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 Le piano désaccordé. [Rp en solitaire]

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Lun 26 Mar 2012, 03:13

    Un ciel bleu parfois nous gouverne, il est le reflet de tous nos espoirs et lorsque l’orage nous oppresse, qu’un ciel noir se profile au loin, nous étouffe de par sa pesanteur assommante, alors il n’est plus question que de météo, mais bien de ressentiment, celui de tout perdre. S’il est de bonne coutume de dire qu’après la pluie vient le beau temps, que les optimistes se rassurent, en leur théorie n’est que justice puisque le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et lorsque le soleil brille pour certaines âmes, il boude ceux qu’il ensoleillait jusqu’à lors car seule la peine suffit à faire naitre la joie ou comment ressentir une satisfaction d’un besoin encore non ressenti. La voix d’une femme, aimée, suffit à réchauffer un cœur meurtrit ; sa capacité à apaiser la fureur en chaque homme rend splendides nos états d’âmes égoïstes ; mais qui peut chanter pour moi lorsque les nuits sont étouffantes ? Qui veut frotter la lampe, se consumer à petit feu.

    La solitude est une amie, une amie fidèle et sincère, elle n’a aucun visage et n’arbore pour autant aucun masque ; elle m’aime comme je l’aime car quand je la haïs, elle s’accroit et grandit ; je l’aime quand elle me susurre que la perfection d’un instant s’exprime dans le silence et le silence est sa seule verbale ; elle n’est animée que par sa monotonie. J’aime la solitude car je peux lui confier mes moindres tracas, mes lubies d’un soir et tout ce qu’il est déraisonnable de penser, elle ne me jugera pas. La solitude pense parfois à ma place et rit du fait que je ne puisse me reposer qu’en sa fâcheuse compagnie. Faute de fatalité, la solitude se pavane devant moi, à chaque instant, où je ris seul face à ceux qui pleurent ; je marche lorsque tout le monde courre mais toujours, la solitude marche à pas lent avec moi, me tenant le bras lorsqu’ils baignent béants dans ce vide infernal. La solitude est ma réflexion, je ne conçois la compréhension de ce monde qu’en l’absence du monde, lorsque je ne suis qu’avec elle. Elle conte les horizons que je contemple, les embellit et jamais ne les dénature. C’est une alliée lorsque je n’ai que des ennemis à mon chevet et dieu sait comme l’amitié m’est étrangère.

    Et lorsque je relis mille et une fois un bout de papier sur lequel on griffonne la banalité d’une vie, lorsque son prénom me revient comme une claque, ce monde semble se mouvoir d’une lenteur peu commune. Lorsque je relis ces quelques mots, cette lettre envoyée et accompagnée d’une dague d’encre par un majordome centenaire et plus encore, je conçois que l’on puisse poignarder de mots l’homme qui pense comme il respire. J’ai beau froisser le papier, mordiller le coin de la page dite, en faire une cocotte ou un signe par un procédé d’origami mal maitrisé et peu soigné qui me rappelle que j’ai toujours été capable d’être précis dans le pliage d’un papier. Evacuant le stresse par des gestes parasitaires, des ongles rongés, une jambe qui tremble, mon cœur s’accélère alors qu’un énième soupire m’échappe involontairement. Je questionne la solitude comme à mon habitude, espérant peut-être un peu trop qu’elle me souffle la réponse alors que je suis trop lâche pour me le dicter à moi-même. La nuit s’écoule entre mes doigts mais la nervosité fait de mes doigts de simples roseaux qu’un courant fait valser. La faute à ce que je ne suis pas, maintenant que je ne le suis plus ; tout s’inverse, se renverse, je ne suis que cet homme imbibé d’idées radicales et différentes. La dague entre mes mains, c’est un destin maitrisé mais peu convenable. Pourtant, il était préconçu par l’auteur de la lettre que je puisse m’en servir comme d’une plume sur une feuille, aussi aisé fut-ce-t-il apparemment de ramener quelques minutes le souvenir de cette femme haït par tout un monde mais seulement, au moins tout autant, que je l’avais aimé. Si le doute n’était pas la source du dilemme, le courage l’était ; j’étais ce lâche habituel que l’on cache par des satires mais qui se retrouve noyé au moindre imprévu trop dérangeant pour être amusant. Il n’était pas question de rire d’une telle acquisition ni de ne pas savoir s’en servir, non. Il n’était question que d’audace, irait-on jusqu’à toucher le paradis, pour que les anges puissent chercher pour nous ces âmes qui nous manque tant. Que ces âmes nous chuchotent ce qu’ils n’ont jamais eu le temps de songer de leur vivant et alors que nous nous plaignons d’un soleil trop ardent ou d’une pluie trop persistante, eux n’ont que pour seul regret, celui de n’avoir pu extérioriser tout ce qu’ils avaient mis une vie à nous cacher ; à contenir au fond de soi tout ce qu’il était pudiquement improbable de confier.

