Décidément Elfrid, le vieux marchand de remède avec qui Finrodel faisait affaire, entendait parler de toutes sortes de chose au sujet des différentes herbes curatives... ou à usage plus malveillant qui poussaient sur les Terres du Yin et du Yang. Il avait expliqué à Finrodel qu'il recueillait depuis quelques temps des informations sur des plantes aquatiques plutôt rares qui possédaient des effets que n'avaient aucune plante terrestre connue. Il avait demandé au vagabond si il accepterait d'aller investiger à sa place, car lui-même devait garder l'échoppe en activité et n'était pas un très grand voyageur. Curieux de nature, surtout quand il s'agit des plantes, l'elfe se porte volontaire et arracha presque le recueil des mains d'Elfrid quand il le lui tendit. Les négociations étaient ensuite allées bon train et la conclusion en était que l'elfe devrait s'occuper de la nourriture, la conservation et tout autres items nécessaires à l'expédition. En contre-partie Elfrid achèterais un billet pour qu'il puisse s'embarquer sur un bateau à titre de passager d'importance, ainsi il obtiendrais plus facilement des droits de plonger, des possibilités de quitter le bateau pour exploration et des appartements suffisamment luxueux pour qu'il puisse travailler en paix et sans risque.

Finrodel était passé prendre le billet chez l'herboriste la journée même du départ et celui-ci lui jeta un regard horrifié.

- Tu ne vas quand même pas embarquer sur ce bateau avec un ticket de première classe habillé de cet façon?!

Il est vrai que l'elfe, qui portait ses habits tant pour le confort que pour la discrétion qu'ils apportaient ne cadrerait pas avec le type de client qu'il allait dégager. On se poserait trop de question sur la présence d'un vagabond dans une chambre de luxe. Il regarda son ami d'un œil hébété, lui faisant comprendre qu'il n'avait pas de tenus appropriés. Il ne possédait en effet que ses vêtements et une armure légère rouge et or qui n'aurait pas plus sa place. Puis son visage s'illumina et il demanda:

- Est-ce que tu as toujours mon vieil habit de cérémonie que je t'avait laissé? Il restera à toi, mais comme il me fait parfaitement...

Il ne termina pas sa phrase, Elfrid avait comprit et approuvait déjà l'idée. Il s'agissait d'une vieille tenue que l'elfe possédait fort longtemps auparavant alors qu'il était devenu l'un des élèves privilégié du Temple de Mishra en Télérie. Il s'en était séparé après avoir fait l'acquisition de son armure et pour rompre autant que possible avec son passé et son ancienne quête. Conservé en parfait état pendant plusieurs vies d'hommes, le tissus elfique dans lequel était composé ne se salissait, ni ne s'usait. Le costume était composé d'un pantalon taillé avec soin et d'un veston à longues manches complètement blanc. Une chemise de lin d'un brun sobre se portait sous le veston qu'il portait toujours détaché et de soulier de cuir légèrement doré s'harmonisait avec la couleur de la chemise. Pour compléter le tout, il portait un chapeau à rebords, blanc lui-aussi.

Saluant son ami Elfrid une dernière fois, l'elfe partie à vive allure pour ne pas rater le départ du bateau dans lequel il embarqua en tout dernier. Il passa rapidement sur le pont, portant lui-même ses bagages malgré les moult propositions des employés et rejoignit ses appartements d'un pas vif. Il sourit alors qu'il entendait sur son passage des commentaires quelques peu indigné des femmes de riche que se plaignait du mauvais service et qu'elles trouvaient horrible que l'homme important qu'il semblait être soit forcé de porter lui-même ses bagages... Décidément, elles étaient soient aveugles, soit complétement homnibulées par leur importance.

L'elfe était installé dans ses appartements depuis quelques minutes à peine qu'il les avaient déjà transformés en un champ de bataille où les recueils de textes se disputaient le terrain avec les instruments scientifiques et les objets d'entreposage de plante. L'elfe n'avait au final que très peu de bagages comparativement aux autres personnes présentes sur l'étage. En plus de son matériel d'analyse et de recherche qui prenait une large valise carrée, il apportait ses vieux vêtements de voyages et son matériel de survit dans un long sac souple à l'intérieur duquel il camouflait son sac de voyage usé. Il emballa ses vêtements de cuir souple dans une mince besace et se promit d'aller les cacher à l'extérieur des quartiers de la haute classe, ainsi il pourrait y aller et se changer discrètement pour ne pas trop attirer l'attention durant ses recherches.

