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 Patauge dans ta fange, et apprécie la vie ! [Test Niveau IV Wriir]

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Dim 24 Avr 2016, 14:42

Il s’était passé peu de temps après que j’eus touché ce que j’appelais le Livre de Sympan. Un nom certes un peu présomptueux car entre les mains de l’Esprit de la Mort, mais il résumait bien le tournant que j’avais choisi de prendre pour mon existence. A ma grande surprise, nous n’avions pas été unanimes à tenter de nous soustraire des chaînes de l’Aether de la Mort, et certains, par immobilisme, convenance ou crainte de l’inconnu, n’avait pas renié leur geôlier et préféré se ranger à ses côtés. Cette guerre pouvait aussi diviser une race comme la nôtre, les maudits.

Cet empressement à toucher ce livre, juré fidélité à ce qui n’avait jamais été vu, lui et ses desseins, avait probablement pu paraître comme un empressement  irréfléchi, une erreur de jeunesse à agir sans peser le pour et le contre en se souciant après coup des conséquences. Il n’en était rien, et je n’avais pour ainsi dire aucun compte à rendre à mes congénères. La seule qui aurait pu voir ma détermination était l’Esprit de la Mort, la seule qui se trouvait face à moi alors je prononçais mes vœux et dont le regard à cet instant se consumait d’assurance. Je ne m’étais pas attardé sur les lieux, laissant le flot de potentiels libérés prendre ma suite en file, sous le regard des sceptiques et des peureux.

J’étais revenu dans ce que j’appelais notre sanctuaire, retrouvant mon Shimi silencieux, pour ressasser ses idées noires, entremêlées de vengeance et d’impatience. Ma haine envers les vampires ne cessait de s’empirer, autant envers mon geôlier que cette vampire, Eldelwyn qui avait cru me laisser à la merci des gardes pour mieux s’échapper. Je devais mon salut à la faculté de me fondre dans les ombres, alors que ma rancœur n’en était que renforcée.

Tentant de chasser ces idées noires, j’ouvris à la page où je m’étais arrêté le livre que j’avais emprunté à Basphel, sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Je n’osais imaginer que le livre sur lequel j’avais prononcé mon serment puisse être un recueil maudit où je me damnais un peu plus encore, uniquement parce que je n’avais pas été fichu d’en lire le titre sur la couverture. Apprendre seul était un calvaire, même si les images et la magie élémentaire contenue dans le livre me permettait de progresser un minimum jour après jour. Quant à Jishin, mon Shimi, il continuait de me regarder avec cet air ahuri dont j’avais fini par m’y faire.

Alors que je tournais la page suivante, je me surpris à me retrouver debout, le livre au sol sans même me rappeler pourquoi j’avais décidé de me lever. Regardant autour de moi, j’eus la certitude que ma place n’était pas ici, et que je devais être ailleurs, tout de suite, maintenant.

Le lieu m’était inconnu, et pourtant étrangement familier. Je savais exactement comment m’y rendre, et seul cet objectif importait, au-delà meme de mes désirs ou de mon existence. Sans un mot, je me transformais en Ombre pour me fondre dans l’obscurité et suivre le chemin le plus court pour aller là-bas. Ma crainte, irrationnel car je ne savais même pas pourquoi j’y allais, était d’arriver en retard. Cette intime conviction avait annihilé toute autre forme de volonté, et cela ne me dérangeait pas outre mesure.

La notion du temps dans les ombres était très relative, et je ne sus dire s’il m’avait fallu quelques minutes, quelques heures ou plusieurs jours avant d’arriver à destination. Revenant dans le monde de lumière, je repris à l’abri des regards ma forme humanoïde pour observer l’entrée du lieu où je devais me rendre. Le ciel était dégagé, mais l’air était lourd, comme annonciateur d’un changement de mauvais augure.

Une forêt se dressait devant moi, verte et florissante, accueillante alors que non loin d’où je me trouvais j’entendais les vagues calmes s’échouer sur le sable fin de la plage. Ne comprenant toujours pas le but de ma présence ici, j’imaginais encore moins qu’un être puisse vouloir venir ici pour mettre fin à ses jours, ni la possibilité pour le Grand Faucheur que j’étais de l’y amener et le faire devenir Ombre.

Or je ne m’étais pas trompé, mon esprit me le certifiait. Je n’avais plus aucune inspiration me poussant, m’obligeant à aller quelque part ou faire quelque chose, simplement que j’étais arrivé à destination.

Que devais-je trouver ici, qui m’y attendait ? Je me décidai à entrer dans la lisière de cette masse végétale, à la recherche d’indices ou d’une présence, et constatai la beauté des lieux, cette puissance de la Nature exprimée dans sa forme la plus simple. Je ne m’en émouvais guère, ne voulant pas par l’illusion de ce dieu que j’avais renié, simuler des sentiments qui étaient faux. Je ne pouvais cependant reconnaître que les lieux dégageaient une atmosphère reposante, si tant est que le respect soit mutuel. Je n’étais pas venu ici pour le détruire, du moins pas que je sache en cet instant.

[….]

Voilà plusieurs jours que je me trouvais dans cet endroit, toujours aucun indice qui m’aurait permis de comprendre la raison de ma venue ici. J’aurai pu enrager, pester contre ce coup du sort à n’être que le pantin de quelque chose qui se jouait de mes sens, mais entre ici et notre antre, je n’aurai échangé ma place pour rien au monde.

Je m’étais posé contre le tronc d’un arbre immense, bien que son feuillage soit épars et son branchage rare. Ce n’est que lorsque quelques gouttes, puis une fine averse coula sur mon visage, que je constatai qu’un orage avait envahi la voûte où je me trouvais dessous. Les nuages noirs poursuivaient leurs routes accompagnés des coups de semonce du tonnerre et des trombes d’eau qui envahissaient les feuillages. Levant la tête, je laissais la pluie battre mon visage au gré de ses caprices, alors que mes mains s’enfonçaient dans la terre devenue meuble et boueuse. Mon esprit se laissait bercer par ces clapotis incessants, où plus rien n’a d’importance, pas même soi.

J’aurai pu rester ainsi des heures, des jours entiers, si aussi subitement que cet orage s’était présenté à moi, une aura imposante entra dans mon champ de perception. Mes sens se mirent en alerte, et je me relevai non sans mal pour me retrouver nez à nez avec la première entité vivante qui n’avait pas plus sa place dans cette forêt que moi.

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Mitsu
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Mitsu
Lun 09 Mai 2016, 01:22



Contempler le monde était sans doute l'une des activités favorites de la femme qui se tenait, assise, en haut du rocher au clair de lune. Cet endroit l'inspirait depuis toujours, parce qu'elle y avait frôlé les lèvres d'un homme qu'elle avait aimé jadis, parce qu'elle était morte ici, parce que la lune y était simplement merveilleuse, lorsqu'elle était à son zénith. Dans son regard, il semblait y avoir l'infini et, pourtant, si elle aurait pu entrevoir le futur, elle se contentait d'observer le présent. Elle s'invitait, comme une espionne dont nul être ne pouvait prétendre déceler la présence, dans les chaumières de chaque individu. Elle voyait. Elle écoutait. Elle surveillait. Elle s'oubliait dans le flux incessant d'informations. Elle analysait chaque détail afin d'essayer de prédire ce que serait l'avenir, sans pourtant l'effleurer de sa quasi omniscience. En réalité, elle aimait ces temps troublés et incertains. Il était impossible d'être sûr. L'influence de Sympan, l'équilibre rompu par l'exil des Esprits du Temple de leurs terres, tous ces éléments rendaient le jeu bien plus intéressant. Personne ne savait et chaque possibilité n'était qu'un flou artistique n'apportant que migraine et désolation à celui qui osait s'essayer à toutes les contempler. Le monde changeait, il n'avait cessé de le faire mais, la vérité, c'est que rien ne serait plus pareil une fois que la guerre serait terminée ; si elle finissait un jour. Son corps soupira, tel un vieux réflexe qu'il avait gardé. Pourtant, cette apparence n'était pas réelle. Elle n'était faite que d'illusions. Elle avait perdu son corps véritable le jour de son élévation et ne le retrouverait sans doute jamais. Elle n'était que magie, une magie divine que les Humains ne pouvaient ébranler. Elle était dangereuse et sa détresse n'avait guère de fond. La détresse de ceux qui savent, de ceux qui ne peuvent mourir, de ceux que la puissance achève petit à petit, jusqu'à ce que le feu s'éteigne. Elle aurait pu tenter le suicide, celui des Ætheri, celui qui consistait à éliminer chaque fidèle un par un, à les détourner de soi, mais elle avait écarté cette perspective. Si un jour l'oubli devait l'emporter, alors ce serait parce qu'elle aurait défié les Dieux et l'Univers. Quelle plus belle fin que celle offerte des mains du Créateur lui-même ? Peut-être était-ce pour cela qu'elle souhaitait l'affronter aujourd'hui, pour perdre, définitivement. Seule la défaite pourrait arrêter ses caprices, seule la défaite pourrait la plonger dans l'oubli avant qu'elle ne plonge le monde dans l'ombre la plus totale. L'ombre... Ombre... « Hum... ». Mitsuko sortit de ses pensées. La Déesse avait l'impression qu'elle était assise sur ce rocher depuis quelques minutes mais un rapide coup d’œil autour d'elle lui indiqua qu'elle était ici depuis des jours. L'espace et le temps lui jouaient des tours. Là était l'une de ses plus grandes faiblesses en tant que divinité. Elle perdait le fil, plongée dans l'immensité du monde jusqu'à oublier son propre corps et son propre environnement. Ses yeux rencontrèrent un oiseau qui volait au loin, fuyant sans doute la pluie qui avait commencé à s'abattre sur une partie du Continent Naturel. Il devait l'attendre, celui à qui elle avait donné rendez-vous. Certains disaient qu'elle faisait une bien piètre Déesse à s'occuper personnellement de certains Mortels. Au final, peut-être n'était-elle plus faite pour l'être, peut-être n'avait-elle jamais été faite pour embrasser ce destin divin ? Elle sourit, se sentant étrangement calme tout à coup.

Elle apparut dans la Forêt aux Milles Clochettes, la pluie se posant doucement sur ses cheveux blonds. Elle n'avait pas cherché à cacher son apparence, bien que celle-ci soit semblable à celle d'une Vampire que l'homme avait rencontré jadis. Pourtant, Edelwyn ne respirait pas la même pureté. Celle-ci était trop faible pour tromper qui que ce soit sur ses réelles intentions, sur son désir de gloire et sur sa rage de vaincre. Pour toute introduction, elle murmura doucement en posant ses mains à plat sur sa robe blanche. « Je ne suis pas celle que vous croyez. ». Mitsuko inspira doucement. C'était amusant mais elle n'avait qu'à y penser pour que le monde des Ombres l'imprègne à nouveau. Elle se rappelait de cet état dans lequel elle avait été plongée, cette attente silencieuse et déprimante, ce mal-être constant qui ne pouvait être guéri que par magie. Pourtant, elle avait délivré les Ombres de leur calvaire ou, du moins, celles qui l'avaient souhaité. Elle croyait fermement que Sympan gagnerait et si elle devait réaliser une bonne action avant de disparaître de ce monde, alors elle désirait que ce soit celle de permettre aux Ombres de se défaire d'une partie de leurs chaînes. « Je suppose que vous ne voyez pas l'intérêt de cet endroit que j'ai choisi pour vous, n'est-ce pas ? ». Elle sourit, posant doucement l'une de ses mains sur un tronc. « Pourtant, ce choix n'est pas anodin. Nous aurons le temps d'y revenir ultérieurement. ». La jeune femme sourit. « Je sais que vous avez choisi de quitter vos anciens Dieux pour vénérer Sympan. N'avez-vous pas peur des conséquences qu'un tel choix pourrait engendrer si le Créateur ne trouve grâce aux yeux du monde ? S'il perd ? Si son existence n'est qu'un mythe de plus, créé de toutes pièces par les Ætheri pour tester leurs fidèles ? ». Elle marqua une pause. « Oh bien entendu, ce n'est pas pour cela que je vous ai demandé de me rejoindre ici, mais votre avis sur la question m'intéresse, comme le sort qui sera le votre. ». Pour une fois qu'elle gardait son apparence véritable, celle qui avait été la sienne de son vivant.

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Lun 09 Mai 2016, 09:19

J'aurai pu tout imaginer, tout le temps, partout, car j'étais vierge sur ces terres de la plupart des évidences qui régissaient ces terres. Le simple fait d'être une Ombre vous ouvrait une perspective infinie de ce que l'impossible pouvait être. J'étais mort, mais vivant. J'étais maudit, mais indispensable pour que ce monde ne le soit pas. Nous autres étions paradoxe : perdre la vie pour mettre fin à nos souffrances, et s'en voir donner une autre pour une douleur éternelle.

Ce que je voyais là, face à moi, était un autre paradoxe. La douleur, la colère qui montait de voir cette silhouette qu'il m'était difficile d'oublier. Pourtant c'était une colère lasse, une étincelle au milieu d'un brasier, présente mais si futile. Il s'agissait de la vampire d'Éthernoir sans le moindre doute, et j'étais tout aussi persuadé qu'il ne s'agissait pas d'elle. J'avais tellement envie de lui cracher une réponse cinglante, mais aucun mot de la sorte ne sortit de ma bouche. Comment insulter pareille aura, pareille prestance.

