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 L'enfant des Mirages ~ Solo

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Mer 31 Déc 2014, 23:01


L'enfant des Mirages ~ Solo Aafu


« Mais, il va bouger ses fesses, oui ? » grommelai-je assis dans mon coin, les yeux rivés sur la cité en fleur dont la nuit attisait le charme, embellissait les lueurs pour la faire briller de mille feux. Je restai là, immobile, inerte en proie à des maux musculaires ( après une marche qui s'éternisa pendant deux ou trois jours, ce qui pour moi avait l'allure d'une éternité ) sans jamais voir surgir le beau vampire à l'horizon. Il me somma de l'y attendre, je m’exécutai promptement sans discuter. Les passants continuaient leur course inopinée. S'enchaînaient alors les routes des marchants et des mendiants quémandant chacun leur tour les bienfaits de l'or et monnaie. Si je prêtai une attention particulière à ces pauvres sans abris ( dont la récompense dépendait également de leur façade plus ou moins désolée ), les autres je les dispensais vite fait bien fait. « Sans façon » pour les plus indolents, « Dégage » pour les plus téméraires. Entre deux amuse-gueule et quelques salutations, je songeais silencieusement, les deux jambes croisées.

Luka était du genre borné, droit dans ses bottes et fidèle à ses principes. Assez vieux jeu, il restait toutefois aimable et serviable, surtout face aux plus nécessiteux. C'est de lui qui me venait ce courage et cette vision du monde quelque peu altruiste, bien qu'elle n'eut différé de la sienne pendant longtemps. Il voyage souvent, aide ceux qu'il peut, n'en accepte pas toujours les récompenses ou les pourboires, encore moins les pots-de-vin. Et de cette droiture, lui vient aussi un certain sens du sacrifice, se lancer dans la gueule du loup pourvu que cela vienne en aide à un ami cher. C'était le mal avec lui. Je me sentais exclus, sans utilité. Je le voyais revenir plein d'égratignures plus ou moins profondes, saignantes, sans que jamais il ne me divulgue quoique ce soit sur les causes de ces dernières. C'était sa façon de me protéger, de me montrer son affection et attention, mais c'était aussi ce qui nous éloignait par dessus tout.. Cette présence étrangère qui se frayait entre nous comme pour s'assurer que jamais je ne fasse partie intégrale de ce qu'on appellerait sa ''famille''...  
Je ne pouvais que l'attendre, sagement, comme l'enfant qu'il croyait que j'étais. Mon seul désir était de lui prouver à quel point ses croyances étaient fausses, lui montrer la force que je détenais, que je gardais enfermée ou que je ne détenais pas encore.. En somme, me montrer utile.. Car à quoi bon rester à ses côtés si je ne suis qu'une gêne, et à quoi bon avoir en sa possession une poupée écervelée si ce n'est pour s'en servir ? Or, il ne le fit jamais. Il n'en avait pas l'intention. Il me voyait comme un être humain, quelqu'un qui pouvait faire des choix, élever la voix, faire preuve d'égoïsme outre la soumission, et c'est là que je sentis la différence avec toutes les crapules qui l'avaient précédé. C'est là que je voulus lui appartenir, comme un enfant qui idolâtre celui dont il se considère la 'progéniture'. C'est aussi pour cette raison ( à cause de cette méfiance dont je faisais preuve ) que jamais il ne se dévoila devant moi sous les apparats d'une femme, ce qui lui aurait suffit à me lier éternellement.

Peut-être était-ce là sa façon de me montrer sa résolution, celle de me garder à ses côtés sans que des chaînes ne m'entravent, ne me privent de ma volonté ( une liberté à laquelle il semblait tenir très à cœur ). Hélas, elle était aussi ni plus ni moins que la source de tous mes malheurs, troubles sous la forme de doutes inconséquents.
J'avais peur.
Voilà.
C'est dit. Elle me consume et ma volonté rien n'y fait.

Il était le seul à pouvoir les apaiser, si jamais il venait à en être mis au courant..
J'appréhendais le moment de la séparation.
Je n'avais aucun moyen de m'assurer de son retour, aucun moyen de savoir s'il ne viendrait pas à m'abandonner un jour. Je n'avais pas non plus idée de quand arriverait la fin.. Je me voyais paralysée par cette simple pensée, imagination débordante que le chaos récent avait approfondi, encré dans les esprits qui la vécurent. L'abandon était pour moi le plus hargneux des démons. Comment pouvais-je m'en assurer, malgré la confiance aveugle que je lui portais de tout temps ? La peur avait raison de ma logique, de mon cœur, de tout ce que j'étais et je n'avais pas idée de comment m'en débarrasser. Les vieilles habitudes ont la vie dure, il n'y pas de vérité plus avérée que celle-ci.. On perd de vue toute vérité pour s'adonner aux croyances, celles qui ne s'avèrent que vaseuses spéculations. C'est ainsi, qu'avec angoisse, j'attendais son retour imminent, essayant de l'accompagner le plus possible dans ses voyages périlleux pour l'empêcher de me quitter, de m'abandonner comme elle l'avait fait par le passé. Elle qui l'avait désigné comme mon sauveur, peut-être malgré lui qui sait.. Cela restait un mystère de plus que j'aurais aimé percer à jour...



« Tu as pris tout ton temps dis donc ! Tu as intérêt à avoir ramené quelque chose pour le dîner, je crève de faim moi.. » marmonnai-je de cette voix insolente, malgré toute l'affection que je gardais enfouie. Au début, c'était là ma seule manière de me défendre, de protéger ce cœur qu'on avait jeté tel un vieux torchon dont on se lasse, mais désormais c'était plus un écu, une barrière derrière laquelle je cachais mon embarras, la sachant toutefois inutile puisque Luka avait toujours su voir à travers sa surface sobre et opaque. « Désolé mais j'ai eu quelques soucis au niveau du paiement.. » s'exclama le vampire, une de ses mains glaciales effleurant mes mèches noires d'ébène, comme s'il avait compris tous les questionnements auxquels je m'apprêtais dès que sa présence quittait mon champ de vision. Il me prenait bel et bien pour un gamin, ceci en était la preuve irréfutable.. Mais tant qu'il était à mes côtés, je pardonnais toute attention, même les plus mal placées.. « Rien de bien important. Comme promis, je t'emmène dîner. Et après nous rentrons. J'ai pas envie de rester ici.. Pourquoi ? Un mauvais pressentiment c'est tout. »