    Et pourtant. Il fallait bien dire au revoir. Même à la plus aimée de toutes les femmes.


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Lun 26 Mar 2012, 03:15

    D’un pas anodin, je marchais dans le couloir du manoir de Mitsuko, jonchant les allés comme un fantôme errant, j’aimais ce silence, il me berçait.

    Un « Jun ? » Bouscula tout de même cette harmonie partielle et utopique puisque bancale et vite ébranlée par je ne sais qui, je ne sais quoi, ma vue été embrumée par ces pensées qui m’obscurciraient tout sens. Seth passait comme un errant et pris la peine de penser que j’étais cette pâle copie. Et dire que Mitsuko disait toujours que j’étais le « faux-Jun » alors qu’en réalité, c’était lui le « faux-Naram ». Bien entendu, personne ne devait savoir que je m’étais aventuré ici alors que l’on disait de l’hôtesse des lieux qu’elle tentait la quête d’un éternel et que de ce fait, errer dans son domaine en ces temps suspicieux seraient peu bienvenus.

    - Oui, Seth ?
    - Que fais-tu encore ici ?

    J’en concluais donc que mon alter ego d’un autre temps était bel et bien de retour comme me l’avait confié ce même homme dans sa lettre.

    - Je me promène. Une requête à formuler ?
    - Jun… Ta voix est... différente, tu es sûr que ça va ?
    - Rarement lorsque l’on me dérange.
    - C’est bizarre mais j’ai comme l’impression d’avoir déjà senti ce parfum que tu empestes...
    - N’as-tu pas un thé à préparer, une robe à repasser au fer chaud, un rosier à tailler en forme de girouette ou je ne sais quelle bassesse à laquelle tu t’abaisses avec passion, des siècles durant.
    - …
    - Bien. Je te laisse chasser les souris et dépoussiérer les squelettes ; et ne flâne pas trop, la période n’y est pas propice.
    - Quelle aigreur, c’est encore pire que d’habitude.

    Et sans répliquer, je reprenais mon chemin, peu fier du jeu d’acteur minable que je venais d’interpréter en tant que Jun, plus représentatif d’un Naram pressé par le temps car je n’avais été Jun qu’en disant « Oui, Seth » lorsque j’y repensai, tout de suite après. Enfin dans mon souvenir tout du moins, l’ange me semblait plus cordial et diplomatique que l’originel, enfin que moi, quoi.

    J’entrai dans sa chambre, dont la décoration n’avait bougé d’un poil. Tout était encore là, poussiéreux mais bien là. J’observai avec quelle douceur, le temps avait vieillit la tapisserie, les cadres et les meubles. Je repensai à tout et ne pouvait aligner deux mots dans ma tête, mon esprit confus rendant impossible toute réflexion. Je m’approchai de son piano où nous avions passé tant de temps, enlevant le rideau noir entreposé dessus d’un geste ample, je le jetai sur le lit puis passai le doigt sur une dorure avant d’appuyer sur la touche la plus grave. Le bruit résonna, interrompit le silence, brisa la solitude qu’il fit fuir et si cela eut même le mérite de me faire sursauter, ce ne fut pas ma seule surprise.

    « Il est désaccordé. » soupira une voix dans l’ombre. Je me retournai.

    « Quel gâchis pour ce présent que l’on t’offrit pour tes cent ou deux-cent printemps, je ne sais plus vraiment. » et un rire s’échappa de sa bouche, mon cœur se serra.

    « Cela fait bien des siècles que je réfléchis à ce que je te dirai avec exactitude, quels seraient mes premiers mots que je voudrais t’adresser le jour où moi aussi, je rejoindrai ton au-delà. Et alors que tout un monde nous sépare toi et moi, je ne sais quoi te dire. » Repris-je, sans exprimer la moindre expression sur mon visage de glace.