- Si .... qu'il était difficile d'être pleinement concentré quand on se trouvait devant une telle personne, si comme je le pense, vous connaissez un minimum qui je suis, vous devez savoir aussi que toute mon existence n'a été qu'illusion, d'une manière ou d'une autre. Qui vous êtes vraiment, je l'ignore en effet, mais vous n'avez pas pris dans ce cas la meilleure apparence pour instaurer un climat de confiance. Une vampire qui m'a trahi pour me laisser à la merci de gardes aux ordres de mon tortionnaire pendant plus de vingt années, je ne m'attendais pas à cette désagréable surprise.

Pourtant bon sang, tout en elle nous dictait la confiance, comme à un enfant se confiant sur les genoux de sa maman après une bêtise, tant la peur de se faire punir et de l'avoir déçue enserrait le cœur du bambin. Je devais, je voulais résister, mais c'était peine perdue. Elle se déplaça alors lentement jusqu'à poser sa main nimbée sur le tronc le plus proche d'elle. Je regardais autour de moi, cherchant un indice sur le lieu de rendez-vous, mais ne vit qu'une forêt avec sa faune, sa flore, sa beauté naturelle, son éloignement de toute la pourriture urbaine.

- Je suppose que vous vouliez un endroit calme, reculé et naturel ? Même si je ne sais toujours pas pourquoi je suis ici, je trouve le cadre magnifique. J'adore la Nature vous savez... oui ça aussi vous devez le savoir rajoutais-je sur le ton de l'évidence, ici les règles ne sont pas souillées par des principes absurdes. Ici la loi du plus fort règne, mais toujours avec équilibre. Si tous les prédateurs tuent toutes les proies, alors ils mourront. Conserver le cycle sain.

Le choix n'était pas anodin ? Je penchais un peu la tête en sa direction, réfléchissant au sens qu'il fallait donner à cette phrase.

- Je crains fort qu'une Ombre, à mes yeux une aberration de ce même cycle, soit bien la dernière "chose" qui puisse se montrer utile pour la Nature, mais vous savez mieux que moi ce que vous attendez de moi. Je n'en rajoutais guère plus, car il semblait que ce n'était pas le moment d'en discuter.

Elle me posa une question dont je pensais le secret bien gardé. L'Esprit de la Mort nous avait convoqué dans un lieu où le moindre espion, entouré de milliers d'Ombres, aurait été détecté avant même qu'il n'expire son premier souffle. Pourtant, elle savait. Pire encore, je sentais déjà que j'allais lui répondre sans détour, sans ambages, comme s'il m'était impossible de lui mentir.

Je réfléchis plusieurs dizaines de secondes à ce qu'elle venait de me poser, car la question même posée presque innocemment, n'avait rien d'anodin. Garder un silence aussi longtemps pouvait paraître déplacé, mais me parut nécessaire. Prenant une longue inspiration, je finis par répondre :

- Je veux mourir vous savez. Vraiment mourir, définitivement, comme quand j'ai sauté de cette fenêtre après avoir été torturé, manipulé, humilié plus de deux décennies. Qu'on me laisse tranquille, je n'étais rien, je ne manquerais à personne. Je pliais mes jambes pour que du doigt, d'une impulsion magique, je séparais en deux une touffe d'herbe d'où des fourmis s'affairaient à leurs tâches quotidiennes. Je les regardais quelques instants, et finit par sourire. Voilà comment je nous représente. En déplaçant ces herbes, les fourmis ont conscience qu'une entité éminemment supérieure est au dessus de leurs têtes, et qu'ils ne sont rien face à elle. Mais elles continuent de travailler, de vivre, de faire ce qu'elles ont à faire. Je lâchais ma pression sur ces herbes qui revinrent dans leur position normale, avant de me redresser et regardais la femme devant moi.
Je sais que les Aetheri existent, repris-je, j'ai conscience de leur suprématie, mais je ne les ai jamais priés. Pourquoi l'aurais-je fait ? Existe-t-il un Aether de la pitié, des causes perdues, de l'injustice alors que je pourrissais sans la moindre liberté dans une cellule crasseuse à servir de jouet à un vampire, au point d'avoir à me suicider pour m'échapper ? Ma voix trahissait une certaine émotion, une tristesse enfouie mêlée de rage intérieure. Quant à Edel, devrais-je vénérer celui qui m'a maudit, mis plus bas que terre, imposé d'accomplir ses basses besognes en me faisant faire se tuer des gens pour grossir ses rangs ? Je secouais la tête, avant de m'accroupir contre le tronc derrière moi, le vague à l'âme.

Je ne savais même pas pourquoi je révélais à cette inconnue des informations aussi personnelles et sensibles, mais je m'en fichais à présent.

- Je voulais juste mourir, vous comprenez ?..



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Mitsu
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Mitsu
Mer 11 Mai 2016, 00:27

Mitsuko ne put s'empêcher d'émettre un petit rire à l'entente des mots de son interlocuteur. Oh elle ne se moquait pas de lui mais ses dires ne faisaient que confirmer à quel point Edelwyn était une copie redoutable. Elle l'avait beaucoup servi par le passé. « A vrai dire, ce n'est guère moi qui ai pris l'apparence de la concernée mais elle qui a emprunté la mienne. Il y a en ce monde bien des mystères et il arrive qu'une sorte de clone puisse être créé par magie. Elle est donc une version de mon être, plus faible, plus maladroite et peut-être moins mauvaise. ». Cela ne faisait aucun doute. Quand bien même la Vampire avait des tendances manipulatrices, elle n'était pas assez intelligente pour devenir réellement cruelle et sans pitié. Elle se ferait d'ailleurs sans doute piétinée à cause de son ego. A force de vouloir jouer dans la cour des grands sans en posséder ni le niveau ni les moyens, c'est ce qui arrivait fréquemment. « Mais je ne suis pas ici pour vous causer le moindre tort, bien au contraire. ». Elle n'en dit pas plus à ce sujet, ne souhaitant pas dévoiler son jeu tout de suite. « Je l'aime beaucoup aussi. ». Ce n'était pas peu dire. Pourtant, elle ne précisa pas sa pensée, le laissant exprimer son opinion. La situation était amusante en un sens car elle avait régné sur les deux races qui avaient fait de lui un esclave. Cela faisait si longtemps à présent...

Mitsuko finit par s'appuyer contre le tronc, sentant une sorte de nostalgie l'envahir soudainement. Elle aurait pu l'annihiler, purement et simplement, mais si elle le faisait, alors plus rien ne la rattacherait réellement à ce monde. Avant son élévation, elle avait toujours souhaité contrôler la moindre de ses émotions. Maintenant, elle souhaitait surtout ne pas en oublier la texture. Finalement, peut-être n'avait-elle jamais quitté son statut d'Ombre, à courir après une existence Mortelle qu'elle avait elle-même choisi de quitter. Elle devait absolument s'empêcher de songer, sinon, elle risquait de perdre de nouveau le fil du temps. Les yeux fixés sur les fourmis, elle trouvait l'image on ne peut plus véridique. « L'orgueil est souvent la cause de bien des souffrances. Les Dieux de la Vie et de la Mort se sont sentis insultés de voir que des Mortels osaient refuser les cadeaux qu'ils leur offraient. Ils devaient se venger de l'affront, trouver un moyen de punir ces insupportables créatures, trop faibles pour mesurer la chance de posséder le souffle de la vie. ». Elle sourit. « Du moins, c'est la légende que j'ai retenu. Je n'étais pas née à l'époque où les Ombres naquirent. ». Elle posa doucement sa tête contre le tronc. « Vous savez, parfois, je me demande si le fait de permettre à des êtres de devenir Æther n'est pas un moyen de protéger le monde d'entités bien trop puissantes pour lui, en les enchaînant à des principes tendant à l'équilibre, à la non utilisation de pouvoirs colossaux qui pourraient nuire à des peuples entiers en quelques secondes seulement. Finalement, peut-être que les Ombres et les Dieux ne sont pas si différents. Ce qui est amusant c'est que les barrières de chacun sont tombées il y a peu. Je suis bien curieuse de voir ce qui en ressortira. ». Elle rit. « Moi non plus je ne priais pas les Dieux. J'avais même l'intention de tous les défier, un par un, d'ébranler leur suprématie et de les faire disparaître. Cependant, à mon époque, ils n'étaient pas aussi présents. Ils n'étaient qu'une tour sur l'échiquier. Quelques individus les vénéraient mais sans plus. Et puis, les choses ont changé, petit à petit. Les Souverains ont déçu par leur incompétence et les yeux des Mortels se sont tournés vers plus grand, vers d'autres espoirs. La puissance des Ætheri n'a fait que croître, jusqu'à aujourd'hui où ne pas croire en eux ferait passer n'importe quel être pour un idiot fini. Pourtant, il serait si simple de les faire tomber dans l'oubli... ». Arrêter de prier et détruire toutes les traces les concernant pour que jamais personne ne puisse retomber sur un quelconque artefact un jour.

« Vous vouliez mourir comme j'aimerai disparaître aujourd'hui. Je vous comprends mais ni vous à l'époque, ni moi aujourd'hui, ne savons ce qui pourrait résulter de nos actes. ». Elle sourit tout en redressant la tête. « Je me suis suicidée également, peut-être pas pour les mêmes raisons que vous mais, croyez-moi, je connais votre condition. Je n'ai jamais eu à pousser quiconque à attenter à ses jours cela dit. ». Cela ne l'aurait sans doute pas gênée. Sa condition de l'époque faisait en sorte qu'elle contrôlait déjà le moindre de ses sentiments pour se plonger dans une parfaite neutralité seule et feindre la normalité en société. « La bonne nouvelle, si tant est que cela en soit une, c'est que vous n'aurez dorénavant plus à le faire non plus. Je dois vous expliquer quelle sera votre condition à présent mais avant j'aimerai savoir ce que vous connaissez de votre peuple. Je redoute que peu d'informations soient données à ceux qui se tuent, ne serait-ce que pour les punir un peu plus de leur péché, si je puis nommer l'acte ainsi. ». C'était une certitude.

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Mer 11 Mai 2016, 09:49

Si je n'avais pas encore les clefs de compréhension pour connaître les raisons de ma présence ici, j'avais le sentiment que celles-ci me seraient confiées sous peu. Pour autant, celle qui en détenait le trousseau restait un mystère complet. Ses paroles étaient énigmatiques, et quiconque avait pu me rencontrer par le passé savait que je n'étais pas doué pour le second degré, l'ironie ou les sens cachés. Moi qui rêvais de m'élever de cette condition minable, j'étais trop terre à terre. N'était-ce pas "ironique", justement ?

Je la crus cependant quand elle me dit que la vampire avait pris l'apparence de la femme qui se dressait devant moi. Edelwyn n'aurait pas pu dégager pareille prestance, au mieux le simulacre que j'avais aperçu dans cette maisonnée abandonnée d'Éthernoir. Je décrochais un peu plus pour l'histoire du clone, le concept m'étant complètement étranger.

- Je suppose que si je vous demande qui vous êtes, vous n'allez pas me répondre n'est ce pas ? Je .... Vous avez la même aura que l'Esprit de la Mort lorsqu'il nous a présenté le livre de Sympan, et pourtant, je ne saurais dire, vous....  - je m'engageais dans un terrain glissant là - vous n'êtes pas l'Esprit de la Mort, du moins comme je me le représente. L'aura est ... différente.

Je regardais du coin de l'œil cette femme dont tous mes sens hurlaient de me méfier d'elle. Sa puissance même contenue était incommensurable, et si elle ne montrait aucun signe d'hostilité, la crainte se mêlait à ma révérence. Seule une partie de mon esprit m'énonçait, presque indifférent : "Qu'as-tu à perdre ?... Elle te punira de ton affront, et tu mourras enfin".

Malgré cela, je buvais ces paroles, comme un puits de science sans fond dans lequel je voulais m'épancher sans vergogne. Elle semblait savoir tant de choses sur des domaines qui me dépassaient complètement, que je n'aurai même pas osé étudier. Elle me révélait des choses qui me firent écarquiller les yeux de surprise, tant de choses au point d'en rester coi, immobile, la bouche presqu'ouverte,  Pourquoi ?... Pourquoi me disait-elle tout cela, à moins de penser que je ne serai jamais capable de m'en servir ?...

- Permettez-moi un instant de digérer tout ce que vous venez de dire. En quelques minutes, j'en ai plus appris sur les Aetheri que depuis que je suis né, et mort. Je secouais la tête, m'autorisant ces quelques secondes pour ordonner les idées dans ma petite tête de piaf.

- Je comprends mieux finalement l'état d'esprit de ces deux dieux, repris-je pour nous avoir infligé cette malédiction, aussi je pense que cette légende comme vous dites  doit avoir une grosse part de vérité. Ca ne me fait que conforter ma volonté de ne pas les prier. Je pense qu'ils sont totalement déconnectés de la réalité des mortels sur lesquels ils sont censés garder un œil.

Sans m'en rendre compte, je l'imitais et m'adossait contre un tronc, lui révélant ce que je n'avais révélé à personne, jamais. Ce sentiment d'inachevé, cette étincelle morbide qui me rappelait que même dans le suicide, j'étais un raté. Même pas foutu de se tuer, sérieusement .... Je glissais un regard vers la femme.

- Pour ne rien vous cacher, je ne savais même pas qu'un être humain pouvait devenir Aether. La seule culture que j'ai acquise a été dans l'écoute de mon geôlier et ses amis tortionnaires. Du coup je suis incapable de lire une mission, ou déchiffrer une note sans demander de l'aide à une autre Ombre ou à la première personne que je croise. Pourtant, vous savez ... je suis fier d'être un idiot fini pour reprendre vos mots. Je n'ai pas honte de mes lacunes, de mes faiblesses, mais dans mon idiotie, je ne suis pas assez stupide pour aller prier des dieux qui m'ont maudit.