Le laissant faire à sa guise, je me dirigeai vers le restaurant le plus luxueux de la ville. Après tout, il y avait plusieurs façons de faire payer à quelqu'un son malencontreux retard, mais aussi de profiter d'un délicieux met en bonne compagnie.
De retour à l'auberge une heure plus tard tout au plus, je m'installai à ses côtés, partageant sa couche. Il en faisait toujours son affaire de dormir avec moi de telle sorte que je puisse m'assurer de sa présence en l'enlaçant les soirées les plus douces comme celles où mes cauchemars faisaient leur macabre apparition. Je savais qu'il n'était plus question de l'ombre de l'humaine qui m'avait abandonné sans mot dire. Je savais que le vide qu'elle avait laissé derrière avait déjà été comblé par ces petits attentions sentimentales ou caresses diverses regorgeant d'affection.. Mais c'était là un contact, touché nocturne, que je n'étais pas prêt d'abandonner.
Trop précieux pour cela.

La nuit, cela dit, ne m'épargna guère. Les rayons lunaires agressaient mes prunelles semi-ouvertes et forçaient mon cerveau à un éveil total. Ils m'empêchaient de laisser ces pensées bruyantes et sans saveur couler dans ce cours d'eau neuve et limpide du sommeil. À croire que l'astre lui-même désirait me voir crouler sous l'incertitude et l'incompréhension d'une relation trop fragile pour quelque folie qui soit. Dégageant la poupée qui trônait belle et silencieuse de sa peau porcelaine sur les linceuls blancs, je l'admirai quelques instants, avant de quitter les draps réchauffés par ma présence et refroidis par la sienne. Il était tout pour moi désormais, et quelle torture ce serait pour moi que de le perdre..



Quittant le logis, je sentis en moi même cette différence de température me perturber. Je m'adressai à moi-même. Je me blâmais de ces sentiments nés pour semer la confusion, je le purgeais de toute culpabilité. J'osais encore affirmer que la confiance était présente pour ma part.. Pur fanatisme, et vaines paroles.
* Quel sot tu fais.
A quoi cela peut bien t'avancer ( à part te ruiner le moral ) de songer toujours au pire ?
Pourquoi le vois-tu des mêmes couleurs que cette femme instable que tu aimais tant et qui pourtant t'a tourné le dos lâchement ?
Pourquoi le rejettes-tu ainsi ?
Pourquoi rejettes-tu ainsi le monde entier ?
Mais de quoi as-tu si peur ?? *


C'était la goûte d'eau qui fit déborder le vase. Mes larmes coulaient déjà d'elles-même. Parfois, il suffisait que la voix de la raison ne s'adresse à vous et à vous seul, pour que vous compreniez tout sans que l'on ait à le rabâcher, sans qu'un autre n'ait à vous le faire avaler de force. En outre, sans qu'on ne vous juge sur les critères d'autrui. Or, cette voix était aussi la plus impitoyable de toutes. Celle qui frappait bien et fort, celle qui criait sur tous les toits les quatre vérités que l'on aurait aimé savoir cachées un peu plus longtemps pour se garder d'une peine incommensurable.. Elle ne nous permet pas un tel délice hélas. Elle nous achève sans pitié.

J'observai mes pas, les uns après les autres. J'ignorais vers où je me dirigeais. Je reconnaissais à peine les environs, n'ayant que les feintes lumières pour me suggérer que j'étais en pleine forêt, aux orées du village si mes souvenirs sont exacts. La suite, s’avéra très brouillée par ma conscience absente et par les chants mélodieux d'une tierce entité. Je n'avais pas moyen de réaliser d'où provenait cette voix d'idylle, cette voix angélique pourtant démoniaque qui m'attirait vers elle sans merci. En temps normal, peut-être aurais-je pu lui échapper, mais peut-être ai-je profité ( cette fois-là ) de sa présence comme d'une porte de sortie à tous mes malheurs pourtant insignifiants.. ? J'en conviens. Cela m'effleura. Je me laissai donc charmer, comme si j'étais en réalité celui à quérir cet abandon de ma personne.

Je ne m'arrêtai que quelques mètres plus loin, voyant un obstacle à ma route sous la forme d'une tour immense, pénétrant les nuages lourds d'orage qui semblaient prêts à éclater. Sa taille colossale m'empêchait de voir la plupart des détails mais les inscriptions gravées dans la roche lui donnaient l'air d'un artéfact antique, de ceux qu'en temps normal je me serais fait un plaisir de dévorer, d'essuyer de ma plume poussiéreuse, d'étudier avec l'appui de Luka. Il en revenait toujours à cet étrange être ayant renié son passé, acceptant son futur à bras ouverts. Il n'avait rien des monstres barbares sur lesquels courent les rumeurs, prônant leur soif inextinguible et leur cruauté à toute épreuve, et les bobards qui en suggéraient l'inverse m'insupportaient par dessus tout.
J'entrai sans réfléchir.

J'étais dépendant. Une dépendance aveugle de sa personne, comme s'il était le seul guide à pouvoir m'orienter maintenant que mes sens émoussés m'en empêchaient. Je voulais qu'il me félicite. Je voulais qu'il m'épaule dans les mauvais moments, mais qu'il sache me gratifier de sa présence lorsque les bons viendraient à surgir. Je voulais plus que simplement sa présence. Je voulais un lien concret.
Je ne cesserai de le répéter.
Je ne saurais en être satisfait autrement.
Je voulais avoir une place en son cœur, en son estime, en sa famille, en tout ce qu'il considérait important à ses yeux. Cette affection n'était pas de l'amour charnel.. Cela allait bien au-delà, le sachant déjà propriété d'un autre ( ce qui ne me dérangeait pas le moins du monde ). Je voyais juste en lui une figure ''maternelle''. Car oui il avait cet air de confiance, chaleureux et respectueux. Cet air qui vous ouvre les yeux au monde et qui est là pour vous rassurer lorsque ce dernier ( de son talon impitoyable ) vous écrase de toutes ses forces ( malheurs, trahisons, sang, mort, meurtre, cupidité, avarice, colère et tout ce dont on ne se doute pas à la naissance ).
Il était mon assurance en ce monde.
Mais pour lui.. j'étais quoi au juste ?