Il quitta ses appartements avec le léger paquet en bandoulière, aujourd'hui il n'en aurait pas besoin puisqu'il comptait simplement faire un repérage des lieux à la recherche d'endroit discret et d'un lieu où la nourriture serait bonne, mais surtout abondante... Il pouvait être très conservateur quand le besoin s'en faisait sentir, mais si il en avait l'occasion, Finrodel démontrait un appétit à la limite de la gourmandise. Il devrait aussi entrer en contact avec un des membres du personnel pour connaître les endroits et les heures exactes des nombreux escales qui aurait lieu au cours de la croisière. Ce serait pour lui les moments idéaux pour partir à la recherche des espèces végétales maritimes des Terres du Yin et du Yang. Il trouva sans difficulté une hôtesse sur le pont principal du navire qui lui donnait méticuleusement les réponses à chacune de ses questions. C'est pourquoi, même si il se trouvait juste à côté de la rambarde du navire, il ne vit pas d'où l'homme était tombé ou se qui s'était passé, mais n'entendit que le son de celui-ci heurtant la surface de l'eau.

Son ouïe d'elfe n'était pas affectée par la forme arrondie de ses oreilles et c'est pourquoi il sembla être le seul à entendre le "plouf" du corps passé par-dessus bord. Laissant là l'hôtesse étonnée, l'elfe prit son élan et d'un seul bond ce retrouva de l'autre côté de la rambarde, en chute libre vers les profondeurs de l'océan. Il entendit faiblement l'hôtesse qui hurlait déjà:

- Un homme à la mer! Un homme à la mer!!

Puis se fut le choc à la surface de l'eau. Le pont principale se trouvait environ quinze mètre au-dessus de l'océan et Finrodel n'était pas un plongeur, il avait violemment heurté la surface de l'eau et ressentait le douleur se répandre dans son corps. Par chance, il arrivait encore à nager, ne ressentant qu'une douleur au haut du dos à chacun des coups de bras qu'il donnait pour se rapprocher de l'homme qui coulait lentement. Celui-ci disparu toutefois dans les profondeurs océaniques, alors que l'elfe était encore à prêt de vingt mètres. Voyant qu'il n'arriverait pas à temps, il s'arrêta et concentra son pouvoir. Pour que cela marche convenablement, il devait accompagné sa magie avec ses bras, sa télékinésie agissant uniquement comme une extension à son corps. Il se maintint difficilement à la surface de l'eau en agitant vigoureusement les jambes et tendit les mains vers l'avant, saisissant par pensé l'homme qui s'enfonçait toujours. L'elfe éleva lentement les bras vers le ciel, ignorant autant que possible la douleur toujours plus lancinante dans son dos. Le corps du pauvre homme finit par refaire surface. Il le laissa cependant dans l'eau jusqu'au cou, car ainsi le poids de l'homme était divisé par la densité de l'eau et Finrodel devait fournir moins d'effort pour le maintenir ainsi. Une bouée apparu alors entre eux deux, déconcentrant l'elfe pendant une seconde, l'homme menaça de sombrer à nouveau. Mais il fût rapidement reprit par l'étreinte magique du vieil elfe. Il ramena les bras vers son corps, approchant ainsi l'homme inconscient de la bouée.

Quand il fût finalement accroché, Finrodel relâcha ses pouvoirs avec joie, car il sentait ses forces de moins en moins actives. Il s'approcha à son tour de la bouée de sauvetage, mais avec une lenteur désespérante. Ses énergies l'abandonnaient et même si il ne ressentait plus une aussi grande douleur à son dos, il eut grand mal à atteindre la bouée de son salut.

Son dernier souvenir avant de perdre connaissance était celui d'une chaloupe qui s'abaissait aussi vite que possible du pont inférieur pour venir collecter les deux hommes lamentablement accrochés à la petite bouée rouge et blanche.

L'elfe reprit subitement connaissance. C'était une sensation étrange. Alors que son esprit reprenait lentement le dessus sur le néant qui l'avait habité, il réalisa qu'il sentait ses forces lui revenir... par le poignet! L'elfe était un guérisseur de longue date et même son esprit encore embrouillé avait de la difficulté à comprendre la situation, il était sur que la chose n'était pas normal et qu'elle ne découlait pas d'un guérisseur.

Quoiqu'il en soit, il ne s'en plaignait pas. Le système semblait fort efficace et il se risqua bientôt à ouvrir les yeux. On l'avait ramené sur le pont et il était entouré par de nombreuses personnes, probablement tous des témoins de la scène... Bravo pour la discrétion! Mais une personne, une dame, se tenait plus près de lui et tenait encore son poignet dans ses mains. Il voulu la remercier et lui expliquer que peu importe ce qu'elle avait fait, il l'en remerciait, mais il n'avait pas encore suffisamment de forces. Décidément ses nouveaux pouvoirs de guérison n'étaient pas encore tout à fait au point...