Je saisissais un petit caillou qui traînait à portée de mes doigts, et le lançait négligemment devant moi. Je ne pus m'empêcher d'étancher ma curiosité. Comment ?... comment en êtes-vous arrivée là, après vous êtes suicidée ? Comment avez-vous pu être Ombre sans avoir à vous salir les mains et attenter à la vie d'inconnus ? Vous êtes si.... différente de nous, de moi. Vous parlez d'un moyen pour annihiler les Aetheri, aussi pourquoi l'Esprit de la Mort n'aurait jamais tenté de le faire, pour sauver son peuple ?... Je crains que tout ceci me dépasse.

Tant de questions, tant de questions se bousculaient dans mon esprit, et je savais qu'elle en éluderait une bonne partie. Je n'étais qu'une Ombre parmi tant d'autres, méritais-je d'accéder à ce genre de connaissances, moi l'illettré de service ? Pourtant, elle m'annonçait un changement, une bonne nouvelle, et j'attendis d'en savoir plus. Pourtant, elle me demanda avant ce que je connaissais de ma race.

- Hé bien, je suppose pas grand chose, répondis-je en haussant les épaules, ce qui nous est dit quand notre cadavre est encore chaud, qui doit être transmis de génération d'Ombres à génération d'Ombres, à savoir que j'était maudit pour mon acte abject - comme si se suicider était forcément un choix en soi - soupirais-je avant de reprendre, et qu'en plus de ne plus connaître la moindre émotion positive, j'allais devoir partager cette malédiction auprès de personnes qui ne m'ont rien fait, que j'allais devoir les torturer mentalement pour qu'ils se suicident à leur tour. Faut-il à ce point être dénué de cœur pour oser infliger cela ?! Je sentais presque les larmes me monter aux yeux, alors que sans crier gare, le visage de la première personne que j'avais tuée s'imposait en transparence dans mon champ de vision. Cependant, autre chose me vint à l'esprit : J'ai été à deux reprises compte tenu des guerres et des massacres récents, investi temporairement des pouvoirs des Passeurs en renfort, dans l'Asile et dans l'Océan. Pour l'Océan, je me fichais pas mal de ces pouvoirs, j'y étais allé pour une autre raison, mais ça ne vous intéressera pas. Bref, j'ai notamment pu voir la Rivière des Âmes, un spectacle ... saisissant. J'en avais presque oublié ma condition d'Ombre à ce moment-là. La perte de ces pouvoirs n'en a été que plus douloureuse, mais on commence à s'y faire, une douleur de plus ou de moins après tout ....

Je la regardais un instant, tentant de croiser son regard sans avoir à baisser les yeux lamentablement dans la seconde qui suivit :

- Si je devais résumer, je dirai que j'ai été le jouet d'un vampire toute ma vie, jusqu'à mon suicide. A présent, je suis le jouet de deux dieux capricieux qui m'ont maudit et qui attendent que je les vénère. Mais je vais faire comme j'avais fait pendant ces deux décennies à Éthernoir : je vais résister, encore et encore, pour avoir ma vengeance, que mes souffrances n'aient pas été vaines. Si l'Orisha n'a pas réussi à y parvenir, je me console en me disant que l'Ombre que je suis devenu m'offre une seconde chance. Pour cela, je dois devenir plus puissant et mieux me comprendre, pour mieux comprendre ce qui me fait obstacle.

Allais-je devenir un paria, un dissident à abattre ? Je n'avais rien contre les Ombres en soi, mais j'en avais assez de me laisser marcher sur les pieds. Je m'hasardais à une dernière interrogation :

- Excusez-moi mais, vous avez un nom ?

1 302 mots.
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Mitsu
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◈ YinYanisé(e) le : 07/07/2005
Mitsu
Jeu 12 Mai 2016, 14:01

« En effet, j'ai cette tendance depuis très longtemps à ne point aimer révéler ce que l'on me demande de façon trop simple. ». Elle sourit. En réalité, ce qu'elle aimait par dessus tout, c'était intervenir dans la vie des individus qui ne lui avaient strictement rien demandé ; un comble pour une Déesse que l'on priait à toute heure du jour et de la nuit. « Si vous voulez un conseil, continuez à ne point le faire. Prier ne sert à rien hormis à nourrir la puissance des Ætheri. Si cela ne tenait qu'à moi, je les anéantirai, Sympan avec. Seulement, actuellement, il faudrait être fou pour espérer les voir disparaître. La guerre des Dieux me semble profiter aux deux camps tant les Mortels passent leur vie à se complaire dans la prière, à espérer que le parti qu'ils ont choisi gagnera. Je les comprends car il y a beaucoup à perdre et également beaucoup à gagner. ». A vrai dire, elle aimait bien écouter la voix de son interlocuteur. Elle le laissait finir chacune de ses phrases tout en l'observant sans réellement le regarder. Qu'importe les connaissances des Hommes, certains s'en sortaient bien mieux en étant incultes, certains étaient aussi bien plus heureux ainsi. Elle-même ne l'avait jamais véritablement été. Elle avait toujours couru après la puissance et le savoir et, à présent qu'elle avait les deux, quand la dépression ne venait pas hanter son esprit, elle avait envie de détruire ce Monde tant il la dégoûtait. Pourtant, ses merveilles étaient à la hauteur de ses pires côtés. « Disons qu'à l'époque, j'étais Reine, et très curieuse. Je suis tombée par hasard sur une légende dans un livre très ancien, celle comptant que l'on pouvait invoquer une entité de l'ombre, gardienne du cycle de la vie et de la mort. Pour tout vous avouer, je n'étais pas sûre de sa véracité mais les autres récits contenus dans cet ouvrage me semblaient exacts. J'ai donc décidé de me suicider en invoquant la fameuse entité. C'est ainsi que l'Esprit de la Mort d'alors est apparu et qu'un duel d'esprit en a résulté. Il était clair qu'un seul d'entre nous resterait. Vous savez, je n'ai jamais trouvé l'espace qui relie le haut du Rocher au Clair de Lune au sol aussi long à parcourir. Une fois sur la terre ferme, il avait disparu dans les limbes. J'étais seule, les secrets du cycle envahissant mon esprit d'une manière douloureuse, le Requiem s'y gravant à jamais. ». Elle trouvait ceci très poétique dans le fond, bien qu'il s'agisse avant tout d'un assassinat. Seul le plus fort avait survécu, le plus faible forcé de lui céder sa place. D'un autre côté, peut-être avait-ce était une délivrance pour le Souverain des Ombres qu'elle avait défié. « De vous à moi, l'Esprit de la Mort ne peut pas délier les chaînes de ses sujets. ». C'était une sorte d'aveu. « Sa mission est avant tout de distribuer les morts et les naissances et, surtout, de prendre soin du secret. Néanmoins, certains ont échoué pitoyablement dans cette dernière tâche ; à croire que leur stupidité était si grande qu'elle ait pu mettre en danger les Terres entières. Cela dit, les choses, aujourd'hui, sont différentes. J'aurai l'occasion d'y revenir plus tard. Je critique mais la situation actuelle pourrait engendrer un véritable chaos. Cependant, cela me plaît davantage que d'ouvrir le Royaume des Abîmes à tous comme s'il s'agissait du royaume des Elfes, en offrant nourriture et boisson aux invités. ».

« Je vois, vous êtes donc déjà familier avec le statut de Passeur. Parfait. ». C'était justement ce qui l'avait amené ici aujourd'hui. « C'est une philosophie appréciable. Cela dit, il me semble que vous vous trompez sur ces deux Ætheri. La situation actuelle est plutôt propice à votre peuple. ». Et cela n'était pas une plaisanterie. Le Dieu de la Mort venait de s'élever et était à présent aussi faible qu'un nouveau né, se raccrochant à ce qu'il pouvait, comme il le pouvait. Cet état ne durerait pas longtemps, parce que son futur s'était fait un malin plaisir de trafiquer le passé, afin de faire en sorte qu'il paraisse le seul à avoir un jour été la divinité de la Mort. A peine né, déjà prié par des milliers d'individus, contrairement à elle qui avait souhaité construire son culte étape par étape. Jun trichait. Il avait toujours triché et c'était la raison pour laquelle elle avait décidé de le punir, quand bien même il se ralliait à Sympan. Quant à elle, elle avait simplement décidé de profiter de l'occasion pour délivrer les Ombres de son propre contrôle. Un acte légèrement suicidaire pour un Æther mais, après tout, au fond, ne souhaitait-elle pas disparaître ? « Vous n'êtes plus tant esclaves que cela. Votre rôle pour ces Terres est grand, important et voilà que vous devenez maître de choisir l'identité de ceux que vous voulez tuer. Ne voyez-vous pas l'opportunité ? Les Ombres pourraient se rallier à une cause, faire trembler tous les peuples car, après tout, que se passerait-il si les vôtres décidaient, d'une voix commune, de tuer que des Réprouvés ou des Démons tout en leur refusant l'accès à la reproduction ? ». Elle sourit. Il ne faisait aucun doute que si elle régnait actuellement sur la race, elle aurait profité de l'occasion pour faire trembler le monde. Peut-être choisirait-elle de le faire d'ailleurs. Après tout, qui serait là pour la punir ? Et, quand bien même, qui pouvait punir une femme qui se fichait bien de disparaître ? « La chose à comprendre, avant tout, c'est que si les vôtres ont été esclavagés et torturés moralement durant des siècles et des siècles, c'est avant tout pour éviter que le pouvoir colossale qui est entre vos mains ne soit utilisé à des fins non appropriées, réduisant l'équilibre à un état passé. On parle de la force destructrice des Démons, de la fourberie des Sorciers, mais la puissance des Ombres pourrait être le pire fléau de l'humanité. ». Elle repositionna sa tête contre l'arbre, murmurant doucement. « Mitsuko Edelwyn Taiji, mais il ne fait aucun doute que je suis trop vieille pour que vous puissiez me connaître. J'avoue également avoir toujours vécu dans l'ombre. J'aime passer par des intermédiaires pour mettre en œuvre mes desseins. ». Elle sourit. « Et vous, que savez-vous de votre existence, hormis les tortures infligées par ces Vampires ? Car, après tout, nous devons revenir à cette question principale qui est celle de savoir pourquoi, à votre avis, je vous ai donné rendez-vous ici ? ».

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Jeu 12 Mai 2016, 16:18

J'avais toujours considéré les femmes et leurs réactions comme un plus grand mystère encore que le Secret des Ombres, et celle devant moi ne faisait pas exception bien au contraire. Aux questions simples, elle nimbait le tout d'énigmes, avouant même ne pas apprécier les questions simples. Je ne l'inventais pas !

Heureusement, elle m'en disait plus en ces quelques minutes passés avec elle que toute ma vie et toute ma mort durant. Elle dévoilait des secrets dont je ne soupçonnais même pas l'existence, notamment le fait que la prière soit la source principale de pouvoir des Aetheri, et que prier se révélait inutile.

- Je vous remercie pour ce conseil, mais même s'il est évident que vous êtes plus puissante que moi à tous niveaux, vous pouvez aussi me duper pour vous servir de moi. J'ai connu ça presque toute ma vie, et même pendant ma mort, un peu plus ou un peu moins vous savez ...

Quand elle évoqua la guerre entre pro-Aetheri et pro-Sympan, je secouais la tête de dégoût.

- Les gens n'ont pas conscience de la valeur de la vie. J'ai plus d'estime pour cette notion alors que je suis mort, que la plupart des gens que je rencontre. Je suis forcé de tuer, alors qu'ils le font pour tout et surtout n'importe quoi. Pour de l'or, pour le plaisir, pour chasser l'ennui, pour des idéaux qu'ils souillent ou des divinités qu'ils n'ont jamais vues. Ils auront peut-être des privilèges si leur camp gagne, mais ils auront de toute façon perdu bien plus au final.

Je jetais de nouveau un caillou négligemment, expulsant bien pitoyablement ma rancœur envers les vivants. Mais ce sentiment éphémère fut vite balayé par ce qu'elle allait me révéler. Je fus captivé par son récit, et si une part de moi gardait le sens commun que tout ceci n'était qu'un mensonge, je ne pouvais que lui accorder le bénéfice du doute vu la puissance qu'elle dégageait. Elle avait affronté l'Esprit de la Mort, et avait gagné ?... Mes yeux écarquillés ne cachaient en rien de ma stupéfaction.

- Vous .... vous étiez déjà plus puissante que l'Esprit de la Mort .... Je ne pensais pas cela possible .... Vous avez défié la Mort elle-même. Je fis un "wouaouh" silencieux avec ma bouche, alors que mon cerveau continuait de digérer la nouvelle. Cela ne fit que renforcer ma conviction que je forgeais depuis un certain temps. Et ce qu'elle me dit ensuite acheva de la conforter. Je n'avais jamais vu la malédiction qui nous touchait sous cet angle, le pourquoi du comment nous autres Ombres étions chargés de tuer arbitrairement des êtres de tous les continents. Nous n'étions pas assez puissants et au courant des choix de nos supérieurs, et ce qui pouvaient les dicter, mais cette mission aussi funeste soit-elle permettait l'équilibre.

- Même si ça ne justifie en rien notre sort, nos tourments et l'absence d'une quelconque émotion positive autre que par une illusion, j'admets comprendre la logique de cet ignoble esclavagisme. Je ne le cautionne évidemment pas, mais je comprends sa logique oui... Il y aurait eu tellement de solutions moins dégradantes pourtant, mais je n'avais pas réalisé le pouvoir dont nous disposions. En tout cas pour les Ombres les plus puissantes. Jusqu'à ce que je décide d'être du côté de Sympan, je devais exécuter les ordres et me taire.