    - Je savais qu’elle te confierait la dague.
    - Tu parles d’un héritage ! Je ne pourrai la revendre que pour un ou deux sous, pas plus.
    - Elle vaut assez pour te permettre de boire assez de sorte que tu ne puisses t’en souvenir le lendemain.
    - Je suis un génie au corps saint, un peu moins de l’esprit. J’ai arrêté la boisson quand j’ai commencé à voir des fantômes. C’est te dire si ça marche vu que tu te présentes là, devant moi.
    - Ton humour quant à lui n’a pas changé.
    - Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Je veux dire, me servir de la dague, te parler. Que puis-je en tirer ? Cela fait des siècles que je supporte cette pression intenable dans la poitrine, j’ai l’impression chaque jour que mon cœur va exploser et si même le temps n’a suffit à apaiser cela alors on aurait pu croire que te revoir, même sous cette projection qui ne projette au final qu’un demi millième de ce que tu étais, suffirait mais non. C’est encore bien pire depuis une dizaine de secondes.
    - Je te dégoute tant que ça ? Alors que deviens-tu ? Marié, deux enfants ?
    - Hum, c’est peu enviable. Pourquoi, Mitsuko ? Pourquoi cette conclusion-là ? J’avais aspiré à bien d’autres desseins...
    - Je le sais, Naram, je le sais…
    - J’aurais tant préféré que tu m’attendes.
    - Toi, tu n’as pas su attendre. Comment pouvais-tu espérer cela de moi. Tu es parti tout seul. Je t’avais pourtant supplié de rester à mes côtés. Mais pourquoi parler de ce qui ne peut être changé.
    - De quoi d’autre veux-tu qu’on parle ? Tu veux que je te raconte ce qu’il a de neuf dans la gazette ? Ce que j’ai mangé hier ? De quoi d’autre veux-tu qu’on parle ? Je n’ai jamais tourné cette page. Tout ce qui te concerne est encore vif à mon cœur. Toute chose qui te concerne de près ou de loin est les seuls instants qui rythment ma vie. De quoi d’autre puis-je parler. C’est justement ce qui ne peut être changé que j’ai du mal à accepter. S’il serait de bonne mesure de dire, qu’au jeu malsain que nous jouions, j’ai gagné et bien il n’en est rien en réalité. Ton esprit est en paix. Le mien ne cesse d’être nécrosé par toujours plus de rancœur et de remords. Je suis toujours sur cette Terre, aride, ennuyante, sans saveur, moi. Je dois toujours supporter le cours des évènements et les caprices des petits bourgeois ambitieux. Je dois vivre avec ces gens que je ne comprends plus ! Je dois les supporter, tout le temps ! Toi, tu n’as plus à te soucier de tout ça ! Qui a vraiment gagné ? Tu me hantes sans cesse. Cette malédiction est un fardeau, preuve que je n’ai rien gagné. Au contraire, c’est bien moi le grand perdant de cette histoire.
    - Le jeu a pris fin bien avant cela et tu le sais. Dès l’instant où tu m’as offert ce pendentif, nous avons su qu’il n’était plus question de jeu. Tu le savais pertinemment mais tu étais borné, imbécile. Pour toi, cela ne pouvait être sincère tant que je ne l’avais prononcé. Et pourquoi ? Pour ta fierté de mâle ?
    - Tu oses parler de fierté. J’hallucine. Pauvre garce. C’est ta fierté qui m’a poussé à partir. Trop fière. Trois mots, put*i*. Trois mots. Je n’attendais que ça. Etait-ce si difficile ? Je ne demandais ni la lune, ni une déclaration enflammée d’amoureux stupides et mielleusement ridicules à souhait. Non je ne demandais que trois mots, quitte à ce que tu ne les prononces qu’une fois dans ta foutue vie puis plus jamais. Mais une seule fois. Sérieusement, était-ce vraiment si difficile ? Je n’en valais à ce point, pas la peine ?
    - Aussi difficile que de me cracher ton prénom, pauvre idiot. Je n’en valais à ce point, pas la peine ? Mais tu étais trop fier. Trop fier pour te soumettre éternellement à moi. Toi qui ne rêvais que d’indépendance. Des siècles que nous attendons de pouvoir à nouveau nous parler et voilà que l’on repart dans les mêmes discordes. Tu n’as vraiment pas changé.
    - Toi, non plus, tu n’as pris une ride si ça peut te rassurer.

