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 La pièce sans fenêtre [Welv'nyr]

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Sam 05 Sep 2015, 23:54

Callidora se demandait toujours de quelle manière elle avait pu atterrir dans ces lieux maudits. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle avait quitté le manoir Taiji quelques jours plus tôt, qu'elle avait combattu de fichus monstres en compagnie de Zane et qu'elle arpentait à présent un sol tout aussi inhospitalier qu'auparavant. La seule différence résidait dans le fait qu'un marécage remplaçait désormais les crevasses et la terre couleur de bronze. Elle ne parvenait pas à croire qu'un endroit si hideux et qui habitait tant de monstrueuses créatures puisse exister. Elle aurait dû se douter pour que chaque merveille qui voyait le jour, comme une jumelle indésirable, une horreur naissait à son tour. Malgré toute la beauté qui émerveillait les yeux des aventuriers de ces terres, la cruauté du monde paraissait dépourvue de limites.

Elle jeta un regard à Syveth qui marchait derrière elle. Voilà deux jours qu'ils n'avaient pas rencontré d'embûche particulière et elle devait avouer que ce repos lui faisait le plus grand bien. La blessure de son ventre cicatrisait et ne présentait aucune infection, ce qui l'étonnait énormément. Dans un environnement aussi putride, comment pouvait-elle guérir sans accroc ? Elle n'osait y croire, mais la chance semblait de son côté cette fois-ci et elle priait pour retrouver des chemins plus agréables le plus rapidement possible. Le danger l'attirait étrangement, mais elle préférait tout de même le calme des soirées dans sa maison ou d'une sieste au bord d'une rivière. Elle appréciait les aventures risquées à petite dose ou en excellente compagnie. Et elle ne pouvait pas dire que Syveth soit d'une humeur délicieuse. Il gardait le silence la plupart du temps et se contentait de la prévenir lorsqu'il remarquait quelque chose de suspect.

Elle ne remarqua pas tout de suite le bâtiment dont ils approchaient. Depuis quelque temps, elle semblait perdre des instants de réalité, et comme si elle se réveillait brusquement, elle sursautait, écarquillait les yeux et se rendait compte de ce qui se passait autour d'elle. Elle ignorait à vrai dire vers quels rivages s'égarait sa conscience dans de tels moments et puisque rien ni personne ne l'interrompait, il lui arrivait d'être étonnée en revenant à elle-même. La confusion de son esprit commençait à l'agacer, d'autant qu'elle ne savait pas d'où celle-ci provenait. Elle avait l'impression de se perdre dans les méandres de l'imagination et du rêve, et cette sensation fugace allait finir par la rendre folle si elle n'y trouvait pas une explication.

Elle leva les yeux vers le manoir délabré. L'immense masse noire se détachait étrangement du couvert végétal mais elle ne semblait absolument pas plus accueillante. De l'extérieur, elle s'étalait sur deux étages de planches noires. Elle s'approcha légèrement, se demandant si par hasard elle pouvait espérer passer la nuit dans cet endroit sordide. Avec un peu de chance, peut-être y avait-il un matelas digne de ce nom qui traînait quelque part. Elle se réjouissait d'avoir trouvé un toit pour les abriter, pressentant un orage. Les vitres brisées ne lui inspiraient cependant pas la moindre confiance. Ces derniers temps, elle développait une certaine prudence qu'elle savait nécessaire, surtout dans cette région hostile. Elle se tourna vers Syveth, le regard déterminé. « Je vais explorer l'intérieur. Si quoi que ce soit approche, rejoins-moi et nous le combattrons ensemble. Ne joue pas les héros. » Elle s'avança sur la terrasse qui précédait l'habitation. Des morceaux de bois pourris trônaient par-ci par-là mais tout semblait abandonné. Aucun bruit ne troublait le silence, excepté le bruissement des rares feuilles qui survivaient dans les branches grises.

Elle poussa la porte de la maison déjà entrouverte. Celle-ci émit un grincement sinistre qui résonna dans les airs. Elle regarda Syveth par-dessus son épaule. Fidèle à ses habitudes, il se postait devant l'entrée avec une attitude impassible, les bras croisés sur sa poitrine, les sens à l'affût. Sans se préoccuper davantage de lui, elle pénétra dans la curieuse demeure avec la ferme intention d'y trouver quelque chose d'intéressant, que ce soit pour dormir ici, récupérer des vivres ou encore découvrir un indice sur la manière dont elle pourrait sortir de ces lieux monstrueux. Elle s'aventura dans le couloir. Quelques tableaux sales accrochés aux murs gardaient l'endroit. Elle ne prit pas le temps d'observer les toiles, se dirigeant vers la droite où elle apercevait un escalier. Alors qu'elle approchait de celui-ci, elle aperçut une silhouette qui se tenait dans l'encadrement d'une porte. Par instinct, elle sursauta et pencha la tête sur le côté. « Qui êtes-vous ? » Sa voix se perdit dans le silence ambiant. Elle ignorait même si l'inconnu allait lui répondre. Elle remarqua simplement que des marques étranges recouvraient son visage. Que faisait-il ici ?


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Mer 23 Sep 2015, 20:36

Un grognement faible et sourd fit vibrer mes cordes vocales. L'air ne me manquait point, et pourtant cette sensation d'étouffement ne semblait pas s'éclipser, retourner de là où elle était venue. Après avoir laissé l'oxygène s'engouffrer plusieurs fois dans mes poumons, je l'expulsais en toussant à répétition, lâchant un râle de mécontentement. « Sir, vous.. vous allez bien ? ». Me redressant, m'appuyant sur les articulations de mes genoux que je sentais fragilisées par plusieurs jours de voyage, je ne lui accordais pas un seul regard, pas une unique preuve de l'attention que j'aurais pu porter à ses paroles, si ce n'est la brève et vague réponse qui franchit l'entre ouverture de mes lèvres. « Utilise tes yeux, Elewen. ». Je n'étais point d'humeur à plaisanter, et ce bandeau qu'elle gardait en permanence pour cacher son regard m’insupportai au plus haut point. Mon corps alla se bloquer contre un mur, tandis que je récupérais doucement. La surface de la pierre était glacée, recouverte d'une mousse prouvant son ancienneté, restant cependant solide et protectrice. Mes sourcils se froncèrent doucement. Aucune façade, aucune bâtisse n'assurait une sécurité complète, et je ne pouvais me complaire en ces lieux. Pourtant, la vérité approchait. Et je n'avais nullement l'intention de la laisser filer entre mes doigts comme un voile d'eau.