Tuer les Réprouvés ou les Démons, les empêcher de procréer ? Oh non, pas eux ... Mais la sous-race des suceurs de sang par contre .... Un sourire mauvais s'affichait sur mes lèvres que j'eus du mal à réprimer, avant d'imaginer plus objectivement les perspectives que cela pourrait m'ouvrir. Pour cela, je devais devenir plus puissant, et être moins dépendant des ordres de mes supérieurs. La seule façon restait d'avoir moins de supérieurs au dessus de sa tête.

- Je ne pense pas rallier une quelconque cause, à part mes propres idéaux. Protéger aussi une personne en particulier. Pour le reste, j'en suis complètement indifférent. Mais je vois ce que vous voulez dire. Cela explique aussi le Secret, pour éviter qu'une autre race s'associe à nous, ou nous contraigne à les servir au détriment de l'Équilibre. J'hochais la tête, tout cela concordait. Le pire fléau de l'Humanité ?... Ce n'était pas mon objectif, mais des êtres moins bien intentionnés pourraient très bien semer la mort invisible partout sur leurs passages.

Son nom ne me disait rien, mais j'avais bien remarqué l'insistance d'"Edel" et n'avait jamais fait le rapprochement avec l'illusion qui portait le même nom. Tentait-elle de me dire que tout ceci n'était que mirage, qu'un test parmi tant d'autres visant à jauger mon allégeance. Comment savoir .... Je ne vous connais pas, désolé si je devrais. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas eu trop l'occasion de m'éduquer durant ma jeunesse. Je lui souris amèrement, bien qu'il n'y ait aucune rancœur quand je prononçais ces mots. C'était juste un fait, et c'est ce qui avait forgé ce que j'étais à présent, pour le meilleur comme le pire.

Elle m'interrogea à ma grande surprise sur mon passé, non pas d'Ombre, ni même pendant ma captivité, mais avant encore, avant mon calvaire. Je secouais la tête négativement.

- J'ai déjà essayé figurez-vous, je me suis demandé pourquoi, comment j'en étais arrivé là, mais il y a comme cette barrière qui m'empêche de savoir. Je ne sais pas comment expliquer cela, mais au plus je tente consciemment de sonder mon passé, au plus cette barrière est forte.

Je me massais les tempes, réfléchissant de nouveau, et je sentais ce mur infranchissable qui m'empêchait de voir. Je secouais la tête, abandonnant une énième tentative que je savais avortée.

- Le seul moment où je m'en suis rappelé, c'est quand je me suis empalé sur le mât de ce porte étendard. Je me dis que le choc a été tel que tout a pu me revenir à l'esprit l'espace de quelques secondes, avant que le mur ne s'érige de nouveau. Une fois mort mais pas tout à fait, tout cela était devenu le cadet de mes soucis. Je me rappelle qu'il y avait une forêt, une forte pluie, un type à cheval. Du sang, plein de sang que la pluie diluait ... Je secouais de nouveau la tête, cette fois pour chasser ces images. Avais-je vraiment envie de connaître mon passé ? En l'ignorant il gardait une part d'innocence qui tranchait avec la souillure que ma jeunesse avait subie jusqu'à ma mort.

Je mis un certain temps avant de faire le rapprochement, détaillant Edelwyn puis l'endroit où nous nous trouvions. Une forêt ...

- Ne me dites pas ... non ... comment pourriez-vous savoir cela, alors que moi-même je l'ignore ?!

Pris de panique, je tentais de me téléporter, l'inconnu et la surprise exacerbant le danger même si celui-ci n'existait peut-être pas. Mais la magie n'opéra pas, et semblait décidée à me laisser là où j'étais présentement. Je devais reprendre mon calme, analyser la situation, et les solutions qui s'offraient à moi. Peut-être étais-je seulement en train de délirer, ce n'était pas la seule forêt de ce monde où j'aurai pu me trouver avant d'être enlevé.

- Je suis désolé, le changement qui s'est opéré en moi depuis que j'ai touché ce livre accentue des sentiments que je maîtrisais mieux auparavant. Essayez-vous de m'apprendre plus sur mon passé, ou voulez-vous m'aider pour mon avenir ? L'un comme l'autre je ne refuserai pas une aide si le prix à payer n'est pas trop lourd... Je ne veux pas rester Grand Faucheur le reste de l'éternité.




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Mitsu
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Dim 15 Mai 2016, 02:10

Mitsuko sourit. C'est vrai, il avait raison, elle pouvait chercher à le duper. « Il est évident que si je voulais me jouer de vous, je pourrai vous dire la même chose mais, très sincèrement, pour quelles raisons voudrais-je le faire ? ». Il n'y en avait pas. Il n'était ni puissant ni instruit. Oh elle ne pensait pas qu'il était insignifiant mais elle voyait plutôt le monde d'une manière bien à elle : il y avait les êtres qui l'indifféraient, ceux qu'elle aidait pour une raison quelconque, même si cela pouvait être une fantaisie momentanée, et ceux avec lesquels elle aimait jouer. Malheureusement, vu son état, ces derniers se faisaient rares. Quand elle se mesurait à un individu qui n'avait pas la puissance nécessaire, elle se retrouvait comme une enfant qui aurait cassé sa poupée ; rien de bien palpitant sous le soleil en somme. « Oh, si vous étiez mort, vous seriez bien plus heureux que vous ne l'avez jamais été depuis votre suicide. Quoi que, l'on s'ennuie vite je présume. » souffla-t-elle doucement. « La vérité c'est que si vous n'étiez pas Ombre, vous seriez Esprit. Qu'importe finalement, vous n'auriez pas réellement pu en finir avec l'existence. Je me rappelle encore le jour où je l'ai compris. Quelle déception. Moi qui pensais que tout s'arrêtait comme cela, qu'il n'y avait rien ensuite, que les choses étaient simples et tranchées... Quelle douce folie m'habitait alors pour penser que la complexité de l'existence s'arrêtait avec la mort... ». Elle avait d'ailleurs aidé à la conception des Chamans justement pour permettre aux Esprits de communiquer avec le monde des vivants. Il s'agissait d'une autre histoire, qu'elle ne souhaitait pas aborder. Il y avait tant de choses à dire déjà. « Vous comprendrez bientôt à quel point les choses sont plus profondes que les choix idiots des Mortels. Si le Destin des êtres se décidait par les actes des Hommes, les Ætheri ne serviraient plus à rien. La vérité est terrible, trop pour que les êtres qui peuplent ce monde puissent l'entendre. Malheureusement pour vous, vous m'avez rencontré. Malheureusement pour vous, vous êtes une Ombre. ». Mitsuko choisit de ne pas commenter la suite. Qu'importe sa puissance d'antan, elle n'était rien par rapport à celle qu'elle possédait à présent. Elle aurait pu y rester. Elle avait pris un risque qui s'était avéré payant et il avait été très loin d'être le seul. L'élévation n'était pas non plus sans danger. Il n'y avait aucune certitude. Elle soupira, se rappelant des paroles d'Ismérie. Il avait su voir avant même qu'elle ne devienne Æther qu'elle s'ennuierait, que cette puissance la rongerait petit à petit.

Encore une fois, elle se laissait bercer par la voix de Wriir, pensant à ce qu'il disait, à son propre point de vue. La perte de ses émotions véritables n'avait jamais été un problème pour elle. En tant que Sorcière, elle avait toujours pris un malin plaisir à se faire passer pour une petite chose sans défense pour accomplir ses desseins. Elle avait contrôlé ses émotions. En tant que Vampire, la chose avait pris le même tournant. En tant qu'Ombre, elle n'avait fait que reproduire le schéma qu'elle avait toujours suivi. Elle comprenait néanmoins, c'était pourquoi elle avait voulu libérer le peuple secret. « Comme je vous l'ai dit, je suis trop âgée et j'ai pris soin de ne point marquer trop les esprits quoi qu'il en soit. ». A trop se pâmer, il était aisé de se faire des ennemis inutiles.

La jeune femme ne bougea pas lorsqu'il commença à paniquer légèrement. Elle se rappelait elle-même le jour où elle avait appris qui elle était vraiment, son lignage, ce que tout ceci impliquait. Elle ne dit rien, attendant patiemment avant de donner son verdict. « Je pense qu'il serait préférable de revenir à la raison secondaire de notre présence ici ultérieurement. Nous allons parler d'un tout autre sujet. ». Elle sourit. « Comme vous l'avez si bien fait remarquer, vous n'allez pas rester Grand Faucheur toute votre vie. C'est pour cela que je suis là, pour votre avancée hiérarchique. Un Gardien du sceau aurait pu faire le déplacement mais cela paraît bien obsolète. Vous m'avez à vos côtés, cela suffira amplement. ». Elle créa tout à coup un espace entre le tronc sur lequel elle était précédemment appuyée et son corps, à présent totalement droite. « Vous avez déjà eu à entrevoir les fonctions d'un Passeur par le passé, cela sera plus facile. En temps normal, vous ne vous contentez que d'obéir à vos supérieurs. Ils vous désignent la cible à tuer, vous exécutez leurs ordres et, bien entendu, vous ramenez âme et esprit au Royaume des Abîmes pour les plonger dans le fleuve. Aujourd'hui, grâce à l'intervention de l'Esprit de la Mort actuel, nous le dirons ainsi, vous n'êtes tenu qu'à un nombre précis de personnes à tuer. Vous devez donc choisir qui éliminer. ». Elle avait bien accentué sur le  choix à faire. « Pour l'exercice, nous dirons que vous devrez tuer une personne, par les armes. Néanmoins, vous aurez l'obligation d'essayer d'évaluer la puissance de l'individu que vous choisirez d'éliminer. Le Destin n'est plus fixé à l'avance. Il est incertain et il se pourrait que votre proie vous échappe. Je vous conseillerai donc de rester dans l'ombre même si vous êtes l'élément déclencheur, celui qui murmure l'idée de mort, celui qui la provoque. Une Ombre ne tue pas à proprement parler, elle se sert des éléments présents autour d'elle pour accomplir la mort. Un conflit entre les membres d'une même famille peut être exploité, un violent orage tout autant, tout dépend du contexte et de votre quota. ». Elle sourit. « Je suis navrée de vous imposer tant de théories. Cela dit, sans doute la suite vous plaira-t-elle. ». Elle fit une coure pause puis reprit. « Jusqu'à présent, votre seule tâche était celle de pousser les êtres au suicide. Si l'idée d'accompagner autrui jusqu'à son trépas perdurera toute votre semblant de vie, vous serez à présent chargé de permettre l'émergence de la vie. Vous aurez également un quota de naissances. Vous devrez insuffler la vie en plaçant une âme dans le ventre des femmes. Ce qui est cocasse avec la situation actuelle c'est que vous devenez également libre de choisir qui et, ce, sans qu'il n'y ait eu de rapports charnels au préalable... ». Elle rit brièvement. « De quoi créer quelques scandales chez les êtres aux mœurs strictes sur la question. ». Elle-même avait longtemps détesté qu'on l'approche. Se laisser émouvoir d'une quelconque façon alors qu'elle souhaitait exercer un contrôle totale sur sa propre personne était alors hors de question. Il avait fallu attendre son élévation pour qu'elle consente à se laisser aller dans les bras d'un homme : son époux, lui et personne d'autre. « Pour en revenir à cette vérité terrible dont je parlais tout à l'heure, sachez simplement que si les Ombres n'existaient pas, quand bien même les désirs d'assassinats, quand bien même les désirs d'enfantements, rien de tout cela ne serait possible. Ce ne sont pas les êtres qui décident de tuer au nom d'un Dieu ou pour de broutilles insignifiantes mais bien votre peuple qui choisit que leurs actes aboutiront ou non. Alors certes, avant la libération de vos chaînes, les Ætheri choisissaient mais, à présent, vous seuls êtes maîtres de ce fameux choix. ».

1203 mots – C'est la soirée des pavés en fait xD
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Dim 15 Mai 2016, 21:51

Si la réponse de cette Mitsuko n'en restait pas moins énigmatique, je ne voyais effectivement pas la raison - à mon niveau de compréhension en tout cas - qui la pousserait à me mentir.

- Hmm, oui, si vous aviez voulu duper une Ombre, vous n'auriez pas pris un Grand Faucheur tel que moi, mais plutôt un Passeur ou même un Gardien du Sceau. Mes pouvoirs sont très limités et mon influence bien moins encore..

Je l'écoutais toujours aussi attentivement, car cette femme était un puits de savoir. Le savoir était ce qui me manquait le plus cruellement, à l'image d'un animal élevé en captivité, domestiqué, et qu'on libérerait soudainement vers la vie sauvage, la Nature à l'état brut. Je croisais mes bras contre mon torse, réflexe inconscient et inutile de protection en façonnant un "bouclier" de mes bras, rempart de chair contre un potentiel ennemi qui me désintégrerait d'un cillement d'oeil. Elle me parlait de malheur, tant de l'avoir rencontrée elle, que d'être une Ombre. Pourtant, je ne raisonnais pas comme elle, et j'avais beau me triturer l'esprit, je n'avais pas encore toutes les pièces du puzzle pour bien assimiler la scène qui se déroulait devant moi, et dont j'étais l'acteur malgré moi.

- Pour le moment, je ne m'estime pas malheureux de vous avoir rencontré, sauf si vous comptez me réserver une mauvaise surprise par la suite. J'ai plus appris en quelques dizaines de minutes avec vous que toute ma vie et toute ma mort réunies. Quant à être une Ombre, hé bien, si je peux me permettre cette expression déplacée, je "vis" avec. Maintenant que j'ai vu l'envers du décor, je sais que l'histoire ne se serait pas terminée. Je serai un Esprit, et de ce que j'ai pu apercevoir lors de mes missions, incapable d'interagir avec le monde réel. En quelque sorte, être une Ombre est un esprit qui a un impact concret sur la réalité. Personne ou presque ne connaît notre existence, et pourtant nous faisons partie du rouage de l'Équilibre. D'une façon que les gens ne soupçonnent même pas.

