Un bruit réveilla Raeden. Ce n'était pas dur après tout, il ne dormait jamais sur les deux oreilles et toujours que d'un œil. Il se retourna sur le matelas de paille malodorante que lui avait apporté l'employé du tavernier avant qu'il ne se couche. Son regard tomba sur son compagnon de voyage, Leaic. C'était lui que l'Ombre avait entendu. Il était en train de rêver. Il jappait et couinait, le bout des pattes gigotant tout seul.
Tais toi donc, j'veux dormir moi!
L'animal se tut et ouvrit un œil pour voir ce qui l'avait dérangé à son tour, pendant que Raeden se réinstallait en grognant sur sa couchette. Le chien soupira et rabaissa sa paupière. A peine celle-là fut-elle close que les bras de Morphée se refermèrent sur lui pour l'emporter dans un nouveau songe.
Les rayons du soleil réchauffaient doucement le corps de Leaic tandis que la boule de feu s'élevait dans l'horizon. L'être allongé ouvrit un œil puis un autre et laissa sa vue s’accommoder quelques secondes. Mais quelque chose n'allait pas ; les couleurs n'étaient pas pareil que d'habitude. Peut être que le soleil lui avait déjà trop tapé sur la tête ! Il voulut se gratter l'oreille avec sa patte arrière, comme d'habitude, mais aujourd'hui, il n'y réussit pas. Il était soudain plus assez souple!
~ Serais-je tant rouillé que ça?~
Ou alors, il avait besoin d'étirer un peu ses muscles, ça irait certainement mieux après. Il se redressa donc pour étendre ses pattes devant lui, et étirer son dos. Il avait fermé les yeux quelques instants pendant cet effort.
~ Ah ! Qu'est ce que ça fait du bien ! ~
Et lorsqu'il les rouvrit, il ne comprit tout d'abord pas ce qu'il vit. Il avait sous les yeux ses pattes mais...elles n'étaient pas comme d'habitude. Déjà, elles n'étaient pas couvertes de poils...et puis surtout, elles étaient composés de doigts ! C'était des mains !!! Lorsqu'il réalisa ça, il sursauta violemment et tourna plusieurs fois sur lui même, jappant, inquiet, pour voir si le reste de son corps avait lui aussi subit une transformation. Hélas oui. Il n'avait plus un brin de pelage, à part sur sa tête et tout son corps était devenu celui d'un humain.
Il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Pourquoi était-il comme ça ? Qu'est ce que s'était passé ? Il regarda autour de lui pour chercher de l'aider, mais il n'y avait personne. Il était au milieu d'une prairie et seul un chemin la traversait, menant vers on ne savait où. Que devait-il faire ? Il couinait de manière discontinue, ayant encore du mal à surmonter la découverte qu'il venait de faire.
Puis enfin, se reprenant, il s'ébroua et se mit en route, sur le chemin pour tenter de trouver un village, une habitation, enfin, un signe de vie, une présence qui pourrait lui venir en aide. Il marchait à quatre pattes, comme il l'aurait fait en temps normal, il là, ce n'était vraiment pas facile. Il n'arrivait pas à retrouver son pas chaloupé, et puis surtout, rapidement, son dos se mit à le faire souffrir, comme ses mains et ses pieds. Chaque pas devenait de plus en plus insupportable que le précédent. Il finit par s'arrêter.
Il n'avait pas d'autres solutions, s'il voulait continuer à avancer. Il avait à présent un corps d'homme, il devait donc l'utiliser comme tel. Ce n'était pas évidemment du tout. Comment ses êtres marchant sur deux pattes pouvaient-ils survivre ? Ils n'avaient aucune fourrure pour les protéger du froid, un odorat médiocre, tout comme leur ouïe, et une vue étrange.
Il commença donc par se relever, se redresser, pour finir par ne reposer que sur ses deux pattes inférieurs. Il était encore un peu courbé vers l'avant, n'arrivant pas à trouver le bon équilibre autrement. Il entreprit ensuite de mettre un pied devant l'autre, d'avancer, de marcher, comme il avait vu faire bien des hommes. Là aussi, il faillit plus d'une fois se retrouver au sol, avant de trouver une démarche à peut être sûr, quoique bancale. On aurait dit une personne quelque peu imbibée.
Marcher sur le chemin devenait impossible. Ses pieds n'étaient pas fait pour cela. Leaic comprenait maintenant pourquoi les homme mettaient des morceaux de cuir autour de leurs membres. Ce n'était pas possible d'avancer autrement. Le moindre caillou, la moindre aspérité du sol rappaient et déchiraient la chair tendre de la plante du pied. Il n'eut pas d'autres choix que de s'écarter un peu pour marcher dans l'herbe, quand même plus douce et agréable pour ses membres inférieurs. Peu à peu, à force d'avancer, il trouva enfin le rythme et put aller plus vite, jusqu'à même courir. En faisant cela, il se redressa encore plus jusqu'à être vraiment droit, comme un homme.