La Nelphénéenne tournait autour de mon corps endolori, tentant de se repérer tant bien que mal dans la tombée de la nuit. Plusieurs fois, elle chercha à quérir mon état, à s'assurer que je ne manquais de rien, sans obtenir une seule réponse de ma part. Je n'avais jamais eu besoin d'elle, et je ne redoutais point le jour où cela serait le cas, car je savais avec assurance qu'il n'existait pas. Le Destin me réservait de bien plus intéressantes choses que devoir me traîner ce boulet, ce poids, ce fardeau, pendant encore des années. Tout du moins, j'avais cessé de l'espérer. Je l'obligeais, traçant moi-même ce qui devait arriver, écrivant le propre livre de ma destinée. Je tenais ma vie entre mes mains. Et je ne la lâcherais sous aucun prétexte à quelqu'un d'autre. Qu'il était futile de se donner à un inconnu, de lui confier ce qui ne peut l'être. Je méprisais, encore et toujours. Il n'était pas l'heure de se reposer, ou de se questionner sur l'ironie que portait ce monde, ô, non. Quelque chose de bien plus fastidieux m'attendait au bout du chemin.

Les alentours du Manoir que j'avais cru apercevoir semblaient s'étirer en longueur, ne trouver aucune fin logique. Les sentiers n'en finissaient plus, s'élargissaient au fur et à mesure que nous avancions, me donnant vaguement l'impression qu'une magie était à l’œuvre en ces lieux. Je me ravisais. La fatigue me guettait bien trop pour que je me permette de faire des conclusions hâtives. Bientôt, mes membres retrouvèrent leur vigueur d'antan, et je pus me déplacer à une vitesse plus que raisonnable. Puis sa silhouette se dessina enfin, et je ne pus que m'engouffrer à l'intérieur de ce dernier, montant les escaliers, trouvant le sommeil et le repos que je méritais. Une heure passa sans que rien n'attire mon attention, puis je me redressais, afin de continuer mon exploration. Cependant, une voix vint me déranger. Elle semblait venir de dehors, de quelqu'un qui s'apprêtait à venir, comme ma propre personne, se cacher en ces lieux morbides qui n'inspiraient confiance à personne. Un bref soupir franchit l'entre ouverture de mes lèvres, tandis que je secouais mollement le corps endormi d'Elewen qui sommeillait dans un coin. M'avançant doucement, je me plaçais dans la seule issue possible, bloquant mon adversaire s'il tentait de se dérober. Et quelle ne fut pas ma surprise en la voyant s'avancer, telle une souris dans le piège qui lui avait été soigneusement préparé.

« Il est de coutume que l'on se présente, avant de quémander l'identité de quelqu'un. ». Ma voix, rauque et puissante, résonnait à l'intérieur de la pièce comme si elle avait été complètement vide, sans pour autant que je ne m'avance dans le peu de lumière que nous octroyait l'extérieur. Un coup de tonnerre s'abattit sur le sol, si violent qu'on aurait pu le croire capable de fissurer la terre sur laquelle il avait jeté son dévolu. Un sourire imperceptible arqua mes lèvres, dans le noir. « Vous feriez mieux d'entrer si vous ne voulez pas finir en charpie, désintégré par la volonté de la Nature bien capricieuse aujourd'hui. ». Faisant quelques pas en avant, je ne me dirigeais cependant point vers mon interlocutrice. Attrapant l'épaule de ma cobaye sur le divan, je la secouais une énième fois. « Elewen. ». Mon ton se fit plus sec. « Nous avons de la visite. Sois présentable. ». Elle se redressa alors doucement, remettant le bandeau qui brouillait sa vision, avant d'ouvrir la bouche. « Mais.. nous ne sommes pas chez nous, Sir. ». J'avançais encore. « Exactement.. ».
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Dim 11 Oct 2015, 12:09

L'orage dévorait le ciel d'éclairs. Malgré l'apparence sordide du manoir, Callidora ne parvenait pas à y voir autre chose qu'un refuge. Elle avait conscience qu'il s'agissait probablement d'un piège, à moins que les habitants de la demeure aient eu la brillante idée de déguerpir de ce coin infernal avant de finir déchiquetés par l'une des bestioles des environs. Quoi qu'il en soit, pour construire une maison dans un lieu pareil, il fallait être sérieusement dérangé et elle ne comptait pas s'éterniser dans les parages. Dès qu'elle se serait reposée quelques heures _ en espérant que la pluie cesse _, elle reprendrait la route pour rentrer au plus vite chez elle. Elle n'aspirait plus qu'à retrouver la sérénité des murs jaune clair et du petit jardin. Quand elle y réfléchissait, elle aurait tout donner pour se trouver le plus loin possible de l'ignoble marécage qu'elle avait parcouru. Pourtant, quelqu'un se trouvait déjà dans la masure délabrée.

La voix qui jaillit des ténèbres commença par surprendre Callidora qui recula d'un pas. Elle oubliait toujours la vieille règle qu'était la prudence, ce qui la mettait parfois dans des situations délicates. Dans un endroit aussi dangereux, son imprudence risquait de lui coûter. Heureusement pour elle, les paroles glacées qui venaient de s'élever dans les airs ne semblaient pas provenir d'un nouvel adversaire. Elle n'eut cependant pas le temps de voir de qui il s'agissait, un coup de tonnerre la faisant sursauter. Elle sentit la dague qu'elle portait en permanence glisser jusqu'à ses doigts. Après son manque évident de politesse, ne manquait plus que l'inconnu pense qu'elle cherche à le supprimer. Alors qu'il s'adressait à nouveau à elle, elle se concentra pour faire remonter l'arme jusqu'à sa cachette initiale. Acceptant l'invitation de son interlocuteur, la Rehla fit quelques pas en avant pour se mettre à l'abri et ferma à demi la porte, oubliant totalement son compagnon qui attendait dehors, surveillant le marécage.

Alors qu'elle pénétrait dans l'étrange demeure, elle orna son visage d'un sourire timide. « Excusez-moi, je ne m'attendais pas vraiment à une réponse. Je pensais la maison déserte. Mon nom est Callidora. Puis-je connaître le vôtre ?» Elle esquissa une légère révérence pour clore sa présentation, espérant rattraper le premier effet. À dire vrai, elle se sentait terriblement mal à l'aise et n'osait rien dire de plus. Il fallait pourtant qu'elle s'explique sur les raisons de sa présence. La fatigue des derniers jours lui embrouillait l'esprit. Elle passa la main sur sa cicatrice rosée. Sa plus grande joie de la semaine était d'avoir pu laver sa robe dans un ruisseau merveilleusement propre où elle avait bu allègrement. Le temps n'était pourtant pas à ce genre de considérations. « Je suis désolée de vous déranger. Puis-je vous demander l'hospitalité pour quelques heures ? Je voyage depuis des jours sans pouvoir me reposer, et dormir à l'extérieur est impossible. » S'il connaissait les environs, nul doute que l'individu serait d'accord avec elle. Cependant, elle ne parvenait pas à s'exprimer comme elle le faisait d'habitude, et tout humour s'était évanoui, impressionnée qu'elle avait été par cette voix rocailleuse qui semblait venir d'outre-tombe, quoi qu'elle possédât une certaine beauté.

