relevais la tête en direction de ma Protégée, lui adressant un sourire soulagé, heureux, cette vision pouvant paraître tout simplement étrange en raison du sang qui me barbouillait le visage et du cadavre qui se refroidissait à mes pieds.

« I-Il ne t-te touchera plus… » Expirais-je en m’avançant jusqu’à elle, d'un pas traînant, affreusement lent.

Je me laissais choir devant la Vampire, genoux au sol, m’écœurant à peine du sang dans lequel je venais de me jeter. Tout ce qui comptait à mes yeux, c’était Araya. Elle était là, devant moi, et elle était vivante. J’approchais l’une de mes mains jusqu'à son visage, effaçant du bout des doigts le sang qui la recouvrait. De telles souillures ne pouvaient tacher la blancheur de sa peau, je ne pouvais pas le permettre.

« Araya, nous avons réussis… »


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Araya essayait de libérer sa gorge. Elle avait du mal à respirer, son souffle n’étant plus qu’un sifflement rauque. Serrant les dents, elle leva la tête, affrontant le regard colérique du Vampire. Elle avait assez baissé les yeux devant les hommes. Plus jamais elle ne serait soumise à l’un d’entre eux. Elle le défia du regard, incapable de faire quoique ce soit. Son corps refusait de faire le moindre geste, et, même si elle avait été capable de bouger, elle était sûre que ses jambes n’étaient plus capables de la porter. Même la colère qu’elle ressentait toujours, et qui lui avait donné la force de le blesser avec tellement de force, ne lui servait plus à rien. Elle détestait cette faiblesse qui était la sienne. Et elle ne supportait pas l’idée d’être que cet homme allait la tuer, simplement parce qu’il était plus fort qu’elle. C’était la sensation la plus horrible qu’elle connaissait. Elle ne supportait pas. Serrant les dents à s’en briser la mâchoire, elle vit le Vampire s’approcher d’elle, ses yeux hurlant la colère et la rage qu’il ressentait contre elle. Au moins elle avait la satisfaction de l’avoir blessé au point de l’enrager, et pas simplement lui casser le nez. Elle se demanda un instant pourquoi le Vampire avait parlé de sa virginité, et comment avait-il sut qu’elle ne l’était plus ? Est-ce que ça changeait quelque chose qu’elle le soit ou non ? Apparemment, son sang aurait été meilleur, pourquoi ? Mais elle n’aurait pas le temps d’en apprendre plus.

Et soudain, elle vit une ombre derrière l’infant de la nuit, et une lame froide briller sous les rayons de la lune. Une lame qui s’abattit sur le cou de l’homme qui n’eut pas le temps d’esquiver. Le sang coula à flot, les aspergeant. Elle ferma les yeux pour éviter que le liquide ne s’infiltre à l’intérieur. Araya en fut presque écœuré de se retrouver avec le sang de cet enfoiré sur elle. C’était pourtant sa source de nourriture. Mais il l’avait tellement fait courir toute cette nuit, qu’il l’horrifiait plus qu’autre chose. Elle porta la main à son visage, essuyant ses paupières, puis les rouvrit en entendant l’acier tomber au sol. Elle vit le sourire étirer les lèvres de l’Ange. C’était étrange à cause du sang sur son visage, et connaissant la pureté qui était pourtant la sienne. Elle lui rendit faiblement son sourire, trop épuisé pour faire plus. L’entendre dire ces quelques mots rassura plus qu’elle ne se l’avouait la jeune femme. Elle recula son dos, le posant contre l’écorce de l’arbre, et soupira. Elle était si fatiguée qu’elle pourrait s’endormir dans cette position. Maintenant qu’il était définitivement mort, elle sentait la haine dévorante reculé petit à petit. Elle la sentait toujours, tapis au fond d’elle. Pour le moment, elle s’était apaisée, comme un animal endormi, mais pendant combien de temps ? Combien de temps avant qu’elle ne doive à nouveau lutter pour ne pas qu’elle revienne ? Et puis… Voulait-elle vraiment continuer cette lutte ? Sentir cette haine la dévorer, et exploser lui avait procuré un tel sentiment de… De plénitude.

Araya redressa difficilement la tête, regardant Isley. Elle baissa les yeux suivant le mouvement de la main qui s’approchait doucement, puis toucha sa joue, essuyant quelques gouttes de sang dans une douce caresse. Ce simple geste, pourtant innocent, la fit rougir. Elle ne sut comment réagir d’abord, et finit par fermer les yeux, appuyant doucement sa tête sur sa main.