Pour être utile après la mort, suicidez-vous, que nous vous maudissions et que vous fassiez les tâches les plus abjectes qui soient. Le prix à payer était incommensurable. Raison pour laquelle je voulais me battre pour que la récompense soit à la hauteur de ce sacrifice.

Le fait de ne plus sentir les pouvoirs que j'étais censé maîtriser me fit paniquer plus que de raison, mais si une entité aussi puissante que cette Mitsuko se déplaçait pour moi, et moi seul, elle n'allait sûrement pas me laisser partir aussi facilement. Et puis d'une certaine façon, voulais-je seulement partir, fuir la réalité, la vérité, laisser passer cette chance inouïe ? Non, cela aussi je devais surmonter ces appréhensions pour m'élever au dessus de ceux qui me barreraient la route à l'avenir.

Quand elle proposa de changer de sujet, pour revenir à mon rang de Grand Faucheur, je lui en fus reconnaissant. Elle avait perçu ma peur passagère - même s'il n'était guère compliqué de la voir - et avait décidé que ce sujet pouvait bien attendre.
Son aura était bien plus puissante qu'un Gardien du Sceau, j'avais croisé cette Aaliah au Conseil des Chefs, la comparaison était sans appel.

- Je pense avoir un honneur bien plus grand de vous avoir ici présente pour moi, que s'il s'agissait d'un Gardien du Sceau. Je compte bien ne pas vous décevoir, pas comme il y a quelques instants.

Elle m'expliqua les principes de base de la mission d'une Ombre, avec les changements que j'avais acceptés pour ma part une fois avoir juré allégeance à Sympan. Je trouvais le principe bien plus cohérent avec mes principes, retrouvant une Liberté que je n'avais jamais eue auparavant. Certes, je privais un autre de sa Liberté, mais depuis que j'étais mort, je devais composer avec mon état et ce à quoi j'étais destiné. Désormais, plus qu'une liste, il s'agissait d'un nombre de personnes à tuer, pour que l'Équilibre soit respecté. Je buvais ses mots et réalisait que dans le malheur permanent qui guidait mes pas, dans les tourments incessants qui polluaient mon esprit, il y avait cette chance immense de faire pencher le Destin que les plus grands n'auraient jamais.

Si ce que Mitsuko m'expliquait était la stricte vérité, je détenais, ainsi que tous mes congénères qui n'étaient pas ignorants, le pouvoir de sceller un destin, de faire pencher la balance pour tel ou tel camp, ou plus modestement l'issue d'un combat sans même avoir à me montrer.
Je souris sans m'en rendre compte à l'évocation de ces infinies possibilités. J'avais une palette d'armes qui étaient mises à disposition, dans le ciel ou sur terre, dans la main d'un vivant ou dans le poison dilué dans un verre, jusqu'à l'accident bête en passant par la trahison d'un proche, tout, absolument tout était un moyen pour qu'une ou plusieurs personnes meurent.

- Ne vous excusez pas de m'imposer ces théories comme vous dites. Je préfère être certain de bien tout comprendre, pour éviter de commettre une bévue par excès de confiance. Je ne sais pas si je devrai vous le dire, mais Passeur n'est qu'une étape, pas le but final. Je sais que je n'ai pas les connaissances ni la stature pour devenir l'Esprit de la Mort, mais Gardien du Sceau m'offrirait pour ce que je suis suffisamment de satisfaction et de liberté d'action.

Quand elle reprit la parole, je découvris une autre facette des Passeurs. Ainsi, il ne s'agissait par juste de "passer" les âmes jusque dans le fleuve des âmes, mais aussi certainement qu'il y avait opposition entre la vie et la mort, ces deux notions étaient également indissociables, et indispensables l'une à l'autre. Le Passeur donnait la vie ... il insufflait cette étincelle pour qu'elle grandisse, et accomplisse le destin qui lui était dévolu, jusqu'à ce qu'une Ombre décide de lui reprendre ce cadeau temporaire.

- J'ignorais cela .... et vous dites qu'à présent, nous pouvons le faire sans qu'il y ait acte charnel ?.. Ce serait considéré comme un miracle je suppose, il faudrait éviter que ce genre de cas ne se multiplient trop, surtout si le bébé est censé ressembler au père ou à la mère. J'étais mal placé pour parler de cela, n'ayant jamais vu à quoi ressemblaient ma mère et mon père, mais j'avais souvent entendu des phrases de ce type là quand des personnes rencontraient une mère qui venait d'accoucher. Ainsi, si je comprends bien, si nous sommes tenus au Secret durant l'existence d'un être vivant, nous maîtrisons complètement sa mise au monde, et sa mort. C'est ... extraordinaire ...

Moi qui pensais tout à l'heure aux possibilités infinies des pouvoirs de mort des Ombres, celles que la vie contrebalançait en plus dépassaient l'entendement. Si moi je pouvais avoir ce genre de réflexion, je n'étais sûrement pas le seul à pouvoir penser la même chose. Il ne fallait pas que ... non ... il ne fallait surtout pas ... Je finis par réfléchir à voix haute :

- Je vais peut-être paraître égoïste, mais toutes les Ombres ne doivent pas être au courant de ce que vous voulez me dire, ou le chaos arrivera plus vite que toutes ces guerres futiles entre vivants. Je ne suis pas un vétéran ni un meneur de troupes, mais certains abuseraient de cette connaissance et des pouvoirs qui vont avec. Dites à une nouvelle Ombre qu'elle pourra tuer qui ça lui plait, et .... je n'ose imaginer les malheurs qui s'abattront sur ce monde ...

J'étais déjà grisé par le pouvoir que l'on nous remettait entre les mains, et je m'estimais être assez neutre et détaché de bien des choses. Si ce même pouvoir était confié à des Ombres avides de pouvoir ou revanchardes, où tout cela pourrait-il nous conduire. J'avais presque envie de laisser survivre les vampires, quand j'imaginais déjà les flots de sang qui couleraient entre mes doigts. L'Équilibre était plus important que la satisfaction personnelle, et les choix devaient continuer à être avisés. Je me sentais comme investi d'une nouvelle mission.

- Même si vous n'aimez pas qu'on vous demande simplement des réponses simples, je vais quand même vous poser cette question : Dites moi ce que vous attendez de moi, je suis prêt à passer vos épreuves pour devenir Passeur, avec toutes les responsabilités que cela apportera.


1 472 mots (misère encore un pavé, désolé -.-)
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Mitsu
Mar 24 Mai 2016, 17:32

Mitsuko sourit. « Certes. ». Son regard était malicieux il y avait quelque chose qui, tout à coup, semblait briller de mille feux. « Je n'en ai nullement l'intention quoi qu'il en soit puisque j'ai déjà dupé les Ombres ; pas une, pas deux, mais toutes. ». Elle ferma les yeux quelques secondes puis, une fois ses paupières ouvertes de nouveau, toute trace d'une quelconque fantaisie disparut totalement. « Oui, vous avez gardé le privilège de conserver votre âme. Les Esprits, eux, l'ont perdue à jamais et c'est pour cette raison qu'ils ne peuvent plus interagir avec les Vivants autrement que par l'intermédiaire des Chamans. ». La jeune femme fixa un moment la forêt qui les entourait. Les Morts étaient partout, flottant ici et là. Les troncs n'étaient pas des obstacles pour eux, pas plus que la terre ou la force qui maintenait les êtres au sol. Ils pouvaient aller où ils voulaient et faire ce qu'ils souhaitaient : observer les femmes dénudées sans qu'elles ne se doutent de rien, s'immiscer dans les conversations confidentielles. Le Suprême de l'Au Delà possédait le réseau d'informateurs le plus vaste des Terres, un réseau qui ne risquait rien puisque composé d'êtres déjà morts. « Heureusement que peu connaissent l'existence des Ombres. Il ne fait aucun doute que si j'avais moi-même eu ce savoir à l'époque, j'aurai tout fait pour corrompre le système. Le secret est primordial à l'équilibre mais, au fond, je me demande si ce dernier peut être réellement rompu. ». Elle se souvenait d'une époque lointaine où un Ange avait essayé de détruire ses ennemis définitivement. « Un être bénéfique, un jour, a essayé de détruire les maléfiques de ce monde. ». Elle se rappelait de celui qui se nommait Delix. « Son plan était parfait mais, curieusement, à un moment donné, les peuples neutres ont commencé à pâtir de son système avant que cela n'atteigne également les bénéfiques. ». Il n'avait jamais été déchu car ses intentions étaient louables. « C'est pour cette raison que je pense que le fait de pouvoir rompre l’équilibre n'est qu'un mythe. C'est aussi pour cette raison que je m'efforce d'essayer d'y parvenir. ». Elle sourit. Finalement, toute son existence ne se résumait qu'à cela : semer le chaos, faire pencher la balance et admirer ce qui en résulterait. Seulement, le bien venait toujours soigner le mal, le mal venait toujours blesser le bien et, ensembles, main dans la main, ils formaient cet équilibre tant adulé. « Vous ne me décevrez pas. » fit-elle doucement sans autre explication tout en l'observant. C'était amusant de contempler ce que les révélations qu'elle lui faisait provoquaient en lui. « Si vous devenez Gardien du Sceau, vous aurez le privilège d'apprendre une partie du Requiem. C'est magnifique même si le jouer en entier signifie des sacrifices. ». A vrai dire, pour l'entendre encore et encore, elle était prête à sacrifier des milliers de vies. La musique et les chants qui étaient partie intégrante de cette composition propre aux Ombres étaient merveilleux, semblables à la lune noire recouvrant la lune blanche, semblables à la beauté de Somnium lorsqu'elle l'avait créée jadis avec le Mârid. Il y avait des choses sur ces terres pour lesquelles elle se damnerait ; et le Requiem était l'une d'elles.

« Vous seriez étonné de ce que les êtres peuvent croire lorsqu'ils sont certains de quelque chose. ». Il y avait toujours un parent dans la famille qui pourrait expliquer la blondeur des cheveux d'un enfant né de parents bruns. C'était lorsque la femme n'avait pu avoir de relations sexuelles que les événements devenaient étranges et inexpliqués. « Et puis, avec la domination des Ætheri sur notre époque, comme vous le dîtes si bien, un miracle pourrait être envisagé par l'entourage. Quand bien même ce dernier voudrait tuer la femme ayant péché par la luxure, il faudrait, là encore, l'intervention d'une Ombre pour cela. Alors je pense que oui, vous êtes maîtres du commencement et de la fin. ».

« Vous savez, il y a toujours cette question d'équilibre. Vous parlez de malheurs qui s'abattront mais, finalement, peut-être qu'ils feront ensuite place aux plus grands des bonheurs. ». Elle sourit. « C'est un choix je dirai. En admettant que l'équilibre soit immuable, alors il faut choisir entre vivre toute sa vie d'une façon monotone ou accepter les hauts et les bas. ». Elle-même avait connu la gloire bien trop souvent. Elle attendait sa sentence. « Parfois, je me demande si je n'aurai pas dû, tout simplement, représenter le chaos. » fit-elle sans autre explication. « Mais vous avez raison. Si les Ombres étaient au courant qu'elles pouvaient tuer qui elles souhaitaient, alors tout ne serait que question de vengeance, une vengeance sur la vie, orchestrée depuis les abysses de la mort. Un délice pour celui qui a la possibilité de contempler sans rien craindre. ». Elle prit une inspiration, légère, sentant comme une énergie nouvelle naître en son être. Son regard était bien plus impérieux. « Si le monde savait, il se damnerait pour être à votre place. ».

Elle se radoucit lentement, répondant à sa question sans faire de manières. « Nous commencerons par la vie. Je vous laisse parcourir les chemins afin de trouver une femme à mettre enceinte. Je ne prétends pas que cela sera facile car vous n'avez jamais accompli la tache en question. Il suffira d'accompagner l'âme jusqu'à son ventre. ». A vrai dire, Mitsuko trouvait les choses étonnantes. Le simple fait que la vie puisse exister sans qu'aucun acte biologique n'entre en jeu la surprenait. Elle-même l'avait constaté lorsqu'elle avait créé ses propres enfants mais sans doute la magie d'une Ombre était-elle suffisante. La jeune femme était presque certaine que la divinité représentant la vie l'ayant précédé avait commis là une erreur. D'un geste de la main, elle fit apparaître une petite sphère lumineuse dans sa paume ; une âme. D'un léger mouvement, elle l'a fit voleter vers Wriir. « Revenez lorsque cela sera fait. Ensuite, nous parlerons à nouveau de la raison pour laquelle nous sommes dans cette forêt en particulier. ».

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Mar 24 Mai 2016, 20:51

Cette femme était effrayante. Fascinante et effrayante. S'agissait-il d'ailleurs d'une femme, ou l'apparence qu'elle voulait bien se donner en ma présence. J'admettais intérieurement le privilège que j'avais de rencontrer pareil être, mais cette dualité d'émotions entre peur et désir était déstabilisant.

Je suivis le regard d'Edelwyn, et vit les Morts à mon tour. Ils avaient toujours été là, mais j'en arrivais à ne plus faire attention à eux, comme niant le semblant d'existence qu'ils leur restaient. Pour autant, en l'état actuel des choses, ils ne m'intéressaient pas, car ils ne m'apportaient rien et me rappelaient aussi qui j'étais, ce que j'étais.

Son côté terrifiant s'accentua un peu plus alors qu'elle révélait, presque de façon anodine, qu'elle avait dupé toute ma race, mais si ma curiosité avait été attisé au plus haut point, je savais déjà qu'elle ne l'apaiserait pas, et me laisserait sur la faim, surtout si je lui posais la question directement : j'avais bien retenu la leçon.