Elle l'entendit s'adresser à une troisième personne dont elle ignorait jusque-là la présence. L'atmosphère sinistre du lieu lui flanquait la chair de poule, d'autant que le comportement des deux acolytes n'arrangeait en rien son appréhension. Lorsque celui qui s'était visiblement adressé à elle s'avança légèrement dans la faible lumière, elle se retint d'écarquiller les yeux. Il possédait une apparence tout à fait atypique. Jamais elle n'avait rencontré quelqu'un comme lui. D'étranges marques noires lui couvraient le visage, lui donnant l'allure morbide d'un squelette. Bien qu'il soit impressionnant, Callidora ne se sentait pas effrayée outre mesure. Des tatouages lui couvraient le cou. « Vous êtes une œuvre d'art. » Sans s'en rendre compte, elle venait de parler à voix haute d'un ton admiratif. Le rouge couvrit instantanément ses joues. Il était rare qu'elle se sente mal à l'aise en présence de quelqu'un, mais cet homme avait le don de l'intimider. Elle se sentait comme une enfant perdue dans les bois, à redouter une menace qui n'existait pas. Son imagination s'insinuait dans son esprit. « Vous vivez ici ? » Sa question se perdit dans les airs à la recherche d'une réponse. Il fallait un élément concret, quelque chose à quoi elle puisse se raccrocher. Un terrible pressentiment s'emparait d'elle à mesure qu'elle se trouvait dans la maisonnée. Personne ne pouvait vivre ici. Attendant toujours que son interlocuteur lui réponde, elle s'appuya contre un mur, soulagée de sentir la tapisserie contre son dos. Sans comprendre ce qui se passait, elle bascula en arrière, et, à sa grande surprise, elle n'atteignit jamais le sol.


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Mar 20 Oct 2015, 11:10

Je n'avais pas l'intention de rester en ces lieux pour trop longtemps. En effet, malgré la tempête qui faisait rage en dehors de la bâtisse et qui secouait mes sens, ce manoir ne m'inspirait ni confiance ni crainte. Il ne s'agissait d'une traite indifférence dont je ne me satisfaisais point, qui, sans me déranger, me rendait plus irritable qu'à la normale, provoquant une frustration dont je ne parvenais à me débarrasser. Ce serait l'histoire de plusieurs minutes avant que je ne réussisse à apaiser mes tensions et dés lors que la voix de crécelle de l'inconnue s'éleva dans les airs, je sortis de mes pensées. Accueillir une invité était loin d'être une de mes habitudes, encore plus quand je ne connaissais pas l'endroit où je désirais la faire loger. Un faible sourire imperceptible arqua mes lèvres, tandis que j'avançais, bercé dans un seul halo de lumière de l'unique fenêtre éclairant quelque peu les lieux dés lors que la foudre nous faisait l'honneur de sa présence dans le bois avoisinant. Sa révérence, bien que peu convaincante, témoignait d'une certaine éducation que je ne pouvais réfuter, et j'estimais lui devoir autant de respect qu'elle m'en devait. Ainsi, les présentations devaient être faites, en bonnes et dues formes.

Cependant, je crus bon de la laisser terminer, et s'approcher un peu plus. Il n'était pas dans mon intérêt de la faire fuir, mais l'effrayer me titillait instinctivement, me brûlait les lèvres. Fronçant les sourcils, je l'observais avec minutie, détaillant chaque trait de son visage que je pouvais distinguer dans la pénombre, dans les ténèbres. Elle me demandait l'hospitalité avec gêne, la mine déconfite et soucieuse de recevoir un refus, d'être obligée de rebrousser chemin et de se retourner sans demander son reste. Alors que je croyais tenir les rennes, savoir maîtriser la situation d'une main de fer dans un gant de velours, que j'allais entre-ouvrir les lèvres pour lui répondre, une de ses remarques me bloqua dans mon élan. Une œuvre d'art… Elle jugeait vite, se laissait emporter par son ressenti, ses émotions. Je ne l'ignorais point, je la sentais pétrie par la peur, la crainte, cette atmosphère pesante qui la paralysait de la tête aux pieds et pourtant.. Son insouciance se manifestait encore et toujours, comme si le destin s'acharnait à la pousser en avant sans qu'elle pense aux conséquences de ses actes, sans retenir ce qui traversait son esprit. Je détendis un à un mes muscles, relâchant la prise que j'imposais à mes poings. Sa spontanéité me rafraîchissait, mine de rien.

Lui tendant une main d'un geste élégant mais devenu presque mécanique au fur et à mesure des années, je l'invitais à la prendre, dans une pure gestuelle de politesse que je connaissais comme fort convenante. « Welv'nyr Ieliad, ma demoiselle. ». Je n'ajoutais rien de plus. Certains auraient sans doute proliféré quelques compliments à son égard, afin de se la mettre dans la poche, de gagner sa confiance. Néanmoins, cela n'était pas une de mes priorités. Donnant un très léger coup dans le sofa qui se trouvait à ma droite, je dépêchais la Nelphénéenne de se relever et de faire acte de présence, d'ainsi ne plus se cacher dans l'ombre. Cette dernière se releva en un accès de panique, époussetant sa robe ébène, replaçant quelques mèches de sa chevelure noire de jais avant de remettre le bandeau qui l'empêchait de voir de manière méthodique. Puis elle fit une légère révérence. « Elewen. Ravie de vous rencontrer. ». Je levais les yeux au plafond. Tant de politesses, pour au final si peu de choses. « Je vais éclairer votre lanterne. ».