    Et nos regards qui se fusillaient comme deux fauves qui se tournaient autour s’adoucissaient doucement. Puis son rire vint à nouveau remplir la pièce et moi de même. La solitude n'était plus qu'une chimère. Nous étions deux vieux grincheux à se quereller puis à rire, à se moquer l'un de l'autre. Elle m'avait tant manqué, tant qu'aucun mot, aucun terme assez puissant n'aurait suffit à qualifier la chose. Peu m'importait la suite, peu m'importait le fait que cela ne durerait que quelques minutes, j'étais bien trop pris par le fait de pouvoir la voir, même si elle n'était qu'un reflet. J'étais trop obnubilé par sa beauté noire, son regard aussi assassin que dans mon souvenir, ce sourire sadique et pourtant plein de charme et de délicatesse. Tout ce qu'elle était dans sa perfection et son imperfection.
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Lun 26 Mar 2012, 03:37


    - Tu sais, Mitsuko. Lorsque j’ai tenté de mettre fin à mes jours l’autre fois, c’était pour pouvoir te retrouver.
    - Je sais.
    - Et si j’ai pactisé avec Dante. Si j’ai voulu devenir Mârid, si j’ai perdu mes souvenirs, si j’ai légué ton journal à ta descendante, si j’ai combattu mes vieux démons, affronté de nouveaux ennemis, si j’ai simulé de nouvelles amitiés, des sentiments, si j’ai traversé les océans, réalisé les souhaits aux rêveurs inutiles, si j’ai espéré qu’un nouveau jour se lève pour moi, si j’ai croisé le fer avec Delix et veillé sur elle. C’était pour toi.
    - Je sais.
    - Et pourtant, rien n’a fonctionné. Je me retrouve toujours au même point.
    - Quel pessimisme. Regarde autour de toi. Au-delà de cette petite chambre cloisonnée, de cet environnement fermé, intime, confiné, intemporel, le monde a bien évolué. Ma descendante est sur le point d’accomplir une grandeur ultime. A ta manière, tu y as contribué. Jun, cette coquille vide est aujourd’hui un homme avec une conscience, un esprit brillant, des sentiments, un cœur tout à elle autant que le tien m’appartenait. Regarde autour de toi Naram. Tout a fonctionné.
    - Alors pourquoi suis-je si triste ? Si seul ? Si pensif ?
    - Tu ne l’es pas. Tu veux l’être. Tu as toujours voulu tout porter sur tes épaules, tous les malheurs du monde et même ceux que tu ignores encore. Tu es un misanthrope borné sur l’idée intangible que ce monde est pourri. Comment trouver une quelconque compagnie ?
    - Je t’ai bien trouvé, toi.
    - Je ne suis plus là. Il faut que tu cesses de te raccrocher à ça. Je suis ton passé.
    - La mort t’a rendu bien moins égoïste. La Mitsuko que je connais aurait aimé qu’on la pleure pour l’éternité et plus encore et qu’elle puisse nous posséder encore et toujours, même après sa mort.
    - J’ai toujours eu un œil sur toi. Je t’ai guidé lorsque tu étais perdu sans même que tu ne le saches ou en ai seulement conscience. Je connais tes plans, abandonne-les. C’est une folie.
    - Bien, cela évitera des débats inutiles alors. Je suis déterminé.
    - Et combien mourront encore ?
    - Autant qu’il le faudra. Ta descendante, ma reine, a bien plus que ton ardeur. Je te l’accorde, j’ai peur parfois de me laisser prendre au piège car elle a bien ce charme qui vous caractérise tous dans la famille. Et puis elle a ce plus indescriptible que même toi, n’avait pas. Elle a ce je ne sais quoi, de différent, de passionnant, enivrant, j’ai parfois tant envie de plus la connaitre et d’autres fois, tant envie de l’oublier. Elle est un paradoxe, une peste, un collera, une indigestion, une migraine à elle seule, elle me donne la nausée et me file l’excitation. Elle est capricieuse, chiante et pourtant pleine de surprise. Elle m’énerve souvent ; mais je ferai toujours en sorte qu’il ne lui arrive jamais rien. Ne serait-ce que pour toi.
    - Je le sais. Et c’est bien cela qui m’effraye. Je sais de quoi tu es capable. Je sais aussi de quoi elle est capable.
    - Hum. Je crois qu’il est temps de te dire une chose…
    - Une chose ?
    - La vérité. La vérité, sur moi, Mitsuko. La vérité, sur ce que je suis. Il est temps que je te dise, comment je m’appelle. Ce que je ressens. Ce que j’ai tant ressenti à ton égard sans te l’avoir avoué car toi comme moi étions simplement trop cons.
    - Pourquoi maintenant ?
    - Pour être en paix. Mon prénom, mon amour, oui, mon prénom, que tu as tant voulu connaitre, que tu t’es promis de découvrir sans même desceller le moindre indice, ce prénom tant polémique, jalousé peut-être même parfois, ce prénom qui me lie sans limite à qui le découvre, ce prénom qui sont mes menottes, le fouet pour me battre, ma descente aux enfers, ma boite de Pandore, ce prénom pour lequel tu as tenté mille tentatives et pour lequel tu as reçu mille refus, ce prénom qui ne sont que quelques syllabes sans la moindre importance et pourtant à l’impact énorme, ce prénom qui est le rasoir du fil de ma vie, la raison de toutes tes hypothèses, oui, sans nulle attente, n’est autre que….