Je l'écoutais alors me raconter l'histoire de cet Ange qui m'était totalement inconnu, probablement dans une époque lointaine où les règles n'étaient pas si différentes d'aujourd'hui. Quand l'Équilibre était menacé, les extrêmes le rétablissaient sans même s'en rendre compte. Le Bien aidait le Mal, même le Neutre prenait parti. Cette femme devant moi, tout simplement, venait de me révéler qu'elle voulait parvenir à rompre ce qui n'avait jamais été rompu auparavant, et j'étais presque amené à croire qu'elle y arriverait, de mon regard inexpérimenté.

- Le pire dans tout cela, c'est que j'aimerai vous voir réussir, que les choses évoluent, pour le meilleur comme pour le pire. C'est aussi cela, la Liberté.

Quand j'évoquais mon but à moyen terme, elle me révéla des détails sur ce que je n'avais entendu que de nom : Le Requiem. Nous autres Grands Faucheurs, n'étions pas au fait ni informés de ces choses là, mais j'avais déjà entendu des Passeurs en parler entre eux, de façon approximative. Ce qui sortait de la bouche d'Edelwyn était plus pur, plus exalté, plus concret, car après avoir vaincu l'Esprit de la Mort, elle avait dû prendre possession de cette connaissance suprême.

- Vous me motivez d'autant plus à poursuivre mes objectifs. J'aimerai connaître même une partie de la partition du Requiem, si ce que vous en dites est si magique. En une phrase, même banale, elle avait suscité mon désir d'en savoir plus que toute une tirade sur le pouvoir de cette musique mortelle. J'en avais occulté les sacrifices, car tout cela à mes yeux n'était qu'une donnée dans une équation qui méritait d'être achevée.

Le plus rageant, et le plus délectable à la fois, était qu'elle avait les mots à chaque fois pour balayer d'un revers de la main mes craintes, pour m'en instiller d'autres. Effectivement, si un petit malheur générerait un grand bonheur, le sacrifice ne valait-il pas le coup ?... Vivre de façon monotone ? Hors de question.

- J'ai vécu toute ma vie sous la coupe de quelqu'un qui estimait ma vie comme un jouet dont il pouvait disposer. Je "vis" ma mort comme un long supplice à me tourmenter et à contempler la vie des autres quand je distille en secret une mort traîtresse. Je préfère mille fois accepter les hauts et les bas que finir l'éternité dans la monotonie que le passé m'a imposée. Vous savez, quand vous parlez de vengeance, je ne cache pas que j'y ai songé, j'y songe toujours même. Faire payer à cette sous race le mal que l'un d'eux m'a fait. Mais .... irais-je mieux si par miracle je parvenais à mes fins ?... Non, je serai bien plus rongé qu'heureux.

Je réfléchissais à voix haute, imaginant l'espace d'un instant les conséquences de mes actes. Je préférais assurément des frappes plus précises, ciblées, qu'un génocide aveugle. La mort leur serait trop douce de toute façon.

- Je garderai pour moi cet avantage que vous me donnez. Si j'ai appris qu'il fallait presque tout le temps ne compter que sur soi-même, accepter de l'aide n'était pas toujours un signe de faiblesse, mais de sagesse. Je verrai si vous me conduirez sur celle-ci, ou sur celle de la folie. Je lui adressai un sourire sans joie, un peu comme si je révélais un peu de cette folie en exposant cela. Je me garderai de la damnation de tous ces envieux, ils n'ont pas vécu ce que nous les Ombres vivons au quotidien. Tout se mérite n'est ce pas ?

Elle changea complètement de sujet, où la Mort se voyait éjectée par la vie, un domaine que je maîtrisais bien moins. Quand elle détailla l'aspect de la vie en question, j'écarquillais les yeux, car mettre enceinte une femme avec mon absence totale d'expérience en matière de sexe, je n'étais pas le meilleur candidat en la matière.

- Hmmm, je .... comment dire .... je me sens ridicule au possible là, mais je .... dois .... misère .... je rougissais à vue d'oeil, quand je trouvais une esquive qui me permettrait d'obtenir peut-être la réponse sans m'enfouir ensuite à six pieds sous terre : je dois mettre l'âme dans le ventre juste en la posant par dessus et elle rentre c'est ça ?... Si le ridicule ne tuait pas, c'est parce que la personne qui avait prononcé cela était forcément une Ombre, ce n'était pas possible autrement ...

Je me saisis ensuite de l'âme qui ressemblait à celle que j'avais déjà dû transporter quand on m'avait investi des pouvoirs de Passeur, mais j'en pris soin avec infiniment plus de précaution, car le contexte était diamétralement opposé. Je ne capturais pas la Mort, je me saisissais de la Vie. Je me transformais en brume, pour l'accueillir en mon sein, la protéger de ce voyage aussi inconnu pour elle que pour moi.

Je ne savais pas par où commencer, où aller, qui choisir, comment faire, tant d'inconnus face à l'impossibilité que je puisse la décevoir. Elle me l'avait dit avant même de me donner cette sphère, comme anticipant mes craintes enfouis : "Vous ne me décevrez pas.". Non, je ne devais pas.

Je m'éloignais d'Edelwyn avec mon précieux trésor, errant comme le fantôme que j'étais auparavant, avant de me fondre dans les ombres pour échapper à la vue de bien des curieux. Le jour déclinait déjà depuis un certain temps, et je me félicitais du bon timing car les gens commenceraient à dormir, me laissant plus de marges de manœuvre, et d'erreur aussi. J'avais beau être en Ombre, je ressentais cette même impression que quand je voyais Lhyaerae, le cœur battant à tout rompre comme le dernier des imbéciles. Je tenais la Vie en moi, la pureté incarnée entre mes mains souillées de mort et de sang.

Après ce qui me parut être des heures de recherches, je finis enfin par tomber sur un village calme et silencieux, où seules quelques torches éclairaient les carrefours des petites allées sinuant entre les maisonnées. Deux gardes étaient postées à l'entrée, mais je n'étais pas de ceux qui s'encombraient de montrer patte blanche pour entrer là où je voulais.

Je me glissais ainsi entre les murailles, observant les boules lumineuses des êtres qui se mouvaient dans leurs maisons, se pensant en sécurité, en tout intimité. La question sur qui choisir continuait de me tarauder : devais-je privilégier une famille nombreuse, où je pouvais deviner que la femme voulait et savait être mère. Au contraire, insuffler une vie nouvelle dans un couple afin de les unir un peu plus autour d'un nouveau-né ?... Qui pouvait être digne d'accueillir ce que je protégeais en cet instant, qui allait reprendre le flambeau pour protéger cette âme innocente ?

Alors je me rappelais les propos d'Edelwyn sur un tout autre sujet : le hasard. Ce hasard de tomber sur une légende, celui-là même qui lui fit découvrir un livre, et qui lui fit devenir l'Esprit de la Mort.
Alors je laissais mon instinct, fruit irrationnel du hasard me guider vers une maisonnée où je découvris un couple d'une trentaine d'années, visiblement assoupis collés l'un contre l'autre, le souffle calme et régulier.

Je sentais la substance de l'âme qui se trouvait en moi, ce parasite que j'accueillais en moi avec respect alors que je continuais d'observer dans les ombres ce couple que le hasard changerait à jamais.
J'inspirais longuement intérieurement, mimant des réflexes quand j'étais dans mon corps pour me motiver à passer à l'acte.

Tout était si différent, je ne devais pas faire peur, menacer, harceler, mais rassurer, m'appliquer, faire preuve de douceur alors que je pensais en être totalement dépourvu.
Alors qu'ils dormaient, je fis sortir l'âme qui émettait un faible halo pour la tenir dans un filet de brume, et m'approchait d'elle sur le bord du lit. L'âme n'était plus qu'à quelques centimètres de son ventre, quand je la vis péniblement ouvrir les yeux, son instinct l'alertant d'un intrus ?! Je jetais un regard vers son conjoint, et eus juste le temps de transformer ma brume en une illusion suffisamment ressemblante, et suffisamment souriante, pour qu'après un temps d'adaptation, elle finisse par se rendormir sans se poser la question de la raison pour laquelle son mari était agenouillé à côté d'elle. L'âme finit par se loger dans le ventre de la femme, et continua de briller, plus faiblement, et de manière discontinue, comme si elle calquait son aura sur les battements de cœur de son nouveau foyer.

Je restais encore quelques instants à observer ce phénomène, que mon statut d'Ombre ne me permettait pas de profiter à sa juste valeur.
Je me souvins qu'Edelwyn m'attendait dans la forêt, aussi quittais-je le foyer, puis le village, pour me téléporter à l'endroit que j'avais quitté quelques temps auparavant.

Quand je repris mon état humanoïde, je ressentis de nouveau la déprime que mon état d'Ombre m'infligeait à présent. Une douche glacée qui transperçait mon âme, une névrose contenue qui se libérait enfin de ses chaînes.
Essuyant difficilement les larmes qui coulaient de leur plein gré le long de mes joues, je regardais Edelwyn, et lui dit simplement :

- J'ai donné la vie ce soir.... sauf que mes larmes n'étaient pas de joie.

1 802 mots (*hum*)
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Mitsu
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Jeu 02 Juin 2016, 17:30

Une fois l'homme parti, la forêt redevint presque silencieuse. Il en était fini des débats, du moins, pour l'instant. Reviendrait le temps où ils discuteraient de nouveau. En attendant, Mitsuko fixa les environs. Les Esprits la regardaient, curieux. Ils savaient sans doute ce qu'elle pouvait réaliser. Elle était Edel, elle pouvait leur rendre la Vie. Pourtant, elle ne le ferait pas. Elle réfléchissait à la suite des événements, à ce qu'il saurait ou continuerait d'ignorer. La Mort pourtant devait frapper. « Une fois libre, petite souris, tu seras enchaînée à coup sûr. » murmura-t-elle doucement, comme un échos au vent de la nuit qui soufflait entre les branches des arbres. Les animaux nocturnes complétaient la symphonie offerte. Elle n'avait aucun doute sur le fait qu'il réussirait la mission qu'elle lui avait confié. Cela lui prendrait un temps certain, temps qu'elle souhaitait mettre à profit. L'arbre derrière elle était ancien. Il avait été le spectateur de bien des époques. Mitsuko ferma les yeux, les rouvrant sur un paysage semblable. Pourtant, le tronc de ce même arbre avait légèrement diminué de volume. L'orage résonnait dans la forêt comme l'annonciateur d'un funeste présage. Les éclairs zébraient le ciel, sans pitié, n'apportant qu'une lumière bien éphémère et trompeuse. L'Æther remit sa capuche, se mettant en marche. Elle rencontra une rivière qu'elle commença à longer. La pluie qui s'abattait inlassablement avait gonflé les eaux de celle-ci, menaçant la terre ferme. Il existait des boucles, des choses immuables, qui ne pouvaient être changées. Elle l'avait appris plus tôt, lorsqu'elle avait souhaité montrer à l'une de ses fidèles la guerre qui avait opposé les Humains aux Démons, laissant les premiers dans une extinction certaine. Ezechyel avait alors choisi d'épargner quelques vies, laissant une nouvelle chance à ce peuple que Ludwig aurait réussi à éradiquer totalement sans son intervention. S'il n'avait pas été là, sans doute sa propre existence serait-elle totalement différente aujourd'hui. Songeuse, elle ne tarda pas à apercevoir la silhouette d'un enfant, tenant dans ses bras des branches. Le sol était totalement détrempé, rendant toute entreprise risquée. Pourtant, Mitsuko avançait calmement, la pluie n'osant pas s'attaquer à ses vêtements. Elle arriva près de l'enfant, s'accroupissant à sa hauteur. Il pouvait la voir, il devait la voir, il l'avait vu, puisqu'elle se trouvait dans le passé. « Jiu. » murmura-t-elle doucement. Elle observa les yeux de ce dernier, vairons. L'un était bleu comme le ciel d'été, l'autre rouge comme le sang qui coulerait bientôt. « Tu m'oublieras mais sache qu'un jour, je te donnerai le choix. ». Le nom de ce dernier fut crié au loin mais la présence de la jeune femme effaçait sans difficulté toute distraction extérieure. « Ce choix ne sera pas écrit car à ce moment là, le cycle entier sera soumis au hasard. Malgré la volonté du Destin brisé de te faire choisir la gauche, j'espère que tu choisiras la droite. La vengeance n'en est pas une lorsque la justice s'en mêle. ». Elle se redressa, la femme qui le cherchait se rapprochant inéluctablement. A vrai dire, Drejtësi se demandait parfois si elle était réellement la Déesse de cette Justice tant quémandée. N'était-elle pas, en réalité, qu'une âme vengeresse qui se servait de ses fonctions pour effacer toutes les traces de cette vengeance ? Elle n'en avait aucune idée et, de toute façon, puisque, à présent, aucun Æther n'était plus présent pour la rappeler à l'ordre, elle faisait bien ce qu'elle souhaitait. Elle s'éclipsa comme un mirage avant qu'Arlya n'apparaisse.