Je me mis à marcher, lentement, vers le coin de la pièce ou semblait vouloir s'adosser Callidora, avant que tout ne bascule, et que je me sente voltiger à mon tour en arrière, pris de vertiges. Un coup de tonnerre retentit, et le contact froid du sol éveilla mes sens. Je me redressais d'une seule traite, sans me préoccuper de ce qui se trouvait autour de moi, le souffle court, en alerte. Nous n'étions plus dans le manoir, où tout du moins c'est la première conclusion hâtive que je me permettais de faire. Resserrant un de mes poings, je fis vibrer mes cordes vocales dans un grognement rauque, à l'attention de la jeune femme à la peau noirâtre. « Elewen. ». Un grincement retentit alors qu'une silhouette se mouvait dans mon dos, et je me retournais, dégainant la lame secrète qui se trouvait cachée dans mon gantelet, plaquant l'entité contre le mur, la fixant de mes grands yeux rouges. J'ignorais l'identité de la personne que je tenais entre mes bras, que je bloquais dans cet endroit, que je menaçais du regard, mais ce qui était sûr, c'est que sa silhouette ne correspondait pas à celle de la Nelphénéenne. Calmant mes ardeurs, je me rendis compte que mon interlocutrice d'à peine quelques secondes se trouvait à présent à quelques millimètres de ma personne, collée contre la façade et, laissant s'échapper un vague soupir, je poursuivis sur ma lancée. « Nous ne vivons pas ici, Callidora. ». Puis j'observais les alentours, d'un rapide coup d'oeil et je ne pus retenir un vague sursaut lorsque je me rendis compte que mes doigts, posés contre le mur afin d'empêcher la demoiselle de bouger, étaient teintés d'un sang que je devinais ne pas être le mien. « Et je pense qu'autant vous que moi, nous ne désirons pas nous attarder en ces lieux, et que malgré vos suppositions, nous serions bien mieux dehors sous l'orage.. ». Pas une fenêtre, pas une porte, rien. Seulement des sanglots en fond, résonnant, rebondissant contre les murs en un écho infini, et le bruit d'une respiration saccadée.
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Sam 14 Nov 2015, 18:37

La voix de l'inconnu résonna avec noblesse dans le silence de la maisonnée. La Rehla se dit qu'il correspondait parfaitement à son allure. Un murmure délicat pour une œuvre d'art splendide. Un léger sursaut la surprit lorsqu'une femme s'avança jusqu'à elle, les yeux cachés par un étrange bandeau et lui adressa une révérence tout en se présentant à elle sous le nom d'Elewen, nom qu'elle aurait probablement offert à une rose. « Refuser de voir le monde qui vous entoure aveugle aussi votre esprit. » Le ton empreint de tristesse s'était élevée sans une once d'hésitation. Parler sans réfléchir, voilà ce qui caractérisait la brune ces derniers temps. Comme une source claire et limpide, les mots jaillissaient d'eux-mêmes sans qu'elle ait à se soucier du sens des propos qu'elle tenait. Le rouge lui monta aux joues lorsqu'elle réalisa toute l'intimité d'une telle déclaration. Après tout, la jeune femme venait à peine de se présenter à elle, et il fallait qu'elle joue les prétendues voyantes aux paroles mystérieuses. Retenant l'envie de se gifler qu'elle sentait poindre, elle préféra se concentrer sur celui qui reprenait les choses en main, la tirant d'un nouveau moment de gêne. Décidément, elle accumulait les faux pas.

La vision de la brune se brouilla à l'instant où elle vit l'homme s'avancer vers elle. Craignant  un instant qu'il ne cherche à lui faire du mal, elle tenta de sortir sa dague, sans succès. Le vertige qui la saisissait l'empêchait d'esquisser le moindre geste. Une insoutenable douleur lui broyait les muscles alors que des étoiles venaient danser devant ses yeux qu'elle ferma spontanément. Le coup de tonnerre qui déchira l'air s'accompagna d'un contact plus que désagréable sur la gorge de Callidora qui venait de se décaler sur la droite dans l'espoir de rencontrer un mur solide. Celle-ci cligna des paupières et constata que le visage de Welv'nyr se trouvait à présent à quelques millimètres du sien, trop proche d'elle pour qu'elle ne le désigne pas immédiatement comme coupable de la menace. Son regard rouge semblait animé d'une colère foudroyante, aussi ne proféra-t-elle aucun son. La situation actuelle exigeait qu'elle fasse preuve de prudence. La pierre collée à son dos lui glaçait les membres. Pour la première fois depuis son arrivée en ces lieux, elle réalisa qu'elle avait terriblement froid. Des frissons courraient sur sa peau, d'autant que l'attitude de son acolyte n'avait rien de rassurant. De ce qu'elle pouvait voir, Elewen ne se trouvait plus dans les parages. Ils étaient seuls. Quel sombre tour leur jouait-on là ? La peur s'insinuait dans son esprit, paralysant sa réflexion. Ce furent les remarques de l'homme qui l'empêchèrent de s'abandonner à l'effroi.

Le sang qui tâchait les doigts de l'Alfar n'avait rien de rassurant, d'autant que les seuls bruits qui résonnaient dans le manoir ne reflétaient qu'une profonde souffrance. Aussi Callidora se décolla-t-elle du mur avec prudence, échappant à l'emprise du faux propriétaire des lieux. En temps normal, une telle proximité lui aurait fait piquer un fard, mais la peur cloisonnait ses réactions habituelles. À dire vrai, depuis son arrivée, ce n'étaient pas tant l'apparence et le comportement étranges de son interlocuteur qui l'effrayaient, mais l'atmosphère morbide qui régnait en ces lieux. La semi-obscurité dans laquelle était plongée le couloir ne lui disait rien qui vaille. Pour y rémedier, elle décida de faire apparaître deux ou trois sphères de feu. Malheureusement, l'une d'elles frôla le visage de Welv'nyr et elle l'éteignit aussitôt. Ses joues se teintèrent de rose. « Je suis navrée, j'ai quelques problèmes avec la localisation. » Ces piètres excuses ne suffiraient probablement pas à contenter son camarade, mais il devrait s'en contenter. La lumière prodiguée par le feu permit à la brune de constater l'absence d'ouverture sur l'extérieur. « Je crains qu'il n'y ait aucune issue. » Un étrange malaise s'emparait d'elle à mesure qu'elle restait immobile. Le silence entrecoupé de pleurs _ vraisemblablement ceux d'une femme _ paraissait comprimer l'air autour d'eux, suspendant le temps. La sensation que quelque chose de terrible s'était produit, et pouvait arriver à nouveau à tout moment, força la jeune femme à décoller ses pieds du sol.