    Mitsu -> Grrr! Je te hais >.<
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Dim 20 Mai 2012, 20:19

    Jouant avec la dague qu'on lui avait offert, à cet instant, toutes ses pensées étaient insondables, si loin de tout, il la jetait, la faisait tourner dans les airs puis la rattrapait, se jouant du simple instant où la lame virevoltait dans les airs et où Mitsuko disparaissait pour réapparaître dès qu'elle retombait dans sa main.

    " Naram, parle-moi. " - " Je n'ai rien à dire. " - " Exprime-toi pour une fois ! Cesse de te confondre en explications, en divers procédés rhétoriques et libère-toi ! " - " Je ne dois pas " - " M'as-tu seulement pleuré ? " - " Chaque jour que dieu fait. " - " Mais aucune larme ne coule. " - " Car aucune ne peut couler. "

    Le génie se leva brusquement, d'un geste brute, il souleva le piano sans se soucier de son poids, un souffle animal l'accompagnait dans le tumulte des touches résonnantes sur leur longueur, elles défiaient l'apesanteur et seraient désaccordées à jamais. Oui, son regard bestial prenait le pas sur tout ce qu'il avait d'humanité, il déchira les rideaux, décrocha les tableaux et brisa les dorures de ses poings qui saignaient. Le fantôme de Mitsuko restait là, le visage entre l'inexpression et la tristesse entre les plumes volantes de coussins arrachés et les fracas des statuts qui ornaient la royauté de son sang, c'était comme si le génie voulait détruire ce souvenir.

    Tapant dans les murs de toutes ses forces, il se fichait des dégâts, du bruit, des conséquences, c'était comme s'il avait cessé de penser.

    Et dans cet air étouffé, l'on voyait les deux iris de Naram qui transperçaient comme deux néants, tout le bleu du rêve avait été anéanti pour qu'un ébène profond prenne place alors même que la nuit battait son plein. Avançant jusqu'au balcon où il agrippa fermement les barreaux de ce dernier comme s'il tentait de tenir sa vie entre ses mains tremblantes et abîmées, la dague accrochée à sa ceinture.

    Mitsuko avança à son tour au balcon jusqu'à se trouver juste à côté de lui, regardant dans la même direction, l'infinie aride de l'antre des damnées.

    " Je ne peux pas garder la dague. " - " Ne rêvais-tu pas de me voir ? " - " Bien plus que de vivre. Mais aussi paradoxal que cela puisse être, je comprends enfin pourquoi ton arrière petite fille m'a donné cette dague. " - " C'était un cadeau, pour que tu puisses me revoir, je ne comprends pas.. " - " Tu ne veux pas comprendre.. ô comme ton parfum me manque, tes mains ne caressent plus que le vide infini qui nous séparent. Mais je viens de comprendre comme... cela ne saurait me satisfaire. Tu dis que je dois avancer, oui, la dague à la ceinture, toujours hanté par le fantôme de la femme que j'ai détruit. Mais en réalité, la suite du chemin doit être, sans toi. "

    Le silence du fantôme glaça l'air si ambiante jusqu'à lors.