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Mer 31 Déc 2014, 23:05


L'enfant des Mirages ~ Solo Aafu


Je me laissai aller un instant.. Du moins, avant que la voix ne cesse complètement de raisonner et ne me fasse perdre complètement le Nord. Après tout, c'était elle qui me gardait dans cette voie, qui m'empêchait d'en diverger et qui m'avait jusque là mené où bon lui semblait. Aussi, l'ai-je suivi bêtement, ensorcelé par ses douces cordes vocales résonnant, par ses rires dont l'écrin aigu me perçait les tympans. Seulement, j'ignorais à quel point ses intentions pouvaient s'avérer néfastes pour moi, petit orine qui n'avait prévenu personne de son départ et que nul ne saurait où chercher. Car maintenant, enfoui dans les tréfonds de la Tour Inconnue ( monument dont Luka avait consciemment étalé les méfaits, dont il maudissait l'existence jusqu'à la moelle, ne faisant ainsi que redoubler ma déjà mauvaise image de l'endroit ), je n'avais plus qu'une seule pensée, à savoir celle de le revoir. Éponger mes larmes dans sa chemise immaculée, me réconforter au creux de cette emprise qu'il me prêtait volontiers. Entendre ses paroles douces quoique colériques de par ma disparition inopinée. Je savais être voué à moi-même dans cet immeuble infernal et pourtant j'eus à l'apprendre par la manière la plus draconienne qui soit... J'étais plongé dans le noir complet.. Brut et sans entreprise, j'eus à marcher sur une distance considérable sans jamais ne croiser le moindre obstacle, la moindre prise qui pourrait m'assurer que tout cela était bel et bien réel.. Que je ne rêvais pas.. Que tout ça ne pouvait pas être une simple conception de mon esprit troublé ou que la mort n'avait pas ( finalement ) eut raison de moi.. Mais comment savoir ? J'essayai de crier aux cieux de me relâcher.. en vain. J'essayai maintes fois de me disperser, de chercher une sortie éventuelle à cette mer sans fin.. sans succès. J'essayai enfin de méditer, de chercher dans mon esprit la provenance de cette illusion, quasi convaincu de la véracité de ce pressentiment.. une fois de plus j'avais tort. Je ne voyais rien.J'étais sourd, aveugle, insensé. Je traînais là simplement à espérer que l'on me tende la main.. Je l'attendais.

Une voix retentit.
Quelques accords aigus ( malgré le caractère mystérieux et hasardeux global ) me firent croire à la voix d'une femme. Nul doute, il s'agissait bien d'une autre, plus mature, plus façonnée que celle plus enfantine qui avait guidé mes pas, celle à m'avoir abandonné à mon sort dans ce fléau dément et imprévisible. Elle m'avertit. « Tu n'aurais jamais dû mettre les pieds ici, mon garçon. La Tour n'aime pas qu'on la dérange. Elle est très susceptible. Surtout quand elle est de mauvaise humeur. Malheureusement pour toi.. Hihi.. Je pense que tu auras largement le temps de le découvrir. » cracha-t-elle en ricanant. « Mais.. Tu veux dire quoi par là ? » m'écriai-je soudainement, à sa suite. Et toujours conforme à sa macabre apparition, je vis le brouillard épais, large écran de fumée noire, se dissiper pour se fondre dans le néant, se soulever sous la forme de petits fantômes de taille considérablement réduite. La voix ne laissa derrière elle que quelques éclats de rire ( et leur écho qui semblait s'étendre à une portée que l'œil ne pouvait atteindre ).
Je frissonnai.

Les fantômes ( dont je me doutais des intentions ) commencèrent leur chasse à l'homme. Les chasseurs établis, la proie évidente, il ne restait plus qu'à lancer les hostilités. C'était un jeu, une partie de course poursuite qui ( d'après leurs rires stridents ) les faisait beaucoup plus marrer que je ne l'aurais voulu. Ils étaient plus rapides, intrépides. Ils traversaient les parois ( plus naturellement que le vampire ), parcouraient de part et d'autre sans effort les couloirs de pierre dressés sans jamais ne faire preuve d'une once de fatigue. Essayaient-ils de me guider quelque part à leur tour ? Ou simplement de m'acculer quelque part pour mieux profiter de leur petit jeu, seul amusement pour des êtres intouchables, immortels, sans chair ni os. La marche intensive montait en cadence. Je n'avais pas où fuir.. encore moins où me cacher.. J'étais dans une claire impasse alors que je sentais mes forces m'abandonner au fur et à mesure que mon souffle se creusait, que mes poumons pâtissaient de l'effort subi.. La force me faisait défaut. J'étais pris au piège. Lamentable.

Ma course mouvementée me fit parcourir des dédales d'une taille notable, des couloirs droits, mais dont je ne voyais pas le fond; des galeries souterraines qu'une lumière faible semblait toutefois égayer. Je sentais mes jambes céder aussi rapidement que les pierres rectangulaires sur lesquelles je m'appuyais, mes yeux faiblir sous le poids d'un sommeil venu du néant. Je croyais me perdre de vue moi-même, mon cœur battant à tout rompre dans ma poitrine bombée et mes épaules lourdes. J'étais dans un état second, ne voyais plus que des ombres devant moi. Ma chute était inévitable et elle ne tarda pas à se pointer. Je me vis alors heurter quelque chose de dur, impénétrable. Je ne puis comprendre de quoi il s'agissait avant de sombrer dans un sommeil des plus profonds, avant de me laisser porter par cette sensation désinvolte de bien être, croyant flotter dans l'air, sans aucun poids restant dans mon anatomie lourde d'homme. Je savais que c'était impossible qu'il s'agisse de mon maître et sauveur, mais ma conscience n'était plus en mesure de la moindre pensée qui soit. « Il me manque » Les derniers mots que je fus en mesure de prononcer clairement de cette petite voix qui est la mienne..  



La nuit était calme, douce, sans plus. Elle ne présageait rien de bon, c'est ce que Luka s'était dit dès le premier instant. Quelque chose dans l'air, dans l'ambiance qu'il sentait dense et tout sauf plaisante, lui indiquaient qu'il ne fallait pas séjourner sur place plus que nécessaire. Bien entendu, il n'en fit rien et céda aux caprices de l'orine dès que ce dernier le supplia de rester en ville une nuit de plus. Loin était-il de se douter que cette présence infecte ne provenait de nulle autre que de la Tour Inconnue en personne, qui d'après ses dires, se plaisait bien à lui jouer des mauvais tours. Il en avait été ainsi lors de ses trois dernières visites, il en serait ainsi pour toujours. Son caractère espiègle lui donnait un sens de l'humour pour le moins déplacé, et elle se plaisait à faire souffrir les autres, ouvertement, sans pourtant dévoiler toute l'ampleur de son implication. Elle était le genre ''d'entité'' que le vampire détestait par dessus tout côtoyer.. Et pourtant, une force supérieure, un sort quasi inévitable, ne se priverait pas de l'y obliger.