Avec une extrême prudence, elle se faufila entre les sphères éclairantes, prenant garde d'être la plus discrète possible. Nul doute qu'un piège leur était tendu, et pourtant, elle s'y précipitait sans réfléchir. Avait-ils une autre solution ? Le peu de force qu'elle possédait ne suffirait pas à briser les murs, et elle doutait sérieusement que ce fût le cas pour son compagnon malgré son allure impressionnante. Par réflexe, elle fit glisser la dague finement ouvragée qu'elle portait en permanence au creux de sa main. Au moins n'était-elle pas sans défense si un ennemi surgissait. C'est alors qu'elle remarqua une porte au fond du couloir. L'unique moyen de sortir de cet endroit détestable, même si elle savait qu'il n'y avait aucune chance pour qu'ils s'en tirent aussi aisément. À pas de loup, elle s'approcha jusqu'à sentir ses doigts sur la poignée. Elle ne se souvenait pas avoir posé la main dessus et fronça les sourcils. Ne pouvant se retenir d'ouvrir, elle disparut à l'intérieur de la pièce et se retrouva dans l'obscurité complète. Une respiration saccadée résonnait entre les murs. « Quelque chose cloche. » Saisie par l'urgence de rebrousser chemin, elle se retourna pour percuter quelqu'un. Il ne lui fallut qu'une seconde pour réaliser que Welv'nyr était entré à sa suite. Une maudite seconde qui se ponctua par un claquement sec. La porte venait de se refermer. Paniquée, la Rehla enflamma l'air sans hésiter et constata avec horreur qu'ils étaient prisonniers. Si ses déplacements l'avaient réchauffée, le froid revenait l'engourdir alors qu'une goutte de sueur perlait sur son front. Les endroits hermétiquement clos lui rappelaient de terribles histoires qu'elle aurait préféré oublier pour toujours. Sans même s'en rendre compte, elle avait attrapé le bras de son camarade, cherchant un semblant de réconfort. Une silhouette aux contours imprécis se tenait devant eux, prostrée sur le sol. « Vous m'avez trouvée. » La voix sortie tout droit d'outre-tombe s'accompagnait d'une pointe de soulagement, bien vite estompée par les sanglots qui redoublèrent. Malgré toute sa bonne volonté, Callidora ne comprenait rien à ce qui se passait ici, l'esprit paralysé par la peur.


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Mer 29 Juin 2016, 19:32

Le bras de Welv'nyr s'évapora sans prévenir, comme s'il se désagrégeait entre ses doigts. Horrifiée, la brune se retourna pour le chercher du regard. « Où êtes-vous ? » Oubliant complètement la présence de la créature fantomatique, elle tenta d'apaiser les battements effrénés de son coeur qui semblait décidé à s'échapper de sa poitrine. Où était-il passé ? Un piège leur avait été manifestement tendu, et ils avaient sauté dedans à pieds joints sans se demander ce qui les attendait. Pourquoi avait-elle donc préféré fuir la pluie plutôt que de s'y unir ? Entrer dans cette bâtisse en ruines avait été une terrible erreur. Lorsque le calme revint finalement en elle, elle s'approcha du mur pour en effleurer la surface, fermement décidée à retrouver la porte. La disparition de son partenaire n'était pas pour la rassurer. De ses doigts blancs, la Rehla effleura les grossiers blocs de pierre inégalement taillés. L'humidité perlait en petites gouttes ruisselantes, et la sensation de fraîcheur qu'elle procura à ses phalanges la rasséréna.  Silencieuse, elle posa son front contre cet obstacle dressé entre elle et le monde extérieur. Comment pouvait-elle le franchir ? C'est alors qu'elle se rappela la voix déchirée qu'elle avait entendu quelques instants plus tôt. Était-ce un esprit qui voulait la dévorer ? Callidora n'avait jamais rien lu sur les fantômes, et sensible aux élans du savoir, l'inexplicable réveillait en elle une peur insondable.

Les sanglots venaient de reprendre. La brune décolla lentement son front de la pierre, s'apprêtant à affronter un esprit contre lequel elle ne pouvait lutter. En réalité, il s'agissait d'une fillette âgée d'une dizaine d'années qui la fixait de ses grands yeux pâles. Des larmes invisibles avaient creusé deux sillons mortels à travers la chair de ses joues. Vêtue d'une simple chemise de nuit à moitié déchirée, les cheveux défaits par une nuit agitée, elle semblait sortir d'un autre monde pour se révéler à Callidora. Attendrie par une telle vision, elle n'osait pas esquisser le moindre geste. Ce n'était définitivement pas une créature maléfique qu'elle tenait sous l'ambre de son regard. « Qu'est-ce qui t'arrive, petite ? » L'inconnue leva son visage éthéré vers son interlocutrice, et un léger sourire illumina son visage opalescent comme un colibri qui découvrait une branche ensoleillée après un hiver enneigé. Que faisait-elle ici ? « Vous allez m'aider, mademoiselle ? » La Rehla ne sut quoi lui répondre et déglutit péniblement. Son instinct lui criait de s'échapper au plus vite de ce manoir maudit et de ne jamais y revenir. Sans la moindre raison, elle se sentait encerclée par une noirceur insondable et ne parvenait pas à rester sereine. Tout ce qu'elle voulait, c'était retrouver la porte et sortir affronter la tempête. D'un autre côté, elle ne pouvait pas abandonner l'enfant en ces lieux sans au moins savoir ce qu'elle voulait et faire son possible. « Que puis-je faire pour toi ? » La brune s'agenouilla sur le sol de pierre pour se mettre à sa hauteur.

C'est alors qu'elle remarqua les curieuses traînées de sang qui s'étalaient en funestes arabesques sur la pierre. Un nouveau frisson. Le spectre tourna la tête en direction de ce que regardait Callidora. Sa voix pleine d'innocence s'assombrit et devint presque caverneuse. « Ils sont morts. Ils sont tous morts. Même moi, je suis morte. » Un massacre qui n'avait épargné personne, manifestement, et dont les conséquences avaient été ravageuses. Que la fillette lui avoue être un esprit ne la perturbait pas outre mesure. C'était cet endroit qu'elle voulait fuir. « Je ne me souviens de rien. Je ne pourrais pas m'en aller tant que je ne saurais pas ce qui s'est passé. » Cette histoire attristait profondément la brune. Cela la renvoyait inévitablement à ses propres horreurs, et elle ne voulait pas les voir. Elle aussi avait été cette petite fille qui cherchait à comprendre, d'une certaine manière. Se penchant vers elle, elle tenta de lui effleurer la joue pour la consoler. Rien ne remplaçait jamais la lumière du premier visage qui se posait au-dessus d'un nourrisson, elle le savait. Apaiser un coeur déchiré par l'absence était en revanche à portée de main. « J'aimerais t'aider. Comment t'appelles-tu ? » La Rehla se rendit soudainement compte qu'elle n'avait senti aucune chair sous ses doigts. À dire vrai, elle ne ressentait plus rien. Des palpitations auraient dû lui comprimer la poitrine, et pourtant, ce n'était pas le cas. Levant ses bras pour les observer un cri d'effroi lui échappa. Quel était ce nouveau piège ?