Elle prit alors la parole avant lui. Ses paroles le surprirent d'ailleurs. Il aurait imaginé entendre tout sauf sa en cet instant. Le fait qu'elle parle du destin ne l'étonnait, ni ne le dérangeait. De très nombreuses personnes y croyaient réellement malgré que lui n'avait aucun doute sur son inexistence. Ce qui l'étonnait c'était que cette femme croit réellement en ces propos suite à ses agissements. Avec le temps, il avait apprit à ne pas confronter les gens sur l'existence ou l'inexistence du destin, mais à jouer sur leur propre terrain pour défendre son opinion. Dans son étonnement, il trouva la force de parler et répondit:

Et si mon destin avait justement été de sauver cet homme de la noyade? Je n'aurais pas joué avec le destin, mais simplement été son instrument...

De plus, vous êtes fort mal avisée de me tenir ses propos alors que vous même venez d'intervenir pour me sauver. C'est un acte qui semble peut-être moins héroïque, mais il n'en demeure pas moins de même nature. Vous aussi vous avez usé de magie pour sauver quelqu'un. Sachez d'ailleurs que je vous en remercie aussi dûment que je puisse le faire dans cette situation.

Il fît alors une très brève pause durant laquelle il s'appuya sur l'un de ses bras afin de se retrouver en position assise. Il récupérait très vite maintenant et il pouvait sentir que toutes les contusions et blessures internes qu'il avait subit durant le sauvetage avait maintenant disparu. Signe que ses dons magiques fonctionnaient de nouveau et le supportaient dans sa guérison. Il reprit alors qu'il n'était pas encore complètement assis:


Et à qui dois-je l'honneur d'un débat théologique dès mon retour d'une inconscience???

Le soleil était chaud et vivifiant, aidant ainsi Finrodel à reprendre rapidement la totalité de ses esprits, les souvenirs clairs et nets de la cause de son inconscience lui revinrent et il souvient des raisons plus lointaines qui l’avaient entrainé sur ce bateau de croisière. Souriant de nouveau comme à son habitude, il se dégageait de lui cette assurance insouciante et un sentiment d’apaisement paisible. Il répondit avec sérénité :

Bon fût le hasard qui me mena à vous, Elly. Pour ma part, je m’appel Baan, apprenti au service d’un ami herboriste.

L’elfe détailla la femme qui l’avait tirée de sa fâcheuse situation pour lui découvrir des airs très orientaux avec une longue robe de type kimono et des cheveux sombres. Bien que déjà souriant, il lui donna un sourire, bien différent celui-ci. Un sourire qui contenait une véritable émotion de gratitude et de bonheur, bien plus qu’une simple démonstration de bonne humeur perpétuelle. Ce n’est qu’après cela qu’il réalisa ce que des dames encore en émoies s’époumonaient à radoter autour d’eux. Déjà elles amplifiaient toute l’histoire, comme les font ses personnes dont ils n’arrivent jamais et qui tentent de faire voir chaque petit incident comme une énorme aventure. Ils les refreina rapidement :

Une fête?! En l’honneur de quoi? Parce qu’un pauvre homme ne c’est pas noyé aujourd’hui? Et faite vous une fête à chaque fois que la capitaine permet au navire de faire une bonne et calme journée de navigation? Faite-vous une fête parce qu’en vérifiant quotidiennement le navire l’équipage évite tout accident fâcheux? J’en doute fort. Alors pourquoi en feriez-vous une maintenant?

Il se releva alors comme si ses forces ne l’avaient jamais quitté et dit à mi-voix, s’adressant uniquement à la femme près de lui :

Je vous remercie encore, Elly. Bien peu de gens ont le cran d’agir, mais vous l’avez eu et m’avez donné un fier coup de main. Puisse la fin de votre voyage être agréable et sans encombre.

Reprenant d’une voix plus forte, il lança au reste de la foule toujours présente :

Pour ma part, je vais aller me reposer dans mes appartements où j’espère bien trouver la seule que je mérite, un peu de calme et de solitude.

Et sans un mot, sans une parole de plus, il prit la route de sa cabine, un sourire toujours accroché sur ses lèvres. Ses paroles avaient été crues et directes, mais il ne les avaient pas prononcées avec méchanceté, gardant le ton notre d’un enseignant.

