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 Un jour plus triste que les nuits - Mission de niveau 3

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Mer 12 Aoû 2015, 01:29





Le silence envahissait les moindres recoins de la rue, s'infiltrant dans le coeur des habitants qui fixaient les pavés de leurs regards mornes. Aucun rire d'enfant ne résonnait aux oreilles de Callidora et aucun sourire ne fleurissait les visages des passants. Le calme étrange qui régnait en ces lieux d'habitude si animés ne lui disait rien qui vaille. Les citadins avançaient tous d'une démarche d'automate sans jamais échanger quelques mots, comme s'ils obéissaient à une volonté commune mais pourtant muette. Les hirondelles ne fendaient plus le ciel de leurs ailes sombres et aucun oiseau ne dansait entre les nuages gris. Par son absence de lumière, le firmament semblait lui aussi pleurer la perte d'un être cher. Même si elle ignorait quoi, quelque chose clochait.

Tandis que ses sandales battaient les petites pierres, elle se souvint de l'animation qui régnait dans le quartier lorsqu'elle s'était promenée ici quelques jours plus tôt. Elle revenait pour une dernière ballade avant de quitter définitivement le continent. Elle devait partir en fin de journée et s'impatientait de son départ. Elle avait quitté sa chambre à l'auberge quelques minutes plus tôt pour se changer les idées, lassée d'attendre sans rien faire. Ses bagages étaient prêts depuis la veille au soir. Elle ne savait pas pourquoi elle s'était dirigée vers la rue commerçante. Le tapage qui dominait l'endroit l'insupportait au plus haut point mais elle avait éprouvé le curieux besoin de s'y rendre une dernière fois pour observer les gens déambuler furieusement dans une joyeuse cacophonie. Quelle avait été sa surprise lorsqu'elle avait découvert que tout le monde se taisait, les traits ravagés par la tristesse ! Elle sentait elle-même une pointe de nostalgie pénétrer son esprit et se laissa aller quelques instants à cette douce langueur avant de secouer la tête énergiquement. Il fallait qu'elle se ressaisisse.

Jusqu'alors, elle n'avait rien remarqué, préoccupée par ce qu'elle voyait, mais une étrange magie qu'elle n'arrivait pas à identifier flottait dans les airs. Il ne pouvait pas s'agir d'un sorcier ou d'un démon ; elle aurait immédiatement ressenti une sorte de malaise et son instinct aurait prit le dessus en la forçant à s'approcher du danger. Elle ne se souciait nullement des risques qu'elle courrait en agissant de la sorte. Inexplicablement et quelle que soit la situation, elle se débrouillait toujours pour se jeter dans la gueule du loup, ne redoutant pas les conséquences de ces actes irréfléchis. Mais aujourd'hui, elle sentait une magie d'une nature différente, qui ne ressemblait à rien de ce qu'elle connaissait. Évitant les habitants mortifiés qui ne paraissaient même pas la voir, elle commença à chercher la source de ce sombre phénomène. Elle ne doutait pas une seule seconde que le comportement insolite des citadins ne soit pas lié à la sorcellerie qui saturait les alentours. Elle espérait simplement se révéler assez puissante pour y mettre un terme. Malgré la répulsion qu'elle éprouvait envers les gens trop bruyants, les nombreuses activités qui agitaient habituellement la rue ajoutaient une touche de gaieté vivace à la Ville.

Elle leva les yeux vers le ciel inutilement, espérant qu'il répondrait à son appel. Mais elle n'entendit rien. Les étoiles restaient silencieuses, ce qui n'était pas vraiment étonnant puisque la nuit n'était pas encore tombée. Elle devait suivre son coeur et voir où il la conduirait. Un murmure des astres célestes l'aurait cependant rassurée sur ce qu'elle allait vivre. Elle inspira profondément et reprit sa marche, décidée à découvrir qui contrôlait ce sortilège des plus singuliers. Elle s'arrêta brusquement, reconnaissant enfin la nature de la magie employée. Quelqu'un de sa race avait plongé les passants de la rue commerçante dans une véritable dépression. C'était un pouvoir que personne n'utilisait jamais à la légère. Elle-même ne s'en était jamais servie, effrayée par le phénomène qu'il produisait. Avec de la chance, il faisait effet sur la personne visée et non sur celui qui lançait le sort. Celui-ci plongeait sa cible dans une dépression profonde dont il sortait difficilement, anéantissant les moindres espoirs et les moindres rêves qui survivaient encore. Mais quelle puissance possédait donc le Rehla qui jouait ainsi avec le Spleen ?