Enfin, il vit une bâtisse se profilait devant lui. Il sauta de joie sur place, content d'enfin trouver âme de vie. Encore que cela reste à vérifier mais au moins, c'était un signe. Cela lui fit accélérer le pas. Il voulait y arriver le plus rapidement possible pour trouver de l'aide. Peut être qu'on pourrait lui expliquer ce qui se passait. Bon, il se faisait sûrement trop d'espoir, mais ce n'était pas grave. Au moins, il avait quelque chose auquel se raccrocher.
Il arriva tout essoufflé d'avoir couru. Il s'agissait d'une ferme en fait. Et il y avait quelqu'un. Une femme. Elle était en train d'étendre du linge blanc, de grands draps. Leaic s'approcha doucement. Il ne voulait pas lui faire peur, et surtout, il était sur son territoire, il ne pouvait pas arriver là en pérorant comme si de rien n'était. Il n'avait pas encore compris qu'il n'était plus un chien et que de nouvelles règles s'appliquaient maintenant.
Il ouvrit la bouche, prêt à japper pour prévenir de sa présence, mais ce ne fut pas du tout ce qui en sorti. Il aurait dû s'en douter, mais non, il n'arrivait pas à s'y faire, qu'il était dans le corps d'un homme, et plus dans le sien. C'était donc un grattement de gorge qui se fit entendre et fit sursauter la paysanne. Elle cria encore d'ailleurs plus lorsqu'elle remarqua que la personne qui lui avait fait peur était dans son plus simple appareil, ce qui voulait dire totalement nu.
Leaic ne comprenait évidemment pas. Pour lui, c'était comme s'il avait des poils, rien de plus. Pourquoi la dame semblait-elle si choquée de le voir ainsi ? Se posant la question, le chien dans un corps d'homme baissa la tête sur son corps, pour voir ce qui était si choquant. Pour lui, rien. Puis il comprit quand la femme lui tendit un drap, en faisant bien attention de ne pas le regarder.
euuh
Machinalement, il prit quand même le tissu et l'enroula comme il put autour de lui, essayant d'imiter les habits des hommes et femmes qu'il croisait des fois. Au final, il se retrouva totalement saucissonné. Ce qui ne manqua pas de faire rire la matrone lorsqu'elle se retourna. Il avait de la chance, elle semblait gentille.
t'es pas dégourdi toi mon gars ! Vient avec moi, j'vais t'aider
Et sans plus de cérémonie, elle l'entraîna à l'intérieur de la ferme. Visiblement, elle vivait seule puisque personne d'autre n'était présent. Elle fit asseoir Leaic sur une chaise...
Bouge pas d'là, j'reviens.
..et elle partit dans une autre pièce en le laissant tout seul. Il n'avait qu'une seule envie, parcourir la pièce pour renifler toutes les odeurs qu'elle recelait et surtout voir s'il n'y avait pas quelque chose à se mettre sous la dent. Mais plus les secondes passaient et plus il se disait qu'il ne pouvait pas faire cela, que les hommes ne réagissaient pas de cette manière. Et maintenant, il était un homme, il devait apprendre à agir comme tel...au moins jusqu'à ce qu'il retrouve sa vraie forme.
La femme revint, et elle lui donna cette fois des vêtements d'homme, une chemise, un pantalon et surtout, une paire de mocassin. Bien sur, il ne savait pas du tout comment enfiler correctement tout cela. La matrone dut remarquer son trouble puisqu'elle lui sourit gentiment et commença par l'aider à enfiler la chemise en lui montrant geste après geste.
T'es pas dégourdi toi ! C'est quoi ton nom ? Qu'est ce qui t'arrive?
Il la regardait et l'écoutait, essayant de bien faire les gestes comme elle les lui montrait.
Euh...Leaic ! J'suis …. un chien... Pourquoi j'ai un corps de Deux-Pattes?
La dame le regarda quelques instants, interdite, puis elle lui fit un sourire chaleureux.
Ca va aller, j'vais m'occuper d'toi!
Elle semblait le prendre pour un illuminé. En tout cas, elle l'installa face à la table, lui apportant ensuite un peu de pain et de fromage, s'occupant de lui, pour lui montrer comment se servir des couvert, exprimer ses pensées...etc. Elle faisait preuve de patience et de douceur, comme si elle s'occupait d'un enfant à qui elle apprenait tout.
La journée passa...la nuit arriva et la matrone l'allongea dans un lit.
Leaic ouvrit les yeux. L'endroit n'était plus le même...il était de nouveau dans la chambre, avec Raeden. Mais quelque chose avait changé, il le sentait...il était plus humain...et même son soupir...comme s'il avait parlé!