L’elfe ne s’était reposé que quelques minutes dans l’appartement nettement trop spacieux qu’on lui avait indiqué lorsqu’il c’était embarqué sur le navire de croisière. Il se sentait très bien à présent, toutes ses énergies semblaient lui être revenues, il repensa à la guérisseuse qui l’avait aidé et ce dit qu’elle avait un bien étrange talent… Elle avait guérit ses blessures, mais celles-ci n’étaient que bénignes, c’était surtout son énergie qui lui était revenu, comme si il avait passé une nuit entière à dormir. Elle devait être plus douée qu’elle ne lui avait laissée entendre pour l’avoir aussi efficacement remis sur pied.

De toute manière, l’important c’était qu’il était de nouveau sur pied et qu’il se sentait l’énergie nécessaire pour reprendre le travail qui lui avait valu une place à bord. Ouvrant doucement la porte de ses appartements, il glissa un œil discret et ne sorti que lorsqu’il fut assuré que personne ne se trouvait dans le corridor. Il tourna quelques coins en direction de l’arrière du bateau, se cachant dans un mince coin d’ombre à une ou deux reprises afin d’éviter des gens. En une occasion il croisa un jeune couple d’amoureux, par chance, aucun des deux ne le reconnu, après tout, il n’y avait pas tant de gens que sa sur le pont supérieur au moment de l’incident. C’est ainsi qu’il arriva sans encombre à l’arrière du bateau à la nuit tombante.

Le bateau faisait halte à chaque nuit à une centaine de mètres d’une île différente à chaque soir pour permettre aux gens qui le voulaient d’aller passer la nuit sur la terre ferme, c’est lors de ces pauses que Finrodel avait l’intention de partir en quête de nouvelles variétés d’algues. Il avait apporté dans son équipement d’herboriste quelques objets en plus pour lui permettre d’aller jusqu’au fond de l’eau. Deux sacs de peau qu’il remplissait de sable ou de pierre, comportant chacun une longue corde cousinée qu’il s’attachait à la ceinture afin d’aller rapidement vers le fond. Et un sac complétement étanche qu’il remplissait d’air à la surface et qui lui permettait de prendre une vingtaine de bonnes respirations lorsqu’il était sous l’eau. Et finalement, une herbe luminescente qui conférait suffisamment de lumière pour que l’elfe puisse voir dans la profondeur marine.

Malgré le bon fonctionnement de tout son matériel, cette soirée fut un complet insuccès et après une troisième plongée sans parvenir à trouver autre chose que du sable marin et des algues communes sans grande valeur, l’elfe décida de ranger son équipement et reparti, détrempé et déçu, vers son appartement. Il passa par le pont supérieur qui était un chemin beaucoup plus direct que son précédent trajet, de toute façon à cette heure il faisait très noir et la grande majorité des gens dormaient déjà.

Finrodel avait laissé derrière lui tout son équipement pour chercher ses algues, car il avait eut la chance de trouver un petit espace discret dans lequel il avait facilement pu y faufiller toutes ses affaires. C'était beaucoup plus pratique pour lui de cette façon et c'était également plus discret. Quand la Dame lui retourna la question, l'elfe n'était donc encombré d'aucun objets trop fortement compromettant. Il n'était pas dans son intention de mentir, il ne mentait jamais de toute façon. Mais ne pas dévoiller toute la vérité n'était pas un mensonge, pas plus que le refus de répondre. Seulement si il avait eut son matériel sur lui, cela aurait compliqué les choses.

J'ai toujours préféré le clame que la solitude apporte au tumulte des foules. Et vous avez bien raison, la mer est particulièrement belle la nuit.

En allant au fond des choses, ce n'aurait pas été très grave que quelqu'un connaisse les véritables raisons de son voyage à bord. Mais il avait promit la primeur des découvertes à son vieil ami herboriste, il n'avait pas envie que des gens s'intéressent de trop prêt à l'affaire. De plus, si on racontait qu'il faisait de la plongée seul le soir venu, les membres de l'équipage pourraient venir l'en interdire. Il doutait que ce genre d'activité soit apprécié par la clientèle du vaisseau et doutait également que les responsables trouvent cela très sécuritaire.

L'elfe s'apprétait à souhaiter la bonne nuit à la Dame sur le pont, mais il réalisa qu'il n'était pas fatigué. Depuis que l'étrange femme qui l'avait aidé plus tôt dans la journée lui avait redonné des forces, il se sentait très dynamique. C'était probablement se que les êtres mortels appelait "se sentir jeune à nouveau". De plus, il aimait réellement discuté tard la nuit. Quelque chose qu'il avait découvert des années plus tôt alors qu'il avait dialoguer sur les concepts du bien et du mal avec une Ombre.

Si vous ne comptez pas retourner dans vos appartements dans l'instant, pourrais-je me permettre de vous tenir compagnie?