    " Tu n'es venue me parler Naram, que pour savoir si tes hypothèses farfelues étaient vraies ? Tu n'es venu que par curiosité car tu ne comprenais pas le geste de ma descendante ? Es-tu sérieux Naram ? C'est une blague, je t'en prie, dis moi que tu blagues. "

    Sa voix résonnait comme le grondement du tonnerre.

    " Pourquoi m'infliger plus de mal, sinon ? J'ai passé, je crois, des siècles à te penser, derrière moi, une main sur mon épaule lorsque j'avais peur, te serrant à moi lorsque j'étais seul, m'attendant sur ton lit lorsque je frôlais la mort, incapable de m'habituer à ton départ. En réalité, c'est moi qui t'attendais. Je t'ai tant attendu. J'en suis devenu fou et j'ai bien cru ne jamais pouvoir passer à autre chose. Mais pourquoi tant de temps à t'attendre ? L'amour ? Ou la passion ? Oui, je t'ai aimé, je t'ai aimé plus qu'aucun homme n'aimera jamais. Mais. Il n'est plus. Je ne peux pas vivre bras dessus-dessous avec un fantôme que je ne pourrai plus toucher, qui ignore un monde qui l'ignore. Tu n'appartiens plus à ce monde. Tu ne m'appartiens plus. Quelque part, tu ne m'as jamais appartenu alors que je t'étais dévoué, corps et âme. Comprends-tu ? "

    Incapable de dire ne serait-ce qu'un mot, elle ne faisait que le regarder avec toute la haine dont elle était capable.

    " Ne me lance pas ce regard-ci ma belle. Ce présent me fait réaliser à quel point tu n'es plus rien et à quel point, mon avenir est prometteur. Oui, il me promet tant de rires. Te garder avec moi, ici, serait égoïste. "

    " Crois-tu que l'on se reverra ? "

    " J'en suis certain. N'ai aucune rancune, tout cela était évident, prévisible. "

    " Naram, attends, laisse moi te dire une chose.. une chose que j'aurais dû dire plus tôt. Naram.. je.. "

    Lançant le poignard d'un geste rapide dans ledit piano dont les pieds étaient cassés, retourné sur le côté, le génie lâcha une longue et rogue respiration, comme un souffle de soulagement.

    Le génie coupa court à une conversation qu'il ne voulait pas voir se terminer. Ces mots-ci, il aurait tué pour les entendre par le passé, aujourd'hui il tuerait pour ne pas les entendre. Ce passé devait être enterré. Passant à côté, il appuya sur l'une des touches qui ne résonna plus, plus aucun son ne ressortant de l'instrument, symbole de leur relation. Ces trois mots-ci l'auraient tué s'il l'avait laissé les prononcer.

    Il quitta la pièce, silencieux, menteur d'une part, libéré d'une vérité d'une autre.
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Mitsu
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Mitsu
Dim 20 Mai 2012, 21:54

On n'avait annoncé ce qu'il s'était passé à Mitsuko quelques jours après son réveil. La jeune femme était encore bien instable, ne pouvant contrôler les pouvoirs immenses qui étaient sien à présent. Elle se sentait habitée par une puissance considérable, comme si elle pouvait faire tout ce qu'elle souhaitait. Cependant, la seule barrière à cela semblait être elle-même, les dons qu'elle possédaient ne souhaitant pas lui obéir. Le seul essai qu'elle avait fait avait détruire l'une de ses pièces préférées du manoir qui avait fait s'écrouler la partie gauche de ce dernier. Heureusement que les domestiques étaient les meilleurs que l'on puisse trouver sur ces terres, ceux-ci réparant la demeure à l'aide de leur magie. Quoi qu'il en soit, ce fut Seth qui annonça la nouvelle à la déesse, Jun ayant préféré garder le silence. A vrai dire, le sorcier savait que Naram s'était introduit dans la propriété en se faisant passer pour lui lorsqu'il avait croisé Seth, ce dernier se retrouvant même devant la porte où Naram parlait au fantôme de Mitsuko un court instant, hésitant à entrer. Seulement, il n'était pas prêt pour faire face au génie et avait préféré remettre la partie à plus tard, décidant de ne rien dire à la maîtresse des lieux. Seulement, Seth était différent et, ayant croisé Jun à des intervalles réduits et après avoir constaté l'état d'une pièce, la dague qu'il avait lui même envoyé à Naram planté dans le piano détruit à jamais, il en déduisit la conclusion.