Elle se posait mille questions à l'égard de l'individu qui avait lancé un pareil sortilège, se demandant s'il lui restait suffisamment d'énergie pour l'annuler. S'il s'avérait en être incapable, elle ignorait comment se déroulerait la suite des événements. Pour se rassurer, elle supposa que le Spleen disparaîtra une fois l'énergie de son propriétaire épuisée. Dans le cas contraire, il valait mieux ne pas y penser. Elle pressa le pas en direction de l'autre côté de la rue lorsqu'elle remarqua un homme appuyé contre une porte de bois sombre. Il se tenait à l'écart des badauds et ne paraissait pas le moins du monde prêter attention à ce qui se passait autour de lui. Il portait une longue cape noire brodée de fils d'argent dont le capuchon se rabattait sur sa tête. Elle s'approcha un peu, suivant son intuition. Cet homme-là possédait quelque chose de plus que les autres, quelque chose qui l'intriguait. Quand elle se trouva à deux ou trois mètres de lui, elle put enfin distinguer ce qui l'attirait aussi irrésistiblement vers lui.

Il chantait. D'une voix murmurante et douloureuse, presque imperceptible, mais il chantait. Ses inflexions s'élevaient dans les airs mollement, comme si leur simple existence représentait un fardeau trop lourd à porter. Fascinée par les modulations de son chant, elle oublia aussitôt tout ce qui concernait le Spleen et la raison pour laquelle elle venait vers lui. Elle ferma les yeux un instant. Cette mélodie d'une douceur voluptueuse la ramenait chez elle, des années plus tôt, lorsqu'elle s'amusait dans le jardin en compagnie de Téméris. La mère des jumelles leur apportait toujours de petits gâteaux en forme de croissant de lune dont elles raffolaient. Elles croquaient à pleines dents les biscuits à la vanille et repartaient vers de nouvelles aventures, admirant un scarabée qui se prélassait dans l'herbe ou le vol d'un oiseau. Elle sentait les friandises fondre dans sa bouche, et le soleil d'été caresser sa peau avec une tendresse maternelle lorsque la mélodie se fit plus violente. Le tableau merveilleux s'effaça sous ses yeux, laissant place à une vision d'horreur qu'elle espérait morte et enterrée dans les tréfonds de sa mémoire à jamais.

La mélopée se faisait languissante à présent. Callidora rouvrit les yeux, posant sur le Rehla un regard empreint de douleur. Il n'y avait aucun doute : c'était lui qui provoquait le Spleen et ne semblait pas pressé de s'arrêter. Quand il remarqua qu'elle l'observait, il enleva son capuchon et vissa ses yeux couleur de printemps dans ceux ensoleillés de la jeune femme. Elle ne parvenait pas à prononcer le moindre mot, profondément attristée par ce qu'elle venait de voir. L'illusion se brisant sur la frontière ignoble de la réalité. L'homme qui se tenait en face d'elle possédait un visage aux traits angéliques et à la peau d'une pâleur lunaire. Une balafre sanglante déformait ce masque parfait, partant de la tempe droite, traversant le nez fin pour s'arrêter aux commissures des lèvres corail. Elle prit un air désolé, sincèrement attendrie par cette créature dont elle ne savait rien. « Je n'ai pas besoin de votre pitié. » Il avait parlé d'un ton tranchant comme l'acier d'une lame aiguisée par de multiples combats. Elle pencha la tête sur le côté, de plus en plus intriguée par ce mystérieux personnage. « Pourquoi faire tomber le Spleen sur nos coeurs déjà meurtris? » Elle répondait à sa déclaration acerbe par une question qui la taraudait depuis qu'elle avait compris ce qu'il se passait. À défaut d'obtenir une explication satisfaisante, elle pourrait au moins tenter de le convaincre de stopper son œuvre.