«Enfin… murmura-t-elle en réponse, la voix cassée, ses cordes vocales subissant le contre coup de l’étranglement »

La Vampire était si fatiguée, éteignant petit à petit son esprit, levant ses inhibitions. Elle en oublia les Elfes, et Isiode, ceux-là toujours persuadés qu’elle avait tué tout le monde. Ca n’avait plus d’importance, maintenant, elle se détendait petit à petit. Sans rouvrir les yeux, elle dit, murmurant, ne sachant s’il l’entendait.

« J-Je veux vivre »

Elle ne rajouta rien, ne rouvrit même pas les yeux pour regarder Isley. Elle se doutait de l’émotion qu’elle pourrait lire sur son visage. Elle ne savait pas pourquoi, mais lui dire était tellement important. Elle ne savait pas pourquoi. Ca lui était seulement venu comme ça. En temps normal, cette soudaine envie de se confier l’aurait terrifié, et elle se serait enfuie en courant, mais son esprit était embrumé par la fatigue, engourdissant ses sens, sa raison.

Elle bougea légèrement la tête, appuyant un peu plus sa tête contre sa main. Elle aimait sentir la main de l’Ange sur sa peau, sa chaleur, son odeur. Cette odeur qui recouvrait tout le reste. Elle sentait celle du sang du Vampire, sans savoir pourquoi, ni comment elle arrivait à les distinguer, mais celle d’Isley supplantait tout le reste. Sans même s’en rendre compte, elle sentit la soif de sang monter en elle, transformant ses pupilles dissimuler derrière ses paupières, et ses canines s’allonger derrière ses lèvres. Cette soif éclipsa tout le reste, éteignant le peu d’esprit qui lui restait. Sans se rendre compte de ce qu’elle faisait, Araya s’avança doucement vers Isley, les yeux toujours fermés.

« Isley… souffla-t-elle, presque un gémissement »

Elle avait mal. Pas à la cuisse, qui la lançait pourtant terriblement. Pas à la gorge, qui la brûlait, des bleus commençant à apparaitre là où les doigts avaient serré sa gorge. Tout ceci n’avait pas d’importance comparé à la brûlure qui commençait à envahir son corps. A ce besoin insatiable qu’elle ressentait. Boire. Ce mot s’imposa dans son esprit. Elle aurait dû lui dire de s’éloigner, ou elle-même de s’éloigner en courant lorsqu’elle comprit ce qu’elle voulait, mais elle ne pouvait pas réfléchir rationnellement. Elle n’en était déjà pas capable lorsqu’elle sentait le sang, mais avec la fatigue qui s’était accumulé. Et puis… L’odeur d’Isley était si… Si alléchante. Si délicieuse.  

Incapable de se retenir plus longtemps, Araya ouvrit soudainement les yeux, vrillant le carmin de ses mires sur Isley, dévorant son cou du regard. Sans attendre plus longtemps, elle se jeta sur lui, s’écrasant contre lui, les faisant basculer vers l’arrière. Pendant leur chute, elle planta ses crocs dans la chair de l’homme, dans son épaule. Ses mains appuyés sur ses bras, une jambe de chaque côté de ses hanches, couché sur lui. Cette position aurait dû la gêner, ou plutôt l’écœurer, mais elle ne se rendait même pas compte de son corps contre le sien. Elle avait raté la gorge, tant pis. Ignorant ce détail inutile et sans importance, elle se mit à boire avidement son sang, resserrant ses doigts autour de ses bras. Elle sentit une énergie vive la traverser à un moment, mais laissa à nouveau ce détail de côté. Elle était bien trop obsédée par le goût du sang emplissant sa bouche, coulant dans sa gorge, calmant sa soif de sang. Elle en voulait. Encore. Encore. Toujours plus.

Araya relâcha sa mâchoire, se redressant, avalant le sang qu’elle avait encore en bouche, obligé de reprendre son souffle, un sourire d’extase sur ses lèvres ensanglantées. Si elle l’avait pu elle n’aurait jamais retiré ses crocs de sa proie. Son sang était à lui. Il lui appartenait. Elle ne laisserait personne boire son sang. Et elle le boirait jusqu’à la dernière goutte. Personne ne l’en empêcherait.

Prenant à peine le temps de prendre quelques courtes inspirations, elle se jeta à nouveau sur la blessure qu’elle lui avait faite. *Araya !* Entendit-elle vaguement dans son esprit. Elle ignora. Ce n’était pas important. Rien n’avait d’importance. Rien d’autre que le sang de cet être si délicieux.