« Quel imbécile.. » prononça une voix lointaine avant de quitter la pièce et suivre le gamin qui jouait indéniablement avec le feu. Il en avait toujours été ainsi. Il finit par se brûler. Venom assista à la scène de loin, n'ayant pu l'atteindre à temps d'empêcher la supercherie de se faire.. Revenant sur ses pas, il savait qu'il allait y en avoir un qui ne serait pas content d'entendre les nouvelles...

Luka ouvrit les yeux, ses paupières et milliers de cils entrelacés, découvrant à son réveil émancipé l'absence d'un certain adolescent. Ses yeux parcoururent entièrement la pièce, cherchèrent de leur nuances azurs la bête animale qui se cachait de tout temps dans ces morceaux d'ombre. Rien. Elle aussi avait fait la malle sans prévenir. Tous deux avaient disparu pendant qu'il sombrait dans un sommeil qu'il avait, certes, mérité, mais qui d'après lui, n'aurait pas dû l'immobiliser à ce point. La porte se fracassa contre la muraille de pierre, une des quatre qui l'entouraient dans la chambre carrée. Un animal s'engouffra à l'intérieur, souffla son exaspération et son agacement. Son haleine forte pouvait se sentir de l'autre côté de la chambre et le jeune homme n'eut peine à le reconnaître, ses affaires déjà posées ( et promptement rangées ) sur son épaule. Venom ( toujours aussi intentionné ) s'approcha, silencieux, tira sur le manteau à moitié plié sur la commode et le tendit à son maître. « Ça risque de traîner alors enfile ça et suis moi. » « Où allons-nous ? Tu arrives à suivre sa piste ? Sa chaleur et son odeur devraient être encore dans l'air.. » fit-il lui filant sous le nez une chemise qu'avait porté l'orine la veille. Rechignant légèrement, il sortit son museau de ce musée d'odeurs diverses qui lui étaient insupportables, tant leur fragrance était intense et répugnantes au même temps. « Ne reste pas derrière. On doit se dépêcher de le tirer de là. » Aussitôt dit, aussitôt fait.

Ils chevauchèrent dans la nuit, telles deux ombres indomptables, silhouettes gracieuses qui empiétaient sur le territoire naturel comme s'ils y avaient toujours appartenu. Ils évitaient les branches trop basses d'un naturel inconcevable, s'engouffraient dans des passages obscurs que nul ( ayant toute sa tête ) n'aurait voulu traverser par une telle nuit noire. Les lumières de la forêt enchanteresse ne parvenaient plus à les atteindre et ayant prit un raccourci, ils parvinrent en un temps moindre devant le bâtiment toujours aussi imposant, n'ayant aucunement cherché à masquer sa présence à leurs yeux et oreilles affûtés. Luka le dévisagea instinctivement, lâchant un râle non feint et instinctif montrant ainsi toute l'étendue de sa rage et indignation. Il l'avait pressenti. Il n'aurait jamais dû aller à l'encontre de ce pressentiment qui le prévenait du danger imminent. Maintenant, c'est à cette réalité qu'il devait faire face et une fois de plus elle n'apportait avec elle que terreur et désespoir s'il ne faisait rien pour y remédier..

La Tour se manifesta la première, dessinant ces mêmes symboles que par le passé elle utilisait pour communiquer, et qu'il pouvait malgré tout déchiffrer. « Ne soit donc pas en colère.. Je n'y suis pour rien. Le petit a voulu entrer de lui-même. Je ne prends aucune responsabilité pour ses actions. » rédigea-t-elle en un éclair, comme si ce discours avait été préparé au préalable, les mêmes propos qu'elle chantait à chaque fois qu'une telle chose se produisait. « Tu veux pas me faire croire que la dernière fois non plus tu n'avais rien fait ? Tu sais bien que ça ne prends pas avec moi. Autant ne pas essayer. Plus important encore, où est-il ? » cracha-t-il encore maître de lui-même, essayant de rester le plus civilisé possible, car elle n'aurait crainte de jouer avec ses nerfs et se jouer de ses faiblesses si jamais il lui donnait la plus maigre occasion.. Clignant des yeux, croisant ses bras, il bouffa d'impatience. « A l'intérieur. » « Mais encore ? » « Cela ne servira à rien que je te le dise. L'endroit n'est plus le même que la dernière fois que tu y as mis les pieds. » lâcha-t-elle d'un air plus fier que la normale. « Alors fais en sorte de nous donner un indice. On a pas toute la journée, connaissant les folles qui y habitent.. » La Tour sembla rire de son commentaire en toute honnêteté, car c'était bien sa veine d'avouer que les deux jeunes femmes qui y logeaient n'avaient effectivement plus toute leur tête. Cela ne pouvait être autrement, à force de vivre dans un tel lieu l'on vient forcément à perdre la boule.. Luka espérait seulement que l'orine n'ait pas le temps de croiser le chemin de l'une comme de l'autre, craignant pour sa santé mentale autant qu'il appréhendait leur entrée en ces lieux. On pouvait facilement sombrer dans la folie lorsque devant nous font surface nos peurs les plus vives et en sa qualité de protecteur inné, il ne pouvait se pardonner de l'avoir exposé à ce mal. Il était loin de savoir à quel point le petit bambin se débrouillait bien sans lui, cette fois étant la seule exception. « Dans le palais. Troisième tour à droite. Quinzième porte. Bonne chance pour y arriver. Vous avez de quoi faire avant d'y parvenir, vous ne risquez pas de vous ennuyer. » ajouta-t-elle en dernier avant d'ouvrir grand ses portes et de les laisser entrer.