Il ne chantait plus. Son regard de pierre coula sur Callidora qui le regardait avec des yeux implorants. Il connaissait parfaitement la lueur de curiosité qui rehaussait l'or des iris. « Ah, vous êtes jeune encore. Naïve, assoiffée des secrets du monde que vous pensez merveilleux. » En déclarant ces propos énigmatiques qui sonnaient comme un avertissement, il passa la main le long de sa cicatrice. « Voyez-vous, ces terres sont un endroit absurde où les gens croient devoir lutter pour devenir les meilleurs et n'hésitent pas à verser le sang pour y parvenir, qu'importe la souffrance qu'ils engendrent et la terre qu'ils souillent. » Elle acquiesça, ne pouvant contredire les paroles de son interlocuteur. Elle connaissait plus que la majorité des gens ce dont il parlait. Le mensonge, la tromperie et l'égoïsme dominaient chacun lieu, dévorant à la longue toute parcelle de bonne volonté et d'espoir. Elle peinait cependant à croire que rien ne pouvait être changé. « Je suis jeune certes, mais j'ai déjà connu la douleur dont vous parlez. Puisque vous détestez à ce point les maux que subissent les gens, pourquoi ne pas les aider ? Pourquoi les enfermer dans le Spleen ? » Elle n'arrivait pas à comprendre où il voulait en venir, son esprit embrumé par la tristesse enfouie en elle que réveillait le sortilège. Elle luttait de toutes ses forces pour que les larmes ne lui montent pas aux yeux. Elle ne pouvait pas craquer maintenant.

« Mademoiselle, voyez-vous, toutes les âmes qui se promènent dans le monde en s'obstinant à ne penser qu'à leurs intérêts personnels risquent de provoquer quelque chose de terrible que personne ne pourra arrêter. Après toutes les souffrances dont l'histoire est marquée, aucun d'entre nous n'a retenu la leçon. Il vaut mieux laisser les gens s'effondrer peu à peu, s'accrocher à la dépression comme à une dernière lueur d'espérance avant qu'il ne soit trop tard. » Les mots du Rehla glacèrent le sang de Callidora. Comment pouvait-il prétendre savoir ce qui allait advenir dans le futur ? Simple supposition ou véritable prémonition ? Et qu'avait-il appris de si effrayant pour décider de plonger les habitants des terres du Yin et du Yang dans le Spleen ? Elle refusait de formuler ces questions à voix haute, soucieuse de ne pas passer pour une imbécile. « Nul besoin de plonger les habitants dans une telle souffrance. C'est vous qui leur faites du mal en agissant ainsi. Ils comprendront tôt ou tard leurs erreurs et feront tout pour se racheter, à moins que quelqu'un ne les empêche de perpétrer quelque crime. Qu'importe leurs actes, un jour ou l'autre, le remords viendra les dévorer. » Une lueur de conviction embrasait son regard. Elle ne pensait pas à la vengeance, persuadée que tous les coeurs finissaient par éprouver des regrets quant à leurs actes négatifs. « Vous vous trompez. Rendez leur liberté à ces pauvres gens. » Elle se planta devant lui, les poings sur les hanches, prête à combattre si nécessaire. Il était hors de question que des êtres innocents se retrouvent piégés dans une dépression éternelle par le caprice d'un Rehla, aussi puissant et savant soit-il.