De nouveau près de son arbre, Mitsuko attendit Wriir. Il ne tarda pas à arriver, les émotions de son statut d'Ombre le rattrapant bien rapidement. Elle sourit. « Et vous la donnerez encore, peut-être même, un jour, d'une manière que vous n'aurez jamais pu imaginer. ». Le mystère lui convenait bien. Elle changea une nouvelle fois de sujet comme si de rien n'était. « Suivez-moi. » lui dit-elle en se mettant en route. La nuit était toujours présente, noire, parfois éclairée par la lune lorsque les feuillages lui donnaient la possibilité d'arriver jusqu'à la terre ferme. « Il y a longtemps de cela, j'ai fait un pacte avec un Æther. Le prix a payé pour obtenir ce que je souhaitais était d'oublier un homme, un homme exceptionnel que je pensais alors aimer. ». Disait-elle cela car il s'avérait à présent que ce soit faux ou parce qu'elle avait à présent la certitude de l'aimer véritablement ? « Je pensais au moment de conclure ce pacte que je trouverai une façon de rejoindre cet homme un jour, que, même si la mémoire me ferait défaut, il saurait me retrouver et me garder près de lui. Je pensais qu'il se battrait pour pouvoir contempler mes yeux encore chaque jour de la même façon que je me perdais dans l'océan des siens. ». Elle marqua une pause, un rire bref s'échappant de ses lèvres. « Mais le Destin ne souhaitait pas nous unir. C'est après avoir oublié cet homme que j'ai consenti à épouser mon mari. Jamais mon prince des rêves ne chercha à m'enlever à lui. Il me rendit simplement visite la nuit suivant mes noces, ne me dévoilant pas son identité, restant simplement à mes côtés pour contempler la lune à son zénith se refléter sur l'Océan. ». Elle sourit, s'arrêtant à un embranchement. Deux chemins s'imposaient à eux. « Lorsque la mémoire est traître, nous faisons parfois des choix qui ne seraient probablement jamais arrivés en d'autres circonstances peut-on penser. Néanmoins, fut un temps où le Destin était tout tracé. Les individus naissants signaient déjà pour la date de leur décès. Le Destin aujourd'hui est brisé puisque seules les Ombres choisissent qui elles souhaitent tuer. ». Elle laissa le silence s'installer avant de lui préciser. « Vous allez utiliser les dons d'Ezechyel à présent afin d'ôter la vie  d'un ou plusieurs individus. Un choix s'impose néanmoins à vous : le chemin de droite ou le chemin de gauche. ». Des Vampires à droite, de ceux qu'ils avaient pu rencontrer dans ses noirs instants. Un village à gauche, abritant de ceux qui l'avaient accueilli jadis. La Mort frapperait, à lui de décider où.

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J'ai pris quelques libertés :o Si ça te dérange (ou si j'ai fait du hors sujet – ce qui est possible XD), j'éditerai =)
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Lun 27 Juin 2016, 18:35

Même si tout ceci que quelques secondes entre le moment où je quittais le village pour rejoindre le cocon boisé où Mitsuko m'attendait, je mis un certain temps avant de m'acclimater au changement. Depuis que l'alliance auprès de Sympan avait été conclu, j'étais beaucoup plus sensible aux humeurs, aux sentiments lors de mes transformations. J'en finissais presque par abhorrer ce passage en tant qu'Ombre, ne voulant que profiter des joies et peines de l'état presque vivant que mon corps détenait à présent.

Pour autant, je ne pouvais ignorer ce que j'étais, et les contraintes qui y étaient attachées. Cette partie là ne pouvait être dissociée, et ce même si je pouvais l'écarter pendant des jours et des semaines durant.

D'un revers presque rageur de l'avant bras, j'essuyais ces larmes de détresse, ne voulant pas laisser un témoignage supplémentaire de ma faiblesse face à celle qui m'était supérieure en tout. Toute ma vie d'esclave, je retenais ces cris de douleur, de rage, de haine, attendant la solitude et l'oubli pour les déverser à mes seules oreilles. Je ne voulais pas offrir ce plaisir à mon geôlier. Bien des fois je n'avais su résister, mais chaque jour sans lui donner ce plaisir malsain était une victoire personnelle.

J'entendis aussi lointaine fut-elle la voix désormais familière de Mitsuko, répondant au fait que je venais d'énoncer. Je ne compris pas ses propos - une fois n'était pas coutume - et si elle ne me laissa pas le temps de m'y intéresser, je n'avais pas non plus l'envie immédiate de m'y pencher. Cette expérience unique avait été noircie par les tourments que je vivais, aussi donner la vie d'une manière que je saurai imaginer était en cet instant au delà de mes compétences.

Reniflant une ultime fois, ramenant mes cheveux déjà ébouriffés en arrière, je la suivis sans un mot, et fut heureux de l'entendre me raconter un pan de son passé. Je n'étais guère d'humeur à entretenir une conversation intéressante, et l'écouter avait toujours quelque chose d'hypnotisant. Une impression qui me faisait croire que la chose la plus anodine pouvait revêtir une importance capitale, pour peu que je sois en mesure de la comprendre.

L'histoire qu'elle me contait semblait assez personnelle, d'un temps reculé, et à l'issue malheureuse. Une histoire d'amour impossible, bradée peut-être pour quelque chose d'autre et qui faisait d'elle ce qu'elle était à présent. Son rire n'était pas sincère, du moins était-ce l'impression qu'il me donnait. Une sorte d'amère réalité qui se dévoilait à elle alors qu'elle prononçait à voix haute ce pan d'existence. Je n'osai pas l'interrompre, préférant attendre la fin de l'histoire pour me permettre de donner mon ressenti.

- Peut-être que lui aussi a eu la mémoire effacée, à tout le moins suffisamment pour oublier à quel point il vous aimait ? Enfin, je dois bien être le dernier à pouvoir donner des conseils sur ce domaine là en particulier. Je ne sais moi-même pas quoi faire sur ce qui m'arrive avec Lh.... elle - je ne sus pourquoi je cachais son nom, alors que Mitsuko devait probablement le savoir si elle voulait seulement s'y intéresser - mais j'espère que vous n'y avez pas perdu au change. Je veux dire votre pacte, et votre mari, contre cet amour.


Je doutais qu'elle me réponde mais je ne pouvais pas tout le temps empêcher ma curiosité de s'exprimer. Après une marche difficile à quantifier, nous nous arrêtâmes devant une intersection. Choix anodin, ou métaphore de ce que les événements décideraient pour moi, Mitsuko mit rapidement fin à cette incertitude en m'indiquant ce qui se trouvait au bout de chacun de ces embranchements. Je pris le temps de décortiquer chacun de ses mots, car j'y entrevoyais plus de sens qu'ils ne voulaient laisser paraître. Je devais "simplement" les remettre dans le bon ordre et comprendre cette énigme déguisée.

Après la Vie, la Mort. Après la construction, la destruction. Avant cette épreuve, je n'avais connu que la cruelle réalité du trépas, celle que je donnais à mon bon vouloir, sans que la cible ne puisse rien y changer. Avoir transporté cette âme en mon sein vers le ventre de cette demoiselle m'avait donné une dimension plus louable de mon statut d'Ombre. A présent, Mitsuko me rappelait le cruel revers de médaille, celui qui définissait l'aspect même de la Vie : sa finalité inéluctable.

J'alternais mon regard vers ces deux chemins, aux deux objectifs diamétralement antinomiques. Je glissais ensuite un regard vers celle qui m'accompagnait, et ne put déceler aucun indice sur ce qui semblait être le meilleur choix. Y'avait-il seulement un bon choix ?

Je fléchissais mes jambes, me retrouvant accroupi sans que mes genoux ne touchent pour autant le sol. Sans comprendre pourquoi, je réfléchissais mieux ainsi, alors que j'analysais ce que mon choix allait impliquer. Je pensais à voix haute, altérant le fait qu'elle puisse m'entendre et me juger.

- Dans l'absolu, ce choix est trop facile à faire. On me demande de choisir de tuer mes pires ennemis ou ceux ayant fait preuve de compassion à mon égard. Où est le piège dans tout cela.... Je sais qu'il s'agit d'un test, d'une épreuve, mais quelles en sont les règles.

Je me frottais le front, me massant le crâne comme pour mieux trouver la solution miracle. Je ne tenais pas non plus à l'impatienter si ma décision devenait trop longue à prendre.

- Si je dois résumer ce que vous me demandez, c'est de choisir entre la neutralité absolue des Ombres, et ce qui fait de moi ce que j'étais et ce que je suis à présent. La froide indifférence au détriment de ma personnalité.

Je me remis de nouveau à réfléchir et pour une raison étrange, je me remémorai une réflexion que je m'étais faite lors des longues introspections solitaires au Temple. Je me mis à l'énoncer à Mitsuko.

- Je connais une histoire qui va vous sembler peut-être étrange, mais qui me paraît approprié en cet instant. C'est la Vie qui rencontre la Mort, et la première demande à la seconde : "Mort, pourquoi tout le monde te hait, alors que tout le monde m'aime ?" Alors la Mort lui répondit d'un ton presque atone : "C'est très simple Vie : tout le monde t'aime car tu es un charmant mensonge, alors que je suis une froide vérité".

Je me relevais ensuite, car mon choix était fait.

- Je n'ai pas juré allégeance à Sympan pour continuer à être un mouton qui suit aveuglément le troupeau des convenances. Non, tant pis si ce choix ne me permet pas d'être Passeur, mais je n'aurai plus jamais honte de ce que je suis.  Je fis un pas, puis un autre, et un autre encore sur le chemin de droite, jusqu'à atteindre le groupe de Vampires, qui ne semblaient pas apercevoir ma présence. Je me concentrais sur l'un d'eux, qui finit par tomber net, raide mort, et recommençais encore, et encore, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un, effrayé et effaré par ce qu'il venait de se produire. Je décidai de le laisser en vie, sans lui donner la moindre explication et retournai voir Mitsuko.

- La Mort pour la Mort n'est pas la chose la plus utile à faire. Faire prendre conscience à son ennemi qu'elle peut surgir à tout moment rend la chose bien plus intéressante. La vengeance peut revêtir bien des formes, de la plus sanglante à la plus subtile.

Je finis par conclure mes propos par cette question qui me brûlait à présent les lèvres :

- Alors, quel sort allez-vous me réserver à présent ?

1 340 mots.
[HRP] Pas de souci, je trouve ça encore mieux que tu fasses référence à mon passé, je m'en servirai pour la suite de mes épîtres o/. [/HRP]
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Mitsu
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Mitsu
Mer 29 Juin 2016, 01:00

Mitsuko sourit lentement tout en regardant Wriir, d'un sourire qui semblait appartenir à une femme qui avait bien trop vécu. « Pour tout vous avouer... ». C'était très rare qu'elle murmure pareille chose. « … je n'en ai aucune idée. ». Avait-elle perdu au change ? Souffrait-elle d'avoir tronqué le merveilleux contre la rudesse ? D'avoir échangé le rêve contre la réalité ? A force de trop jouer avec ses sentiments, peut-être avait-elle finis par se perdre dans ce qu'elle croyait être mais qui n'était pas. Les hommes qu'elle avait aimé étaient si peu nombreux, si tant est qu'elle ait un jour aimé. « Quant à elle... ». Elle marqua une pause puis rit brièvement. « Non rien. ».

Une fois qu'ils furent arrivés à l'intersection et qu'elle lui eut révélé ce qu'il en était au juste, elle attendit qu'il prenne sa décision. L'histoire qu'il lui conta lui plu instantanément. Il était rare qu'un individu puisse l'étonner de ses connaissances mais, à cet instant, ces quelques phrases étaient d'une justesse parfaite. Le moment était bien choisi pour chuchoter pareille vérité. Peut-être était-ce ici toute la beauté de la chose ? La finalité d'une existence qu'ils avaient partagé, Jun et elle. Elle resta silencieuse, son sourire néanmoins plus franc. Il avait de la suite dans les idées, il lui plaisait ; ce qui n'était pas forcément une bonne chose. Ceux qui gagnaient son attention étaient souvent les premiers à trépasser ou à sombrer dans la folie la plus profonde. Son sourire s'agrandit lorsqu'il lui révéla sa décision. Elle le laissa partir. Quelques mèches de ses cheveux caressaient doucement ses joues, se laissant bercer par le vent. Son visage était comme métamorphosé. Elle ressemblait à une guerrière qui avait remporter une bataille, fière, imperturbable. Il ne pouvait pas la voir mais il aurait été aisé de croire qu'elle avait conquis le Monde ce soir.

Levant les yeux vers le ciel, elle contempla les étoiles à travers les feuillages. Le plus difficile pour elle était de ne point essayer de visionner quel serait le futur. Elle ne le souhaitait pas mais la tentation était grande, comme une douce amie qui ne cesse de poignarder dans le dos mais à laquelle il est obligatoire de pardonner. La vengeance, rien au monde était plus douce que celle-ci. Elle sourit de nouveau à son retour, écoutant sa voix à la manière dont elle aurait écouté un chanteur de talent. Il y avait des choses qu'elle aimait, des choses simples. « Voulez-vous connaître l'histoire de la Vie et de la Mort ? ». La question était rhétorique. « Un jour, une femme cruelle régna sur le Monde. Prévoyant sa propre mort, elle décida de la déjouer et de se réincarner dans le corps de l'une de ses descendantes des ères plus tard, chose qui ne se passa pas comme elle le souhaitait mais peu importe. Pour savoir quelle serait la femme digne de la faire renaître, elle fit en sorte qu'un Esprit partage l'Âme de toutes celles qui lui succéderaient, jusqu'à ce qu'il trouve l'élue. Cet Esprit la trouva et, à l'intérieur d'elle, lui, bénéfique, contrebalançait la noirceur de son être. Seulement, il en tomba amoureux. Quand elle mourut pour se réincarner en Vampire, lui se réincarna en Ange et, enfin, il eut son propre corps. Il chercha à la retrouver, à lui prouver ses sentiments mais rien n'y fit, elle se refusa toujours à lui, le narguant sans cesse. S'élevant en tant qu'Æther alors que le désespoir de l'homme se transformait en haine féroce, elle se maria et lui prit la décision de l'éliminer pour se venger. Seulement, seul le Dieu Suprême aurait pu vaincre une Déesse. Il s'essaya et échoua, écopant d'années de souffrance dans un Monde horrible. Quand il revint à lui, la sagesse l'avait emporté. De ce fait, il put devenir Dieu à son tour, incarnant cette autre facette, la complémentarité de la Vie qu'il avait cherché à détruite. Il devint l'Æther de la Mort. ». Elle fit une pause. « Votre histoire est juste. La Vie est un charmant mensonge et la Mort est la froide vérité. La Vie est celle qui manipule dans l'ombre, la Mort est celle qui dévoile ce qui est à la lumière. La Vie cache, la Mort subit. Car, après tout, peut-être que, depuis le début, la Vie aimait la Mort et qu'elle le lui a caché simplement dans l'objectif de créer un génocide et de voir le Monde en flammes de son seul fait. ». Elle rit brièvement. « Si j'avais un conseil à vous donner, ce serait celui de craindre beaucoup plus la Vie que la Mort, quand bien même la Mort semble plus terrible et douloureuse. ».