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Mer 31 Déc 2014, 23:06


L'enfant des Mirages ~ Solo Aafu


De l'eau. Des perles de pluie que je sentais s'échouer sur ma frimousse pâle, inconsciente. Encore en proie aux joies du sommeil, je laissais tout contrôle m'échapper, volontairement. Combien de temps avais-je souhaité une telle paix, un tel délaissement de toute raison ? Aussi longtemps que je m'en souvienne, temps que transcendent mes souvenirs pour se perdre ou s'oublier. À chaque fois que je me crus susceptible d'atteindre enfin cette paix intérieure, je la vis s'écouler entre mes phalanges pourtant fermées, me fuir à vive allure. Et une fois de plus, je dus m'en séparer, de force. Ouvrant les yeux abruptement comme sorti de ma plus cauchemardesque illusion d'une nuit, j'observai avec curiosité un lourd nuage de fumée léviter au dessus de ma tête.

Des cris. Des hurlements presque. Des hululements de détresse ( d'âmes qui quittent ce monde ) se faisaient entendre venant de partout et de nulle part à la fois.. résonnant dans mon cerveau comme si on me les y avait implanté contre mon gré. Je les reconnus sans mal, les rires des fantômes qui m'avaient poursuivi sans relâche, hanté jusqu'à ce que ma conscience perde le contrôle de mon corps. Je crus sentir le danger m'effleurer la nuque ( prêt à la trancher en deux au moindre geste ) et je restai donc quelques instants figé, feignant le sommeil, avant de me décider à bouger. Je sortis du lit avec effroi mais motivation, découvrant avec stupeur la réalité de la situation. Les fantômes ne faisaient que jouer, se courir les uns après les autres tout en tournoyant autour d'une silhouette de femme, assise à la fenêtre.

Le calme de la pièce que je venais de rompre, me gela le sang et je restai une fois de plus immobile, craignant tout faux pas, mais ne pouvant pas me permettre de rester planté là. Autour d'elle, un calme plat, froid de marbre, presque macabre par son côté solennel, presque sacré. Le genre d'ambiance que l'on ne se permet de briser que par pure envie suicidaire.. Or, ce n'était aucunement mon cas. « Mais prends une chaise. Vas-y. Je ne vais pas te manger. » Cette voix.. Je la reconnus de suite. Elle m'avait trop percuté pour que j'oublie après seulement quelques heures de torpeur et somnolence, le timbre et l'intonation emplie d'arrogance qu'elle prenait en m'adressant n'étant guère habituel. Je clignai des yeux un instant, cherchant la chaise la plus proche, et m'y installai promptement. Une théière gisait sur la table me faisant face et me servant une tasse, j'en versai une aussitôt pour ma ''partenaire''. Le tout s'enchaînait avec tant de naturel que j'en sentis mon corps se détendre comme s'il croyait ne plus rien risquer, même en territoire ennemi. Or, il avait affreusement tort..

« Merci d'avoir laissé mes fantômes jouer avec toi. Les étrangers ne sont pas courants par les temps qui courent et ils se sentent assez seuls. Tu devrais pouvoir les comprendre. » lança la jeune femme en quittant son refuge du parapet de la fenêtre, et en rejoignant la place que je lui avais réservée. Des boucles soyeuses tombant sur ses épaules et s'éparpillant dans son dos, un parapluie de teintes roses malgré la pluie absente à l'intérieur de la tour. Coiffant les fils de noir et les volants de sa robe longue, elle s'assit d'un sourire forcé au coin des lèvres, 'pour m'être agréable' en ai-je déduit. « Pourquoi.. m'avoir aidé ? » demandai-je bêtement. La jeune femme cacha un sourire maintenant plus sincère ainsi qu'une légère grimace moqueuse, mais reprit une gorgée de son breuvage aux herbes, avant de s'expliquer. « Ce sont mes fantômes qui ont causé ton évanouissement. Que ce soit par peur, manque d'énergie, fatigue ou sommeil, cela ne change rien. Ils en sont la cause, je leur ai donc dit de t'amener ici. Je n'aime pas avoir des dettes envers autrui. La mienne est payée. » abrégea-t-elle avec un grand sérieux.

Elle m'empêchait d'en placer une, essayait sûrement de réduire l'ennui que j'étais prêt à lui causer.. Elle était néanmoins mon seul espoir de pouvoir m'échapper de la tour, malgré ce masque d'indifférence aucunement feinte qu'elle affichait. « Je dois.. sortir d'ici.. S'il-vous-plaît, aidez-moi ! » La jeune femme ne cligna même pas des yeux face à ma demande, et continua sans désagrément d'engloutir ces gouttelettes de thé sublime qu'elle semblait elle-même avoir préparé. Elle jouait la carte de l'ignorance ( merveilleusement bien qui plus est ) et je n'étais pas sûr de pouvoir en tirer quoi que ce soit.. « J'ai seulement suivit la voix d'une fille jusqu'ici voilà tout.. Je ne suis pas venu exprès ! Je ne cherche ni trésors ni richesses !! » Le sourire immuable de la jeune femme ne changea pas suite à ces paroles. Elle ne me regardait même pas alors que je baissai la tête en guise de prière ou de supplication formelle. Une nouvelle gorgée pour de nouveaux propos, nouvelles demandes désesperées auxquelles elle répondrait de cet air indifférent qui en était devenu sa marque de fabrique. « Mademoiselle ! Vous êtes mon seul espoir ! » tentai-je comme dernier recours. La seule chose qui sortit de ses lèvres peints d'un rose bonbon furent les suivantes paroles : « Pas de mademoiselle avec moi. Rose. » avant qu'elle ne replonge dans sa propre mer d'indifférence. Je ne l'intéressais juste pas du tout, c'est tout ce qu'il y avait à comprendre.

Je soupirai. Les larmes abordèrent la lande de mes yeux et perlèrent sur le sable fin de mes joues pâles. J'étais désespéré et je marmonnai pour moi-même dans un souffle, faisant de mes bras la cage d'or qui enveloppait mes jambes frêles. « Je vais faire comment moi maintenant.. Je pourrai jamais te revoir à ce rythme là.. Qu'est-ce-que je vais faire.. Aide-moi.. Luka... »
Sur ces mots, je sentis la jeune femme se redresser sur son fauteuil. Ayant relâché l'emprise de mes deux bras, je relevai la tête qui reposait jusque là sur mes genoux. J'essayai de comprendre d'où lui venait une telle agitation et la regardai donc d'un air incrédule, interdit.. Quoi de plus normal puisque je n'avais, en des dizaines de minutes, point réussi à susciter en elle un tiers de l'intérêt que des paroles soufflés aux quatre vents venaient d'attiser. Dans le visage de la belle s'était allumée une bougie que jusque là j'étais même pas capable d'apercevoir. J'écarquillai mes orbes d'améthyste en la voyant se pencher de toute sa longueur sur le meuble de bois pour s'approcher de mon visage.