« Ces gens seraient libres s'ils le désiraient vraiment. Ils ne luttent pas, ils se laissent porter au gré du courant comme ils l'ont toujours fait et pour cette raison il ne mérite pas la vie qui leur est offerte si généreusement. Je crois que vous ne comprenez pas. Nos vies ne nous appartiennent pas. La seule chose qui importe est le Destin et nous n'avons hélas, à notre échelle de pauvres mortels impuissantes, aucune emprise sur lui. La lutte est vaine quand l'issue a été écrite à l'avance. » Les effluves de détresse qui émanaient de l'homme eurent raison de la flamme de sa détermination. Elle poussa un soupir de lassitude, incroyablement peinée par ces étranges révélations. Elle ne pouvait pas nier le fait que les hommes suivaient un chemin qui semblait tracé pour eux et ne cherchaient pas véritablement à y échapper. Ils se contentaient d'accepter leur sort, par lâcheté ou désespoir, et ne cherchaient jamais plus loin que le bout de leur nez aussi longtemps que leurs petits plaisirs étaient satisfaits. Elle se sentit sombrer à son tour dans un puits sans fonds de douleur, écrasée par la nostalgie et les images d'horreur qu'elle refoulait depuis toujours.

« Vous voyez bien que j'ai raison. Laissez-moi continuer mon ouvrage. » Il se détourna d'elle sans paraître éprouver la moindre peine pour la torture qui se jouait dans son esprit endeuillé. Sa mère ne reviendrait jamais, elle était définitivement partie pour l'ailleurs, partie d'une manière atroce, victime d'un odieux meurtre que Callidora n'avait pas empêché. Elle apercevait son Destin, des chaînes noires aux pieds, les yeux révulsés par la folie, le coeur déchiré entre haine et désir de vengeance. Elle s'apprêtait à mettre un terme son existence de misère, ravagée par la douleur. La voix de l'homme n'était plus qu'un murmure lointain, étincelle de réalité au milieu des décombres de sa mémoire. Elle sombrait dans les abysses du désespoir et toute lumière en elle s'éteignait lentement, soufflée comme la flamme d'une fragile bougie. « Ne luttez pas, vous souffrirez moins. Le monde est absurde. » Alors que le sens de ces mots s'obstinait à lui échapper, elle sentit quelque chose s'ouvrir en elle. Un sentiment qu'elle refusait d'éprouver depuis son adolescence refaisait surface avec une violence inouïe. Noyée dans ses pensées comme dans un fleuve sombre, elle crut défaillir et vit les étoiles se pencher vers elle, l'inondant de lumière. Le visage souriant de Téméris dansait devant ses yeux.

Callidora reprit brusquement ses esprits. Elle savait qu'il serait impossible de faire entendre raison au Rehla. Alors, suivant un élan du coeur, elle se mit à chanter d'une voix plus douce que des carillons de cristal. Elle s'imprégna de tout l'amour que lui inspirait le sourire de sa sœur disparue et entama une mélodie qui murmurait la beauté de la vie et l'émerveillement que procurait chaque instant de joie. À travers ce chant, elle montrait les trésors d'attention que déployait une mère pour son enfant, les retrouvailles inespérées d'une petite fille et d'un scarabée, la tendresse amoureuse qui s'épanouissait dans le secret des nuits. Toute l'admiration qu'elle avait pour cet immense cycle qu'était la vie, cet éternel recommencement des choses qui ne se ressemblaient pourtant jamais perçait dans cet éloge à la réalité. Lorsqu'elle se tut finalement, elle aperçut une larme perler dans les yeux fatigués du Rehla.

« Le monde n'a rien d'absurde. Il suffit simplement de le comprendre et toutes ses merveilles se révèlent dans les rayons de la Lune. » Elle posa un doigt sur son oreille, comme si quelque chose lui parlait. « Ecoutez les étoiles et vous comprendrez. Ici ou ailleurs, l'espoir demeure. » Sur cette dernière déclaration, elle tourna les talons. À sa grande surprise, la rue venait de reprendre toutes ses couleurs. Les gens bavardaient bruyamment de sujets plus futiles les uns que les autres et les enfants criaient entre eux pour se retrouver plus tard dans la soirée. Lorsqu'elle se retourna pour remercier le Rehla dont elle ignorait toujours l'identité, il avait disparu, emporté par le vent telle une poussière du temps. Un sourire triste éclaira son visage alors qu'elle réalisait à quel point Téméris lui manquait et quelques larmes creusèrent ses joues. Plus seule que jamais au milieu de la foule, elle se demanda si tout n'était pas finalement qu'un étrange rêve dont elle demeurait l'imprévisible pantin.


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