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Sam 02 Juil 2016, 16:50

Venir à la rescousse des fillettes en détresse ne faisait pas partie de ses habitudes. Cette fois pourtant, elle n'avait pas le choix. La tragédie de la petite lui rappelait un passé qu'elle voulait bannir, et ne rien faire pour elle aurait été une horreur impardonnable. Après tout, avoir assisté au massacre de sa famille donnait largement le droit d'accéder au repos. La brune avait donc proposé son aide tout naturellement. Et le monde autour d'elle avait basculé. Sitôt que ses prunelles avaient remarqué l'opalescence de ses mains, Callidora avait senti son corps tomber en arrière à nouveau, comme si quelqu'un cherchait à l'attirer vers les dalles de pierre pour l'enfouir à jamais sous terre. Sans qu'elle sache comment, elle se retrouva dans une pièce qu'elle n'avait jamais vu de sa vie. « Il y a quelqu'un ? » Son coeur, s'il avait encore été là, aurait été sur le point de se détacher de sa poitrine tant il aurait battu furieusement. De gros flambeaux de bois éclairaient ce qui ressemblait à s'y méprendre à un salon. « Chut, ne fais pas de bruit, ou ils te trouveront. Tu dois comprendre ce qui s'est passé. N'oublie pas, surtout. Tu dois comprendre... » La voix sépulcrale s'évanouissait peu à peu, la laissant seule avec le crépitement ondoyant des flammes. Que devait-elle faire, au juste ? S'il fallait dénicher des preuves, elle devait d'abord se repérer et assimiler chaque détail de son environnement comme s'il s'agissait d'un dessin qu'elle s'apprêtait à abattre.

Le chuintement feutré du tapis l'informa que quelqu'un arrivait. Méfiante, la brune chercha du regard une cachette satisfaisante. Malgré son allure spectrale, elle faisait suffisamment confiance à la petite pour lui obéir sans discuter, du moins jusqu'à ce qu'elle comprenne dans quelle situation désastreuse elle venait d'atterrir. Avec prudence, elle se camoufla derrière un rideau de mauvais goût, se laissant tout de même la possibilité d'observer ce qui se passait. Un couple d'une quarantaine d'années entrait dans la salle, et à voir leur air contrarié, quelque chose devait sérieusement les mettre en colère. Soudain, l'homme écrasa son poing sur un pupitre de bois sombre qui se fendit en deux sous le choc. Sa concubine lui posa la main sur l'épaule pour l'inciter à se calmer, ce qui visiblement eut l'effet inverse. « Comment osent-ils encore me réclamer de l'argent, après tout ce que j'ai fait pour eux ? » L'inconnue se mit à frotter le dos de ce qui devait être son mari dans un geste réconfortant. « Tu es sûr de ne pas avoir mal compris ? Ce ne sont que des enfants, et ils ont peut-être tout simplement... » Une aura fondamentalement malsaine se répandit dans le salon sans crier gare. Un éclat de rage dans les yeux, il se retourna et administra une gifle retentissante à sa femme. « Me prendrais-tu pour un idiot ? Tu n'as jamais su reconnaître la valeur de ce que je faisais ! » Se retenant d'intervenir, Callidora se contenta de serrer les dents en se répétant qu'il ne s'agissait pas du monde réel et qu'elle ne pouvait rien faire. La tentation de sortir de sa cachette pour infliger une bonne correction à cet individu la tenaillait.

Et puis, ce fut le drame. Avec une brutalité inouïe, l'homme envoya valser sa femme à travers la pièce. Son dos cogna l'une des bibliothèques et un craquement sec et funèbre déchira les airs. Le corps inconscient glissa sur le sol. Le meuble de bois céda, et ses prisonniers s'échappèrent dans une volée poussiéreuse pour recouvrir un être qui ne serait bientôt plus. Le temps qu'une réaction ait lieu, toute vie avait quitté la jeune femme qui se trouvait sous un panneau de chêne. Les mains tremblantes, le meurtrier involontaire souleva la bibliothèque, usant de toutes ses forces. Le fracas causé par la chute fit sortir une gamine de sous le bureau alors qu'une dizaine de personnes entrait. « Papa… Qu'est-ce que tu as fait à Maman ? » Des vociférations s'ensuivirent, et de terribles hurlements déchirèrent la salle, entrecoupés de sanglots. Sans que Callidora ne s'en aperçoive, le massacre avait commencé. Tout ce qu'elle comprit, c'était que la famille de la mariée semblait décidée à venger la morte et qu'ils submergeaient leur gendre avec une bestialité insensée. Les pleurs de la fillette firent trembler les murs. La brune ferma les yeux, se laissant emporter vers un autre royaume. Quand son regard se posa à nouveau sur le spectre, elle se souvint de sa mission sans parvenir à y trouver le moindre sens. « Je suis désolée, je ne me souviens de rien. Qui es-tu, déjà ? » Sa mémoire semblait avoir disparu, avalée par un manoir diabolique.


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Sam 02 Juil 2016, 23:30

Pour la troisième fois de ce qui lui semblait être une éternité, la brune revivait la scène du massacre familial. Un joyeux bazar où des pulsions sauvages se livraient sans la moindre retenue. Sans aucune doute le fruit d'une haine mutuelle trop longtemps contenue et d'arrangements douteux qui n'avaient plus à personne. Dès qu'elle surgissait de nouveau dans la pièce, les souvenirs revenaient, et elle sentait un poids énorme peser sur son coeur en pensant à la fillette qui, cachée sous le bureau, assistait à la mort de sa mère et finissait par être assassinée par sa famille sans scrupules. C'était une sensation étonnamment angoissante que d'assister à un spectacle aussi macabre sans pouvoir rien faire d'autre que regarder. Chacune de ses actions serait vaine, et si par mégarde elle parvenait à influencer le cours des événements, le passé de la petite se transformerait en une bombe aux conséquences fâcheuses et irréversibles. En attendant, elle se devait de trouver un moyen d'éviter que sa mémoire se transforme en passoire avant de retourner vers la petite. En d'autres circonstances, la Rehla aurait sans doute prétendu qu'elle n'avait rien trouvé et serait repartie sans demander son reste. Mais la fin de l'existence ouvrait les portes de la vérité, et personne n'avait le droit de chercher à les refermer. C'était le prix de la liberté, et chacun devait un jour le payer. Par respect pour cette conception sans doute un peu réductrice, et malgré le désamour qu'elle éprouvait envers les enfants, il fallait qu'elle remplisse sa part du contrat.