« Que viens-tu de dire ? » Je la fixai, une fois de plus, ahuri. J'ignorai de quoi il pouvait bien s'agir et répétai donc mes phrases une par une avant d'arriver à la toute dernière. Un seul nom. Un nom d'homme, ou plutôt de vampire. Un vampire qui avait vu du pays, un jeune homme innocent qui avait fait les plus étranges rencontres au cours de sa longue existence, dont je n'avais même pas idée. Je posai alors la question la plus évidente qui soit : « Vous.. le connaissez ? » Elle m'ignora une fois de plus, mais pas une de trop. « Alors, t'es le protégé de ce bon vieux Luka.. » À croire qu'elle avait au moins écouté mes paroles, même si elle n'y faisait pas très attention et qu'elles ne la touchaient en aucun cas. « Mais c'est juste MERVEILLEUX tout ça ! Quelle bonne nouvelle ! Comment ça se fait que je n'ai pas été mise au courant ?! Tu sais quoi mon petit ? Finalement, on a un accord ! Je te fais sortir mais seulement si je peux voir Luka. Marché conclu ? » Hébété, encore proie de ma désillusion, je restai quelques instants sans comprendre, mais son visage enthousiaste m'assura qu'elle ne lui voulait aucun mal.

Je lui tendis alors ma main, en guise d'accord mutuel. « Si tu promets de ne rien lui faire, ça me va » fis-je, ma main toujours vers l'avant en attendant qu'elle la prenne de la sienne, plus petite, plus douce. « Sans façon. » ajouta-t-elle simplement en se dirigeant vers la porte de la tour majestueuse et en me dévoilant, d'un sadique sourire, le nombre de marches qui m'attendaient. « J'espère que tu t'es préparé. Ne meurs pas d'ici la fin. De toute manière, tant que je peux voir Luka ( qui viendra sûrement jusqu'ici à ta recherche ), je m'en fiche un peu de si on te retrouve mort ou vivant. » Étonnant comment elle pouvait passer de l'huile au vinaigre en un clin d'œil.. J'entamai ma descente, déjà impatient d'en voir le bout.

Je crus voir des heures s'écouler devant moi, mais aucun signe d'une sortie en vue.. A mes côtés, Rose se plaisait à me voir souffrir, quant à elle flottant allègrement grâce à ses sbires qui se faisaient par ailleurs une joie immense de me titiller en silence. Le sol dur, ferme me torturait les pieds. L'humidité des lieux rendait mon souffle lourd et peu plaisant. De mes cheveux coulaient des traces de sueur que j'essuyai tantôt du revers de ma manche, tantôt d'un bout de tissu que j'avais rangé dans une de mes poches, la fatigue s'étant accumulée après si longtemps.

Je la regardai un moment de mes yeux vitrés, mes forces m'abandonnant progressivement. « J'ai dormi combien de temps ? Et ça fait combien de temps que nous sommes sur cette route ? » En fait, ça faisait déjà un moment que ces questions me taraudaient l'esprit, et j'avais enfin réuni le courage nécessaire pour les poser. La réponse.. fut des plus surprenantes, même si cette dernière tarda à venir. Mademoiselle était bien trop occupée à brossée de ses phalanges de nacre ses boucles abondantes et de couleur chatoyante. « Alors.. si je me fie à mes fantômes – qui ne se trompent jamais – tu as dormi trois jours. Votre course à l'homme a duré presque une journée entière. La descente de ces escaliers.. on en est bientôt à deux jours. Mais pourquoi tu demandes ? » Elle lut une surprise macabre sur mes traits. Elle en rit des heures durant, alors que dans mon esprit se vidait pour constituer le néant le plus absolu. Bien entendu Rose avait ''oublié'' de me mentionner que le temps à l'intérieur de la Tour ne s'écoulait pas de la même manière qu'à l'extérieur.. Bien entendu, elle l'avait fait exprès.. Bien entendu, c'était plus amusant pour elle comme ça. Aussi, attendait-elle le dernier moment pour me l'annoncer. Je n'allais découvrir le pot aux roses qu'une éternité plus tard avec une aide extérieure inattendue..

Entre temps, des tas de questions me harcelaient, m'empêchaient de rester de marbre comme j'avais pu l'être jusqu'à ce point. Des questions telles que ''As-t-il abandonné ses recherches ?'', ''As-t-il seulement essayé de me retrouver ?'' , ''Vais-je rester prisonnier de cette tour pour toujours ?'' continuaient de parcourir ma tête, de la remplir jusqu'à presque en déborder. C'est dans cet état d'esprit des plus sombres que je vis la lumière au bout du tunnel, tandis qu'on quittait d'une bonne fois pour toutes le château de l'horreur. On ne voyait plus que des ombres et quelques fines silhouettes à l'intérieur du monument insalubre. Je fis demi-tour, lui tournant le dos volontairement, alors que je pressai le pas pour rejoindre le bâtiment principal.

Une voix retentit.Douce, mystérieuse. Derrière nous. Elle nous avait prit au dépourvu. « Traîtresse ! » s'écria Rose subitement. La voix lui répondit jusque là tapie dans l'ombre, montrant son vrai visage. « Tu t'es relâchée. Je ne pensais pas passer aussi inaperçue en vous approchant. Ta lame s'est bien émoussée depuis la dernière fois qu'on s'est vues. Ta langue, elle par contre, ne semble pas avoir subit le moindre changement. Typique. » Hautaine. Air de princesse. Visage de poupée. Décidément, elles étaient toutes les mêmes dans cette tour. Je me tournai, ne cherchant même pas à savoir qui était en vérité cette nouvelle étrangère, mais, de toute évidence, la Tour semblait vouloir nous jouer encore un mauvais tour.. Car devant moi s'étendait maintenant un dédale noir et blanc, d'un luxe incomparable, mais aussi d'une surprenante simplicité. Le couloir était droit. Impossible qu'il s'agisse d'un labyrinthe.. Mais que trouverait-on à l'autre bout du chemin ?