A peine Mitsuko fut-elle au courant qu'un sourire étrange se dessina sur ses lèvres, un sourire que l'on aurait pu qualifier aisément de victorieux. Le majordome n'avait pas nettoyé la pièce depuis, préférant apprendre la nouvelle à sa maîtresse dans un premier temps. La déesse se rendit donc dans la pièce en question, seule. Elle observa les lieux, s'avançant d'un pas félin jusqu'au piano, admirant la dague ancrée dans celui-ci. On aurait presque dit une œuvre d'art. Appuyant sur une touche, aucun son ne sortit.

« Comme c'est dommage. »

L'un de ses doigts fins se fraya un chemin jusqu'à l'arme, touchant celle-ci délicatement. Le fantôme de Mitsuko apparut alors, fixant sa descendante avec un sentiment de haine qui se ressentait dans toute la pièce. La jeune femme sourit, contrastant avec l'expression de son ancêtre :

« Oh ne me regarde pas comme cela. Je ne voulais que t'aider. Mais apparemment, tu t'es plantée une aiguille dans le pied, n'est ce pas? »

« Le mensonge est facilement reconnaissable chez une femme ayant le même sang que soi. Tu es bien pire que ce que je pensais. »

« Tout de suite les grands mots, moi qui était pourtant venu t'annoncer une grande nouvelle... »

Mitsuko fit une légère pause avant d'interroger son ancêtre :

« N'es-tu pas curieuse de savoir de quoi il s'agit? Je te garantie que c'est une information bien intéressante. »

« Naram ne sera jamais à toi, le sais-tu? »

« Je prend donc cela comme un oui. »

Le visage de la déesse était mystérieux, mais dans son regard, il était facile de lire à quel point elle avait à présent le dessus sur son ancêtre. Pourtant, cela n'avait pendant longtemps pas été le cas. Elle commença donc son récit :

« Je pense que tu le sais car nous allons parler de ta propre sœur, Kazuki. »

L'attention de la reine déchue devint alors réelle, cette dernière se demandant sans doute ce que Mitsuko avait à lui apprendre qu'elle ignore.

« Il y a longtemps, la reine du bien a eu un fils qu'elle cacha aux yeux du monde, un Réprouvé nommé Sindis. C'était à l'époque de la dernière guerre angélique, celle qui enferma Lucifer dans ton corps pendant un petit moment, avant que tu le délivres et décides de procréer avec lui. »

« Comment es-tu au courant pour l'enfermement de... »

Mitsuko porta son index à sa bouche, faisant signe à son ancêtre de se taire :

« Tu oublies que tu t'adresses à une déesse ma chère. Quoi qu'il en soit, si j'ai eu connaissance de la mort de ta sœur et de son fils, ce qui est intéressant en revanche, c'est que sa descendance demeure introuvable. On sait que Sindis eut un fils et que la lignée continua, formant des êtres d'une grande puissance. Mais les traces s'arrêtent au bout d'un moment... »

« Tu veux dire que... »

« Que je ne suis pas la seule à descendre d'un ancêtre illustre. Quelque part sur ces terres, le descendant ou la descendante de ta sœur vit encore. Et il est bien entendu inutile de dire que je désire retrouver cet individu... »

Le silence s'installa et Mitsuko finit par terminer la conversation, s'adressant à son ancêtre avec un sourire :

« Quoi qu'il en soit, j'ai également des projets pour toi, mais je te les révélerai bien assez tôt, tu verras. Quant à Naram, qui te dis que je ne l'ai pas déjà? »

Puis, doucement, elle lâcha la dague, se dirigeant vers la porte afin de sortir. Insérer le doute dans l'esprit de son ancêtre avait été très divertissant. Peut-être reviendrait-elle la voir de nouveau d'ici quelques jours, afin de juger de son moral. La grande Mitsuko semblait n'être à présent qu'un animal de compagnie condamnée à ne recevoir de la visite que lorsque ses maîtres le souhaitaient. Pourtant, ce ne serait pas le cas longtemps car la déesse avait réellement des projets pour elle.

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