Cependant, cette fois-ci, les avertissements rituels de la voix qui s'échappait du néant ne suffirent pas à la convaincre de rester à sa place. Sachant parfaitement que la discrétion était de mise, elle profita du temps qu'il lui restait avant l'arrivée des premiers protagonistes pour se précipiter à l'extérieur en évitant soigneusement l'ombre de leurs silhouettes qui montaient l'escalier. Des éclats de voix résonnèrent auprès d'elle tandis qu'elle disparaissait dans l'embrasure d'une porte. Dès qu'ils furent hors de portée, elle se rua dans le couloir pour descendre les escaliers et aller observer les individus contre lesquels le mari semblait en colère. Là encore, elle fut obligée de s'interrompre en voyant l'une des femmes de la maison se diriger vers les marches et rebroussa chemin. Poussant l'embrasure d'une pièce déserte, elle s'enferma à l'intérieur avec la sensation désagréable de rater un élément capital pour l'avancée de sa petite enquête. Une impression de fraîcheur crispa son corps spectral. Ainsi, elle pouvait encore ressentir quelque chose. « Intéressant. » Puisque sa magie s'était évaporée, elle se déplaça avec précaution, prenant garde à ne rien renverser pour ne pas attirer l'attention. Par chance, elle parvint jusqu'à ce qu'elle identifia comme une fenêtre et ouvrit le rideau aussi délicatement que possible. Les rayons lunaires ne tardèrent pas à venir caresser les meubles d'une étreinte timide, et ses prunelles s'habituèrent peu à peu à l'obscurité. Callidora se trouvait sans le moindre doute dans la chambre des époux, et à en juger par les draps défaits d'une manière qui ne trompait personne, ils avaient dû passer la nuit à s'aimer.

C'est alors que la Rehla aperçut un bureau sur lequel trônait de nombreux papiers à demi froissés ou ravagés par le temps et l'encre. S'approchant avec précaution _ par peur que le plancher ne révèle sa présence à quelqu'un _, elle se figea en entendant les pas précipités des autres membres de la famille qui venaient s'adonner à leurs crimes. Il fallait qu'elle se dépêche, ou dans quelques minutes à peine, elle se retrouverait à nouveau dans ce cachot sanglant avec un fantôme éploré et sans le moindre souvenir. Et à moins de résoudre le puzzle et de rafraîchir la mémoire de la fillette, elle passerait le reste de son existence à vivre ce souvenir sous sa forme de spectre. Ce qui, il fallait l'admettre, ne faisait pas partie de ses projets immédiats. Callidora s'approcha de l'écritoire et se mit à farfouiller frénétiquement dans les papiers à la recherche d'un indice quelconque. Découvrir quelques lettres provenant d'une amante qui n'était pas aimée ne lui servit à rien, sinon à se dire que, peu importe leur race, les hommes et les femmes se ressemblaient tous. Cette pensée amère lui arracha une grimace de dégoût, et elle se morigéna pour passer à autre chose. À force d'examiner les arabesques d'une finesse remarquable, elle finit par dénicher des écrits au contenu sensiblement plus délicat. Il s'agissait de commandes venant de jeunes gens qui consommaient une substance aux effets effroyables et qui quémandaient l'aide du propriétaire des lieux _ qui s'appelait Rengan, d'après ce qu'elle avait compris _ pour s'en débarrasser, ainsi que des dizaines de remerciements chaleureux qui la firent sourire. Et soudain, son corps lui sembla basculer en arrière. Qu'importe, la clef du mystère se trouvait dans les parages, et elle ne lâcherait pas l'affaire.


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Dim 03 Juil 2016, 12:56

Il lui fallait une autre tentative. Les cernes de la fillette semblaient se creuser davantage de larmes dès que Callidora réapparaissait auprès d'elle, incapable de lui délivrer la moindre information. Un curieux phénomène se produisait d'ailleurs : les traînées rougeâtres semblaient s'étendre et s'éclaircir à chacun de ses retours, comme si quelqu'un en ravivait la couleur. Interroger la petite à ce sujet lui paraissait inapproprié, et pourtant, elle le fit. Un mauvais pressentiment remontait le long de sa colonne vertébrale pour venir affoler son cerveau. « Si tu ne découvres rien, ils prendront ton sang et tu disparaîtras. Il ne reste qu'un essai. » Une information pour le moins rassurante. Faisant taire sa peur tant bien que mal, la brune songea à son corps de spectre pour retrouver un semblant de motivation. Rester dans cet état pour toujours ou ne plus exister. Une alternative qu'elle ne pouvait se permettre. Réussir à tout prix devenait sa nouvelle priorité. Une fois de plus, elle se sentit aspirée par le sol. Sa marge d'erreur se réduisait à néant. En surgissant à nouveau dans la pièce, elle répéta la même opération délicate que lors de son précédent séjour dans la mémoire brisée de la demoiselle. Au lieu de pousser la porte fragile du bureau, elle prit le parti de descendre les escaliers à pas feutrés. Par chance, personne ne la remarqua. Malgré la douzaine d'individus qui s'y trouvaient, la demeure se révélait étonnamment silencieuse. Prendre une direction au hasard était exclu. La Rehla savait qu'elle pouvait facilement s'égarer, et qu'alors, tout serait fini pour elle.

Avec toute la prudence dont elle pouvait faire preuve et après s'être activé les méninges, Callidora avait opté pour la salle qui se trouvait à droite de l'escalier d'où provenaient des éclats de voix d'une douceur trompeuse. Approchant en toute discrétion, elle se cala dans l'embrasure de la porte et s'adossa au mur. De là, elle pouvait voir n'importe qui arriver ou sortir, et cette position lui offrait une visibilité relative. Tendant l'oreille, elle s'efforça de distinguer les différents protagonistes. Un tremblement brutal la fit sursauter, la tirant de son observation infructueuse. Reculant dans l'ombre par réflexe, elle vit une inconnue ouvrir la porte avec une violence démesurée et se précipiter à l'étage. Elle la reconnaissait. C'était la première des meurtriers. Le temps pressait. Laissant sa raison de côté, elle se planta plus près de l'entrée que précédemment. « C'est à nous de jouer, Yoni. La femme est morte. Il suffit d'envenimer un peu la situation. Un meurtre, une bonne dose de haine familiale amplifiée par la magie, et nous serons vengés. » Un ricanement sauvage lui répondit. Le coeur de la brune se serra. Ce massacre odieux n'était-il donc qu'une vulgaire histoire de vengeance ? La fillette serait sans doute déçue, quand elle l'apprendrait. Une nappe de brume glacée et à la couleur malsaine s'échappa de la pièce. La Rehla prit garde à ne pas être touchée, ignorant les effets qu'un tel sortilège produirait sur elle. La petite l'avait prévenue : elle ne devait rien toucher et ne surtout pas intervenir.