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Mer 31 Déc 2014, 23:06


L'enfant des Mirages ~ Solo Aafu


« Le même ''paysage'' que la première fois ? Quel manque d'originalité. » Le silence planait suite à ces paroles. La rancune le travaillait énormément, et les images de ses passages précédents fusaient dans sa petite tête. Il connaissait ce labyrinthe sur le bout des doigts, en ayant gardé un amer arrière goût.. Le souvenir de ces milliers de pas donnés dans le vide.. les recherches incessantes de ce protecteur absent.. ce vampire dont il ne savait toujours rien, malgré les milliers de grains de sable écoulés depuis.. Il n'avait plus rien qui le reliait à la demeure, et pourtant sa présence semblait le hanter constamment. Il se forçait d'y revenir une fois de plus, une fois de trop.. De nouveau. « Tu peux parler. As-tu seulement changé d'un poil depuis notre première rencontre ? Sans faire mention de ton apparence j'entends, puisque nous savons tous deux que tu la conserveras éternellement. Je te vois toujours comme le pauvre type qui ne peut protéger personne ( même pas un petit gars qu'on a emprisonné en haut d'une tour ), qui ne sert à rien, qui ne nourrit pas la moindre ambition. Je me trompe ? » Elle avait touché le nerf sensible, en plein dans le mile. La Tour pouvait avoir maints défauts, être aussi détestable que puérile, mais il y avait bien une chose qu'on pouvait admirer chez elle, et c'était bien cette franchise inébranlable, autrement dit la capacité de dire les quatre vérités à tout être, honnêtement et sans détours. Sa confiance débordante lui donnait le droit de débiter tout genre de critiques, et elle en faisait son affaire que ces dernière aient le plus grand impact possible. Cette fois n'était guère une exception à cette règle ultérieurement fixée. Elle avait frappé adroitement et avec justesse le point faible du vampire. Les nerfs du jeune homme se tendirent, ses yeux se plissèrent devant des affirmations qu'il ressassait dans son esprit lui-même depuis bien longtemps déjà.. Cette vie sans saveur, sans but, sans espoir, sans utilité, commençait à sérieusement l'exaspérer, et il fallut qu'une tour ambulante le lui fasse remarquer pour qu'il puisse enfin faire face à la réalité.. Ce fait l'insupportait plus que tout. Il n'était pas fière, encore moins orgueilleux, mais l'on ne peut jamais être content d'une défaite si évidente. Il n'avait plus son mot à dire. « Prochaine fois, mêle toi de ce qui te regarde. » « Prochaine fois, montre moi que tu n'es pas un idiot qui ne sait pas tirer de ses erreurs une bonne leçon. Tu es juste odieux, et ennuyant ainsi. » Ses propos étaient tranchants et incisifs. Luka détourna le regard, honteux et songeur.

Le loup marchait de toute son élégance à ses côtés. Il savait le jeune garçon assez proche, malgré le manque total d'orientation dans ce qui semblait être un océan d'odeurs exotiques. En dépit de ses nombreux voyages, il avait toujours ce sentiment de découverte en ressentant une nouvelle senteur, mélange d'aigre et de doux, d'épices pourtant empruntes de fraîcheur, des fragrances qu'il pourrait presque confiner en lui pour les conserver à jamais. C'était son péché mignon, un but comme un autre qu'il prenait le temps d'explorer dans tous les sens. L'odeur du vampire avait été, sans doute, la première chose à réellement l'attirer chez cet être dont au final on ne connaissait jamais tout, et qui pouvait toujours surprendre grandement. Un bien pour un mal à s'y être vu lié, relation sans antécédent. Ils s'orientaient calmement mais le pas pressait. La sortie était à portée de main. Une simple porte dans le bois sculptée ornait la fin de l'allée meurtrière. La poignée était ronde, et dans un dorée presque effacé, laissant transparaître le délaissement, et la désolation qui grouillait de l'autre côté de la porte. Ils devaient y échapper..  À ces griffes démoniaques, cette poigne invisible qui se renfermerait sur eux au fur et à mesure que la marche se prolongeait sur les couloirs de l'infini. * La Tour est joueuse. Ne te fie pas à sa 'confiance' * transmettait le regard de la bête. Luka agréa d'un hochement de tête alors qu'ils franchissaient la supposée porte du salut. Décidément, ils étaient loin de connaître l'intégrité de ce mot dans la bouche des deux folles de cette Tour qui, comme à leur habitude, se faisaient une joie de s'amuser aux dépends de leurs malheureux visiteurs. Luka n'en croyait pas ses yeux.. et comment lui en vouloir... Il croyait avoir fait face à l'Enfer, mais de toute évidence, il demeurait bien crédule, bien naïf...



« ~ Luka.. Pourquoi te bats-tu pour lui ? Ce n'est même pas ton orine en plus.. N'est-ce pas un simple gaspillage de ta salive, ton temps et ton énergie que de venir chercher une 'chose' aussi faible, à t'être engouffré dans la tour de son plein gré ? Quel imbécile tu fais ~ » Rose fendit l'air du bout de sa lame courte, coupant une mèche de cheveux du vampire, seulement à moitié concentré. Il tressaillit, s'assurant que l'orine trônait toujours dans ce même sommeil inébranlable. Or, ce qu'il ignorait, c'est que les paroles pouvaient l'atteindre jusque dans ses rêves, et qu'il n'était aucunement étranger à tout ce qui avait lieu dans la réalité. Luka, dans un espoir de silence, bondit sur la jeune femme, sa lame noire d'ébène et ses flammes bleues déchaînées acculant par la surprise la belle demoiselle, à qui cette joute était loin de déplaire. « Je ne l'ai pas pris sous mon aile pour de tels artifices, et je ne compte pas le lier à moi par un contrat tel que celui des orines ! Nombreuses sont celles à être malheureuses, mais à continuer cette vie de douleur, car voilà, on le leur a ordonné. Je ne suis pas de ces monstres, non. Jamais je n'en ferait une 'poupée'. Je refuse. » Elle rit aux éclats. Elle s'amusait toujours autant aux dépends des idéaux du vampire, et de ses belles tirades pleines de sentiments, débordant de ces derniers. Il était simplement un des plus beaux spécimens qu'il lui avait été donné d'apercevoir, et d'examiner de près, malgré ses visites se faisant rares. Même ce facteur d'imprévu et d'irrégularité, semblait aller dans le sens des désirs de la femme fantôme..