Elle se déplaça lentement faisant un petit geste de la main pour récolter les Âmes des défunts qui vinrent à elle, petites sphères lumineuses ne demandant qu'à être réutilisées sur autrui. « A vrai dire... avant que vous ne deveniez Passeur, j'aurai une dernière mission pour vous. Vous pouvez néanmoins refuser, surtout que je ne vous donnerai pas beaucoup d'éléments de compréhension et que cette dernière ferait pâlir la Déesse de la Justice elle-même selon certaines conceptions. ». Ironie qu'elle en soit à l'origine. « Dans le Phare Abandonné se trouvent des corps de Ridere que j'ai entreposé là après leur mort. Ils n'ont plus d'Âme et, de ce fait, plus d'Esprit. J'ai besoin que vous placiez les Âmes que vous venez de prendre dans ces corps une fois ces dernières nettoyées des Esprits Vampiriques. Les Esprits Parasites présents dans le Phare se feront une joie de les habiter ensuite, mais vous serez déjà parti. Sachez que cela me concerne personnellement et c'est pour cette raison que vous avez le choix. Simplement, si vous décidez d'y aller, faites très attention aux Esprits Parasites. Les Chamans essayent de les dompter mais ils ont tôt fait de s'infiltrer dans les Âmes pour en écraser l'Esprit d'origine afin d'en prendre la place ; quoi que, vu votre condition d'Ombre, je suppose qu'ils ne voudront pas connaître votre calvaire. ». Mitsuko n'avait aucune idée de ce que serait l'avenir mais dans le cas où elle perdrait la guerre qu'elle menait, il lui faudrait de quoi se sortir de n'importe quelle situation. Les Ridere pouvaient aller sur le continent des glaces sans soucis mais, fidèles à Sympan, ils n'accepteraient jamais de la servir. Cependant, des Esprits Parasites dans le corps de Ridere seraient plus aisés à convaincre.

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Mer 29 Juin 2016, 20:31

- Oh .... fut le seul mot qui put dans un premier temps sortir de ma bouche alors qu'elle me révélait dans un ton qui flirtait avec la sincérité, qu'elle ne savait pas si elle avait gagné au change du pacte passé avec un Æther. Outre l'aveu personnel de cette déception, celui d'être plongée dans l'ignorance me surprenait tout autant.

- Je pense que ce qui nous touche directement et intensément, ne nous permet pas d'avoir le recul nécessaire pour juger si ce fut une bonne chose ou pas. J'espère qu'un jour, vous saurez que ce fut le cas.

Je ne m'étais pas trompé sur l'étendue de ses connaissances à propos de Lhyaerae, mais son rire ne provoqua pas du tout la même émotion chez moi, bien au contraire. Je fronçais les sourcils, n'appréciant pas qu'elle puisse s'amuser de ce sujet cher à mes yeux. Je savais pour autant quelle était ma place actuellement et ne comptait pas lui donner le plaisir de lui en demander plus, car je savais que j'aurai eu une fin de non-recevoir. Ne jamais oublier de me méfier de cette femme, l'apparence qu'elle avait prise n'était pas une coïncidence hasardeuse.

Je les tuais un à un, aussi facilement que je marchais, respirais, regardais devant moi. Je n'en tirai aucune réelle satisfaction si ce n'est celle que plusieurs de ces engeances n'accompliraient leurs méfaits contre autrui. Je n'étais pas dupe, il y avait pire ailleurs, quel que soit la race d'ailleurs, mais décider de la vie et de la mort avait sans conteste quelque chose de grisant, que l'allégeance auprès de Sympan me permettait de profiter. Je savais également que l'Équilibre ne saurait être rompu, et que de nouvelles âmes allaient se loger dans ce qui allait devenir de nouveaux vampires.

Plus important encore, ce simple embranchement, cette petite déviation entre la droite et la gauche m'avait fait prendre conscience de la voie que je voulais emprunter. La vengeance m'habitait, j'exécrais l'injustice que j'avais subie sans avoir été coupable de quoi que ce soit. A portée de mes doigts se nichait le pouvoir qui me permettrait d'étancher ce revers, cette déchéance qui a fait ce que je suis aujourd'hui. Tirer le meilleur du pire et continuer d'avancer envers et contre tout. Les obstacles ne rendaient que la chose meilleure.

Mitsuko me raconta alors l'histoire de la Vie et de la Mort. Une fois n'était pas coutume, j'écoutais ses paroles envoûtantes sans l'interrompre, tentant d'assimiler autant que possible la portée de ce qu'elle me disait. Je devais bien le reconnaître, cette histoire me laissa perplexe, pas tant dans sa véracité que dans ma faculté de compréhension. Comment devenir Vie et Mort, alors que la Vie et la Mort existait déjà ?... Était-ce une métaphore, un message plus personnel dont je devais trouver l'essence pour me guider ?... Je regrettais mon manque de culture sur le folklore de ces terres, ses us et coutumes, cette richesse culturelle et religieuse qui m'avait été enlevée dès le plus jeune âge.

Le passé était révolu, il avait forgé ce que j'étais à présent, et mon regard était tourné vers le futur, un avenir plus enviable où je ne serai plus à la botte du premier venu. Le conseil qu'elle me donna m'arracha un fin sourire, alors que j'opinais en même temps.

- La Vie est plus dangereuse que la Mort assurément. De la même manière que le voyage n'est intéressant que si le chemin pour parvenir à la destination finale est digne d'intérêt. Dans un monde où presque tout est possible grâce à la magie, tout serait si ennuyant s'il suffisait de claquer des doigts pour voir tous nos vœux s'exaucer. Depuis que je suis Ombre, depuis que les tourments font partie de mon quotidien, je savoure bien plus les plaisirs simples que ceux qui ont toujours tout eu à disposition. J'en tirerai avantage un jour ou l'autre, j'en suis persuadé.

D'un geste gracile, Mitsuko amena les âmes que j'avais négligées, et bien qu'elles provenaient des vampires, je n'aurai pas dû les laisser ainsi sans protection. Je m'attendais à une légitime réflexion de sa part, mais ce fut au contraire une requête qu'elle me fit, des plus étonnantes de surcroît.

- Si je comprends bien, vous voulez que je mette ces âmes, après les avoir plongées dans le Fleuve des Âmes dans des corps morts. Ces créatures en particulier ?

Tout en affichant un air perplexe, je ne connaissais pas grand chose de cette race, si ce n'est ce qui s'en disait entre Ombres. Il s'agirait des premières créatures de Sympan, et seraient majoritairement basées dans un Continent où la magie n'avait pas asile. En soi, les Ombres avaient pris le parti de Sympan, la logique était respectée, mais pourquoi les insérer dans des cadavres, et surtout, dans le phare abandonné où les Esprits parasites pullulaient ?

Je me grattais le cuir chevelu, ne trouvant pas la logique de la demande, ni le rapport avec mon passage comme Passeur. Serait-ce un aveu de stupidité de lui demander de me réexpliquer ? Probablement. A ma décharge, elle m'avait bien précisé que je disposerai de peu d'éléments. C'était le moins qu'on puisse dire.
Il y avait forcément des éléments qui m'échappaient, mais j'avais en face de moi l'Esprit de la Mort, qui me demandait quelque chose. Si le test était de refuser, alors j'échouerai, tandis que j'opinais en tendant la main vers les âmes qui avaient distrait la dame peu de temps auparavant.

Une à une, je les intégrais dans mon corps, jusqu'à tous les sentir en moi. La première étape serait assez aisée, les plonger dans le Fleuve des Âmes avant de les récupérer passerait inaperçu. S'il y avait des Passeurs à ce moment-là, le simple fait que je sois là justifiait ma légitimité. On ne pénétrait pas dans cet endroit sacré impunément.

Je jetais un dernier regard vers Mitsuko qui patientait sagement, le visage indéchiffrable comme à son habitude.

- Je reviens lorsque ce sera terminé.

Je me téléportais devant l'entrée menant vers le Fleuve, et empruntait le chemin désormais connu jusqu'à son lit. J'y plongeais une à une les âmes, leur enlevant la souillure des Esprits qui les habitaient, pour les récupérer un peu plus loin en aval du cours d'eau.
Durant ce laps de temps, je me préparais mentalement à devoir affronter ces Esprits parasites. Alors que je venais de me donner la mort, des problèmes étaient apparus avec ces Esprits, et quand je pus enfin quitter Éthernoir, le problème avait été canalisé. On m'avait alors expliqué la dangerosité de ces Esprits, invisibles au commun des mortels, capables d'annihiler l'Esprit hôte pour s'emparer du corps de celui-ci, sans que personne ne puisse s'en apercevoir. Aussi le plus charitable devenait un meurtrier sanguinaire, le généreux le pire escroc, sans qu'il n'y ait de séquelles physiques ou d'explications rationnelles à ce bouleversement.

Une fois toutes les âmes à nouveau logées en moi, je me mis en route vers le phare abandonné. La voie des ombres était rapide heureusement, même si bien moins que la téléportation. Je devais me rendre au moins une fois à un endroit avant de m'y téléporter, aussi mis-je plus de temps avant de voir se dessiner les contours de ce phare bravant la rudesse océane. L'atmosphère y était pesante, et même pour un être qui ne voyait pas les Esprits, rien ne donnait envie d'aller plus en avant, et moi-même n'y serait pas allé de mon plein gré si je n'avais eu cette mission confiée.

Je pénétrais dans le hall circulaire de la bâtisse, où le vent s'engouffrait en sifflant d'un air inquiétant, laissant les toiles d'araignées s'attacher aux cheveux telles des caresses fantomatiques. Trouver les corps des Ridere ne fut pas une mince affaire, car contrairement aux vivants, je ne pouvais pas les localiser avec la boule lumineuse de leurs âmes, dès lors qu'elles en étaient dépourvues depuis un certain temps. Je dus monter au sommet du phare et briser ce qui m'avait semblé être un faux mur pour trouver les dépouilles que Mitsuko m'avait parlé.

Alors que je me penchais vers ces dernières, je sentis comme un violent coup de poing s'abattre sur moi, ou plutôt en moi. Il n'y avait rien de physique, plutôt une lutte entre deux consciences silencieuses où seul le plus fort vaincrait.
En temps normal, la surprise m'aurait gagné et mon adversaire aurait pu profiter de ces quelques secondes précieuses pour asseoir un peu plus son emprise, mais je connaissais mon ennemi, et je n'étais pas dépourvu d'armes pour me défendre. Non seulement j'étais immunisé aux attaques mentales, mais je craignais que plusieurs Esprits Parasites me prennent pour cible jusqu'à ce que l'épuisement, toute Ombre que j'étais, finisse par me gagner. Je n'avais ni le temps, ni l'envie de cette joute psychique aussi compartimentais-je mon Esprit pour laisser la place à l'Esprit dans mon univers mental. Celui d'une Ombre, de son quotidien, de sa tâche et de son fardeau, le laissant s'engluer dans mes névroses et mes tourments incessants. Au fil du temps, je finissais par m'y habituer, l'Esprit découvrait toute l'horreur de ma condition, et ce fut une lutte contre lui-même pour sortir de moi que je ne lui accordais pas de suite.

- Savoure, savoure ce que tu pensais acquérir. En veux-tu encore, tu n'es qu'aux prémices de mon calvaire.

Libérant enfin l'Esprit hurlant de terreur, il fut l'exemple à suivre pour les autres de ne pas tenter l'expérience. Je m'adressais à eux pour les contenter.

- Je vous livre ces âmes, et ces corps, et ne ferai rien pour vous empêcher d'en disposer. N'oubliez cependant pas qui vous a fait ce cadeau, et de la dette que vous avez contre moi. Ne l'oubliez pas, car ce que je donne, je peux le reprendre. Je me prénomme Wriir.

Insérer les âmes dans un cadavre était une expérience bien moins agréable que celle donnée plus tôt au domicile du couple qui ne tarderait pas à être trois. Il y avait une sorte d'acte contre nature que je n'appréciais pas, mais nécessité fait force de loi.

Une fois toutes les âmes placées, j'écartais les bras pour signifier que je laissais le champ libre aux Esprits Parasites, et me téléportai dans la forêt où Mitsuko.

- Je ne sais pas le but de ce que vous m'avez demandé de faire, mais considérez qu'une dizaine de Ridere sont à présent investis par des Esprits Parasites. Apparemment, je n'étais pas à leur goût oui ... On souhaite rarement échanger sa condition, même d'Esprit, pour celle d'une Ombre.

J'haussais les épaules, un peu indifférent. J'avais fini par accepter ce que j'étais, ce qu'il m'était possible de faire et ce que je pourrai accomplir une fois mon évolution complète.
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