Sur la gauche, elle entendit les habitants de la maisonnée qui vociféraient pour entrer dans le salon. La mort allait bientôt se régaler. Cependant, la jeune femme ne saisissait pas qui les créatures machiavéliques de la salle à côté de laquelle elle se trouvait pouvaient bien être. En se décalant légèrement sur le côté, elle manqua croiser le regard de l'une d'entre elles. Effrayée, elle bondit pour éviter d'être repérée. Le visage qu'elle avait eu sous les yeux l'espace d'une seconde ne trompait pas. « L'argent doit être dans les parages. Rengan n'est pas suffisamment méfiant pour l'avoir caché très loin, et la belle-famille est tellement méfiante qu'elle a dû exigé qu'il le laisse à portée de tous. » Il s'agissait du garçon dont le portrait était dessiné sur l'une des lettres qu'elle avait trouvées dans le bureau. Un bruit de fracas assaillit ses oreilles. Voilà que la joyeuse bande se mettait à briser les meubles pour trouver un butin en attendant que le massacre ait lieu. C'était un procédé d'une lâcheté inouïe. Il fallait qu'elle retienne son envie d'aller leur dire quelques mots, sans quoi elle serait dans une situation désastreuse. « Ce chien n'aurait jamais dû essayer de… les enfants… punition... » Les mots perdaient leur sens à mesure qu'ils parvenaient aux oreilles de Callidora et lui laissaient une impression de flou total. Incapable de lutter, elle se laissa glisser vers le sol. La fillette la rappelait.


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Dim 03 Juil 2016, 16:20

Se matérialiser dans le cachot se révéla plus douloureux que prévu. Manifestement, une entité quelconque avait décidé que sa mission était un échec. En surgissant, Callidora sentit qu'elle venait par miracle de retrouver son corps et qu'un être invisible tailladait ses bras avec une lame effilée. Un cri de douleur lui échappa. Que se passait-il donc ? S'approchant de la fillette qui l'observait avec un intérêt non feint, elle tomba à genoux devant elle et grimaça, surprise de sentir la pierre froide et rugueuse cogner sa peau. « J'ai trouvé, j'ai trouvé. » Essoufflée, elle attendit de reprendre ses esprits. Son tortionnaire inconnu semblait avoir disparu. Etait-ce une formule magique dont elle ignorait la puissance ? Quoi qu'il en soit, retrouver son corps de chair et de sang lui faisait un bien fou. C'était comme une seconde naissance. Le spectre ne détachait pas son regard d'elle. « Parle. » Avide de découvrir enfin la vérité, celle que sa mémoire lui refusait depuis des années, elle en venait presque à effrayer la Rehla. Ne sachant de quelle manière tourner ses révélations, elle tourna à plusieurs reprises sa langue dans sa bouche. « J'aimerais te dire que les gens de ta famille sont morts en héros, mais ce n'est pas le cas. Je ne sais pas si tu le sais, ou si tu t'en souviens, mais il se trouve que ton père aidait des jeunes gens à se libérer de certains… Problèmes. » Sans qu'elle sache pour quelle raison, parler à un enfant la mettait profondément mal à l'aise.

Revigorée par la pensée de pouvoir enfin quitter les lieux, Callidora s'obligea à replonger dans les souvenirs du massacre qu'elle ne voulait pas revivre. Sa rencontre avec la mémoire de la gamine avait été plutôt désagréable. « Seulement, il y avait un groupe de gens qui étaient en colère contre lui pour ce qu'il faisait. Sûrement des démons. Un soir, ils sont venus lui réclamer de l'argent en prenant l'apparence des personnes qu'il soignait et en entourant la maison d'une magie très violente. Comme ton père était vraiment en colère, il est monté dans le salon se calmer. Avec ta mère. C'est là que... » Comment expliquer la vérité sans blesser irrémédiablement la petite ? Se remémorer qu'elle n'était qu'un spectre qui attendait de se rappeler des circonstances de sa mort pour rallier un autre monde ne lui servait à rien. Les parents provoquaient toujours des cataclysmes autour d'eux, et les seules victimes de leurs élans insensés et funèbres restaient à jamais les enfants. Un goût amer emplit la bouche de la brune. « Je ne sais pas de quelle manière te l'annoncer, mais ton père a tué ta mère sans le vouloir. Ensuite, la famille de ta mère a débarqué dans la chambre, et au lieu d'une vengeance, il y a eu un massacre. Toi, tu étais cachée sous le bureau, et tu es morte en voulant protéger ton père de la colère de sa belle-famille. C'est tout. » La gamine écarquillait les yeux si fort qu'ils paraissaient sur le point de s'échapper de leurs orbites. Prendre des pincettes ne faisait pas partie des habitudes de la Rehla, surtout lorsque sa patience s'étiolait. Et pourtant, ce fut une chose étonnante qui advint.

D'un calme olympien, la petite se leva avec un air légèrement perdu et lança un sourire joyeux à Callidora. « Je me souviens, maintenant. Merci. » Sans qu'elle ait le temps de réagir, le spectre s'effaça peu à peu, disparaissant après un dernier rire angélique. Battant des cils pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas, elle se tourna brutalement vers le mur. La porte, restée grande ouverte, venait de réapparaître. S'assurant que personne ne se trouvait de l'autre côté, la brune avança avec précaution. Welv'nyr avait bel et bien disparu. Peut-être n'avait-il été qu'une réminiscence d'un passé lointain, lui aussi. Ce manoir semblait suffisamment habité par la magie pour rendre possible ce qui défiait la logique de son esprit. Prenant garde aux multiples lattes de plancher brisées, elle s'extirpa rapidement de la demeure. Dès qu'elle fut sur le perron, elle vit que l'orage avait cessé. Syveth se précipitait vers elle, manifestement inquiet et impatient de la retrouver. « J'ai eu la peur de ma vie. Je ne pouvais pas entrer. Qu'est-ce qu'il s'est passé, là dedans ? » Un sourire se dessina sur ses lèvres. Plus de murs entre elle et le ciel. Elle était libre.


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La pièce sans fenêtre [Welv'nyr]

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