Elle reprit, se léchant les recoins de la bouche. « ~ Luka.. Le sais-tu ? Une orine tel que lui, ne pourra survivre sans maîtresse. Il continuera de la chercher, car c'est à cela qu'on les a préparé. Il ne pourra y échapper bien longtemps, même si c'est là son envie première. Tôt ou tard, tu verras qu'il ne voudra plus QUE de toi, qu'il aura besoin d'une autre pour lui apporter ce qu'il désire. Car, c'est dans sa nature. Tout comme il est dans la nature de l'homme de se faire corrompre, dans celui de l'animal de tuer ou d'être tué. C'est tout un cycle tu sais. Tu n'y pourras rien. Le moment venu.. sauras-tu l'accepter comme un homme ? ~ » Finissant son rire strident, d'orgueil et satisfaction, sur une note des plus aiguës, des plus aigres, elle lança un baiser au petit être à la crinière bleutée. Et elle disparut, ne laissant que l'écho de ses rires planer dans la pièce. Le loup le regarda, l'air de dire 'Ne t'en fais pas. Il t'aimera toujours, et ce n'est pas une maîtresse quelconque qui le fera t'oublier', mais ces paroles ne semblaient pas atteindre le petit être. Il laisserait Kyle faire sa vie, même s'il était maintenant sa famille, une bonne part de sa vie. Il ne voulait pas lui ôter sa liberté. Ce faire avait le mérite de tuer bien des couples, bien des liens, et Luka ne voulait pas s'y exposer.. Son bonheur, son bien être lui étaient impérieux, ses envies maîtres de ses actions. Ils avaient tous besoin de changements.. d'évolution. Cette dernière devenait pour eux une soif, une faim, un manque irrépressible qui, faute d'une satisfaction prochaine, deviendrait une carence. D'elle-même, elle entraînerait d'autres maux plus coriaces, plus voraces, et la chose ne ferait que devenir plus meurtrière qu'elle ne l'est. Le vampire y était tout aussi propice que le petit être juste sous ses yeux..



J'ouvrai mes yeux. Avec peine. Je remarquai les changements dans mon environnement, ainsi que la véracité du rêve que je venais d'avoir. Je repensai au peu d'éléments crédibles d'avant mon réveil émancipé, mais tout restait excessivement flou.. Autour de moi, la vision utopique avait muté en champ de bataille macabre, et une vaine odeur du sang m'emplit les narines. La voix rauque de Luka, juste à côté, retentit à mes oreilles, et je compris que tout n'avait pas été qu'une simple vision, illusion créée par mon esprit. Je me tus. Les contusions qui se dessinaient sur les membres de Luka, ces quelques plaies aussi fines que le bout d'une lame acérée, m'ôtaient tous les mots de la bouche. * Il me faut grandir..* me suis-je dit, avec amertume. Après tout, ce vampire ne serait pas éternellement le réceptacle de mes émotions, ni le baromètre de ces dernières. Il ne voulait pas de moi, notre 'relation' actuelle se suffisait à elle-même. Son monde ne tournait pas autour de moi, même si je m'y voyais inclu. Je le savais.. et pourtant je feins longuement l'ignorance. Pourquoi ? Car c'est mieux ainsi. Car l'on se sent mieux à se voiler la face, plutôt qu'à affronter une réalité trop hargneuse pour ce coeur qui ne veut pas se rompre. Hélas, ne voulant pas qu'il ait à ramasser ses morceaux, à les recoller qui sait à contre coeur, je m'interdis de partager cette destinée. * J'en ai trop fait. C'est bien fini * Je me surpris à avoir de telles pensées. Plutôt que d'accourir et me lancer dans ses bras, tendus vers moi, je songeai plutôt à m'en séparer. Était-ce encore la lâcheté en moi qui prenait le dessus ? Sur le courage de perdre tout à nouveau ? Avait raison de cette nouvelle vie que je voulais m'offrir ? Ou avais-je seulement remarqué que finalement il n'était pas le 'bon' pour moi, dans cette quête éternelle que je risquais d'entendre..? Va savoir.. Tout était bien trop flou pour que je puisses en garder un clair souvenir. Je ne puis être certain que d'une seule chose, autrement dit que cette nuit fatidique marqua le deuil d'un amour enfantin, pour un que, si jamais il venait à germer, serait plus fort, mais guère plus passionnel. Ce serait uniquement la reconnaissance d'un protégé envers son protecteur, et non pas celle d'un enfant ayant soif de l'affection de son parent.

Il me fallait une maîtresse. C'était mon but, mon aboutissement, l'apaisement de ma conscience. Il me fallait celle qui m'accepterait pour toujours et à jamais comme l'être impuissant que je suis.. J'étais décidé à la trouver, car rester ainsi dépendant de la bonté d'autrui ne sciait guère mon caractère, et encore moins la façon dont on m'avait élevé. Si jamais je ne pouvais être véritablement à 'son' service, si jamais il ne me serait permis de l'aimer comme un servant l'aurait fait, si jamais il n'y avait cette promesse pour nous lier.. alors autant couper tout lien, et qui sait.. les relier de nouveau un jour. Plus que tout perdre définitivement, je préférais tout délaisser de moi-même. Ce n'était pas pour autant un adieu ! Juste.. un au revoir temporel, partiel. Ce n'était pas immédiat non plus.. Juste une prise de conscience qui amenait bien des conséquences. J'avais besoin de temps, et fort heureusement, c'était une chose dont Luka disposait grandement, et dont il pouvait, à souhait, disposer. Ce que j'ignorais notamment, c'est que cette séparation risquait d'avoir lieu parfaitement contre mon gré, sans qu'elle soit voulue.. Luka adjurerait cette distance lui-même nécessaire..

Personne ne prononça mot. Luka semblait même tenir à ce silence. Il lisait en moi comme dans un livre ouvert, alors fortes étaient les chances pour qu'il ait décelé dans mon comportement, la terrible et ingrate vérité. À l'aube, nous rentrâmes au logis. Un met fumant nous y attendait. J'en dégustai la moitié, laissai l'autre à l'animal à mes côtés. Luka m'embrassa le front, caressa une boucle prétentieuse qui avait envahi les rivages de ma frimousse pâle. Il me sourit. Il avait tout compris. Je ne fis rien cette après-midi là, et de même pour toutes les suivantes. J'avais besoin de me remettre les idées en place.. Une dizaine de lunes plus tard, Luka disparut. Et on ne le revit plus pendant un bon moment...

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L'enfant des Mirages ~ Solo

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